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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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Wellington | Fabrique urbaine

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Great Expectations

January 9, 2023 John Voisine
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The Great Rent Wars—New York, 1917-1929. Robert M. Fogelson, Yale University Press, 2013, 421 pages [e-book lu sur plateforme Kindle]

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [3/5]

Les historiens marquent souvent l’Armistice et le traité de Versailles, qui ont signalé la transition entre l’époque des empires continentaux d’avant la Grande Guerre et celle de la montée des états nations suivant celle-ci comme étant aussi ceux qui signalent le début du siècle américain. Il faudra attendre la victoire sur les forces de l’Axe lors de la Seconde Guerre pour rendre cette position incontestable sur le plan international. N’empêche, il y a un domaine où les américains n’ont jamais vraiment été en mesure de mener par l’exemple ou d’acquérir un authentique leadership, et cela est sur le plan social. En effet, dès la sortie du premier conflit mondial, la majorité des pays de l’Europe occidentale s’attaquent sans répit et presque «scientifiquement» à la question du logement, autant sur le plan de la conception, des méthodes de construction et de la gestion. On y produira beaucoup, vite, et de façon innovante. Cela était bien plus qu’une réponse à la dévastation matérielle entrainée par la guerre; la plupart des pays y voyaient une façon de faire face aux transformations à la fois économique (nouvelles industries, nouveaux secteurs manufacturiers), politique (montée des mouvements collectifs de gauche et fasciste de droite) et sociale (nouvelle place des femmes, de la famille et de la gestion du travail) qui marquaient alors tous ces états au sortir du traumatisme de 1914-18. On allait créer du logement pour le plus grand nombre, et du coup, autant se faire que peut, entrer dans la modernité du nouveau siècle.

L’histoire de ce côté-ci de l’Atlantique a été différente. On se limite dans cet ouvrage de l’historien et professeur émérite en étude urbaine au MIT, Monsieur Robert M. Fogelson, à la crise du logement qui affecta New York et plusieurs autres grandes villes de l’État et du pays. Cette crise se caractérisait par une pénurie de logements pour les classes laborieuses et la classe moyenne précaire. Mais surtout, par l’utilisation de techniques autrement sauvage par ce qui semble la majorité des propriétaires à l’endroit de leurs locataires, sans contrepoids. Seule l’intervention temporaire de l’état retournera, après une décennie, un semblant d’équilibre.

Sur les traces de The Great Rent Wars

En raison du blocage américain très particulier sur les questions sociales, comme sur la mise en place d’une aide de l’état (des états ou fédéral), la lutte se coalisera autour d’une aide indirecte aux locataires : contre les augmentations abusives, pour la conservation du logement et surtout pour un assouplissement aux conditions contractuelles qui avantageait unilatéralement les propriétaires. Cette lutte sera d’une brutalité exceptionnelle et prendra principalement la forme de «rent strikes». Cette tactique ne pouvait en réalité fonctionner que si la quasi-totalité des locataires de l’immeuble participait. De plus, la majorité de ces actions de grèves étaient menées par des femmes, des mères de famille immigrantes dans des quartiers (Lower East Side, Brownsville, Harlem) à majorité juive d’Europe centrale ou de l’est, souvent de première ou deuxième génération. C’était aussi l’époque des grandes organisations syndicales du textile, et aussi la période où le Parti socialiste fera de véritables gains, autant au niveau municipal à New York et à Albany, à la chambre de représentant. Ces représentants socialistes au niveau de l’état seront éventuellement même expulsés de la chambre durant le Red Scare. Mais cela n’empêchera pas les autres représentants de comprendre que l’heure était à l’action. La pression politique était rendue intenable : il fallait venir en aide aux centaines de milliers, sinon des millions de locataires qui étaient pris à la gorge et acculés à la rue par leurs propriétaires.

Pour faire face explicitement à cette crise du logement (des augmentations arbitraires et des expulsions), les mesures de contrôle sur les loyers (uniquement les logements) et le maintien en place des locataires seront adoptées par l’État de New York en 1920, pour une période de deux ans. C’est d’ailleurs cette limite et la façon explicite d’être des remèdes à une crise qui feront qu’elles résisteront jusqu’en cour suprême. Elles seront reconduites (par tranche de un à deux ans) jusqu’en 1929.

