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Wellington | Fabrique urbaine

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Verdun, Québec H4G 1R3
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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

11 variations sur un thème

October 25, 2021 John Voisine
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11 brefs essais pour des villes résiliantes et durables. Réflexions de la relève municipale. Préface de Jonathan Durand folio et postface de Catherine Fournier, Éditions Somme toute, 2021, 189 pages.

L’idée de monter un ouvrage composé de onze essais écrits par des élu.es et de faire coïncider sa sortie avec les élections municipales à venir (les 6-7 novembre prochain !) ne manque pas d’intérêt. Du moins, cela coïncide pleinement avec notre désir d’utiliser ce prétexte pour aborder les thèmes d’actualité qui s’y rattachent. Dans cet essai, on serait même convié, s’il faut en croire la couverture, à lire des « réflexions » qui nous proviennent non pas d’élu.es de la traditionnelle « machine politique municipale » rendue célèbre lors de la Commission Charbonneau, mais plutôt de la « relève municipale », une nouvelle génération d’élu.es qui aimeraient vraiment nous convaincre que les petites municipalités « [les villes] peuvent sauver le monde ».

Il est vrai qu’à défaut de toujours pouvoir faire les choses autrement, ce sont certainement des élu.es qui ont été, à l’échelle municipale, confrontée à une série de défis « nouvellement génération », au cœur des moyens mis en œuvre afin d’y faire face. Ces défis, comme l’urgence climatique et les outils de plus en plus contraignants déployés pour s’en accommoder, les bouleversements de la nouvelle économie, les suites de la crise sanitaire, sont universels. Ce n’est pas un hasard si les élu.es choisis pour écrire ces essais sont presque tout de municipalités hors des grands centres ; leurs émergences, même si universelles, ont un côté très spécifique et méconnu, mais non moins réel. C’est aussi la première génération d’élu.es à gouverner sous l’égide de la nouvelle loi réconfortant les municipalités dans leurs rôles de « gouvernement de proximité » ; toujours plus de pouvoirs et toujours aussi peu de moyens. On ne sera donc pas surpris de lire qu’aucun des élu.es de la « relève municipale » ne semble s’être senti appuyé par les nouveaux outils réglementaires rendus disponibles par la nouvelle loi.

Dans la préface, les textes sont identifiés comme adoptant « une posture […] “d’idéalisme pragmatique” », ce qui n’est pas faux. Mais il est douloureux de constater, dans ce Québec du 21e siècle, que les municipalités doivent faire toujours plus avec des outils limités et avec l’impôt foncier comme seule ressource financière autonome ; un moyen dépassé et régressif, aux effets pervers qui n’iront qu’en s’aggravant.

Tags 11 brefs essais, Villes résilientes, Politique municipale, Villes durables, Élection municipale

Scènes de la vie municipale

October 18, 2021 John Voisine
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Introduction à la vie municipale québécoise. Sous la direction de Jean-Patrick Brady, Presses de l’université Laval (PUL), 2019, 233 pages.

Avec les élections qui approchent à grands pas dans trois semaines, je poursuis cette série de lecture d’ouvrages ayant tous comme thème principal la gouvernance municipale dans la province. Dans ce petit manuel qui dépasse vite sa facture didactique et « d’introduction » à la vie politique municipale, les auteurs des perspectives choisies pour dresser ce portrait de première instance démontrent une habileté heureuse à synthétiser et à faire avancer leurs thématiques respectives. Toutefois, si la lecture de ces textes donne une impression de faire du sur place, ou d’un avenir tout aussi incertain que le passé, remplit de frustrations et de ressources insuffisantes, cela n’est certainement pas attribuable à autre chose qu’au portrait réaliste de la politique municipale offert par l’ensemble.

Dans un premier temps, disons que tous les participants à l’ouvrage ont bien conscience d’écrire à peine un an après l’adoption du projet de loi 122, dite Loi visant principalement à reconnaître que les municipalités sont des gouvernements de proximité et à augmenter à ce titre leur autonomie et leurs pouvoirs. Encore maintenant, en octobre 2021, les effets de cette loi sont très incertains, et même si le nombre des lois, chartes (de villes), codes (de la sécurité routière et municipale), règlements (un seul) et décrets touchés par cette loi est impressionnant, la vérité simple est que les effets ne se sont pas encore véritablement fait sentir. De plus, un des éléments les plus controversés intégrés à la législation (et demandé avec insistance par l’UMQ), soit le pouvoir d’abolir l’approbation référendaire, si les exigences réglementaires de participation publique sont respectées, semble faire chou blanc, trois ans après l’adoption de la loi.

Une des autres caractéristiques de la législation est justement de donner plus de responsabilités aux municipalités. Mais tout ceci sans faire la correspondance avec des moyens équivalents, ce qui permettrait de prendre en charge ces responsabilités croissantes. Dans ce répertoire, le cas des logements sociaux est particulièrement éloquent ; il y a en effet un renforcement des pouvoirs réglementaires (art. 13, dont Montréal s’est prévalue), mais les moyens financiers sont demeurés fermement entre les mains de la législature provinciale.

Sur les traces d’Introduction à la vie politique municipale québécoise

C’est donc un peu avant cette aube nouvelle (que l’on devine semblable à la dynamique, plus que centenaire, de subordination) que les huit chapitres présentent leurs matières. Mais loin de rendre ce matériel caduc, on sera heureux de parcourir un premier chapitre simple et efficace sur l’histoire du cadre législatif municipal, un autre sur les enjeux de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire ou, même si nous venons juste de lire un livre du même auteur sur la question, un autre sur le concept d’innovation municipale. Pour rester dans le domaine des idées familières, pour les avoir abordées dans cet espace, le deuxième chapitre mentionne l’acupuncture urbaine et l’urbanisme tactique comme moyens d’action (politique) dans l’espace urbain, tout en allant beaucoup plus loin sur ces manifestations actualisées du « droit à la ville ». Et comme pour faire suite au propos de Nettoyer Montréal, un texte fait de rappels surprenants est consacré aux suites de la commission Charbonneau et aux notions d’éthique et de déontologie (comme le souligne l’auteur, trop souvent confondue !) dans le monde municipal.

Un des chapitres les plus intéressants du volume, probablement parce qu’il était aussi très éclairant pour moi, est celui sur les moyens de développement économie utilisé par les municipalités (ou en leurs noms). Au-delà des politiques ou plans stratégiques implantés, cette question met en relief la dépendance des gouvernements municipaux et des administrations régionales (MRC) envers les initiatives ou les visées spécifique de la province. Pour le moment, une des rares échappatoires demeure une place dans le réseau (assez exclusif) des « villes créatives ».

Je l’ai évoqué, le point qui laisse sceptique dans la nouvelle législation sur les « gouvernements de proximité » est le silence sur les moyens financiers ; aucun nouveau pouvoir délégué substantiel. Il y a justement un chapitre qui fait ce contraste entre le vaste répertoire des « responsabilités municipales » (effectives ou potentielles) et les moyens datant d’un autre siècle (l’impôt foncier) mis à leurs dispositions des municipalités afin d’aller chercher des revenus. Nul besoin de souligner qu’un gouvernement, aussi « de proximité » qu’il soit, sans véritable indépendance financière, aura toujours de la difficulté à agir de manière pleinement responsable et autonome.

