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Wellington | Fabrique urbaine

3516, rue Gertrude
Verdun, Québec H4G 1R3
514-761-1810
L'urbanisme en pratique

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Wellington | Fabrique urbaine

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Le passé de l'urbanisme moderne

June 21, 2021 John Voisine
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The CIAM Discourse on Urbanism, 1928-1960. Eric Mumford (foreword by Kenneth Frampton), The MIT Press, 2000, 375 pages.

Dans le domaine de l’architecture, les Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM) sont surtout réputés pour avoir cristallisé l’orthodoxie de ce qui est accepté comme « l’architecture moderne », du moins en Europe. Cette dernière devait inévitablement prendre position par rapport à son milieu d’implantation, et ce livre de Monsieur Eric Mumford fait justement l’histoire du discours sur l’urbanisme de ces CIAM, tenus de 1928 à 1959. On retrace donc autant l’histoire des idées sur la ville moderne que celle des gens qui les ont portées, comme Le Corbusier. Il est certainement l’architecte qui est parvenu, comme nul autre depuis, autant dans les faits que dans l’imaginaire populaire, à incarner dans sa personne cette nouvelle vague. En quelque sorte, une architecture composée pour propulser la dynamique de l’ère « moderne », circa 1928.

Pour la ville, la vision CIAM se caractérisa par une rigidité de formes, de fonctions et d’aménagements. Si elles étaient parvenues à prendre racine dans nos milieux urbains, elles auraient entraîné la destruction des tissus existant à la faveur de méga-îlots dispersés sur un territoire sans définition. Tours d’habitations (et d’autres usages) isolées dans de larges îlots de verdure, la rue n’existe plus qu’en tant qu’autoroute ou corridor de circulation (exclusivement automobile) vers d’autres méga-îlots semblables ; voilà l’image sans retouche de la nouvelle ville fonctionnelle. Le quatrième CIAM (1933), qui est devenu légendaire pour s’être tenu en partie lors d’une croisière entre Marseille et Athènes, donnera naissance à ce que Le Corbusier nommera la Charte d’Athènes ; elle établit les principes de cette nouvelle ville définissant la modernité. Même si cet effort rhétorique de faire de la ville une « machine à habiter » moderne n’a jamais vraiment trouvé d’aboutissement matériel (à l’exception de quelques villes sui generis, comme Brasilia ou quelquefois, dans l’ancienne sphère communiste), son influence conceptuelle imprègne toujours nos environnements urbains, ne serait-ce que dans le domaine du zonage.

On aurait cru que les CIAM, qui se voyaient comme l’avant-garde de la modernité architecturale et urbaine, en auraient eu pour longtemps à refaire nos habitats. Mais très vite, les contradictions internes ont eu raison des intentions modernisantes ; ce livre est l’excellente histoire de ce parcours.

Sur les traces de The CIAM Discourse on Urbanism

J’ai eu l’idée de finir la lecture de ce livre suite à la mention des CIAM, fait dans la chronique de la semaine dernière. L’époque est passionnante, un mélange ahurissant de confiance déplacé en la capacité d’un répertoire limité de solutions architecturales (le modernisme) et d’arrogance aveugle relativement aux effets moins qu’optimaux lorsque ceux-ci se trouvent mis en service, autant sur le plan architectural que urbain. De 1928 à 1960, il y a plus d’une génération de professionnels (gens de métiers, praticiens, professeurs, souvent les trois) d’horizons différents (essentiellement européen, mais aussi américain et japonais) qui ont persisté à essayer de définir la modernité de l’architecture et de l’urbanisme. Même si les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur du discours, il était bon de les suivre dans ces sentiers.

Dès la fin du second conflit mondial, comme on l’apprend dans le livre, la « jeune génération » (comme les membres de ce qui deviendra Team 10, Alison et Peter Smithson, et une femme, Blanche Lemco van Ginkel, qui se rendra célèbre pour l’aménagement de l’Expo 67 et la sauvegarde du Vieux-Montréal) va vigoureusement remettre en question la lancée sur laquelle la « génération fondatrice » (Le Corbusier, le groupe britannique MARS, Giedion, Gropius, Sert, Stam et plusieurs autres) voulait que les CIAM se poursuivent. Mais ces années d’après-guerre marquent le moment pour plusieurs de constater que la nouvelle modernité ne sera pas exactement celle espérée par les CIAM, mais plutôt celle d’une forme de pragmatisme mercantile, plus proche de l’oncle Sam que du « fonctionnalisme » urbain. Josep Lluis Sert écrira d’ailleurs, à propos du thème de CIAM 8 (1951), « urbanism has really become suburbanism » (p. 203).

Comme l’indique l’auteur dans sa conclusion, il resterait à produire des historiques indépendants et plus poussés du groupe MARS et de Team 10, par exemple. Pour l’architecture moderne en général, difficile de faire mieux que les livres de l’auteur de la préface, Kenneth Frampton. Un autre historien de l’architecture moderne, pour approfondir l’époque, surtout le personnage de Le Corbusier, qui en vaut (dit-on) le détour, est Jean-Louis Cohen ; son dernier ouvrage (Construire un nouveau Nouveau Monde : L’amerikanizm dans l’architecture russe) avait d’ailleurs fait l’objet d’une exposition au CCA.

Tags The CIAM Discourse on Urbanism, Eric Mumford, CIAM, Modernisme, Le Corbusier

L'urbanisme par la pratique

June 14, 2021 John Voisine
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Tactical Urbanism—Short-Term Action for Long-Term Change. Mike Lydon and Anthony Garcia, Island Press, 2015, 256 pages [e-book lu sur application Kindle]

La semaine dernière, on avait la chance de passer en revue l’ouvrage du regretté Jaime Lerner et ainsi de constater avec bonheur les possibilités offertes par différents types « d’acupuncture » urbaine. On présentait cette notion un peu comme une forme de proto-urbanisme tactique, des interventions à l’échelle de la rue ou du lot, mais aux bénéfices à l’échelle du quartier ou même de la ville entière, dans le meilleur des cas. L’urbanisme tactique, tel que défini dans ce livre fondateur du domaine, se réclame de cet héritage, tout en formalisant les paramètres de cette notion. Il faut dire que les auteurs et la firme qu’ils ont fini par bâtir sont justement à l’origine de la cristallisation et de la prise de conscience collective (dès les premières années du 21e siècle) autour des opportunités créées par cette prise en charge par des citoyens ou groupes de la société civile des interventions dans l’espace urbain, surtout ici en Amérique du Nord.

Pendant une bonne partie du 20e siècle, urbanisme rythmait avec mégaprojet sur méga-îlot fraîchement généré en faisant table rase de l’existant (le plus vieux, le mieux). On allait enfin réaménager nos villes et quartiers selon les canons infaillibles de la nouvelle modernité portée par les CIAM. En deux-trois-quatre décennies à peine, nos pouvoirs démocratiques se sont laissé capturer par les intérêts des manufacturiers automobiles, à la quasi-exclusion de toute autre priorité collective ou urbaine. Il nous suffit de regarder par la fenêtre pour constater que l’espace public de nos rues, la façon d’aménager et de structurer nos espaces bâtis, est toujours accaparé par cette monomanie automobile.