Ce livre fait exhaustivement l’histoire de ces mesures; elles ont probablement sauvé New York d’une véritable révolution populaire au tournant des années 1920. Cette histoire mérite d’être mieux connue et les parallèles avec nos pathologies contemporaines dans le domaine sont de chaque page.

Tags The Great Rent Wars, Robert M. Fogelson, New York City, Housing, Série Housing in NYC

From Tenements to Billionaires' Row*

November 21, 2022 John Voisine
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A History of Housing in New York City. Richard Plunz (Foreword by Kenneth T. Jackson), Columbia University Press, 2016 (Revised Edition), 460 p.

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [1/5]

Si rien d’autre, l’histoire de l’habitation à New York en est une tout en contraste. Comment pourrait-il en être autrement, dans une ville qui, depuis le 19e siècle, contient de façon si unique tous les pôles de l’humanité, du commerce, de l’industrie et de la vie intellectuelle et culturelle en Amérique du Nord? Centre de la production manufacturière, nœud de transport d’entreposage, capitale des affaires et de la finance, pôle du commerce, du design et de la mode, New York a malgré tout su, depuis l’instauration de son grid, contenir dans sa trame une juste part pour l’habitation. En commençant par les manoirs sur Fifth Avenue, les révolutionnaires appartements-hôtels ou «d’artistes», qui attiraient autant ces derniers qu’une frange de la classe moyenne qui aimait s’entourer de ces attributs. Souvent presque côte à côte, sur des terres encore non développées, une partie de la population vivait hors du système dans des shantytowns. Et toujours de façon contemporaine, les classes laborieuses vivaient et souvent travaillaient (le textile) dans des logements rudimentaires, les tenements du Lower East Side et des nouveaux outer-boroughs.

Mais il n’y a pas seulement la diversité des typologies qui caractérise New York, il y a les différentes écoles esthétiques et d’aménagement, de l’utilitaire à l’éclectique, en passant par le beaux-arts, l’art déco et après les années 1930, les incarnations plus ou moins satisfaisantes du modernisme appliqué au logement, sous forme de production privée ou aux conséquences encore plus tragiques, dans sa production publique (NYCHA). C’est aussi la ville qui a fait progresser autant les codes de construction que d’urbanisme, pas toujours pour le mieux.

La densité de New York, sur le plan démographique (forte immigration européenne de l’est et du sud, jusqu’à la fermeture des années 1920) et de la concentration géographique de certaines communautés, sont des facteurs positifs dans la mise en place de coopératives de solidarité durant les premières décennies du 20e siècle. De ces organismes militants naitront une série de grands ensembles d’habitations communautaires pour la classe moyenne, presque insurpassée à ce jour en matière de design, d’organisation et d’aménagement des espaces communs (intérieurs et extérieurs).

Sur les traces de A History of Housing in NYC

Ce livre contient la genèse de plusieurs adresses, connues et moins connues, emblématiques d’un type ou qui marque une évolution dans un genre ou une façon de se loger, et puisqu’il s’agit de New York, allant du plus pauvre au plus riche. Mais une des transformations qui m’occupe encore après cette lecture, probablement parce qu’elle marque un progrès toujours d’actualité, est la manière par laquelle certains groupes, principalement de la communauté juive du Lower East Side, sont passés des conditions difficiles des tenements à de nouveaux logements de type garden apartments, principalement dans les outer-boroughs (suivant l’ouverture de nouveaux corridors du métro). Organisée en associations de solidarité, comme la United Workers Cooperative, cette communauté en était arrivée, dans le courant de la deuxième décennie du 20e siècle, à avoir assez d’unité idéologique, d’influence politique et de cohésion financière pour piloter quelques vastes projets d’habitations collectifs d’un genre unique de ce côté de l’Atlantique. De par son organisation spatiale au pourtour de l’îlot urbain, avec des bâtiments d’habitations, de services communautaires et en son centre, un espace paysager aménagé, on cherchait à offrir des conditions d’habitation moderne tout en préservant le meilleur de l’esprit solidaire et communautaire qui caractérisait l’environnement urbain d’origine.

La grande dépression de la décennie 1930 et les tumultes de la Deuxième Guerre viendront assener un coup dur à l’organisation et au maintien des idéaux derrière ces groupes d’habitations. Les temps semblent pourtant mûrs pour une recapture actualisée et pérenne de ces implantations collectives**.