Tags Introduction à la vie municipale québécoise, Jean-Patrick Brady, Cadre législatif, Urbanisme, Aménagements urbain, Fiscalité municipale

Plus propre

October 11, 2021 John Voisine
Nettoyer Montréal Nettoyer Montréal Nettoyer Montréal Nettoyer Montréal Nettoyer Montréal

Nettoyer Montréal—Les campagnes de moralité publique, 1940-1954. Mathieu Lapointe, Éditions du Septentrion, 2014, 395 pages.

Pour les Montréalais (de cœur, de résidence et d’amour !) de ma génération, si l’on connaît quelque chose du Montréal des années 1940-50, c’est surtout pour sa réputation (que l’on imagine un peu surfaite) de « swing city » musicale, de « ville ouverte » aux jeux et à l’alcool, de cité accueillante et tolérante de tous les « vices commercialisés ». Additionnez le tout d’un certain « je ne sais quoi » d’exotique et risqué (sorte de « Paris » nord-américain, à rabais), lieu par excellence d’une « marchandise » féminine facile, et le portrait est complet. Dans le meilleur des cas, cela donne des histoires comme celles racontées dans un roman de Mordecai Richler ou dans les mémoires spécifiques à cette période de Bill Weintraub, City Unique. Les locaux et les gens de passage profitaient pleinement des agréments de la métropole canadienne. Tellement que, plus de 60 ans après que nos quartiers et nos mœurs politiques municipales s’en soient extirpés, ces caractéristiques illicites viennent trop facilement à l’esprit d’un néophyte à la nostalgie déplacée.

Dans l’extraordinaire travail d’histoire qu’est Nettoyer Montréal, on apprendra que l’on n’avait pas absolument tort d’être marqué par cette caractérisation de Montréal comme d’une cité au centre du commerce des plaisirs illicites et de la tolérance du vice. L’auteur, qui semble s’être fait une spécialité du thème de la corruption municipale, nous brosse ici un portrait magistral de cette histoire, autant sur le plan intellectuel que sur le plan matériel ; le portrait d’une métropole tenaillée par un « underworld » criminalisé, agissant avec la complicité tranquille des édiles municipaux et d’une police « autonome ». C’est aussi (surtout même) l’histoire fascinante d’une génération montante de la classe moyenne « canadienne-française » qui commençait à se définir de façon moderne et qui était de plus en plus inconfortable de constater son exploitation et ses humiliations en continu dans cet univers urbain qu’elle souhaitait maintenant mieux maîtriser, contrôler et forgé selon ses idéaux.

Le fait que ces « vices commercialisés » s’exposaient avec impunité et nonchalance dans la cité, qu’ils sont la source d’une économie essentiellement illicite d’exploitation et d’une humiliation croissance à l’échelle nationale et continentale, deviendra vite, au sortir du deuxième conflit mondial, l’élément de cristallisation qui militera en faveur d’un « nettoyage ».

Sur les traces de Nettoyer Montréal

Celui qui finira par bénéficier le plus, sur le plan de la politique municipale, est certainement le futur maire pour les 30 prochaines années, à partir de 1954 (avec une éclipse de 1957 à 1960), Jean Drapeau. À cette époque, il était certainement un réformiste, un des membres fondateurs du Comité de moralité publique (CMP), qui demandait la constitution de ce qui deviendra l’enquête Caron, sur le « vice commercialisé ». C’est en fait grâce aux efforts concertés du CMP et d’une série d’articles chocs, sous le plume de l’incomparable Pacifique Roy « Pax » Plante, paru dans le journal Le Devoir (et plus tard transformé en livre tout aussi choc), que la mobilisation atteignit un niveau tel que même le monde prodigieusement hermétique de la classe politique municipale montréalaise a dû finalement autoriser l’enquête.

En fait, lors du début de l’enquête Caron, Montréal se situait dans le sillage de plusieurs grandes villes nord-américaines qui passaient à travers une période de questionnement, d’enquêtes et de réformes (idéalement), suite à la prise de conscience dans le public du phénomène de la criminalité organisée. Au niveau fédéral américain, des enquêtes-chocs comme celle du comité sénatorial Kefauver ou de films (noirs) comme The Captive City (présenté à Montréal par le CMP) contribuent toutes, à leurs façons, à la volonté populaire de « reprendre » le contrôle des affaires municipales d’entre les mains des élites traditionnelles ou des diverses « machines » politiques.

On pourrait croire que les grands partis provinciaux de l’époque, l’Union nationale et le parti libéral, se seraient fait les grands défendeurs de ce mouvement citoyen d’expositions et d’éradication de la corruption et du vice. Mais pour des motifs bien différents, dans le premier cas, pour cause d’un « conservatisme » assimilant ces manifestations illicites à des motifs personnels, essentiellement l’affaire « d’étrangers » de passage dans la métropole et dans l’autre cas, pour cause de proximité aux élites municipales impliquées, leurs résistances quasi actives sur ce front est quelque chose qui mérite sa propre histoire.

Cela dit, dans son champ d’analyse historique, à l’échelle municipale et pour ce portrait tout en nuance d’un combat émanant authentiquement d’une société civile canadienne-française urbaine, en construction de son identité moderne, ce livre est d’une lecture essentielle.

Tags Nettoyer Montréal, Mathieu Lapointe, Montréal, Réforme municipale, Corruption

Le Griffintown de jadis

October 4, 2021 John Voisine
The City Below the Hill The City Below the Hill The City Below the Hill The City Below the Hill

The City Below the Hill—A Sociological Study of a Portion of the City of Montreal, Canada. Herbert Brown Ames, introduction by P.F.W. Rutherford, University of Toronto Press, 1972 [1897], 116 pages.

Sans rien dévoiler de la qualité de l’œuvre, ni de son propos, il est difficile de penser à un titre qui reflète mieux le contenu d’une enquête socio-urbaine, comme ceux que les réformistes de la fin du 19e siècle semblent en avoir eu le secret. Avec un titre comme The City Below the Hill, on sait immédiatement qu’on n’aura pas affaire à une tranche de vie à Westmount ou d’autres quartiers cossus à l’ombre du couvert végétal prospère du mont Royal. Aucune confusion possible avec ce que l’auteur identifie lui-même comme ce monde exclusif de la « the city above the hill, […] home of the classes. Within its well-built residences will be found the captains of industry, the owners of real estate, and those who labor with brain rather than hand » (p. 6).