Entrent en jeu les citoyens (ou groupe citoyen) qui, face à cette négation de la ville, s’organisent pour agir directement sur ou dans l’espace public (parfois même privé) afin de démontrer qu’il est possible de penser, donc de faire autrement. Dans le meilleur des cas même, l’urbanisme tactique est utilisé par les autorités municipales elles-mêmes. Le plus souvent, suite aux pressions et avec la participation des citoyens, afin de démontrer, sur une base expérimentale, temporaire et à une fraction du coût d’un aménagement permanent, les possibilités d’une intervention qui sort des sentiers battus.

Sur les traces de Tactical Urbanism

Les limites des interventions tactiques sont essentiellement celles de l’imagination de celles et ceux qui veulent bien prendre les risques qu’implique ce type d’action. Sous sa forme la plus pure, l’urbanisme tactique est la façon la plus visible et viscérale d’envoyer un message d’une volonté de changement. Dans un sens, c’est aussi le symptôme d’un échec de la gouvernance municipale; que les citoyens soient rendus à l’action directe et matérielle afin de faire valider ce qui est, le plus souvent, un strict minimum de la civilité urbaine, comme des intersections sécurisées ou une utilisation inclusive de l’espace public, devrait faire réfléchir sur l’état de nos démocraties municipales.

Mais il faut aussi bien l’admettre, ces interventions résultent en des projets qui auraient autrement été complexes de faire activer par un organisme municipal. Le livre en donne plusieurs exemples, comme un projet de signalisation, Walk [Your City], qui vise à inciter les gens à marcher dans leurs villes, en passant par ce qui est presque devenu le porte-étendard de l’urbanisme tactique, c’est-à-dire l’activation au niveau du « block » urbain, merveilleusement incarné par l’organisation caritative Better Block Foundation. Dans les municipalités qui se veulent représentatives d’une certaine volonté citoyenne, il existe même des portails facilitant la présentation de projets à la ville ; l’ouvrage fait mention de San Francisco et Los Angeles, mais il y en a probablement d’autres ?

Concernant strictement la Ville de Montréal, il ne semble pas y avoir de ressources spécifiques. Notre ville n’a pas une culture d’accueil des interventions directes, comme pourrait en témoigner le (maintenant) fameux Roadsworth. Le Centre d’écologie urbaine de Montréal, sur son site Bâtir ensemble la ville active, a réalisé une page Web qui donne de bons outils contextuels pour qui aimerait s’organiser, tactiquement parlant.

En dernier lieu, voici trois ouvrages cités et qui apportent un complément aux notions élaborées dans Tactical Urbanism. De Nabeel Hamdi, Small Change—About the Art of Practice and the Limits of Planning in Cities (2004) et The Placemaker’s Guide to Building Community. Pour méditer sur notre situation, avec le recul de l’histoire : The Incorporation of America—Culture and Society in the Gilded Age.

Tags Tactical Urbanism, The Streets Plans Collaborative, Design Thinking, DIY Urbanism, Urban hacking

Pinprick Urbanism

June 7, 2021 John Voisine
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Urban Acupuncture—Celebrating Pinpricks of Change that Enrich City Life. Jaime Lerner, Island Press, 2014, 144 pages [version e-book lu sur Kindle].

Le 27 mai dernier, on apprenait le décès de Jaime Lerner, surtout connu ici comme l’ancien maire de Curitiba, au Brésil, et précurseur dans la mise en service d’un des premiers systèmes d’autobus rapide en site propre (plus connu sous son sigle anglais de BRT).

Jaime Lerner était certainement de ceux qui, de par son approche aux situations spécifiques et universelles de sa ville, ont le plus innové dans ses interventions sur la ville au cours des dernières décennies. Sa démarche se caractérisait par des solutions économiquement abordables, génératrices d’une véritable richesse urbaine et collective, et de design de projets urbains à la fois simples, élégants, adaptables et mobilisateurs. Ceci lui a valu d’acquérir une notoriété qui finira par dépasser de loin les frontières de sa municipalité et de son pays ; pas seulement dans les cercles urbains et architecturaux, mais aussi pour quiconque porte attention aux phénomènes urbains. Tout cela m’a rappelé que j’avais acheté, il y a quelques années, son seul livre traduit ; c’était le moment de le lire.

Dans ce court volume, ce que Lerner cherche vraiment à évoquer, grâce à quelque dizaine de vignettes, c’est à quel point, dans une ville, chaque geste, de l’humble système de récupération, en passant par la restauration historique sensible d’un bâtiment, ou le dépanneur ouvert du matin au soir et dans la nuit, comment tous ces évènements peuvent se transformer en multiplicateur de dynamisme urbain et social.

La notion avancée ici, celle d’une « acupuncture » urbaine, une forme d’urbanisme tactique avant l’heure combinent les vertus de l’élément singulier en contexte urbain, comme le musicien ou l’artiste de rue, la devanture animée d’un commerce ayant pignon sur rue, aux effets bénéfiques d’ensemble plus large, comme les rues marchandes aménagées en mini ramblas. Souvent, ces interventions sont la résultante d’une mobilisation locale, prenant racine dans une volonté populaire de régénération urbaine. Ainsi « l’aiguille » de « l’acupuncture » locale fait sentir ses bénéfices sur la globalité de « l’organisme » urbain.

La seule pathologie, selon Lerner, qu’il faut combattre à tout prix ? « Urban cholesterol », qui est « the buildup of excessive automobile use in our [urban] veins and arteries ». Imparable !

Sur les traces de Urban Acupuncture

Pour un personnage qui est quand même en deuxième position dans une liste des 100 plus influents « urbanistes » de tous les temps (après seulement Jane Jacobs), il m’a semblé que le décès de Jaime Lerner est passé relativement inaperçu (le New York Times ne lui a curieusement pas encore consacré un « orbit »).

Le site Archdaily lui accorde un bon court papier, qui renvoie à une source première brésilienne, et Planetizen reprend l’essentiel de ce dernier. On y trouve toutefois quelques détails de plus, comme ce lien vers un reportage du New York Times sur Curitiba et l’héritage laissé par son ancien maire. On le soupçonne bien, tout n’est pas vallée fleurie et rivières de miel. Mais globalement, les effets positifs des programmes urbains mis en place durant ses premières années d’effervescence font de Curitiba, encore aujourd’hui, un des meilleurs ensembles urbains du Brésil.

Un autre article, cette fois dans la rubrique urbaine Curbed du magazine New York, donne plus de détails sur les faits saillants de son parcours. Un des points soulevés et trop souvent négligés lorsque l’on aborde la conception et la mise en place de son système révolutionnaire d’autobus rapide en site propre (BRT) est que Lerner et son administration ont insisté pour que le réseau soit marié à un programme (plan) d’utilisation intensive des sols le long des grands « troncs » du système. Ce mariage étroit entre accessibilité en transport en commun, intensification et diversification (résidentiel et commercial) des usages le long des corridors est essentiel à la réussite globale du réseau et du transfert modal (automobiles vers transport en commun) recherché dans de telles circonstances. Malheureusement, ce mariage est rarement consommé (Québec et son réseau de Métrobus sont l’exemple type d’un tel échec). Évidemment, c’est le point le plus sensible politiquement et ainsi le plus complexe à faire aboutir, dans le meilleur des cas.

En dernier lieu, j’ai découvert ce site Web de l’Instituto Jaime Lerner. Toutes les pages possèdent une version anglaise, mais le matériel produit par l’institut est essentiellement réservé à celle et ceux qui ont la chance de lire le portugais.

