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Wellington | Fabrique urbaine

3516, rue Gertrude
Verdun, Québec H4G 1R3
514-761-1810
L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

William H. Whyte en pratique

October 24, 2024 John Voisine
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Learning from Bryant Park—Revitalizing Cities, Towns, and Public Spaces. Andrew M. Manshel, Rutgers University Press, 2020, 293 pages.

Cette chronique est un boni dans notre série sur l’œuvre de William H. Whyte (1917-1999).

Après avoir passé tout ce temps à examiner et à considérer les travaux d’une personne, comme ceux de William H. Whyte, on trouve rassurant de constater qu’en situation réelle où cette vision a pris forme, un renversement positif à 180 degrés s’est produit. Le récit à la première personne de cet ouvrage nous illustre que oui, une ville qui s’inspire des observations de Whyte pour guider les orientations d’aménagements de ses aires et places publics fera des pas de géant en faveur d’environnements urbains plus conviviaux pour tous.

Il est également réconfortant de constater que, lorsqu’on applique les orientations proposées par Whyte en faisant preuve de sensibilité, après avoir pris soin d’analyser le contexte et l’échelle urbaine appropriée, les résultats constructifs sont souvent ressentis bien au-delà du lieu visé initialement. Chaque chapitre est l’exemple qu’un travail sur un espace ou un corridor urbain a des retombées sur tout un secteur ou même un quartier de la ville, que ce soit par émulation ou par attraction. La capacité à distribuer équitablement cet impact et ces retombées positives devient souvent alors le vrai défi et fait partie de l’enjeu.

Ce livre d’Andrew M. Manshel est un témoignage, à la première personne, de la puissance d’une approche de l’espace urbain, d’une sensibilité de gestion qui donne la priorité au à l’accueil convivial et ouvert de tout le public. Dans les expériences racontées dans l’ouvrage, qui s’étale sur une période de plus de 20 ans, la plus exemplaire est celle qui s’est produite au cœur du cœur de la plus grande métropole américaine, New York. Elle nous parle directement de la capacité de quelques orientations fortes, appliquées judicieusement, de transformer un environnement urbain pour le mieux, en faveur des gens qui fréquente et souvent choisissent d’y vivre. Le district visé dans cette discussion est Midtown Manhattan, plus précisément Bryant Park et ses alentours, derrière la fameuse branche centrale de la NY Public Library (avec ses lions !), le long de la Fifth Avenue, entre West 40th et 42nd Street. De surcroit, en page couverture du volume, on voit ce qui est devenu le symbole des approches d’aménagements « à la William H. Whyte » : une simple chaise de type bistro, toujours disponible et que le public est invité à déplacer à sa guise. L’ouvrage est un peu l’histoire de cet outil, par la voix d’un de ses praticiens.

Sur les traces de Learning from…

Cette chaise est certainement devenue le symbole de cette philosophie d’aménagement qui invite le public à « s’approprier » de l’espace afin de mieux la définir, ne serait-ce que le temps d’un midi. Toutefois, ce que ce symbole semble si bien dissimuler, c’est toute l’infrastructure de soutien et d’entretien qui doit exister pour que cette chaise existe. Un niveau de soin et de concertation qu’il est difficile de mettre sur pied, dans un premier temps et par la suite, de maintenir de façon consistante et durable. De plus, c’est en travaillant pour une organisation de type Business Improvement District (BID) [1], et non à travers une agence municipale, que la plupart des « improvements », autour de Bryant Park, ont été réalisés. Ces organisations ne sont pas des charités, mais exercent plutôt un pouvoir de contrainte quasi légale et de perception de redevances sur leurs membres.

C’est aussi le cas d’autres districts abordés dans l’ouvrage, comme celui de Jamaica Avenue et son BID (qui est également l’histoire de la lente transformation d’un corridor commercial). Se posent toujours des questions légitimes d’équité, de représentation et de gouvernance parfois, qui sont abordées sans dissimulation par l’auteur. Mais puisque la résultante du travail est bien souvent si manifestement transformationnelle, cette question est généralement étouffée. Et comme l’auteur l’admet même, toutes les décisions ont été rendues dans la communauté de manière « top-down » ; les discussions avaient lieu seulement au moment de considérer les changements et amélioration possible, une fois les décisions implantées. Les circonstances ont voulu que les têtes dirigeantes de ces BID, comme l’auteur, étaient particulièrement bien imprégnées des attitudes et des idées de William H. Whyte sur l’aménagement des places publiques, des espaces urbains, et de comment assurer une catalyse dynamique et durable. Mais autrement, quels auraient été les correctifs possibles si les choses avaient été autrement ? C’est probablement une des raisons que l’on voit trop souvent ce type d’organisation se contenter du triomphe facile de l’extraction économique à court terme et de l’accommodement universel de l’automobile.