Représentant du meilleur d’un homme de sa classe et des prédilections progressiste, mais conservatrice de l’époque, Herbert Brown Ames se penche ici, dans un esprit de charité et de philanthropie teinté d’une forte dose de paternalisme, sur les conditions matérielles des habitants des quartiers « below the hill ». Il s’agit d’une zone près de l’entrée du canal de Lachine, délimité à l’est par la rue McGill jusqu’au square Victoria, à l’ouest par « the city limits » (environ l’axe de la rue Laprairie), au sud par la rue Centre et le Canal lui-même, et au nord, la falaise, alors occupée par la ligne du Canadian Pacific (et maintenant aussi l’autoroute Ville-Marie). Aujourd’hui, ce sont les quartiers de Griffintown, la Petite-Bourgogne, et un petit bout de Pointe-Saint-Charles (PSC) qui animent ce territoire urbain.

Il faut bien admettre que pour l’époque et pour Montréal, l’ouvrage est unique et précurseur. Herbert Brown Ames, se retrouvant à la tête d’un consortium d’affaire familiale ; il sera de cette classe d’hommes qui profitera de la position et de l’héritage de sa famille pour consacrer une partie considérable de ses énergies à la réforme (ultimement avorté) de l’administration municipale montréalais. Il est un des organisateurs de la Volunteer Electoral League, qui, sur une plateforme de lutte contre la corruption, le portera jusqu’à se faire élire comme conseiller municipal, de 1898 à 1906.

Sur les traces de The City Below the Hill

Les dix « chapitres » présentés ici sous forme de livre ont été, à l’époque de leurs publications en 1897, absorbé par le lecteur à travers une série dans le quotidien The Montreal Star (pratique courante à l’époque). Pour en arriver à ce compte rendu, qui se voulait avant tout factuel, Herbert Brown Ames (HBA) a eu recourt à des techniques de démarchage, de prise d’information, qui ne seraient pas reniés aujourd’hui. De ce travail, l’auteur en tire un ensemble de données statistiques permettant, à défaut de comprendre dans son humanité cette population, de brosser un portrait aussi factuel que possible de leurs conditions (assez pénible) de subsistance. Comme cela était aussi en vogue à l’époque, l’auteur a représenté ses résultats sur autant de cartes du secteur, permettant ainsi de géolocaliser (19th-century style), les situations problématiques.

Même si le Griffintown, la Petite-Bourgogne et PSC du tournant d’un autre siècle se laisse assimiler, géographiquement parlant, aux quartiers que nous connaissons, on fait référence ici à un monde aussi sociologiquement qu’urbainement (pour faire un néologisme) révolu. « The city below the hill » d’alors est non seulement le cœur industriel du Canada, mais aussi un milieu de vie pour la vaste majorité des gens y travaillant de leurs mains ; des hommes, des femmes et même des enfants qui contribuent à la subsistance de leurs ménages. Au-delà de la densité des habitations, « cheek by jowl » avec les industries, le manque d’espace naturel (ironiquement, il y a maintenant un parc HBA) et un certain « overcrowding » des milieux de vie (le fléau des « rear tenements »), la vraie situation problématique est celle du déficit en équipements sanitaires (eau et égouts branchés). Ce sera le grand combat du début 20e siècle à Montréal.

Non content de faire ses diagnostiques sociaux et urbains, HBA utilisera sa fortune (et encouragera les hommes de sa classe à faire de même, sans succès) pour réaliser, entre les rues Ann et Shannon (intersection rue William), le Diamond Court, un complexe « of workingmen’s dwellings » (p. 108-109), un type de projet découlant de la philosophie du « 5 per cent philanthropy » (et comme tout dans ce quartier, maintenant plus qu’un souvenir). J’aimerais à explorer cette pratique dans l’année qui vient.

Tags The City Below the Hill, Herbert Brown Ames, Griffintown, Urban sociology, Housing

Service public

September 27, 2021 John Voisine
L’innovation municipale L’innovation municipale L’innovation municipale L’innovation municipale

L’innovation municipale—Sortir des sentiers battus. Gérard Beaudet et Richard Shearmur, Les Presses de l’Université de Montréal (PUM), 2019, 119 pages. [lu en version PDF sur Books]

À première vue et selon certains préjugés malheureusement bien implanté dans notre culture, il est difficile de trouver deux mots qui se contredisent autant que « innovation » et « municipale ». Pour innover, il faut vouloir aller au-devant des défis, contribuer une idée ou un processus dans un domaine souvent déjà bien implanté et établi dans sa façon de faire. En d’autres termes, avoir le courage et l’audace de proposer, d’entreprendre ou d’implanter des solutions nouvelles. Le monde municipal, pour sa part, est, semble-t-il, aux antipodes de cet esprit entrepreneurial qui cultive l’innovation. Fait de processus éprouvés, de tâches fixes et d’ouvrage avec comme seul critère d’exécution le plus bas coût possible, c’est parfois un parcourt périlleux et rempli d’embûche que l’employé municipal, le fonctionnaire ou le chef de service qui voudrait être le porteur d’une innovation doit franchir avant de la faire implanter.

Ainsi, la grande force de cet ouvrage sera, premièrement, d’effacer tout préjudice que nous pourrions avoir sur la possibilité d’une « innovation municipale » et, deuxièmement, de nous ouvrir les yeux sur l’immense potentiel latent en termes d’innovation à ce niveau de service public et de gouvernance.

Prenant simultanément prétexte des 15 ans des prix Mérite Ovation municipal, décernés annuellement par l’Union des municipalités du Québec (UMQ) et des 100 ans d’existence de cette organisation, la commande avait été donnée aux professeurs et urbanistes bien connus du milieu (chacun à sa façon) Gérard Beaudet et Richard Shearmur de faire un historique/bilan/survol de l’innovation telle qu’elle se conjugue dans le monde municipal. Les auteurs ont aussi servi quelques années sur le jury qui évalue et sélectionne les candidatures gagnantes et récompensent, justement, selon plusieurs catégories, ces innovations issues des municipalités de la province.

En fait, dès le premier des quatre chapitres de l’ouvrage, le lecteur est amené à constater que le monde municipal doit, depuis ses origines et par le fait même de ses fonctions, être à la source de plusieurs innovations, autant sur le plan pratique (dans sa manière de faire ses prestations de services) qu’en réponse aux enjeux fluides qui affectent ses populations au fil des époques.

Sur les traces de L’innovation municipale

En plus de la mise en contexte historique contenu dans le premier chapitre, informative, originale et calquée aux particularités de la province, c’est le deuxième chapitre, consacré à l’innovation en terrain municipal, qui est essentiel et persuasif. Les auteurs y assoient les paramètres nécessaires pour distinguer la notion d’innovation de son association conventionnelle avec le monde entrepreneurial (privé), pour l’accorder et le caractériser dans son acception municipale (le service public). Outre le fait de découler de motifs bien différents qu’en entreprise, la finalité de l’innovation en milieu municipal est toute autre que celle du secteur privé ; pas question ici de se permettre des externalités nuisibles à la collectivité à la suite de l’implantation de l’innovation ! En dernier lieu, même si la recherche du profit ne sera jamais l’impulsion première de l’innovation municipale, cela ne veut pas dire que les contraintes financières (de budget) ne peuvent pas en être à la source. En effet, la plupart des innovations, qu’elles soient entrepreneuriales ou municipales, trouvent racines dans une contrainte à surpasser ou à exploiter.