Tags Urban Acupuncture, Jaime Lerner, Curitiba, Bus Rapid Transit, Tactical Urbanism

Montrealize

May 31, 2021 John Voisine
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Copenhagenize—The Definitive Guide to Global Bicycle Urbanism. Mikael Colville-Andersen, Island Press, 2018, 296 pages. [e-book lu sur plateforme Adobe Digital Edition]

Une des forces d’un livre comme ce dernier de Mikael Colville-Andersen est de nous permettre d’expérimenter l’épiphanie que chaque ville est, si elle voulait bien y mettre un peu de volonté politique et matérielle, à quelques interventions stratégiques et tactiques près d’être « copenhagenize ». En d’autres termes, chaque ville a le potentiel de se transformer en espace d’accessibilité universelle à bicyclette. Du moins, le delta est probablement beaucoup moins grand qu’on se l’imagine.

Si Copenhague est souvent assimilé à Amsterdam quand vient le temps de parler de la place du vélo dans l’espace urbain, ces deux villes sont, selon l’auteur, en réalité très différentes. Amsterdam, en raison de sa morphologie unique, est la reine incontestée quant à l’emprise (physique et mentale) occupée par la bicyclette. Copenhague, en contrepartie, commençant peu après le premier choc pétrolier, a réussi, grâce à l’activisme soutenu de ses citoyens sur une période de quarante ans, à faire jouer au vélo son rôle transformateur d’instrument démocratique de mobilité universelle. Ceci est vrai malgré des aménagements urbains qui déjà, à l’époque, étaient sérieusement grugés par l’automobile.

En ce sens, un grand potentiel d’inspiration urbaine existe pour l’observateur contemporain attentif de Copenhague ; il devient impossible de voir ces aménagements cyclables sans imaginer les possibilités dans des espaces qui nous sont familiers. Les « leçons acquises » par cette évolution heureuse de la place de la bicyclette dans Copenhague, condensées dans ce livre, sont présentées sur le plan du design, bien sûr, mais aussi sur le plan du positionnement stratégique de la bicyclette en tant que participant à part entière à la dynamique urbaine, au même titre que le piéton. Même si, comme le souligne l’auteur, dans notre monde, le travail de communication et d’« advocacy » autour de la bicyclette n’est jamais fini.

La perspective unique de l’auteur, qui a grandi à Calgary, mais fait l’essentiel de sa carrière au Danemark, lui permet de communiquer clairement ce qui est unique à l’expérience et à la culture danoise, dans un premier temps, et ce qui est le produit d’une évolution qui gagnerait à s’universaliser. Cette combinaison unique constitue la richesse première de l’ouvrage.

Sur les traces de Copenhagenize

L’auteur est connu comme le fondateur de Copenhagenize Design Co, une firme spécialisée dans la planification, la conception, la communication, l’accompagnement et l’éducation sur la voie de la conception de meilleurs systèmes et réseaux pour faire de la bicyclette la vraie souveraine de nos déplacements urbains. Il ne travaille toutefois plus pour elle. Jusqu’à environ deux ans, Copenhagenize était aussi un blogue entretenu par Monsieur Colville-Andersen.

Une des ressources qui a vraiment servi à faire connaître la perspective, à la fois banale et puissante, derrière la notion de « copenhagenize » (que la bicyclette est, pour la vaste majorité, le véhicule idéal de nos déplacements urbains) est le blogue de photos « Cycle Chic » ; essentiellement un montage festif à la gloire des capacités infinies de la petite reine et des humains qui lui accorde sa confiance. Mikael Colville-Andersen est aussi l’auteur et l’animateur d’une série télévisuelle, Life-Sized Cities (trois saisons), qui explore l’échelle humaine de grandes villes du monde. Elle est maintenant dans notre liste de séries à voir, un jour.

La firme a aussi développé, depuis 2011, un « Index » des « Bicycle-Friendly Cities », mise à jour aux deux ans. Montréal est la seule ville nord-américaine dans une liste, qui en compte 20. Elle était en huitième place en 2011 et sa dernière cote (2019) la sort de cette vingtième place, pour occuper la dix-huitième place (avec Vancouver). Cette piètre position constitue l’inculpation méritée d’une ville qui s’est laissée tomber. La proposition du REV qui ne décolle pas, les BIXI qui ne sont pas disponibles durant l’hiver (six mois !) et réseau des pistes cyclables qui disparaît à la première neige illustrent bien cette faillite.

Comme mentionné dans le livre, le visiteur nord-américain à plus de facilité à envisager sa ville à l’image de Copenhague que d’Amsterdam. Ce film de Streetblog, Cycling Copenhagen, Through North American Eyes (référé dans l’ouvrage) permet de mieux comprendre cette situation paradoxale. Deux livres sont aussi recommandés comme sources de méditation sur nos peurs sociétales (comme ceux que l’on tente souvent d’accolés à la bicyclette) : The Geography of Hope et la mise à jour d’un autre ouvrage mentionné, How Fear Works.

Tags Copenhagenize, Mikael Colville-Andersen, Bicyclette, Aménagements urbain, Copenhagen

Velocitta

May 24, 2021 John Voisine
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Building the Cycling City—The Dutch Blueprint for Urban Vitality. Melissa Bruntlett & Chris Bruntlett, Island Press, 2018, 242 pages [e-book lu sur l’application Kindle].

Difficile d’imaginer une région du monde plus à l’aise avec l’utilisation de la bicyclette comme mode de déplacement banal et quotidien que les Pays-Bas. Si l’on se fit aux récits contenus dans ce premier ouvrage du couple vancouvérois Melissa & Chris Bluntlett, cette pratique de mobilité active sur deux roues est tellement intégrée dans la fibre nationale néerlandaise qu’il est difficile de faire prendre conscience au citoyen moyen du pays l’ampleur de la situation exceptionnellement privilégiée dont il est le bénéficiaire. Mais comme ce livre le montre aussi, ces acquis, cette banalité ordinaire des déplacements à deux roues qui caractérise si merveilleusement le pays est venue au prix de nombreuses luttes et d’une volonté locale polyphonique, très diversifiée dans ses motivations et pulsions premières. Quelques changements de circonstance, un peu moins de pression, quelques votes de conseils municipaux remportés par une voie de majorité, défaits par une autre voie, et nous serions devant des Pays-Bas qui ressemblent plus à la Belgique ou à l’Allemagne, plutôt qu’au Danemark.

Cela dit, il n’y a pas de doute que pour toute personne intéressée par la question d’un possible transfert modal vers la bicyclette, les Pays-Bas et ses villes clés, comme la capitale Amsterdam, bien sûr, mais aussi la moderne Rotterdam, la ville-forteresse de Groningen ou même l’ancienne ville industrielle d’Eindhoven, ont toutes leurs histoires bien particulières sur la voie de se réaménager avec la petite reine au cœur de leurs stratégies d’accessibilité urbaine. Dans ces Pays-Bas, la « modernité » automobile a bien tenté, mais ultimement échoué, de renverser une culture de l’accessibilité qui était déjà basée sur l’humble bicyclette pour la vaste majorité des déplacements et services urbains. Mais même dans ces circonstances plus que favorables, les luttes pour assurer la croissance sans payer le tribut de l’emprise automobile furent féroces.