Dans un environnement urbain dévitalisé ou lourdement grevé sur le plan économique, toute modification au statutquo peut vite entrainer des blocages centrés autour d’instincts conservateurs ; de même pour les espaces qui « fonctionnent » à une échelle autoroutière. L’ouvrage reste honnête et transparent sur les aspects parfois difficile et même contradictoire de la proposition. Mais à travers le récit de son parcourt, l’auteur fait le pari qu’une application raisonnée et contextuelle des observations de William H. Whyte constitue un investissement productif et durable, autant pour la ville que ses citoyens.


[1] Au Québec, il existe un équivalant, les Sociétés de développement commercial (SDC).

Tags Learning from Bryant Park, Andrew M. Manshel, NYC, Urban Design, Série William H. Whyte

Small Spaces, Urban Spaces, Big Deal

October 10, 2024 John Voisine
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The Social Life of Small Urban Spaces. William H. Whyte, Project for Public Spaces, 1980, 125 pages.

Cette chronique est la dernière d’une série sur l’auteur urbain William H. Whyte (1917-1999).

Ce livre de William H. Whyte est paru il y a maintenant plus de 40 ans. Il demeure l’un des outils le plus pratique et concret auquel les urbanistes, architectes paysagistes et architectes-concepteurs peuvent se référer lorsque vient le temps de poser les bases du design d’espaces et de places publiques. Aucun doute n’existe que si, dans 40 ans, on veut toujours consulter le meilleur de ce qui s’est produit sur la façon de réussir une interface heureuse entre un petit espace et l’environnement urbain, les enseignements de Whyte se retrouveront sur le dessus de la pile. En fait, on doit les situer parallèlement à ceux de l’architecte danois Jan Gehl. À peu près à la même époque et avec des méthodes équivalentes, il en arrivait à des conclusions analogues (mais avec, cette fois, une saveur tout européenne). Whyte reconnaît d’ailleurs la contemporanéité de leurs démarches similaires et la convergence de leurs résultats.

Le doute qui se manifeste sur la pérennité des enseignements de Whyte se traduit plus par la difficulté d’incorporer ce qui est, après tout, une leçon constante d’humilité applicable à tous nos gestes. Toutefois, cette application doit se réaliser sans perdre la confiance nécessaire à l’avancement matériel et conceptuel des domaines de l’aménagement et du design urbain. Il est bien connu, par exemple, que la plaza de l’édifice Seagram à NY est, depuis son ouverture, une des plus fréquentée et utilisée, autant par le public de bureau que des touristes. Pour les immeubles de Midtown Manhattan, c’est d’ailleurs le succès de cette plaza qui a entrainé la standardisation, dans le code de zonage, de la formule d’échange « place publique contre superficie de bureaux ». Cela dit, combien savent que le premier surpris par cette fréquentation du public de ce qui se voulait avant tout un « joyau » à vocation purement esthétique fut certainement son concepteur principal, Mies van der Rohe (comme nous le rappelle Whyte en citant son assistant, Philip Johnson [1]). En d’autres termes, certaines plazas urbaines sont vite adoptées et fréquentées, mais la question sera toujours : comment tirer le meilleur parti des éléments de design qui encourage cette fréquentation active, marque d’un véritable succès? Avant cet ouvrage de Whyte, si même c’était une question qu’on souhaitait explorer, la résolution passait le plus souvent par un processus itératif de longue haleine. Surtout, d’accepter que la première fois ne serait pas la bonne. Finalement, avec cet ouvrage, on peut envisager de mettre un maximum de chance de son côté.