Les auteurs font aussi une analyse de la distribution des lauréats et de l’évolution du prix Ovation depuis son introduction en 2004. En fait, il est intéressant d’apprendre qu’il a été conçu après qu’un rapport du Conseil de la science et de la technologie du Québec (aboli) en arrivait à la conclusion que l’innovation dans l’univers municipal ne savait pas se reconnaître ; difficile d’encourager l’émulation dans ces circonstances. Sur cette note, il est enfin aisé d’aller sur la page Mérite Ovation Municipale de l’UMQ pour s’informer des projets innovateurs lauréats depuis 2015 (les autres se trouvent dans la revue de l’UMQ, ou le rapport annuel).

Je termine avec quelques découvertes apportées par la lecture du livre. Sur les sociétés distinctes de nos banlieues cossues montréalaises : Des sociétés distinctes—Gouverner les banlieues bourgeoises de Montréal, 1880-1939. Pour en découvrir plus sur les innovations citoyennes en milieu rural, Sainte-Camille, le pari de la convivialité semble intéressant. Et finalement, pour un primer sur le monde de la gouvernance municipal de la province : Introduction à la vie politique municipale québécoise.

Tags L'innovation municipale, Beaudet, Shearmur, UMQ, Ovation, Municipalités

Canadian Urban Dreams

September 20, 2021 John Voisine
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Urban Nation—Why we need to give power back to the cities to make Canada strong. Alan Broadbent, Harper Collins Canada, 2008, 244 pages.

Le plus souvent, de nos jours, lorsqu’on entend dire que nous sommes une « urban nation », on n’aura pas tendance à s’imaginer que nos villes sont des cités-États ; comme autant de mini Singapour ou de petites principautés à la Monaco ou Saint-Martin. Il semble plus évident de comprendre que nos villes forment l’essentiel des concentrations de population et d’immigration, nos centres créatifs, artistiques et intellectuels. Elles sont fondamentalement les engins modernes de la vitalité culturelle et économique du pays. Dans le cas de la vaste majorité des cités canadiennes et de l’Amérique, c’est le cas depuis même bien avant la Deuxième Guerre.

Certainement, il faut constater que dans notre contexte constitutionnel canadien, cette puissance des villes ne se traduit pas toujours, même rarement, en leviers politiques équivalents. Qu’elles soient vues comme des « filles de la Province » (dixit Maurice Duplessis) ou de simples « créatures », les villes ont depuis leurs fondations eu à gérer une situation où les demandes sur leurs ressources dépassent de loin leurs capacités à fournir. Aussi, en tant que gouvernement essentiellement « administratif », il n’existe aucun moyen pour elles d’aller chercher, sans le consentement du « parent » provincial, les ressources financières qui seraient nécessaires pour répondre aux attentes croissantes et diversifiées de sa population. Et cette dernière qui n’y recherche pas moins, et avec raison, sa prospérité.

Mais alors, si une majorité de la population vie dans les centres urbains, pourquoi ceux-ci ne semblent pas faire plus de poids aux niveaux fédéral et provincial ? La représentativité parlementaire donne encore une voix disproportionnée aux régions et dilue grandement l’impact politique des villes. De plus, la constitution donne en exclusivité aux provinces le pouvoir de constituer (ou non), de former (ou non), de déléguer (ou non) un pouvoir à toutes municipalités, selon la manière dont elle l’entend et ceci, jusque dans la capacité de la faire disparaître. Envisager qu’une province puisse se départir volontairement d’un tel pouvoir est aussi impossible que, pour paraphraser une expression connue, d’envisager qu’une assemblée législative provinciale puisse scinder son territoire pour en exclure sa ville la plus productive et lui remettre les mêmes pouvoirs qu’une province.

Sur les traces d’Urban Nation

C’est pourtant le « suspension of disbelief » que nous demande de faire Alan Broadbent dans ce livre. L’analyse de la situation tragique et assez unique dans lequel se trouvent nos villes canadiennes, mais principalement les grandes villes-régions que sont Montréal, Toronto et Vancouver, est des plus justes et cinglantes. À l’échelle nationale, ces villes regroupent l’essentiel de la population et en sont évidemment les principaux engins des avancées sur le plan intellectuel, culturel et économique. Dans leurs provinces respectives, ces villes et leurs grandes régions sont les générateurs contemporains de la richesse et de la croissance pour une vaste partie de la population.

La question que tente ici de résoudre l’auteur est celle du canyon entre les villes comme centre de création polycentrique, multifonctionnel et pluridisciplinaire contemporain et le traitement infantilisant et régressif, sur le plan politique, dans lequel nos institutions cadrent ces entités urbaines. Ne devraient-elles pas disposer de pouvoirs au moins équivalents, ou du moins avoir la capacité d’acquérir un poids politique et contrôler leurs destinées avec la même aisance qu’une province ? L’auteur montre bien comment l’évolution de l’économie canadienne, qui est passé de pays qui, à sa fondation, en était un de régions-ressource, avec quelques villes de « contrôles » et industrielles, à fini par basculer, assez rapidement, vers une économie où le rôle de quelques villes-centre n’était plus en soutient à l’arrière-pays générateur de richesses, mais sont devenue elles-mêmes les principaux centres de la création de cette richesse. Mais à ce point, tous les pouvoirs étaient déjà entre les mains des provinces.

Malheureusement, s’il y a un domaine où l’on ne se laisse jamais convaincre par des arguments factuels ou des statistiques, aussi raisonné et pertinent qu’ils soient, ni hier ni aujourd’hui, c’est bien celui de nos institutions politiques. Surtout avec nos sensibilités toutes particulières et nos âpres jalousies de pouvoir, autant au Québec que dans les autres provinces. Ce livre a toutefois le mérite et le courage de proposer que nos villes puissent enfin exercer un pouvoir politique et décisionnel concomitant avec leurs importances. Pourquoi ne pas envisager ce monde, le temps d’une lecture ?

Le texte de cette revue a été publié le lundi 27 septembre 2021.

Tags Urban Nation, Alan Broadbent, Urban policy, Canada, Municipalisme

Bilan et après

September 13, 2021 John Voisine
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Montréal en chantier—Les défis d’une métropole pour le XX!e siècle. Sous la direction de Jonathan Durand Folco, Écosociété, 2021, 256 pages. [Lu sur l’application Books]

Contrairement à la flexibilité que se permettent leurs homologues aux niveaux provincial et fédéral, la classe politique municipale du Québec doit composer, de façon quelque peu paternaliste, avec une loi qui leur impose des élections à jour fixe et sur une périodicité de quatre ans. Faisant probablement cause et tirant avantage de l’inévitable scrutin du 7 novembre prochain, les auteurs-es (sous la direction de Jonathan Durand Folco, qui introduit et conclut le recueil) utilisent trois grands thèmes (Habiter, Innover et Participer). Ils proposent des textes qui explorent et discutent des réalités urbaines montréalaises à la lumière du travail de la dernière administration municipale. Les enseignements qu’on pourra en tirer sont autant rétrospectifs que prospectifs, et ce toujours dans une optique qui fait sens en contexte montréalais.