Je veux croire qu’il est possible de mobiliser nos ressources afin de concevoir des milieux urbains où la bicyclette devient la norme (ou l’un des liens cruciaux) de nos déplacements. Ce livre illustre toutefois la fragilité d’une culture qui doit toujours s’actualiser dans un monde qui aimerait mieux nous savoir tous prisonniers d’un habitacle automobile.

Sur les traces de Building the Cycling City

En fait, j’aurais dû préciser plus haut que les auteurs sont anciennement de Vancouver et font maintenant leurs vies à Delft, aux Pays-Bas. En d’autres termes, ils ont tellement aimé la façon de vivre l’accessibilité urbaine à bicyclette qu’ils ont choisi d’y élire domicile. Considérant la nature de leur travail respectif (Mobycon pour elle et le fameux Dutch Cycling Embassy pour lui), cela ne pouvait mieux tomber. Les auteurs sont toutefois les premiers à admettre, en introduction, que la réalité de leurs pays d’adoption, cette interrelation si étroite entre mobilité à bicyclette et aménagements urbains conçus en ce sens « took over 50 years of incredible hard work, a bit of good fortune, and some forward-thinking decisions that extended far beyond the current political cycle » (page 6). Ce n’est pas que c’est impossible, le défi reste simplement colossal, dans le meilleur des cas.

Toute ville d’une certaine importance aux Pays-Bas, de l’après-Deuxième Guerre jusqu’aux années 1970, a connu son flirt particulier avec la modernité, synonyme d’automobiles et des aménagements destructeurs que cela entraîne. Les auteurs en font d’ailleurs l’historique, le plus souvent même avec les acteurs impliqués dans ces « échapper belle ». Un exemple assez spectaculaire est la petite ville universitaire de Groningen. Ce court film (mentionné dans l’ouvrage) en donne un bon résumé, et sa chronologie s’applique à presque tout le pays.

Dans un chapitre justement intitulé « Not Sport. Transport », les qualités pérennes de la bicyclette « hollandaise », comme sa simplicité robuste et sa polyvalence, sont évoquées en tant que facteurs de son succès persistant. Mais une des choses qu’on doit retenir est que le pays est, en ce moment, l’épicentre de l’innovation, en matière de vélos à assistance électrique et des nouveaux vélos cargo (souvent les mêmes). Les auteurs mentionnent un festival annuel sur ce type de vélo et donnent l’exemple d’une compagnie de vélos cargo commencée par un enthousiaste, maintenant la référence dans le domaine et distribué dans le monde entier.

En dernier lieu, une ressource du point de vue de l’aménagement urbain et de l’architecture, qui semble assez pertinente : The City at Eye Level, (aussi un livre) inspirée entre autres des concepts développés par Jan Gehl. Nous y reviendrons.

Tags Building The Cycling City, Bruntlett, Vélo, Aménagements urbain, Urbanité

La méthode du bannissement

May 17, 2021 John Voisine
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Ville contre automobile—Redonner l’espace urbain aux piétons. Olivier Ducharme, Écosociété [Collection Polémos], 2020, 195 pages.

C’est une sagesse acquise à prix fort : lorsque l’objectif est l’assassinat du tyran, mieux vaut ne pas manquer son coup. Ce court volume d’Olivier Ducharme est certainement de ceux avec cette noble ambition, soit de mettre un terme et de déposer une fois pour toute le régime tyrannique qu’exerce l’automobile (et sa retenue) sur nos villes.

Cette tyrannie est réelle et se manifeste entre autres par l’étau des aménagements autoroutiers et notre acceptation de ces infrastructures sous le couvert de la nécessité économique, du « progrès » et de la « croissance » de la richesse collective. Cette présence de l’automobile imprègne aussi nos cadres bâtis, transformant l’environnement urbain en annexe de garage. Avec l’automobile comme fonction première à résoudre dans l’espace urbain, ceux-ci sont vidés de la capacité à servir d’espaces utiles, pratiques, fonctionnelles et à échelle humaine. Évidemment, ceci est vrai sans même toucher aux questions du gaspillage des ressources, des changements climatiques et de l’appauvrissement forcé des classes moyennes engendrés par la nécessité de posséder une automobile pour faire de notre urbanité un univers le moindrement accessible.

L’ouvrage de Monsieur Ducharme trouve son originalité dans sa genèse historique et intellectuelle des justifications concernant cette présence omnipotente de l’automobile, en Amérique, mais particulièrement au Québec. Plusieurs passages traitent aussi des luttes citoyennes (et des groupes centrés autour du vélo), à Montréal et Québec, contre cette logique des envahissements autoroutiers. La déconstruction de l’argumentaire absurde des gouvernements québécois successifs, sur la nécessité d’un passage aux véhicules électriques comme courroie de la « transition énergétique », si essentiel aux objectifs de réduction des GES, est particulièrement cinglante et réussie. Pas de doute possible, « [o]n se tire dans le pied » en s’enfonçant dans cette voie.

C’est par contre avec un peu de tristesse que l’on constate, en dernière analyse, que la méthodologie proposée pour mettre fin à la tyrannie automobile et « [r]edonner l’espace urbain aux piétons », relève elle-même de la pensée magique, avec même un peu plus qu’un soupçon de penchant tyrannique : le bannissement pur et simple de l’automobile de la ville. La viabilité de cette proposition, en société démocratique, semble douteuse.

Sur les traces de Ville contre automobile

J’ai entendu parler de ce livre pour la première fois il y a quelques mois, en lisant cet article du journal La Presse. Je savais immédiatement que je voulais le découvrir plus à fond, même s’il me semblait avoir saisi les limites de la proposition par les propos de la chronique.

Olivier Ducharme affirme, en introduction, qu’il a fondé sa pensée sur les idées de Paul Goodman, un intellectuel américain qui, de l’aveu même de l’auteur, a perdu en influence depuis son décès en 1972. Je dois admettre n’avoir jamais entendu parler du personnage. Un des ouvrages cités (et co-écrit avec son frère, Percival Goodman, un architecte) est Communitas—Means of Livelihood and Ways of Life. C’est le critique bien connu Paul Goldberger qui en signe la préface et commente : « Rich in splendid observations, many of which foreshadow issues which have become all the more urgent today ». Certainement des auteurs mûres pour une redécouverte contemporaine.

Lorsque, vers la fin de son ouvrage, on regarde sérieusement l’idée d’une reconceptualisation des espaces urbains sans automobiles, l’auteur puise à travers des sources bien connues des urbanistes. Il est donc question de livres comme Suburban Nation ou Walkable City, que je compte éventuellement commenter ici dans le cadre de séries appropriées.

En passant à travers les ressources citées, j’ai été surpris de découvrir qu’un ouvrage aussi fondateur que The Next American Metropolis—Ecology, Community, and the American Dream, de Peter Calthorpe, n’est plus activement publié par son éditeur d’origine et n’a pas été repris. Trente ans est vraiment une longue période dans le domaine de l’édition.

Le nom de David Owen est familier pour qui aime un article de fond ou deux du New Yorker sur un sujet d’actualité touchant le domaine de l’environnement. Ici, Olivier Ducharme le cite principalement pour son livre (traduit) : Vert Paradoxe—Le piège des solutions écoénergétiques. Difficile de trouver un livre qui s’harmonise mieux avec le propos général de son ouvrage. Dans les milieux urbanistiques, David Owen est surtout connu pour Green Metropolis—Way Living Smaller, Living Closer, and Driving Less are the Keys to Sustainability. L’argumentaire portait sur New York, Manhattan en particulier. On y reviendra au cours de l’année, dans une série sur les métropoles.