Sur les traces de The Social Life of Small Urban Spaces

Le programme qui permettait l’aménagement d’une plaza contre un gain en superficie (dans le nombre d’étages) pour l’immeuble sur même lot a, bien sûr, donné naissance à une période, durant les années 1960 et jusqu’au crash immobilier du milieu des années 1970, où les promoteurs ont fourni ces espaces nouveaux genres. Mais bien souvent, par manque d’une codification minimale des exigences, la ville se retrouvait avec un rectangle minéralisé qui demeurait aussi vide qu’un paysage lunaire, même si en bordure d’une avenue passante. Au début des années 1970, les autorités de la ville finissent par chercher à codifier des standards minimaux encourageant une fréquentation par le public pour lequel ces plazas étaient nominalement destinées. Encore fallait-il démontrer que ces critères de design allaient avoir une chance de renverser la tendance et d’encourager l’intégration souhaitée. Il ne faut pas oublier qu’on parle ici d’espaces localisés dans ce qui est certainement le centre urbain (Midtown Manhattan) avec la plus grande densité d’activités en Amérique du Nord. Une des personnes consultées pour relever ce défi est justement William H. Whyte. Il procède de manière innovante, avec un équipement à la fine pointe de la technologie pour l’époque, même si en réalité sa méthodologie consiste tout bonnement en une observation méticuleuse des comportements humains dans l’espace urbain. Ce travail, qui s’échelonnera sur presque 10 ans, lui permettra de formuler plusieurs pistes fertiles de design qui s’appliquent presque universellement, si on porte une attention particulière au contexte. Par exemple, une ville de 10-20, 100-200 et même cinq cent mille habitants n’est pas simplement une ville de 3 millions d’habitants à échelle réduite. La plupart des aménagements « de grandes villes » ne trouvent pas la densité de public nécessaire pour les activer en d’autres milieux.

Certaines places, « pocket parks » et même, comme on le comprend maintenant, certaines parties de rues (intersections aux configurations particulières, cases de stationnement riverain à des locaux commerciaux de destination ou des restaurants) développent une affluence « naturelle » qui leurs est propres, mais qui est souvent, si on observe de près, aussi le résultat d’une programmation intense, voulu et à l’écoute des circonstances. William H. Whyte ne le dit pas explicitement dans l’ouvrage, mais on fini par réaliser que les éléments d’un espace fréquenté et activé, d’une place à succès en harmonie avec son milieu sont, ironiquement, ceux qui invitent et guident subtilement le public tout en lui laissant un sentiment de contrôle ludique sur son environnement.


[1] MVDR, cité pas Philip Johnson, en parlant des bords des deux vastes plans d’eau rectangulaire où se l’on trouve toujours une petite foule, commente : “I know it. It never crossed Mies’s mind. Mies told me afterward, ‘I never dreamt people would want to sit there’”;

Tags The Social Life of Small Urban Spaces, William H. Whyte, Urban Design, Urban Spaces, Série William H. Whyte

La dernière vue

September 19, 2024 John Voisine
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The Last Landscape—Foreword by Tony Hiss. William H. Whyte, University of Pennsylvania Press, 1968 [2012], 376 pages [lu en format e-book]

Cette chronique fait partie d’une série sur l’auteur urbain William H. Whyte (1917-1999)

Si la vaste majorité de nos paysages naturels et urbains se trouvent, à un minimum, étudiés, considérés et dans une certaine mesure entretenus dans une perspective d’amélioration à long terme, on le doit au mouvement de prise de conscience affermi et systématisé par des œuvres comme The Last Landscape (1968). Je ne peux pas dire l’avoir étudié ou même en avoir eu conscience durant ma formation, mais cela est probablement attribuable au fait qu’il s’agisse d’une question légèrement décentrée par rapport à notre champ d’étude et de pratique. À l’exclusion des questions de paysages urbanisés, d’approches ou des perspectives et silhouettes urbaines, le paysage naturel ou même humanisé à l’extérieur des centres urbains est souvent laissé à nos amis les architectes paysagistes. Bon pour eux, mais franchement, shame on us d’avoir laissé effriter ce champ de considération dans notre pratique.

La première perspective ouverte par Holly Whyte dans cet ouvrage nous autorise à entrevoir comment un paysage laissé en pâturage à la spéculation, instrumentalisé comme réserve exclusive du développement et sans balises qui permet de guider ce dernier, lorsqu’il se pointe, est nécessairement un paysage et une opportunité de richesse collective perdue. Le contexte du propos de William H. Whyte est celui d’un pays qui est en train de se faire aplanir avec enthousiasme par l’ordinaire d’un vaste réseau autoroutier. Par la même occasion, il se fait aussi remodeler par le transport privatisé en automobile. Il n’y a pas si longtemps, pour atteindre un lieu d’activité économique, commerciale ou industrielle, de loisir ou de villégiature sur le territoire urbain, suburbain et jusque dans les plus lointaines campagnes, il fallait soit utiliser ses propres jambes, un véhicule léger (la bicyclette) ou avoir les moyens de loger et d’entretenir des animaux (chevaux) et des carrioles (d’été et d’hiver). L’âge du rail en région et des tramways urbain et suburbain ont permis « d’ouvrir » le territoire et par conséquent, les paysages. Cela facilita même de le structurer de façon rationnelle, à la fois utile économiquement et agréable esthétiquement. Les véhicules privés et les camions, pour lesquels nous avons englouti des sommes irrécupérables de notre trésor public, ont ironiquement pour leur part, au contraire, généré autant d’opportunités faciles de consommer et de « vidanger » (pour étendre l’univers lexical d’un terme), nos paysages. La vaste majorité de ces axes autoroutiers ne pourront jamais servir à d’autres fins et ne trouveront jamais un équilibre rationnel en tant qu’infrastructure collectif.