Même si l’élection d’une majorité pour Projet Montréal (en 2017) fut pour plusieurs comme une bouffée d’air frais et un coup de balai nécessaire après quatre années d’une gouvernance curieusement rigide et autoritaire sous l’équipe du maire Denis Coderre, cela ne veut pas dire que les dernières années furent sans peine pour l’équipe de la mairesse Valérie Plante. Comme cela était aussi arrivé avec le maire Jean Doré du RCM, la mairesse a dû consacrer des ressources et un temps précieux à gérer des crises internes. De plus, comme l’histoire de la politique montréalaise nous l’enseigne, il est souvent aisé et sans conséquence réelle pour une nouvelle administration de revenir en arrière. Dans les circonstances, sans les quelques minces tentatives d’introduire un soupçon de progressisme dans les initiatives municipales qui caractérise le parti de Madame Plante à son meilleur, il est facile de concevoir comment un retour au pouvoir de l’ancien maire Denis Coderre serait tout ce qu’il faut pour signaler aussi un retour des politiques et stratégie conventionnelles et éprouvées (parfois même réductrice).

Face à cette possibilité très réelle d’un coup de barre à droite à l’échelle municipale et même métropolitaine, les textes de ce recueil forment un excellent condensé d’une perspective plus à gauche sur la situation économique, sociale et démocratique de l’univers urbain montréalais. Juste à temps pour réfléchir aux conséquences du prochain vote.

Sur les traces de Montréal en chantier

C’est avec un extrait paru dans La Presse, il y a quelques semaines, que j’ai eu connaissance de ce recueil. On aura judicieusement choisi de mettre en vedette un texte sur ce qui est maintenant permis d’appeler « l’éternelle » question du logement, sa disponibilité, son abordabilité et son accessibilité. Cette situation est endémique pour les villes « attractives » sur le plan économique (concentration des emplois), social (services et éducation) et culturel (arts, spectacles et musique) comme Montréal. Ce texte de la section Habiter combine bien les grandes forces et les quelques (rares) faiblesses du recueil. Ainsi, la façon d’aborder les questions soulevées se colle bien aux réalités montréalaises et a la manière qu’elles se sont présentées à l’administration Plante. Les auteurs font aussi un historique ainsi qu’un bilan des réponses avancées par son administration en termes de propositions stratégiques, politiques ou réponses réglementaires.

Il y a toutefois une tendance caractéristique à certains textes du recueil d’explorer un nombre limité de causes à une situation, à envisager des ajustements ou des solutions qui se situent dans une gamme étroite d’options consensuelles et progressiste confortable. Dans le cas spécifique du texte sur le logement à Montréal, la démonstration des effets pervers de la financiarisation (basé sur les travaux de Louis Gaudreau et d’Alan Walks) et des pratiques de la SCHL (assurance hypothécaire, titrisation) est bien établie et convaincante, mais encore ? Le texte ne contient, par exemple, aucun commentaire sur les effets des outils réglementaires conventionnels ; on pense ici au zonage, au lotissement, au stationnement minimum (au lieu de maximum) et à la densité ruineusement faible en milieu urbain. Ce sont pourtant là des outils pleinement sous le contrôle des administrations municipales et dont l’assouplissement permettrait d’activer un vaste potentiel pour la création d’une richesse diversifiée (usage intensifié et mixte, patrimoine recyclé) et urbaine.

Je ne voudrais toutefois pas laisser l’impression que ce texte sur le logement, ou n’importe lequel des thèmes abordés (espaces publics, mobilité, fiscalité, démocratie locale, etc.) ne donnera pas, à tout lecteur qui voudra bien s’y attarder, une abondance de pistes fertiles pour (re) penser nos réalités urbaines montréalaises.

Le texte de cette revue a été publié le lundi 27 septembre 2021.

Tags Montréal en chantier, Jonathan Durand Folco, Urbanisme, Fiscalité municipale, Mobilité

La ville et ses limites

August 30, 2021 John Voisine
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City Limits. Paul E. Peterson, The University of Chicago Press, 1981, 268 pages.

S’il faut en croire les discours de plus en plus courants, les administrations municipales auront dans l’avenir (et ont déjà maintenant, parfois) des responsabilités qui ne cessent de s’accumuler. En plus des responsabilités de base, comme le contrôle de l’urbanisme, les inspections réglementaires, l’hygiène publique et la voirie, il faut en plus s’assurer maintenant d’avoir un environnement urbain résilient et préparer des contingences afin de faire face aux changements climatiques. Les administrations municipales doivent de plus se charger de ces responsabilités avec comme presque unique source de revenus la taxe foncière (et quelques miettes en frais de service). De plus, toujours en assurant de boucler le budget annuel sans faire de déficit. L’emprunt est aussi soumis à des paramètres stricts. Sur le plan de la gouvernance, les municipalités ne sont pas vraiment des gouvernements, autant dans leurs organisations que sur le plan de leurs statuts constitutionnels (c’est d’ailleurs la raison qu’il est plus exact de parler « d’administration municipale »). Comme les fusions au Québec (ou « l’amalgamation » de Toronto) l’ont bien démontré, il y a à peine une vingtaine d’années, les cités et villes de nos provinces ont bien peu de latitude, si un matin le gouvernement provincial décide de les encadrer autrement ou même de les rayer de la carte.

City Limits est écrit pour un contexte et un cadre spatio-temporel bien différents du nôtre, soit les États-Unis du début des années 1980. Les évènements (parfois traumatiques) de la fin des années 1960 étaient encore frais dans les mémoires. On pense aux émeutes raciales, au phénomène du « white flight », l’implantation des programmes découlant de la « Great Society », comme la « War on poverty » et la législation du Civil Rights Act, tous voté par le Congrès grâce à la persistance du président Lyndon. B. Johnson. Ce sont toutes là autant de mesures aux répercussions alors très contestées. Aussi, en 1975, le moment « Ford to City: Drop Dead » sera exploité autant par ceux qui y voyaient l’exemple de la déchéance urbaine (à droite), que par ceux qui espéraient ainsi (au centre et à gauche) recentrer les politiques sur une ville intrinsèquement riche en humanité et en ressources matérielles.

Sur les traces de City Limits

On pourrait donc penser que dans ce contexte si particulier, un lecteur canadien qui cherche à mieux comprendre ses « administrations » municipales n’y trouverait pas vraiment son compte. Mais l’approche de M. Paul E. Peterson, qui ce concentre sur les possibilités limites et les politiques communes que peuvent exercer de façon réaliste les administrations municipales, capture de façon assez universelle la nature et les limites de ce niveau de pouvoir dans une enceinte politique de type « fédéré », comme le Canada. Ainsi même si l’analyse contextuelle de l’auteur repose sur des données et des statistiques d’un autre pays (quoique toujours nord-américain) et d’une autre époque (certaines ont maintenant plus de soixante ans !), cela ne semble pas invalider les caractérisations sur le plan des « politiques urbaines » et de la « politique urbaine ». En tenant compte des ajustements inévitables qu’il faut assumer entre nos deux pays, la lecture en trois « limites » du possible des politiques urbaines, soit le développement (le « boosterism »), les « allocations » (les services de base d’une municipalité) et la redistribution (les services « sociaux » d’une ville), présentés en ordre croissant de difficulté, semble faire le tour des capacités consensuelles limites de la politique municipale. 