Cet ouvrage de Monsieur Richard Plunz est né de notes de cours pour un séminaire, durant les années 1980, à l’université Columbia. Publiée une première fois en 1992, cette dernière édition tient compte des développements qui rendent la proposition en logement toujours plus inaccessible. Il serait difficile de trouver un volume plus complet, autant dans sa chronologie que dans l’analyse historique, esthétique et fonctionnelle consacrée à chaque forme d’habitation. C’est une entrée en matière essentielle pour qui veut faire le tour des typologies new-yorkaises d’habitations et comprendre les contraintes, tendances urbaines et sociologiques (démographie, politique, mode de production et tenure), financières et réglementaires ayant une influence sur cette production.


* Billionnaires’ Row

** À ce sujet, voir le documentaire At Home in Utopia. Une belle façon de passer une heure.

Tags A History of Housing in NYC, Richard Plunz, Housing, NYC, Urban history, Tenements, Série Housing in NYC, United Housing Foundation (UHF)

L'essentiel oublié

July 8, 2022 John Voisine
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Missing Middle Housing—Thinking Big and Building Small to Respond to Today’s Housing Crisis. Daniel Parolek (with Arthur C. Nelson), Island Press, 2020, 299 pages.

House Divided—How The Missing Middle Can Solve Toronto’s Affordability Crisis. Edited by Alex Bozikovic […], Coach House Books, 2019, 267 pages.

Cette notion de missing middle housing est certainement un des espoirs les plus fertiles quand vient le temps d’imaginer un avenir moins toxique pour les vastes territoires de banlieue qui caractérisent nos villes. En tant que forme urbaine plurielle, fermement ancrée à une échelle compatible avec tous les types résidentiels unifamiliales, le missing middle facilite une transition à la fois naturelle et dynamique vers une zone de plus forte activité. Le missing middle occupe donc une position essentielle mais quelque peu négligée et souvent même oubliée dans nos tissus urbains. Il offre pourtant cet idéal si recherché : une intensité urbaine à échelle humaine.

Sans le besoin de déployer une posture tectonique agressive, comme un «bloc» d’appartements de 10, 20 ou même 40 étages, la forme du missing middle est depuis toujours le bâtiment par excellence pour engendrer une activation humanisée de l’environnement urbain. C’est seulement depuis l’universalisation de l’urbanisme de zonage et du tout à l’auto que cette formule gagnante, composée d’une pluralité de bâtiments d’habitations, mais aussi des locaux commerciaux, des espaces de vie-travail, pour professionnels, artistes et maintenant, franchement presque tout le monde, s’est éclipsé comme typologie régulière et innovante de nos villes. Notre incapacité a perpétué et renouveler la formule du missing middle entraîne de grandes pertes en densité humaine, donc en opportunité. Cette tendance, une fois établie, est difficile à renverser.

C’est un peu l’univers avec lequel le premier ouvrage, de Monsieur Daniel Parolek, nous donne si génialement l’occasion de nous refamiliariser. Loin de proposer de nouveaux types immobiliers, le livre permet plutôt de nous ouvrir sur ces typologies qui ont toujours été parmi nous; c’est simplement qu’avec leurs gabarits qui se fondent en douceur au contexte urbain à faible densité, ils passent souvent inaperçus. Ceci même s’ils constituent, lorsqu’ils existent encore, des formes prisées et recherchées.

En plus de permettre une urbanité intense, mais avec une «densité cachée» avantageuse, le missing middle s’intègre confortablement dans un milieu existant en phase d’évolution ou de transformation. Il est nettement le “maillon manquant”, versatile et innovant, qui manque si cruellement pour faire transitioner nos espaces urbains.

Sur les traces de Missing Middle et House Divided

On ne se le cachera pas, les opportunités de se faire tapisser par une révolution à la missing middle sont few and far between. Le deuxième ouvrage, sur le potentiel de résoudre, avec le missing middle, la crise de l’abordabilité à Toronto (et du même coup, de dynamiser le yellowbelt de la ville), nous explique pourquoi cette formule, tout en représentant une continuité dans l’échelle et le caractère urbain existant, est loin de recueillir les appuis qui seraient nécessaires pour représenter une alternative viable. Pourtant, si un milieu urbain est morphologiquement mûr pour bénéficier pleinement d’une transformation en ce sens, Toronto est bien le candidat idéal.