Sur les traces de The Last Landscape…

C’est dans ce nouveau contexte, donc le potentiel destructeur commence à peine à être absorbé dans la conscience populaire, que Whyte écrit ce livre.

Il n’apparait pas en vase clos, puisque quelques années plus tôt l’ouvrage Silent Spring (1962) de la biologiste Rachel Carson allait faire sentir toute la fragilité de nos écosystèmes. L’idée de consommer à l’infini le paysage, l’étalement urbain et suburbain comme mode par défaut de la croissance était finalement remis en question. Mais alors, comment en venir à un équilibre entre la réalité d’une croissance par étalement et la nécessité de conserver un maximum de zones naturelles, qu’elles soient aménagés, productives ou de plein air, grandes ou petites et préférablement relié entres-elles?

La richesse et l’étendue des propositions mise sur table par Whyte couvrent presque toute la gamme de ce qui est politiquement et légalement envisageable ici en Amérique [1]. On y trouvera même une discussion sérieuse de plusieurs propositions, comme les cités-jardins et les ceintures vertes. Avant de s’échouer sur les rives de la réalité et de la pratique, elles ont déjà été les porteuses d’idéaux solide et rassurant. D’après Whyte, ces concepts ont toutefois échoué à l’étape de l’implantation. Dans la partie « cité » des cités-jardins, par exemple, il manquera toujours la masse critique de gens et des activités qui font une ville. Dans la zone naturelle, on trouvera toujours prétexte à faire de l’empiètement sous couvert d’un développement nécessaire (voir à Toronto).

Quelle est alors l’alternative à l’étalement, à la destruction et au gaspillage des paysages qui l’accompagne? Le développement en grappe (cluster development) semblait à une proposition porteuse. On parle d’une stratégie qui s’applique surtout pour le logement et qui maximise à la fois le potentiel urbain, par concentration des gens, et qui laisse la place pour l’aménagement naturel du reste du terrain. C’est l’alternative à la subdivision en lots du terrain et la construction individuelle sur chacun, qui finit par tout consommer. Malheureusement, cette orientation n’est que rarement privilégiée. Un autre qui encouragerait les édifices à appartements multiétages rencontre encore trop d’obstacles réglementaires, autant en ville qu’en banlieue.

Le fait que depuis la sortie de l’ouvrage, il y a plus de 50 ans, très peu de développement s’est fait selon ce modèle illustre bien le gouffre qu’il y a entre ce que nous savons être les meilleures formes et ce que nous réalisons. Mais de laisser ces idées en circulation est une façon d’espérer.



[1] Il est toutefois curieux que l’auteur ne mentionne jamais le « droit d’accès public » qui existe dans certains pays scandinaves. Cela changerait fondamentalement notre relation au paysage ici.

Tags The Last Landscape, William H. Whyte, Paysage, Aménagements urbain, Metropolis, Série William H. Whyte

New York City selon la WPA

August 15, 2024 John Voisine
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The WPA Guide to New York City—The Federal Writers Project Guide to 1930s New York. With an introduction by William H. Whyte. The New Press, 1992 (1939), 700 pages.