Là où le livre et son propos montrent vraiment leurs âges est sur la question du diagnostique des conséquences réelles des politiques qui visaient à réduire, limité drastiquement ou même effacer toute trace de « redistribution ». Loin d’être des freins à la création de la richesse collective (l’auteur pose ce constat comme une loi immuable), il est maintenant plus facilement reconnu qu’une redistribution éclairée est à la racine d’une cité créatrice de richesse. Un ouvrage récent comme The Sum of Us d’Heather McGhee illustre à quel point tout le monde perd quand cet aspect est négligé, surtout en contexte urbain.

Un autre problème avec un ouvrage publié en 1981 est que la vaste majorité des références sont maintenant inaccessibles ou sans objet. Mais il y en a deux qui vont mériter de se retrouver sur ma liste : Lonely Crowd, de David Riesman et de Richard Hofstadter, The Age of Reform, qui se trouvera justement à être commenté la semaine prochaine.

Tags City Limits, Paul E. Peterson, Politique urbaine, Pouvoir, Fédéralisme

L'espoir d'un mouvement

August 23, 2021 John Voisine
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A City With a Difference—The Rise and Fall of the Montreal Citizen’s Mouvement. Timothy Lloyd Thomas, Véhicule Press, 1997, 214 pages.

Avec l’approche des élections municipales à travers la province, le 7 novembre prochain, je me suis dit qu’il serait intéressant de parcourir quelques ouvrages portant sur la politique et ses rapports avec le monde municipal. Dans notre système, rares sont les possibilités de transformation urbaine sans une implication active du politique ; peu importe la qualité, l’avant-gardisme et le professionnalisme des plans, politiques et autres documents réglementaires produits par les urbanistes et juristes. On parle souvent des administrations municipales comme étant le niveau de « gouvernement » le plus proche du citoyen ; mais on oublie aussi la réalité que c’est le niveau le plus insulaire et le plus susceptible de devenir captif d’intérêts particuliers. Nous aurons plusieurs occasions de revenir sur ces thèmes au cours des prochaines semaines.

Pour lancer cette série, je voulais nous partir avec ce qui fut, pour moi, l’initiation à la politique municipale, même si c’est seulement au début du deuxième (et dernier) mandat de l’administration du maire Jean Doré et de son Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM—Montreal Citizen’s Mouvement—MCM), que je pouvais, pour une première fois, participer à un vote. La période 1986-1994, soit ceux des deux mandats de l’administration Doré-RCM, en fut une d’espoirs et de changements essentiels, comme l’ouverture de grandes fenêtres sur une pièce sombre et étouffante, après plus d’un quart de siècle de l’administration du maire Jean Drapeau. Même si ce dernier demeure le maire le plus marquant dans l’histoire moderne de Montréal, il n’est pas moins un cas-école de la sclérose et de la capture qui peut si facilement prendre à la gorge les administrations municipales.

En me mettant la main sur ce livre, je voulais colmater mes lacunes sur l’histoire du RCM, ce mouvement/parti qui avait presque réussi, pour un temps, un miracle d’ouverture de l’administration municipale sur une gestion moderne et une prise en compte des intérêts citoyens. Il y a certainement dans l’ouvrage de M. Thomas de quoi combler nos connaissances sur le long cheminement du RCM, mais il faudra chercher ailleurs pour une analyse crédible des raisons du « fall » et de ses suites.

Sur les traces de A City With a Difference

Cet ouvrage de M. Thomas possède plusieurs qualités sur le plan de l’approfondissement de l’épistémologie intellectuelle du mouvement/parti RCM et de sa place sur la grille des partis politiques de cette fin de vingtième siècle. L’auteur nous fait une dissection assez originale de ce que fut le RCM et des déchirements (les fameuses « contradictions ») qui secouent ce type d’organisation ; ils se voient d’abord comme un « mouvement » portant les visées et les aspirations de ses membres, aussi plurielles qu’elles sont nombreuses.

En se calquant sur les travaux du politicologue américain Herbert Kitschelt et ses études (dans The Logics of Party Formation) des partis européens de type « libertarien de gauche » (comme les verts), l’auteur nous offre une grille pour comprendre l’évolution du RCM, de sa fondation, au début des années 1970, à sa prise de pouvoir en 1986 et peu après sa défaite, en 1994, aux mains de Pierre Bourque. Pour ceux qui ont connu ces années, ce sera le temps de retrouver des noms qui ont marqué la scène municipale montréalaise, comme Nick Aux der Maur, Michael Fainstat, Léa Cousineau, Marvin Rotrand et John Gardiner. On aura droit au rappel de quelques dossiers qui ont mis à vif les « contradictions », entre idéologues et pragmatistes, du « mouvement » RCM, et ceci dès son premier mandat ; l’affaire Overdale, la démolition de l’Hôtel Queens et l’agrandissement d’un stationnement (Matrox) dans le parc-nature du Bois-de-Liesse. L’implantation d’une plus grande transparence administrative, et la démocratisation de l’administration municipale, tant souhaitée des militants du RCM, ne seront jamais vraiment abouties. Elles seront même vite renversées après la défaite de 1994.

Pour les férus de mécanique de parti et des logiques internes des mouvements de gauche à saveur libertarienne, ce livre offre une belle histoire des contradictions qu’ils ont eu à confronter. Le fait que le parcourt du RCM se calque à ce modèle (jusqu’à un certain point) démontre le bien-fondé de l’analyse. Même si le parti n’existe plus, et que la coalition d’anglo-franco-libertarien-de-gauche du RCM n’est, depuis longtemps, plus qu’un souvenir, une grande partie de ses principes sont maintenant incarnés par Projet Montréal. Nous y reviendrons.

Tags A City With a Difference, Timothy Lloyd Thomas, Montréal, Élection municipale, Politique municipale

La banlieue uniformisée

August 16, 2021 John Voisine
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Creeping Conformity—How Canada Became Suburban, 1900-1960. Richard Harris, University of Toronto Press, 2004, 204 pages.

Le titre de l’ouvrage se comprend comme l’affirmation d’un fait, mais le septième et dernier chapitre reprend ce titre, cette fois avec un point d’interrogation ; pour mieux souligner que cette conclusion est loin d’être inévitable ? Il est vrai qu’en commençant la lecture de cette histoire, on en connaît déjà l’aboutissement : le Canada, au début des années 1960, prendra la forme de ses banlieues. Donc, ce qui est intéressant ici, et développé de façon constamment engageante par l’auteur, est le comment et le pourquoi des particularités canadiennes sur la voie de la « conformité banlieusarde ».