Tags Ville contre automobiles, Olivier Ducharme, Automobile, Urbanisme, Autoroutes

How to Get Away with Murder

May 10, 2021 John Voisine
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Crash Course—If You Want To Get Away With Murder Buy A Car. Woodrow Phoenix, Street Noise Books, 2020, 208 pages

Avec Crash Course, on poursuit notre examen des ravages, parfois involontaire, mais le plus souvent intégré, engendré par notre très haut niveau de tolérance à l’automobile dans nos milieux urbains. Le sous-titre de l’ouvrage dit tout. Étant donné la nature même du médium (un livre graphique), il serait facile d’affirmer que le message est communiqué de cette façon, mais il n’en est rien. Le livre est entièrement illustré, oui, mais le message de la violence automobile est, au contraire, communiqué par son absence. On se retrouve face à des images de vides routiers, autoroutiers et urbains, comme si le lecteur circulait dans une ville nord-américaine anonyme, immédiatement après les restrictions appliquées au début de la pandémie.

Plusieurs effets très sentis sont intégrés à l’information textuelle grâce à de vastes suites de « lévitation » routière, comme un parcours en tapis magique. Celle-ci nous transporte à travers tout nos types d’environnement urbain. Dans un premier temps, si cela n’était pas déjà assez clair, cette suite d’espaces routiers sans automobiles est criante de ce que représente la perte de ces espaces à l’emprise quasi exclusive d’un mode de transport privé, l’automobile. Que nos sociétés urbaines en soient venues à concéder (donc à anéantir) autant d’espace public à des fins privées est une des plus grandes pertes en capital matériel et en productivité des dernières générations. L’auteur utilise plusieurs types de montage graphique, des scénarios tirés de l’actualité récente et de sa vie pour illustrer la précarité et l’absurdité du déséquilibre des forces lorsqu’on oppose l’automobile aux multiples autres usagers de la route. Dans cette catégorie, on retrouve les piétons, les cyclistes et même les usagers des transports en commun. Aux nombreux usagers de l’autobus, il est même difficile de leur accorder le minimum d’une voie exclusive et la priorité aux intersections.

Conformément aux métaphores utilisées par l’auteur, que l’on choisisse ou que l’on soit contraint de vivre nos vies en tant que « spam in a can » (automobilistes) ou simplement « spam » (piétons, cyclistes), ce livre donne de quoi réfléchir sur notre condition urbaine dominée par l’automobile, et qui sait, agir pour faire cesser cette condition et mieux aménager notre condition urbaine ?

Sur les traces de Crash Course

Une des métaphores puissantes, utilisée et illustrée par Woodrow Phoenix, est celle de pianos suspendus, sous lesquels chaque piéton doit naviguer. À tout moment, ce piéton risque ainsi de se faire écraser. Cela représente évidemment la possibilité, quotidienne d’être happé dans l’indifférence par une de ces tonnes d’acier automobile (comme un véhicule utilitaire sport [VUS] ou même électrique, qui représente ironiquement un tonnage encore plus important).

Si l’on veut entendre un résumé assez évocateur et en savoir un peu plus sur l’auteur, il existe cette excellente entrevue sur notre podcast favori à tous, The War on Cars.

Comme je le mentionnais, l’auteur utilise autant des expériences de sa vie personnelle (il s’affirme comme automobiliste enthousiaste, amoureux de la route et même de l’esthétique automobile) que l’actualité des dix dernières années en tant qu’outils de prise de conscience et de changement ; des périls humains (vies perdues ou mutilés) et du gaspillage de nos ressources matérielles et économiques, siphonnés par l’automobile et l’infrastructure qui soutient sa logique. Même si le propos prend ici la forme d’un livre graphique, l’auteur a fait ses devoirs et cite plusieurs ressources ; je vais maintenant en mentionner quelques-unes.

Puisque l’auteur y trouve famille et amis, ce Londonien de naissance retourne souvent à NYC, et une des ressources citées est l’excellent site de l’organisme Transportation Alternatives. Toujours à NYC, cette compilation des collisions dans la ville, projeté sur une carte virtuelle peut s’avérer un outil puissant de changement. Toutes nos villes devraient dégager les ressources nécessaires pour créer, alimenter sur une base mensuelle et gérer un tel outil.

L’organisme Smart Growth America à conçu une page Web remplie de ressources illustrant les failles et encourageant un meilleur design de nos rues : Dangerous by Design 2021. Essentiel.

Le livre revu la semaine dernière (Right of Way) mentionnait aussi les problèmes croissants entraînés par les systèmes de pilotage automatique dans les nouveaux véhicules (particulièrement Tesla). Un bon moyen de s’en faire une idée est de visiter ce site Web, bien nommé : Tesla Deaths.

Une vraie découverte pour moi ; un jour de souvenir qui se souligne le troisième dimanche de novembre : World Day of Remembrance for Road Traffic Victims. Je vais mettre cette date à mon calendrier.

Tags Crash Course, Woodrow Phoenix, Automobile, Aménagements urbain, Urban Form

Bilan routier

May 3, 2021 John Voisine
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Right of Way—Race, Class, and the Silent Epidemic of Pedestrian Death in America. Angie Schmitt, Island Press, 2020 [ebook lu sur Apple Books]

Il y a dans ce livre dix (10) chapitres bien tassés qui nous parlent de cette situation, inimaginable en toute autre circonstance. On y discute des interactions, trop souvent mortelles, entre le citoyen-piéton (ou autrement non motorisé) et son prochain qui choisit de se véhiculer dans un engin à moteur. Pourquoi encore une telle disparité dans les résultats, lorsque ces deux modes légitimes de mobilité se rencontrent, le temps d’une collision ? Pourquoi n’avons-nous toujours pas fait les choix d’aménagements urbains, d’encadrement réglementaire et de dispositions législatives qui garantiraient, en toute circonstance, une issue assurant la sécurité physique et l’intégrité matérielle de toutes les parties impliquées ?

Ce livre expose plusieurs des circonstances physiques, matérielles et réglementaires entraînant ces collisions mortelles. Cela se fait en discutant des aménagements déficients et de la priorité déplacée accordée à la fluidité du trafic. L’auteure donne une vraie visibilité aux questions de pauvreté, de classe sociale et d’ethnicité (« raciales », en contexte américain), trois éléments corrélateurs d’une majorité des collisions. On décortique comment le traitement des collisions entre piétons et automobilistes est depuis trop longtemps l’équivalent d’accorder une licence 007 avec chaque permis de conduire. L’auteure avance qu’il est impératif de cesser de qualifier ces évènements d’« accidents », mais plutôt de les traiter comme une faillite du design urbain et de priorités désaxées. Elle présente les avancées fulgurantes réalisées par les autorités locales s’étant mobilisé autour du mouvement « Vision Zero » et comment, aux États-Unis, un travail important est fait par les parents d’enfants décédés à la suite de collisions. Mais encore, cet activisme s’appuie lourdement sur la victimisation et faillit dans l’implantation de politiques transformatrices. Le « windshield bias » qui affecte si fermement ce pays (et par osmose culturelle, le nôtre) ne sera pas aisément contrecarré.