Cette chronique fait partie d’une série sur l’auteur urbain William H. Whyte (1917-1999)

Août n’est jamais un bon mois pour aller visiter NYC, mais c’est dire la force de ce guide et de cette ville, centre de l’univers sans égal d’entre les villes que le simple fait d’ouvrir le livre à n’importe quel page nous donne immédiatement le goût d’y être, maintenant et alors, à la fin des années 1930 [1]. C’était juste avant la guerre, mais juste au moment où la ville, et l’Amérique en général, s’en sortait. Une bonne partie de cette extraction des profondeurs de la noirceur économique pouvait d’ailleurs être attribuée au nombreux programme du gouvernement fédéral, comme la Work Projects Administration (WPA) qui, avec la Federal Writers’ Project (FWP), allait employer écrivains, journalistes et gens du domaine des études humaines dans la production de ces guides « de découverte et de voyage », fait pour la totalité des États américains et plusieurs grandes villes américaines. Il va sans dire, ces volumes sont maintenant des objets de collections, mais la plupart connaissent aussi des éditions contemporaines, comme celle-ci sur NYC. L’éditeur avait même eu l’idée heureuse de faire appel à Holly Whyte (1982) pour une introduction. Whyte est l’archétype du New Englander qui trouve finalement son vrai milieu naturel dans New York City, au confluent de la sécurité matérielle de la Upper East Side (son lieu de résidence) et de la trame dense des rues, des avenues et du métro qui conduit potentiellement partout, en tout temps.

Chatham Square Station sur le Third Avenue El — 1929

Dans cette introduction, Whyte nous invite à découvrir la ville de maintenant avec ce guide d’alors. Il mise sur le fait que la vaste majorité des « buildings of no special significance but […] [that] gave the streets scale and characters » jouent toujours leurs rôles, même si les pertes, autant de l’extraordinaire (Penn Station) et de la multitude de ces bâtiments ordinaires, mais essentiels ont été jusqu’à changer la nature même des quartiers. C’est une chose quand cette transformation se fait par un glissement naturel, avec de la restoration, de la rénovation et un usage qui s’adapte au présent, c’est est une autre lorsque cela est l’œuvre de projets grandioses d’un idéalisme puéril. NYC étant le centre et le point de départ de tous les idéalismes urbains contemporain, on ne sera pas surpris d’y trouver toutes ces contradictions magnifiées, autant à Manhattan que dans les boroughs. Et comme le souligne Whyte, les rues sont toujours débordantes des gens, partout. Juste ne pas penser qu’on pourra utiliser le El sur Third Avenue pour s’y rendre, malheureusement.


[1] (2024-08-19) Pour une autre perspective vive sans être indument nostalgique, on parcourra avec bonheur le travail de Madame Jill Gill, qui vaut certainement le détour.

Tags The WPA Guide to New York City, William H. Whyte, NYC, WPA, Série William H. Whyte

Le second souffle

August 8, 2024 John Voisine
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The Exploding Metropolis. William H. Whyte (Editor), foreword by Sam Bass Warner, Jr., University of California Press, 1993 (1957-58), 193 pages.

Cette chronique fait partie d’une série sur l’auteur urbain William H. Whyte (1917-1999)

Sur les cinq auteurs donc les textes sont rassemblés pour former les propos de cet ouvrage, seuls deux noms nous sont encore bien connus, soit celui de Jane Jacobs, bien entendu et, dans une moindre mesure, celui de William H. Whyte, qui est aussi l’éditeur de cette collection. La publication originale est parue en 1957, soit juste avant le déploiement, avec l’argent du gouvernement fédéral américain, du réseau des « interstates ». Une fois complété à l’échelle nationale, après 15 ou 20 ans, selon les endroits, ce réseau allait finir par traverser et relier tous les états continentaux des États-Unis. Bien entendu, ces autoroutes devaient aboutir, et encore grâce à l’argent du fédéral (90 % des coûts) et au contrôle des départements de transport des États [1], cela se faisait au détriment des pourtours et des centres urbains. Au moment de la réédition de l’ouvrage, en 1993, le réseau autoroutier national (et même international, puisqu’il traverse les frontières de tous les États-nations des Amériques) était essentiellement complété. Mais il est remarquable que seul deux des auteurs (Holly Whyte et Jane Jacobs, justement) pouvaient entrevoir l’irréversible poindre à l’horizon. Nous vivons tous maintenant sous le soleil cuisant de cette tragédie quotidienne.

L’édition 1993 contient aussi un avant-propos de Sam Bass Warner Jr, un nom qui sera peut-être reconnu par ceux qui auront eu la chance d’être en contact avec son ouvrage sur les « streetcar suburbs » et comment ceux-ci ont aidé dans le développement de Boston. Sa perspective fraiche, écrite avec plus de trente ans de recul sur la publication originale, lui donnera l’opportunité de faire des remarques essentielles. Comme sur la « crise du logement » et le fait qu’en ce domaine, il était même alors notoire qu’autant l’entreprise privée que l’initiative personnelle étaient des échecs, et que laissé à eux-mêmes, ne pourront jamais répondre à la demande. Est-ce la raison que même dans un ouvrage écrit à presque 70 ans de nous, dans le chapitre Are Cities un-American?, le propos de Whyte est occupé par les questions d’insuffisances de logis, de sa piètre qualité et d’un manque dans la diversité du parc de logements offert aux ménages urbains de 1957? Plus généralement, il s’interroge sur la dégradation des standards de design qui faisait que les nouveaux ensembles d’habitation ne semblaient plus miser sur les forces inhérentes à la ville, soit sa densité et sa capacité à rapprocher les gens et services, en intégrant ceux-ci à même les bâtiments.