L’éloignement relatif du Canada, géographiquement, mais aussi la faible densité de son territoire habité (et les difficultés que cela engendre dans l’atteinte d’une masse critique sur le plan économique), entraîne une certaine friction quand vient le temps de participer, de façon contemporaine, aux grands courants de l’époque, surtout par rapport à ses pays pairs (comme le Royaume-Uni et les États-Unis). Voilà pourquoi, lorsqu’on parle du Canada et du développement des banlieues, on est un peu toujours confronté à des décalages ; des phénomènes qui étaient pleinement manifestes ailleurs ne prendront forme au pays que plusieurs décennies plus tard, et souvent de manière moins intense. Ainsi, au tournant des années 1900, en Angleterre, il était déjà monnaie courante pour les commentateurs populaires de brosser un tableau des banlieues comme un « wasteland » d’uniformité architecturale et de conformité sociale. Mais ici au Canada, ce n’est qu’avec l’apparition, au début des années 1950, des banlieues développées entièrement par de grandes entreprises immobilières intégrées (du lotissement, des services, de la construction, du marketing et du financement), qu’une certaine conformité de classe sociale et économique commencera à se solidifier de façon à engendrer superficiellement la caricature facile qu’on s’en fait.

Une fois lancée, il faut bien admettre que ce système de mise en place deviendra la règle (le rôle du fédéral dans cette cristallisation est fondamental). Mais ce qui est aussi fascinant dans ce livre est de découvrir la diversité et la pluralité du phénomène de la banlieue dans la première moitié du siècle passé. Aux antipodes de la conformité.

Sur les traces de Creeping Conformity

Durant la période des trois premières décennies du dernier siècle, c’est en fait l’opportunisme, dans le sens de « far west », et le laissez-faire des autorités municipales (lorsqu’elles existaient), qui a rendu possible la grande diversité de typologies, d’aménagements et de configurations géométriques des premières « banlieues » canadiennes. Ainsi, plusieurs types de banlieues ont réussi à accommoder des besoins variés, du plus élitiste (Westmount ou Mont-Royal), en passant par les banlieues industrielles (comme Verdun ; pas de danger, l’usine de munition est maintenant intégrée au tissu résidentiel !), les banlieues spécifiquement destinées aux classes moyennes (comme la Cité-Jardin du Tricentenaire) et même les « shacktowns » sans services (qualifié aussi de « unplanned » ; elles étaient chose courante ; d’Halifax à Toronto à Calgary). Pour aboutir aux banlieues qui caractérisent, plus d’un siècle et quart plus tard, nos paysages urbanisés, plusieurs chemins sinueux et souvent insoupçonnés ont été parcourus. Ce livre de Richard Harris est le guide à avoir pour les découvrir.

Même si cet ouvrage est un excellent point de départ, on ne pourra faire autrement que d’en demander plus, surtout si, comme moi, une appréciation de l’histoire urbaine « canadian » est une source continue de fascination. Il existe justement deux livres, toujours du même auteur, qui permettra d’approfondir autour de la question : Unplanned Suburbs—Toronto’s American Tragedy, 1900 to 1950 et Changing Suburbs—Foundation, Form and Function.

Plus près d’ici maintenant, il est facile de constater que plusieurs des quartiers de Montréal, qui ont souvent été eux-mêmes autrefois des villes à part entière (comme Saint-Louis-du-Mile-End au centre et Maisonneuve dans l’Est, pour ne mentionner qu’eux), on vue leurs zones résidentielles se bâtir collé sur de vastes complexes industriels intégrés dans la trame urbaine. Pour mieux en comprendre sur cette époque charnière, j’ai bien hâte de me mettre la main sur Manufacturing Montreal—The Making of an Industrial landscape, 1850 to 1930.

Un dernier ouvrage que je crois déjà avoir mentionné, mais qu’il est particulièrement à propos de se rappeler qu’il est sur notre liste : Housing the North American City ; souvent cité dans le livre de M. Harris, et cela se comprend bien.

Tags Creeping Conformity, Richard Harris, Histoire urbaine, Géographie, Banlieues

NYC dans la rue

July 5, 2021 John Voisine
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Street Fight—Handbook for an Urban Revolution. Janette Sadik-Khan and Seth Solomonow, Penguin Books, 2017, 350 page.

Durant presque sept ans, de 2007 à 2013, en tant que commissaire du New York City Department of Transportation (NYCDOT), Madame Janette Sadik-Khan aura transformé les rues, avenues, artères et jusqu’au «ballet» de la métropole américaine, comme seulement Robert Moses (1) avant elle. Mais contrairement à ce dernier, grand géniteur de la primauté de l’automobile-roi, l’œuvre de Mme Sadik-Khan s’est implantée au bénéfice de tous. Encore mieux, l’ouvrage le décrivant bien, son travail aura permis de commencer à cicatriser une partie des blessures profondes laissées par l’emprise funeste de Robert Moses sur les infrastructures routières de la ville (et de l’État) de New York.

Durant de trop longues décennies, l’espace des voies publiques, essentiellement abandonné ainsi à l’automobile ou pire encore, conçu avec en tête cette seule solution à l’accessibilité, n’allait pas facilement se faire reconquérir—d’où le «fight» dans «streetfight». Chaque corridor d’une rue ou espace redonné à la ville devait être arraché à l’automobile et à sa logique de «fluidité» à tout prix.

Mme Sadik-Khan a bénéficié, bien sûr, du couvert de son patron, le maire Michael Bloomberg, mais sa plus grande force fut d’avoir le doigté et la dextérité de faire des implantations à la fois stratégiquement localisées et flexibles dans leurs mises en place. Ces deux éléments étaient les ingrédients essentiels : la visibilité du lieu apportait l’attention sur la volonté de faire les choses autrement, la flexibilité dans la conception et l’implantation permettait d’apporter les correctifs nécessaires au fur et à mesure des constats sur l’appropriation et l’utilisation des espaces et des corridors par le public. Que ce soit dans l’extension du réseau cyclable protégé, la mise en place d’un réseau «à la Bixi», les voies réservées pour autobus, la création de minis plazas sur rue, ou à partir de 2009, la transformation de Times Square (de loin la plus connue et médiatisé des transformations durant son mandat), la technique privilégier pour faire face au «choc du changement» et maintenir les acquis de ces transformations au bénéfice de tous était de le faire à partir d’éléments flexibles et amovibles. Ensuite, apprendre du ballet des interactions avant de finaliser l’implantation.

Sur les traces de Streetfight

Un des fameux dadas du maire Bloomberg était sa volonté d’appuyer les politiques de son administration sur des «données» («metrics») afin de mieux en mesurer la progression et les résultats. C’est donc dans cet environnement que Mme Sadik-Khan, en tant que commissaire, a su mettre en place les projets de récupération de l’espace urbain en s’assurant de toujours les appuyer avec des données probantes. Des interventions de clarification des corridors de circulation, avec agrandissement de l’espace piéton, introduction d’un vrai réseau de pistes cyclables et de voies réservées pour autobus, même en plein cœur de Midtown Manhattan (Green Light for Midtown) ou plus à l’est, sur First Avenue, ont permis de créer des environnements substantiellement plus propices à un achalandage sécuritaire 24/7, au commerce en général et oui, même à la fluidité de tous.