Même face à cet exposé explicite des conséquences tragiques, souvent mortelles des collisions, Right of Way demeure une exhortation puissante à concevoir un partage transformateur et équilibré de la vie urbaine dans l’espace de nos rues. En travaillant pour aller chercher la mobilisation politique et les ressources financières pour implanter une vision zéro, nous serons plus nombreux pour envisager l’avenir.

Sur les traces de Right of Way

L’auteure de ce livre, Madame Angie Schmitt, s’est fait connaître en tant qu’éditrice et rédactrice sur le fameux site Web Streetblog. Lors d’une entrevue en septembre dernier sur le podcast préféré de tous, The War On Cars, elle souhaitait que son ouvrage fasse pour la cause du partage universelle et sécuritaire de la rue ce que le mouvement #metoo a été pour la cause des femmes ; un moyen de mettre le doigt sur une situation vécue réelle, extrêmement corrosive sur le plan humain et social, mais qui ne trouvait pas de solution parce qu’elle se vit dans le silence. Toute comparaison est boiteuse, mais dans ce cas spécifique, on souhaite certainement qu’une masse critique finisse par se mobiliser pour cette cause.

L’ouvrage brosse un tableau de la tragédie que furent les dix dernières années en termes de collisions entre piétons et automobilistes aux États-Unis. Le contraste est aussi fait à l’internationale ainsi qu’avec ses pays pairs ; la comparaison avec les pays scandinaves est particulièrement cruelle. Je vais maintenant extraire des notes du livre certains éléments qui soulignent des différences culturelles qui pourraient être au cœur des pires aberrations qui caractérise la situation américaine.

Il y a quelques semaines, je parlais d’un ouvrage qui faisait l’historique du phénomène, toujours actuel, du Driving While Black. On change un seul mot de cette expression et on se retrouver avec un phénomène parallèle tout aussi adverse et réel : Walking While Black. 

Un autre article qui fait référence à un livre (Fighting Traffic) que nous avons revu dans ces pages et cité pour son historique d’un sobriquet utile dans la répression des piétons : Jaywalking—How the car industry outlawed crossing the road.

Pour mieux comprendre les mouvements qui mobilisent des « victimes » de la route afin de faire des changements, et les difficultés culturelles incrustées auxquelles ils se confrontent inévitablement : One for the Road—Drunk Driving since 1900. On se rappellera même une chanson (One For My Baby and One More For the Road) sur ce thème ! Un dernier qui semble intéressant sur le phénomène de la voiture elle-même : Are We There Yet? —The American Automobile Past, Present, and Driverless.

Tags Angie Schmitt, Right of Way, Automobile, Vision Zero, Aménagements urbain

La vie sur le pavé

April 26, 2021 John Voisine
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Asphalt Nation—How the Automobile Took Over America and How We Can Take It Back. Jane Holtz Kay. University of California Press, 1997, 418 pages.

Si rien d’autre, Alphalt Nation est un livre qui est fidèle à son titre et délivre entièrement sur sa prémisse. On y apprend comment la voiture a fini par façonner nos paysages physique et métaphorique, bien au-delà de ce qui pouvait même être souhaitable. On suit l’auteur dans une odyssée journalistique (entrevues et visites sur le terrain) d’environ cinq ans, de 1991 à 1996. Une époque qui, en rétrospective, apparaît comme charnière dans cette évolution/domination de plus en plus totale de la voiture sur nos modes de vie. Aux États-Unis, plus particulièrement, le grand projet qu’était la construction du réseau des « interstates » venait de se terminer. Ce réseau national était maintenant réalité, mais qui sait, on aurait pu se dire que l’on ne voulait pas continuer dans cette direction, sachant même ce qui était connu à l’époque. Ne valait-il pas mieux diversifier le « portefeuille » de l’accessibilité et commencer à miser sur d’autres modes, plus durable et universellement profitable, moins ravageur de la richesse collective ?

De toute évidence, ce ne fut pas la façon de penser de la génération au pouvoir à cette époque, ni aux États-Unis, ni dans notre pays, ni dans cette province. 

La troisième et dernière partie de l’ouvrage est consacré à la manière d’entreprendre un « take it back » collectif vis-à-vis la désolation urbaine, environnementale et morale laissée dans le sillage de l’automobile. Malheureusement, comme nous en sommes déjà presque à la vingt-cinquième année après la publication du livre et que ces avenues ont la résonance de promesse sans lendemain, on comprendra que cette lecture attriste. Ce n’est pas que ces propositions, maintenant classiques, ne produisent aucun résultat, ni même qu’elles ne sont pas, dans certaines localités, mise en pratique avec un franc succès (surtout sur le plan de l’aménagement). C’est plutôt que les vraies options systémiques qui serviraient à gruger dans la part de l’automobile (transfert modal vers les modes collectifs et non motorisés, accessibilité urbaine à l’intérieur de 30 minutes, etc.) ne font toujours pas partie de plans, et encore moins de projet sérieux d’implantation à une échelle significative (métropolitaine). Un plein quart de siècle après ce livre, tous les indicateurs vont en sens contraires.

Sur les traces de Asphalt Nation

Jane Holtz Kay, l’auteure de ce livre, est décédé il y a presque dix ans maintenant. On ne peut qu’imaginer, après avoir écrit un ouvrage aussi percutant qui résumait si bien la situation d’alors, tout en tentant de proposer des pistes raisonnées et réalistes pour s’en extirper, quelle serait sa détresse devant la situation présente, du moins ici en Amérique du Nord. Toutes les pires tendances qui caractérisent nos accommodations face à l’automobile, que ce soit sur le plan de l’aménagement (cadre bâti et infrastructure), des usages (vraie mixité et diversité rarement possible dans la réglementation sans un contrôle politique onéreux), de l’accessibilité (l’automobile priorisée de facto) et même sur le plan législatif (voir à ce sujet l’instructissime Should Law Subsidize Driving?) n’ont fait qu’empirer depuis la parution de l’ouvrage en 1997.

Comme je le mentionnais dans la première partie, l’ouvrage est le fruit d’un travail de type journalistique, en droite ligne avec celui de l’auteure avant la sortie ce livre, qui fut aussi son dernier et le plus marquant. En plus de parfaitement prendre le pouls de l’emprise de l’automobile sur notre civilisation, juste avant le nouveau millénaire, l’auteure s’était manifestement appuyée sur une profonde recherche documentaire et historique, qui représentait bien l’état des connaissances et de la réflexion de l’époque ; je vais simplement en mentionner trois (3) ici, même s’ils ne reflètent pas vraiment la tendance générale du contenu de l’ouvrage.

Pour un discours sur l’image que voulaient projeter et se faire d’eux-mêmes certains environnements urbains de l’Ouest américain après le second conflit mondial : Magic Lands—Western Cityscapes and American Culture After 1940. 

Un des rares ouvrages encore disponibles sur le marché et jamais mentionnés dans une de mes chroniques, en plus d’être d’une petite maison d’édition d’ici : The Ecology of the Automobile.

Un dernier qui est sur ma liste depuis plus longtemps que je ne veux l’admettre, mais que je n’étais pas vraiment surpris de voir mentionné, étant donné à ce qui ressemble à une sensibilité commune : All That is Solid Melts Into Air—The Experience of Modernity.