Sur les traces de The Exploding Metropolis

Cette concentration (pour ne pas dire cette densité) des emplois, des services et des attractions, n’est-ce pas là le milieu parfait pour élever une famille, vivre une vie de bohème ou poursuivre une existence bien remplie sans les encombrements et l’ancrage matériel dépensier généré par une vie en deuxième, troisième ou même quatrième couronne? Surtout depuis qu’il est nécessaire d’assumer soi-même tous ses déplacements, l’accessibilité aux emplois et aux services étant entièrement privatisée via l’automobile? Dans les circonstances, n’est-il pas logique qu’un ménage avec ou sans enfants puisse souhaiter bénéficier de l’autonomie d’une existence urbaine centrale, dans un environnement où tout est accessible à pied, en transport actif ou en commun? En 1957, Whyte expose ces questions dans le premier chapitre et arrive à cette conclusion, mais qui, semble-t-il, doit toujours être réaffirmé : la ville est gagnante lorsqu’elle mise sur ce qui fait sa force, la raison de son existence, soit sa capacité à rassembler une pluralité d’intérêt dans un lieu géographique relativement concentré. Dans ce livre dont il est l’éditeur, William H. Whyte réussit, avec un questionnement toujours pertinent pour notre vingt-et-unième siècle, à faire passer ce point essentiel. Il est de plus appuyé brillamment dans cette tâche par Jane Jacob, dans son chapitre, Downtown Is for People. Elle nous rappelle que tuer l’énergie frénétique de la rue équivaut à éteindre la ville, qu’il faut que les gens puissent vivre, travailler, commercer et produire en ville et que l’attention experte sur l’efficacité des fonctions (circulation, zonage, usages, etc.) de la ville et la volonté de « clarifier » et « d’ordonner » celles-ci est certainement ce qui nous aveugle sur les besoins des véritables moteurs de la ville, c’est-à-dire les gens.

Les auteurs de l’ouvrage contemplaient la ville qui avait été rêvé au début des années 1930, avec une place généreuse à l’automobile et en constataient déjà les périls. Autant les trois autres auteurs parlent des pathologies qui affectaient les espaces métropolitains, autant cette lecture relève plus, pour nous maintenant, de l’épistémologie. Ai-je besoin de dire que cela ne nous couvre pas de gloire? Le chapitre 2 est presque un plaidoyer pour une meilleure accommodation de l’automobile et le chapitre 4, sur les « slums », est entièrement encapsulé par les orbières de son temps.

On prend connaissance de ce livre pour extraire le meilleur des analyses simples et claires de William H. Whyte, de Jane Jacobs et, comme si besoin il y avait, du travail colossal encore nécessaire.


[1] Trop heureux partout de faire du même coup du « slum clearance » et du « Urban Renewal » qui était tout sauf;

Tags The Exploding Metropolis, William H. Whyte, Histoire urbaine, Métropole, Série William H. Whyte

Se donner

July 11, 2024 John Voisine
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The Organization man. William H. Whyte, foreword by Joseph Nocera, University of Pennsylvania Press, 1956 (2002), 429 pages.

Cette chronique fait partie d’une série sur l’auteur urbain William H. Whyte (1917-1999)

This book is about the organization man. C’est avec cette phrase simple et affirmative, caractéristique des écrits de William H. Whyte, que débute ce livre qui, avec le néologisme composé « organization man », inventé par l’auteur, finira par définir un genre, une époque et certainement les hommes de cette classe. Ils se porteront en étendard d’une génération et au-delà, comme l’avant-garde d’un nouveau type, à la fois bien distinctif, mais qui, par définition, se fond dans le groupe pour devenir un composite quasi anonyme. Le « organization man » que nous rencontrons ici pour la première fois est celui qui nous semble maintenant si trompeusement familier, grâce à des œuvres contemporaines comme The Man in the Gray Flannel Suit (cité dans The Organization Man); ou torturé par une existence en demi-teinte, on le retrouve dans Revolutionary Road et bien sûr, on retourne à cette riche veine dans une série qui nous est contemporaine, comme Mad Men [1], pour ne nommer que ceux qui nous seront familiers. Que le type persiste en tant que représentation d’une époque, même soixante ans après son installation dans l’imaginaire de nos sociétés américaines en dit beaucoup sur sa capacité pérenne à modeler nos environnements, autant métaphorique que physique.