En réalité, Toronto est un peu dans la même position que la plupart des autres villes nord-américaines : nous savons ce qui pourrait activer et dynamiser nos environnements urbains, nous en avons même de nombreux exemples (pour ceux qui ont la chance d’avoir des cadres urbains d’avant 1940), encore riche et productif (voir le travail de Urban3), mais nos plans d’urbanisme rigides et le zonage qui en découle produisent l’opposé.

Pourquoi ne pas les changer alors? C’est un peu dans ce processus, qui serait si salutaire, que ces deux ouvrages aimeraient nous mener. Le premier ouvrage est même aussi un recueil de bonnes pratiques et de façons d’engager une conversation citoyenne convaincante en ce sens. Mais comme le démontre surtout House Divided, on fait face non seulement à une culture qui valorise avant tout la stabilité et la permanence du “caractère” d’un quartier, mais aussi qui envisage toutes nouvelles formes urbaines comme entraînant une spoliation irréparable. Même si l’évidence du contraire est souvent juste à quelques maisons de soi, même si certains nouveaux plans d’urbanisme et codes de type form-based* cherchent à introduire des formules pouvant générer cette densité heureuse caractéristique du missing middle, la résistance, autant à droite (prétextant la recherche de “stabilité” du voisinage) qu’à gauche (prétextant la “préservation” du tissu urbain) n’est pas prête à s’ouvrir à ces transformations, pourtant essentielles.

Ces deux ouvrages sont, chacun à sa manière, le meilleur moyen de se (re) familiariser avec cette riche typologique urbaine et son potentiel d’avenir à échelle humaine.

*Nous avons aussi parlé du livre de référence des codes form-based ici. À noter que l’auteur principal (Daniel Parolek) est le même, c’est pour dire la proximité souvent nécessaire afin de réussir l’introduction de la typologie missing middle.


La semaine prochaine la série Habitation et logement se poursuit avec le fameux Golden Gate, de Conor Dougherty.

Tags Missing Middle Housing, House Divided, Daniel Parolek, Housing, Urban Form

Back to the Future

May 23, 2022 John Voisine
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Modern Housing. Catherine Bauer (Foreword by Barbara Penner), University of Minnesota Press, 1934 [2020], 330 pages

Premier (1) de la série Habitation et logement

Ce livre dresse un portrait de l’habitation dans les pays industrialisés d’Europe de l’ouest et aux États-Unis, en date de sa parution, en 1934. Dès sa sortie, et pour plusieurs décennies par la suite, le livre est resté une référence et fit de l’auteure (jusqu’à son décès prématuré en 1964) une des rares spécialistes reconnues du public (américain) dans le domaine. Même si Catherine Bauer fut très sollicitée pour des mises à jour et des ajouts (sur le logement en URSS ou en Italie, par exemple), ses nombreuses autres obligations professionnelles, couplée à sa volonté de faire une révision totale, ne se sont jamais alignées. En résulte un ouvrage unique et uniquement intemporel, qui réussit totalement sa mission, en 2022 comme en 1934.

Je pense qu’il faut remercier la providence qu’un ouvrage aussi fondamental à une période aussi cruciale (15 ans après la Grande Guerre et cinq ans avant la Deuxième) est vu le jour. Presque 90 ans après sa parution, dans cette nouvelle édition magistralement mise en contexte par une préface de Madame Barbara Penner, il est difficile de trouver mieux pour éveiller, approfondir et étendre notre réflexion sur la question du logement. Le tour de force accompli par Catherine Bauer se déploie à plusieurs niveaux : portrait historique des grandes idées et œuvres du 19e siècle en matière de logement, pourquoi ceux-ci ont-ils été, dans la plupart des cas, presque tous en vain (idéalisme qui bascule dans le culte, progressisme et «bonnes oeuvres» qui dérapent en exercices contrôlant et moralisateur, philanthropie trop ponctuel et sans lendemain, etc.) et finalement le choc des bouleversements (sociaux, politiques, économique) d’après 1914-18. Plusieurs des moyens finalement déployés trouvent leurs origines dans les mouvements d’avant 1914; c’est leur accélération qui est fulgurante par la suite.