Tags Jane Holtz Kay, Asphalt Nation, Automobile, Autoroutes, Aménagements urbain

La congestion expliquée

April 19, 2021 John Voisine
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Still Stuck in Traffic—Coping with Peak-Hour Traffic Congestion. Anthony Downs, Brookings Institute Press, 2004, 455 pages

Le côté systématique de l’analyse des causes et solutions possibles à la congestion automobile fait dans cet ouvrage d’Anthony Downs ne manquera pas d’impressionner toute personne intéressée au sujet. Et puisque dans la plupart des agglomérations nord-américaines (et du monde), rarement moins de 85 % de nos concitoyens sont, d’une façon ou d’une autre, still stuck in traffic, cela fait pour un large public. Ce que cette lecture ne fournira malheureusement pas (et qu’il est impossible de fournir) c’est une solution aisée au problème. Comme nous l’apprendrons, la congestion n’est pas véritablement un problème ; elle est plutôt la manifestation matérielle inextinguible de la fonctionnalité de l’économie urbaine, d’une concordance déficiente entre les emplois et le logement et finalement, de l’impossibilité politique de coordonner la planification des usages et de l’accessibilité à l’échelle métropolitaine, ceci, peu importe les structures en place et nominalement destinées à ces fins.

L’auteur, un économiste ayant travaillé sur l’habitation pour le gouvernement américain et auprès de « think tanks » bien connu (RAND et Brookings) apporte certainement à ses arguments une forte dose de gymnastique statistique et de raisonnement numérique formaté en tableaux, ce qui est une caractéristique des produits délivrés par ces institutions. Cela étant dit, même si le point de vue posé ici sur la congestion nous arrive fermement du côté droit du spectre politique, l’auteur accorde un traitement si exhaustif au sujet que tous les tenants et aboutissants finissent par être discutés. Même s’il est impossible de toujours être en accord avec les conclusions, la méthodologie mesurée utilisée pour y parvenir fait qu’il est difficile de simplement les balayer. Surtout, l’auteur finit par démontrer que la lutte contre la congestion routière doit se faire par une approche multiforme à l’échelle métropolitain, et ceci parce que chacune des 33 tactiques étudiées appliquées indépendamment n’aurait qu’un effet négligeable sur l’ensemble de la congestion.

Si l’on veut se donner espoir et qu’on a le cœur remplit de courage, quelles approches pourrions-nous envisager, selon l’auteur ? Densification des corridors de transport en commun (à la Curitiba), parking cash-outs, ride-sharing, HOV, mettre un prix sur l’utilisation des autoroutes, passer d’une taxation sur le gaz à une taxation au kilométrage, et tellement d’autres !

Sur les traces de Still Stuck in Traffic

Ce livre est en fait la révision (par le même auteur) d’un ouvrage paru en 1992 et simplement intitulé Stuck in Traffic. En partie, cette révision est un peu une réponse à certaines critiques qui affirmaient que ses conclusions étaient manifestement infondées ou trop pessimistes (puisqu’aucune stratégie n’affichait une efficacité marquée contre la congestion, une fois qu’elle s’était installée). Bien au contraire, l’auteur démontre de façon convaincante que les « solutions » préconisées par les « spécialistes » des ministères et autres départements de transport, comme l’élargissement des routes (du réseau supérieur) ou les voies spéciales à accès limité (pour multiples occupants, typiquement), ne sont que des palliatifs, toujours effacés par le retour du vrai problème : le nombre croissant de véhicules à un seul occupant qui veulent accéder au réseau des artères urbaines et du réseau supérieur aux heures de pointe. L’explication de ce que l’auteur appelle les quatre principes du trafic (principle of tripe convergence, of the swamping effect, the imperviousness principle et le principle of one hundred small cuts) vaut presque à lui-même l’achat du livre.

Comme je le mentionnais, l’auteur arrive clairement d’une perspective de droite, et cela se note manifestement dans les sources, comme le Texas (A & M) Transportation Institute (le fameux TTI) et avec des auteurs comme Wendell Cox et James Howard Kuntsler (connu pour son toujours pertinent Geography of Nowhere, mais qui est maintenant descendu dans une spirale survivaliste et conspirationniste). On peut aussi le noter dans les justifications apportées par M. Downs, qui accepte beaucoup trop souvent et, semble-t-il, sans un « pushback » solide des propositions valises comme la préférence des ménages américains pour l’habitation unifamiliale, la faible densité des environnements urbains, l’accessibilité entièrement envisagée avec la voiture solo (Car Country) et d’autres affirmation faciles de ce type. 

Mais l’auteur se rachète aussi en citant à plusieurs reprises les travaux du regretté Martin Wachs (décédé cette semaine et qui semble avoir été un collègue et ami de l’auteur) ainsi qu’un ouvrage qui pourrait expliquer beaucoup de phénomènes observés à l’échelle métropolitaine : The Homevoter Hypothesis—How Home Values Influence Local Government Taxation, School Finance, and Land-Use Policies.

Tags Still Stuck in Traffic, Anthony Downs, Congestion, Traffic, Urbanité

Pris avec

April 12, 2021 John Voisine
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Traffic—Why We Drive the Way We Do (and What It Says About Us). Tom Vanderbilt, Alfred A. Knopf, 2008, 402 p.

Il y a plusieurs façons d’aborder ce phénomène informe que nous qualifions de « trafic ». Tragédie ou comédie, synonyme de prospérité économique ou inefficacité inévitable et irrépressible de toutes agglomérations urbaines depuis qu’elles existent (la Rome de l’Antiquité n’y échappait pas), le trafic, et la congestion qui y est souvent attachée, semblent occupé dans nos esprits le même espace que la météo ; ces deux phénomènes sont d’ailleurs souvent rapportés l’un après l’autre aux heures de pointe à la radio. Un peu injustement, ce livre nous rappelle même le titre délicieux d’un article du journal humoristique The Onion : Urban Planner Stuck in Traffic of Own Design. Finalement, pas toujours drôle ce journal.

Mais au-delà, l’ensemble du livre et plusieurs de ses éléments d’information nous portent à approfondir le phénomène qui sous-tend toute la « mobilité » dans nos agglomérations urbaines contemporaines. Pour le pire et de manière presque insurmontable, notre urbanité d’étalement sans fin (ni logique) fait que, chacun de façon bien innocente et irréprochable derrière son volant, nous sommes tous ce « trafic ». Un de ces éléments d’informations, qui entraînerait facilement quelques jours d’insomnie, est que si l’on traitait le phénomène des accidents mortels sur la route comme l’on traite les accidents mortels en milieu industriel, le plus haut niveau toléré, dans un pays comme les États-Unis, serait d’environ 3900 morts annuellement. Bien sûr, le niveau annuel des accidents mortels sur la route (en excluant les blessés, qui eux s’élèvent à plus de deux millions) oscille entre 35 et 40 milles. Si le trafic était une industrie, il faudrait donc fermer boutique et repenser notre façon de travailler, en se posant quelques vraies questions fondamentales, du type : ce moyen de « mobilité », à l’échelle urbaine, est-il optimal, compte tenu des externalités engendrées et de la valeur retournée ? On ne dira pas, encore une fois, que de poser la question, c’est y répondre, mais sérieusement, pourquoi pas ?