Pourtant, ce que nous croyons être cette familiarité est probablement ce qui masque encore si bien le véritable propos que voulait nous livrer Holly Whyte. Oui, l’homme de l’organisation, comme nous l’appellerons ici, était clairement un genre nouveau de travailleur. Ni tout à fait un col blanc professionnel, certainement pas un homme de plancher (un col bleu) sur la chaine de production, mais pas vraiment un leader et encore moins un capitaine d’industrie. Il ne jouait plus en tous points le rôle de simple « chemise blanche » du travailleur de bureau en entreprise d’avant la Deuxième Guerre. Ces hommes, qui avaient combattu en tant que soldats ou officiers juniors dans cette guerre aux contours moraux sans ambiguïté ou qui venaient juste d’atteindre l’âge adulte à sa sortie, étaient maintenant engagés dans une autre forme de conscription collective. Mais durant cette nouvelle décennie d’après-guerre, on allait plutôt s’attaquer à fournir aux nouveaux consommateurs issus de ce conflit un maximum de biens, les meilleurs services et la fine pointe des innovations techniques et scientifiques. Tout ça dans une société aux vertus saines et solides, incontestables.

Cet esprit de corps dans la mission et la fidélité dans l’enthousiasme envers « l’organisation » sont véritablement des caractéristiques de cette classe.

Sur les traces de The Organization Man

Dans une société qui se voulait pourtant dynamique et capitaliste, ce choc des saines vertus collectives, qui se construisaient grâce à un dévouement coopératif qui mettait en veilleuse les nuances individuelles, est au cœur des tensions irrépressibles diagnostiquées par l’auteur. Non seulement l’homme de l’organisation est-il prêt à étouffer une partie de sa personnalité pour le bien du groupe et à donner son temps et le meilleur de lui-même à la tâche, mais surtout, à garder pour lui ce qui le rend distinctif (d’où la caricature de l’uniforme gris—The Gray Flannel Suit), mais encore, on l’aura convaincu de le faire avec enthousiasme et zèle. Holly White démontre qu’une suite d’instruments ont été détournés de leur utilité première (dans le domaine des analyses psychologiques) pour servir à choisir de la masse des hommes, ceux qui se mouleront au service de l’organisation. Surtout, il brosse le tableau des conséquences de cet état de fait, en ce qui a trait aux possibilités d’avancement scientifique fondamental, autant dans les sciences techniques que des connaissances humaines. En sélectionnant pour la conformité à l’adaptabilité organisationnelle, lorsque c’est le contraire qui devrait être la norme, ont se trouve à augmenter dramatiquement les risques de stagnation. L’auteur cite deux cas, en forme de contre-exemple : General Electric et Bell Labs. Il faut donc souligner que Whyte ne cherche pas seulement à faire le portrait de cette situation troublante, mais que l’ouvrage constitue surtout un appel à dépasser ce confort rassurant et trompeusement harmonieux de « groupthink » des milieux organisationnels.

En plus du portrait de l’homme de l’organisation dans son milieu « naturel », les derniers chapitres, regroupés dans la partie VII—The New Suburbia: Organization Man at Home, vaut à lui seul le détour. L’auteur montre comment ces premières « package communities » (dans le cas présent, la récente banlieue de Park Forest), ont vite évoluées, en symbiose avec les besoins et les aspirations de cette nouvelle classe de la classe moyenne, essentiellement composés de familles nucléaires blanches (papa au travail, maman à la maison, souvent une voiture, très rarement deux, mais avec un enfant au minimum). Ce sont des communautés qui se voulaient « classless », mais surtout pas « colorblind », allant jusqu’à faire de la piscine communautaire un club privé, pour ne pas avoir à accueillir les jeunes noirs de la ville de Chicago, toute proche.

Malgré les presque 70 ans écoulés depuis la parution de l’ouvrage, toujours un propos terriblement pertinent.