En effet, cette période de 10-15 ans d’après-guerre se caractérise par l’impulsion vigoureuse et urgente, un peu partout en Europe, pour la mise en place de ce qui devient le «modern housing» — pas tellement par la forme (même si l’urbanisme et l’architecture jouent leurs rôles) que par la prise en charge des moyens de production par l’État et ses mandataires.

Sur les traces de Modern Housing

Si le livre de Catherine Bauer peut encore avoir une telle résonance, c’est que tout au long de son parcours sur la question du logement, elle construit en filigrane une démonstration centrale et incontournable : à aucun moment et dans aucun pays, jamais, le marché capitaliste n’a réussi à fournir à prix raisonnable et à un niveau de qualité décent du logement pour les gens en bas de l’échelle économique et même, dans la plupart des cas, pour la classe moyenne naissante. Cela est vrai pour tous les pays occidentaux, mais l’absence quasi totale de mouvement de solidarité des travailleurs aux États-Unis (grands syndicats ou partis politiques), l’idéal de la propriété privée et de l’individualisme font que les conditions étaient particulièrement pénibles dans ce pays.

Une fois ce constat accepté, la question devient de savoir comment mettre en place le soutient public (organismes coopératifs volontaires ou syndicaux, d’utilité publique, construction et gestion par OBNL sur terrains municipaux avec bail emphytéotique, sociétés paramunicipales de construction et de gestion, etc.) et comment le faire avec le plus d’avantages sur le plan social, économique et maintenant avec une dimension environnementale. L’objectif est d’assurer au plus grand nombre, de façons pérennes, un logement de qualité, à loyer modique ou selon la capacité de payer du ménage. Dans de rares cas, avec possibilité d’acquisition et de transfert.

L’auteur démontre de façon convaincante que les réponses les mieux intégrées (sur le plan architectural et urbain), en mesure de satisfaire (sur le plan social et économique) cette question ont été déployées aux Pays-Bas, avec en deuxième place les pays scandinaves et proche troisième, certaines villes allemandes (Berlin, Francfort). Une mention spéciale va à la ville de Vienne.

Les réponses aux questions du logement sont nécessairement publiques, en dehors de la production capitaliste (qui ne fonctionne que pour le marché des individus indépendant de fortune ou des entrepreneurs-propriétaires). Le reste de la production en logements demande d’être pérennisé et professionnalisé; la seule entité avec ce type de résilience et de capital est l’État (une combinaison de nos trois paliers de gouvernement). Nos sociétés sont mûres pour ce futur.


Jeudi, le deuxième livre de notre série sur l’habitation avec Still Renovating—A History of Canadian Social Housing Policy.

(2022-05-26): Je dois remettre la publication de cette revue à mercredi prochain, le 1 juin. En attendant, comme je le mentionnais la semaine dernière, la revue de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ), Urbanité, vient de sortir son dernier numéro (printemps/été 2022) avec un dossier spécial sur l’habitation. Il est possible de le télécharger sans frais ici. Je n’ai aucune association avec la revue.

Tags Modern Housing, Catherine Bauer, Housing, Social Housing, Urban Planning

Le Griffintown de jadis

October 4, 2021 John Voisine
The City Below the Hill The City Below the Hill The City Below the Hill The City Below the Hill

The City Below the Hill—A Sociological Study of a Portion of the City of Montreal, Canada. Herbert Brown Ames, introduction by P.F.W. Rutherford, University of Toronto Press, 1972 [1897], 116 pages.

Sans rien dévoiler de la qualité de l’œuvre, ni de son propos, il est difficile de penser à un titre qui reflète mieux le contenu d’une enquête socio-urbaine, comme ceux que les réformistes de la fin du 19e siècle semblent en avoir eu le secret. Avec un titre comme The City Below the Hill, on sait immédiatement qu’on n’aura pas affaire à une tranche de vie à Westmount ou d’autres quartiers cossus à l’ombre du couvert végétal prospère du mont Royal. Aucune confusion possible avec ce que l’auteur identifie lui-même comme ce monde exclusif de la « the city above the hill, […] home of the classes. Within its well-built residences will be found the captains of industry, the owners of real estate, and those who labor with brain rather than hand » (p. 6).