L’auteur fait aussi une belle place aux arguments et concepts d’aménagement popularisés par le regretté Hans Monderman. La voiture est une invitée dans la ville, et non sa raison d’être. Il serait bien qu’on se le rappelle, chaque fois que nous sommes appelés à repenser notre cadre bâti, nos artères et nos rues.

Sur les traces de Traffic

Ce livre de Tom Vanderbilt est un autre de ceux que j’avais achetés à sa sortie et qui étaient restés dans ma bibliothèque (mais plus probablement dans une boîte de déménagement) pendant tout ce temps. Comme bien des ouvrages, ce dernier est marqué par son époque, qui était celle des livres « à la » Freakonomics : ce mélange d’anecdotes, de recherches à base de publications scientifiques ou techniques, et d’entrevues avec les principaux chercheurs et pratiquants dans un domaine donné. Souvent, le tout finit par avoir une texture « turns-out », légèrement agaçante. Mais heureusement, pas cette fois. La lecture nous donne simplement à constater, grâce aux histoires et anecdotes racontées avec souplesse dans l’ouvrage, que le mélange automobile et humain est aussi périlleux et toxique qu’on pouvait le soupçonner. L’auteur nous fournit une telle diversité d’exemple, à travers toutes les cultures et les régions du monde, qu’aucun doute ne saurait persister.

L’auteur nous fournit de copieuses notes, mais pas de bibliographie. En les parcourant bien, on y trouve quand même quelques ouvrages qui vont se retrouver sur ma liste et que j’aimerais mentionner ici.

Pour ceux, comme moi, qui pour mieux profiter du présent, aiment s’imaginer vivre au coeur d’une agglomération urbaine dans un autre siècle, on pourra passer de belles heures en lisant : Hubbub—Filth, Noise & Stench in England, 1600–1770. Mais pour se connecter à la ville et à nos réalités de façon un peu plus contemporaine, on pourrait faire pire que de se plonger dans : Emergence—The Connected Lives of Ants, Brains, Cities, and Software.

Un livre qui semble venir chaudement recommandé si l’on veut, après l’ouvrage de Tom Vanderbilt, se plonger toujours plus dans l’univers du conducteur : Psychology of Driving. Pour s’éclairer un peu l’esprit ensuite, j’ai bien hâte de parcourir Bicycle—The History.

Un dernier livre qui porte plus sur la conception des objets de notre monde matériel, mais toujours en lien avec ses implications dans le trafic : The Design of Future Things. À méditer en profitant de nos prochains objets « intelligents ».

Tags Traffic, Tom Vanderbilt, Automobile, Design, Aménagements urbain

This Land is Car Land

April 5, 2021 John Voisine
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Car Country—An Environmental History. Christopher W. Wells, (foreword by William Cronon), University of Washington Press, 2012, 427 pages.

Si le premier geste que l’on pose avant de sortir de chez soi est de tendre la main pour saisir les clés de la voiture, si de plus l’on trouve que ce geste est normal, alors pas de doute possible, cet ouvrage de Christopher W. Wells est l’antidote qu’il fallait pour anéantir ce jovialisme de mauvais aloi. Mais avant toute chose, rassurons-nous : à moins de vivre dans une centralité urbaine avec accès facile à une station de métro ou un quartier de périphérie bien desservie en transport en commun si fréquent et polyvalent qu’on en oublie l’horaire (cela existe ?!?), notre quotidien ne peut fonctionner sans l’accès à une automobile. Dans cette situation, nous ne sommes pas non plus les victimes d’un complot ou d’une conspiration des manufacturiers automobiles ou du lobby des « big roads ». Plus banalement, nous évoluons simplement dans le « car country » qui s’est installé par l’accumulation d’une infrastructure légale, fiscale et des politiques favorisant un urbanisme résidentiel, commercial et même industriel d’étalement.

L’histoire environnementale dont il est question en sous-titre est simplement celle de la mise en place de nos réalités urbaines, qui formes et informes notre cadre bâti. Rien n’échappe à la réalité du « car country ». D’ailleurs, comment cela serait-il possible ? La voiture en elle-même possède ce pouvoir de rendre toute matière, qu’elle soit inerte ou à base de carbone, soluble dans sa logique envahissante, qui est celle d’apparaître naturelle et inévitable. L’automobile, par sa fonctionnalité et son utilisation intégrée à toute construction (free parking!), s’invite dans tous nos usages urbains. Cette intégration obligée de l’automobile dans nos espaces urbains, qui cause son lot de destruction matérielle, environnementale et humaine (même aujourd’hui), est si bien assumée que nous l’acceptons comme la condition « naturelle » du marché. En réalité, il aura fallu plus de 60 ans d’efforts concertés pour consolider cet état de fait, maintenant si difficilement réversible.

Les multiples paliers de l’histoire imbriquée de ce qui est maintenant notre « car country » sont richement synthétisés dans cet ouvrage. Matière à ruminer en essayant d’écrire notre prochain chapitre, avec comme objectif de ne plus avoir besoin des clés de la voiture, [on] this land […] made for you and me.

Sur les traces de Car Country

C’est un peu embarrassant de l’admettre, mais Car Country est un de ces livres que j’avais acheté lors de sa sortie et qui est resté dans ma bibliothèque jusqu’à maintenant. Je ne me rappelle pas où j’en avais entendu parler, mais ce podcast de Street MN est probablement une bonne supposition. En complément, l’ouvrage bénéficie d’une page Web encore active.

Les notes de fin de volume sont copieuses, les références et sources sont mises en contexte et commentées, comme on les aime. On y trouve aussi une bibliographie sélectionnée qui présente bien le matériel de façon autonome. Les titres que je vais mentionner ici ne sont que quelques-uns de ceux que j’espère avoir le temps d’explorer plus à fond, si l’avenir peut m’être propice.

L’aube du motordom est caractérisée par la profusion des modèles et types, de la petite sportive à la voiture de luxe à l’habitacle fermé (mais aussi trop fragile pour autre chose que les meilleures voies pavées). Toutefois, c’est seulement à partir de 1908, avec l’introduction du Model T (la « voiture universelle », selon Henry Ford), que l’automobile devient accessible pour le plus grand nombre. Ce véhicule restera en production (avec plusieurs modifications) jusqu’à la mise en marché de la Model A, en 1927. Cette histoire est raconté dans: The Model T—A Centennial History.

Impossible de parler voitures sans examiner les impacts sur la ville, et une des sources les plus citées dans l’ouvrage est : Down the Alphalt Path—The Automobile and the American City. Un des personnages à l’influence des plus sinistre dans l’aménagement de nos environnements suburbain (et qui se fait encore sentir) est certainement Jesse Clyde Nichols. Un livre, J. C. Nichols and the Shaping of Kansas City—Innovation in Planned Residential Communities, apparaît permettre d’approfondir la question.

Un ouvrage sur la ville qui pourrait presque être un synonyme du mot automobile : Los Angeles and the Automobile—The Making of the Modern City. Un volume qui nous enthousiasme quasiment juste pour son titre: Autophobia—Love and Hate in the Automotive Age. Un dernier livre, au titre délicieux, sur une émergence et un ressac salutaire lié à l’automobile : Driven Wild—How the Fight against Automobiles Launched the Modern Wilderness Movement.

Tags Car Country, Christopher W. Wells, Automobile, Histoire, Forme urbaine, Paysage
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