Le slogan derrière les interventions (Better streets mean better business) et les chiffres venaient appuyer cette perspective. Jusqu’à 47 % moins de commerces vides, probablement dus à une augmentation de 177 % des cyclistes (eux aussi des «big spenders») et un achalandage accru dans un réseau d’autobus plus efficace. Souvent, la fluidité de toutes les circulations est notablement améliorée (15 %) et les accrochages et «accidents» entre véhicules moteurs connaît une diminution (jusqu’à 63 %) (Chapitre 8. Bike Lanes and Their Discontents).

Avec de tels chiffres, la population locale et les groupes d’intérêts commerciaux et privés doivent en redemander, non? On parle ici de la ville de New York, centre du monde des médias américains et épicentres des spécialistes de la manipulation de ceux-ci. Un des phénomènes les plus curieux de cette période est l’agilité avec laquelle les opposants de cette nouvelle philosophie d’aménagements urbains pour tous ont détourné les statistiques sur la sécurité des piétons pour s’opposer aux nouvelles mesures d’élargissement de l’espace public en faveur justement de tous. Un meilleur achalandage en mode actif entraîne une augmentation des accidents entre ses usagers, mais une diminution radicale des accrochages majeurs avec le vrai danger mortel, l’automobile.

Comme dans plusieurs domaines, on se dit que ce qui peut fonctionner à NYC pourra un jour conquérir les autres métropoles. Ce livre de Madame Janette Sadik-Khan nous donne cet espoir.

(1) Comme toujours, la meilleure lecture sur ce personnage colossal est le livre de Robert Caro, The Power Broker

Publié une première fois le lundi 27 décembre 2021

Tags Street Fight, Janette Sadik-Khan, Street Design, Tactical Urbanism, New York City

Le centre

June 28, 2021 John Voisine
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City—Rediscovering the Center. William H. Whyte, foreword by Pace Underhill, University of Pennsylvania Press, (1988), 2009, 288 pages.

Il est maintenant normal pour tout professionnel de l’urbanisme, du design urbain ou de l’architecture de sortir avec un bloc-notes/sketchpad, un appareil photo (cellulaire), et d’aller passer un moment « sur le terrain », pour prendre le pouls d’un environnement urbain. On cherchera alors à absorber un peu de sa dynamique et de son énergie (ou de l’absence de celle-ci). Une équipe dédiée pourra ainsi mieux assimiler les particularités du lieu et, dans la meilleure des situations, proposer des approches pour mettre en valeur ses lignes de force et remédier à ses faiblesses. L’étape essentielle ici étant une observation sensible et factuelle, sous plusieurs angles et dans diverses conditions, de la réalité de l’espace. Pour reprendre un yogiberrisme trop évident, c’est fou tout ce qu’on peut voir juste en regardant.

Les études de cas et les analyses contenues dans cet ouvrage découlent essentiellement de la situation des plazas immobilière et des « pocket parks » que l’on retrouve à New York. Après l’érection du Seagram Building et du succès de sa plaza, NYC a inscrit dans son code de zonage l’obligation pour les promoteurs de fournir des places similaires. Loin de se révéler des phénomènes urbains dynamiques et fréquentés, comme pour la « place mère » du Seagram, plusieurs autres demeuraient sous-utilisés ou même déserts. Mais pourquoi au juste ?

C’est un peu le mandat de répondre à cette question que l’auteur et son équipe se sont vues attribuer à la fin des années 1960 et lors d’autres engagements similaires qui se sont poursuivis jusque durant les années 1980. En fixant caméras et appareils cinématographiques pour capturer les interactions et les agissements « naturels » de la faune citadine, que ce soit sur une plaza, une intersection, ou dans une oasis comme le Paley Park, William H. Whyte, et son groupe on mit en évidence les configurations les plus favorables à la présence et à la satisfaction des urbains. Qui eût cru, par exemple, que de simples tables et chaises pouvant être disposées au plaisir des usagers puissent être l’assise d’un espace attractif et fréquenté ? C’est cette documentation méticuleuse des comportements et de l’usage réel que les gens font de leurs villes qui sont à la base des recommandations contenues dans l’ouvrage.

Sur les traces de City—Rediscovering the Center

Ce livre de William H. Whyte, maintenant un classique, nous rappelle que ces outils de mesure et d’analyse, en appuis au design, ont été longs à prendre leurs places. Et malheureusement, trop souvent, les conclusions qui en ressortent sont difficiles à implanter. En plus d’avoir à confronter une certaine « arrogance conceptuelle » face à l’existant (pourquoi changer ce qui existe déjà ?), on constate aussi une forme d’inertie, un « confort sécurisant » qui découle de l’habitude. Elle persiste même une fois les erreurs diagnostiquées et l’échec du design admis de tous. Whyte donne plusieurs exemples paradoxaux de ces environnements urbains aménagés et simultanément « laissés en friche ». S’y installe une indifférence devant le dynamisme urbain qui s’étiole.

Le plaidoyer principal de l’ouvrage est en faveur d’une ville où les citoyens sont présents parce qu’il existe une concentration de services, d’attractions, d’emplois et de milieux de vie diversifiés qui le justifie. Mais surtout, un environnement urbain conçut, pensé et entretenu de façon à favoriser l’interaction humaine, les rencontres de personne à personne, le tout sur une base quatre saisons. L’ingrédient premier pour allumer cette magie de la ville est l’intégration d’espaces urbains où les gens se sentent en contrôle, partie prenante et participant à part entière dans l’urbanité qui les entoure.

William H. (« Holly » pour ses amis) Whyte n’a pas seulement laissé sa marque dans le domaine de l’enquête terrain socio-urbaine ; il a commencé sa carrière avec un livre qui fait encore école dans le monde de la gestion, The Organization Man (1956). Peu de temps après, il était l’éditeur d’un collectif, The Exploding Metropolis (1958) ; on y trouve un texte de Jane Jacobs.

Si les techniques, les méthodes et l’approche générale déployées par Whyte peuvent sembler familières, c’est certainement en raison de la popularité d’un ouvrage comme Life Between Buildings (1987, pour la traduction) de l’architecte danois Jan Gehl. Whyte note d’ailleurs la similarité de leur approche et la concordance des observations. En 1980, Whyte publiait The Social Life of Small Urban Spaces ; si l’on cherche, il est possible de trouver le film/documentaire qui l’accompagnait. Il y a quelques années, Streetfilms en a aussi fait un excellent résumé de trois minutes.

Note 1 : Publié une première fois le 20 décembre 2021

Note 2 (2022-03-29) : Un article sur l’actualité toujours brûlante de son oeuvre et d’une nouvelle biographie qui vient juste de paraitre : William H. Whyte : Still Relevant After All These Years.

Tags Rediscovering the Center, William H. Whyte, Downtowns, New York City, Urban Design, Série William H. Whyte
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