Représentant du meilleur d’un homme de sa classe et des prédilections progressiste, mais conservatrice de l’époque, Herbert Brown Ames se penche ici, dans un esprit de charité et de philanthropie teinté d’une forte dose de paternalisme, sur les conditions matérielles des habitants des quartiers « below the hill ». Il s’agit d’une zone près de l’entrée du canal de Lachine, délimité à l’est par la rue McGill jusqu’au square Victoria, à l’ouest par « the city limits » (environ l’axe de la rue Laprairie), au sud par la rue Centre et le Canal lui-même, et au nord, la falaise, alors occupée par la ligne du Canadian Pacific (et maintenant aussi l’autoroute Ville-Marie). Aujourd’hui, ce sont les quartiers de Griffintown, la Petite-Bourgogne, et un petit bout de Pointe-Saint-Charles (PSC) qui animent ce territoire urbain.

Il faut bien admettre que pour l’époque et pour Montréal, l’ouvrage est unique et précurseur. Herbert Brown Ames, se retrouvant à la tête d’un consortium d’affaire familiale ; il sera de cette classe d’hommes qui profitera de la position et de l’héritage de sa famille pour consacrer une partie considérable de ses énergies à la réforme (ultimement avorté) de l’administration municipale montréalais. Il est un des organisateurs de la Volunteer Electoral League, qui, sur une plateforme de lutte contre la corruption, le portera jusqu’à se faire élire comme conseiller municipal, de 1898 à 1906.

Sur les traces de The City Below the Hill

Les dix « chapitres » présentés ici sous forme de livre ont été, à l’époque de leurs publications en 1897, absorbé par le lecteur à travers une série dans le quotidien The Montreal Star (pratique courante à l’époque). Pour en arriver à ce compte rendu, qui se voulait avant tout factuel, Herbert Brown Ames (HBA) a eu recourt à des techniques de démarchage, de prise d’information, qui ne seraient pas reniés aujourd’hui. De ce travail, l’auteur en tire un ensemble de données statistiques permettant, à défaut de comprendre dans son humanité cette population, de brosser un portrait aussi factuel que possible de leurs conditions (assez pénible) de subsistance. Comme cela était aussi en vogue à l’époque, l’auteur a représenté ses résultats sur autant de cartes du secteur, permettant ainsi de géolocaliser (19th-century style), les situations problématiques.

Même si le Griffintown, la Petite-Bourgogne et PSC du tournant d’un autre siècle se laisse assimiler, géographiquement parlant, aux quartiers que nous connaissons, on fait référence ici à un monde aussi sociologiquement qu’urbainement (pour faire un néologisme) révolu. « The city below the hill » d’alors est non seulement le cœur industriel du Canada, mais aussi un milieu de vie pour la vaste majorité des gens y travaillant de leurs mains ; des hommes, des femmes et même des enfants qui contribuent à la subsistance de leurs ménages. Au-delà de la densité des habitations, « cheek by jowl » avec les industries, le manque d’espace naturel (ironiquement, il y a maintenant un parc HBA) et un certain « overcrowding » des milieux de vie (le fléau des « rear tenements »), la vraie situation problématique est celle du déficit en équipements sanitaires (eau et égouts branchés). Ce sera le grand combat du début 20e siècle à Montréal.

Non content de faire ses diagnostiques sociaux et urbains, HBA utilisera sa fortune (et encouragera les hommes de sa classe à faire de même, sans succès) pour réaliser, entre les rues Ann et Shannon (intersection rue William), le Diamond Court, un complexe « of workingmen’s dwellings » (p. 108-109), un type de projet découlant de la philosophie du « 5 per cent philanthropy » (et comme tout dans ce quartier, maintenant plus qu’un souvenir). J’aimerais à explorer cette pratique dans l’année qui vient.

Tags The City Below the Hill, Herbert Brown Ames, Griffintown, Urban sociology, Housing

Les radicaux de banlieue

November 30, 2020 John Voisine
Radical Suburbs Concord Park, February 1957 Chapter 5

Radical Suburbs - Experimental Living on the Fringes of the American City. Amanda Kolson Hurley, 2019.

On aime toujours s’imaginer que notre réalité va bien au-delà de ce qui est aisément perceptible. Dans un sens, des livres comme ceux de Ms Hurley sont exactement dans cette catégorie : sous l’ordinaire du genre (ici, la banlieue) se cache une complexité, des niveaux de nuances impossible d’imaginer sans une connaissance approfondie du lieu. Mais encore, cette volonté de faire différemment et mieux peut-elle survivre à l’érosion du temps et la marche implacable des systèmes dominants?

Chose certaine, dans Radical Suburbs, l’auteure démontre clairement que des gens ont, à plusieurs moments du 20e siècle et pour des raisons qui se voulaient à la fois universelles et spécifiques, tenté de s’approprier des banlieues comme modèle radical. Des enclaves aux principes qui semblaient irréconciliables (même utopique), dans le sens qu’ils confrontaient les préjudices (« vérités ») de leurs époques, ces communautés avaient choisi l’isolement par rapport à la cité, non pour mieux vivre l’ordinaire, mais plutôt pour incarner pleinement, dans leurs quotidiens, ces visions radicales. En ce sens, ils renversaient la formule « banlieusarde » de l’isolement dans l’exclusivité unifamiliale afin de collectivement habiter une convention d’idées, de philosophie et parfois même un idéal constructif qui leurs étaient propres.

L’auteure nous dépeint essentiellement six (6) de ces « intentional communities » (p. 48), qui vont de la commune développée autour d’une foi qui interdit le renouvellement (Ambridge, PA), aux anarchistes « pendulaires » (Stelton Colony, Piscataway, NJ), en passant par les esthètes des Garden City (Greenbelt, MD), du modernisme (Six Moon Hill and Five Fields, Lexington, MA), des constructeurs d’intégration (Concord Park, Trevose, PA) et finalement ceux qui pensaient pouvoir faire une nation de modèles New Towns (Reston, VA), une version plus complète, diversifiée (fonctionnellement) et moins parasitaire de la banlieue. 

L’histoire de ces expériences « radicales » en est une du triomphe momentané des idéaux sur la matière. Quelques idéaux éthiques ou esthétiques qui se sont matérialisés, l’espace de quelques décennies fructueuses. Mais il est difficile, comme le souligne l’auteure, de ne pas s’imaginer que la majorité de ces expériences ont probablement été affaiblies par ce qui est la caractéristique première de l’enclave exclusive de banlieue, soit son isolement.

Sur les traces de Radical Suburbs

J’ai pour la première fois entendu parler de l’œuvre grâce à l’épisode 3 d’un podcast maintenant en pause, Nice Try! (Utopian), qui portait sur le contraste entre Levittown, l’archétype de la banlieue, et Concord Park, qui est une des « Radical Suburbs » décrit dans l’ouvrage. Le « radical » ici étant la volonté de vivre dans une communauté intégrée sur le plan de la couleur de la peau des résidents. Cet épisode est essentiel, mais il faut se gâter pour vrai et s’écouter la totalité des huit (8) épisodes de la première saison de Nice Try!

L’auteure a eu la bonne idée de classer ses sources documentaires en fonction des chapitres. Je commence toutefois par un livre qui fera bientôt l’objet d’une chronique dans cet espace, soit l’ouvrage de Richard Rothstein, The Color of Law : A Forgotten History of How Our Government Segregated America (2017) —mentionné comme source du chapitre 5, qui porte sur la banlieue de Concord Park. Suffis pour le moment de s’en faire une priorité de lecture. Un autre livre qui fera bientôt la chronique sur ces pages est le classique du genre, Crabgrass Frontier — The Suburbanization of the United States (1984), de Kenneth T. Jackson —mentionné pour l’introduction.

Il y a enfin quatre (4) ouvrages qui sont maintenant intégrés à ma liste, suite à la lecture de Radical Suburbs. Dans l’ordre utilisé par l’ouvrage, dans l’introduction on notera Bourgeois Utopias : The Rise and Fall of Suburbia (Robert Fishman, 1989), Building Suburbia: Green Fields and Urban Growth, 1820-2000 (Dolores Hayden, 2004) et Crabgrass Cruciale: Suburban Nature and the Rise of Environmentalism in Twentieth-Century America (Christopher C. Seller, 2012). Finalement au premier chapitre, comme ne pas remarquer un livre avec comme titre City of Refuge : Separatists and Utopian Town Planning (Michael J. Lewis, 2016).

Tags Radical Suburbs, Amanda Kolson Hurley, Suburbs, Utopia, Housing

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