[1] Les hommes représentés dans la série Mad Men ne sont pas exactement des « Organization Men », surtout parce qu’ils bénéficient d’une capacité de « self-actualization » dont l’homme moyen dans une organisation, même durant l’époque de gloire de « l’Organization Man », ne peut que rêver.

Tags The Organization Man, Sociologie du travail, Psychologie organisationnelle, Suburbia, Série William H. Whyte

Visionaire urbain

June 27, 2024 John Voisine
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American Urbanist—How William H. Whyte’s Unconventional Wisdom Reshaped Public Life. Richard K. Rein, Island Press, 2022, 335 pages.

Cette chronique fait partie d’une série sur l’auteur urbain William H. Whyte (1917-1999)

Avant de commencer cette série sur l’œuvre de William H. (Holly) Whyte, je pense qu’on se devait de regarder un peu la vie de ce personnage qui a, avec Jane Jacobs, ranimé la flamme vitale de la passion pour les villes, pour l’urbanité, dans les vertus de la densité, que ce soit des gens, des activités, du cadre bâti même. C’est un parti, et beaucoup ne le partageront jamais ou (pire) n’auront jamais la chance de le développer. Mais, pour ce que j’aime croire être la vaste majorité des gens, il n’existe rien de plus porteur que le « hustle and bustle » d’un centre urbain qui joue pleinement son rôle de centre de l’univers économique, social et culturel de l’activité humaine.

Il ne fait aucun doute que de nos jours, les références à l’opus de Jane Jacobs, The Death and Life of Great American Cities (1961), et même certain de ses ouvrages plus back catalogue, comme The Economy of Cities (1969), mais que j’affectionne particulièrement, sont beaucoup plus courante que ceux à The Exploding Metropolis (qui comporte pourtant un chapitre écrit par Jacobs) ou The Last Landscape (1968) ou même The Social Life of Small Urban Places (1980) de Whyte. Ce sont tous là des ouvrages qui, seuls, auraient parfaitement servi à faire la réputation d’un auteur. Mais il semble assez transparent, à la lecture de cette biographie écrite par Monsieur Richard K. Rein, que la vie et l’œuvre de Holly Whyte à, d’un côté, grandement bénéficié par cet éclectisme et simultanément, a été légèrement handicapé par ce vacillement thématique. Ses ouvrages ont souvent abordé des thèmes légèrement à côté de l’air du temps, sous un angle trop spécialisé pour être populaire, mais aussi trop pratique dans leurs refus des montages théoriques abscons, donc rejeté par les milieux académiques d’accréditation (mais heureusement, pas par les praticiens qui le découvrent ailleurs).

De plus, comment comprendre, à moins de lire cette biographie, qu’il est parfaitement cohérent que l’homme qui a produit The Organization Man (1956), qui décrit l’engrenage corporatif, soit aussi celui derrière The Exploding Metropolis (1958), qui expose l’engrenage toxique de l’étalement urbain, le même qui proposera des solutions pérennes pour la conservation des milieux naturels dans The Last Landscape et le même qui, dans The Social Life of Small Urban Places, développera une méthodologie simple et pratique pour comprendre les comportements humains sur rues et dans les places? Toujours le même homme.

Sur les traces de American Urbanist

Lorsque l’on aborde les questions de vitalité urbaine, de transformation ou de création d’environnement urbain activé par la présence humaine sur rue, le nom qui vient le plus spontanément à l’esprit, autant du public que des spécialistes, est encore celui de Jane Jacobs. Et elle reconnaissait sa dette, écrivant dans la préface à une nouvelle édition (1992) de son livre que « [o]ther authors and researchers—notably William H. Whyte—were also exposing the unworkability and joylessness of anti-city visions. » On apprend aussi dans cette biographie que ce dernier a tiré les ficelles pour qu’elle reçoive une bourse substantielle pour écrire son opus de 1961.

Mais même si leurs causes ont toujours été communes, leurs façons de pratiquer étaient le plus souvent en contraste. Par son milieu familial, ses études (à Princeton) et le moment de son entrée dans l’âge adulte, juste à temps pour participer (en tant que Marine dans le théâtre Pacifique, dans une unité de renseignement), Whyte fut certainement marqué comme un des membres de cette élite issue de la très grande solidarité engendrée par cette époque exceptionnelle. Mais contrairement à la vaste majorité de son groupe générationnel, il a démontré une capacité de lecture et de questionnement des tendances fortes de sa cohorte et de sa classe. On pense au mensonge de l’alignement entre les intérêts des entreprises manufacturières et industrielles et ceux des individus. Ou encore, comment le retranchement en banlieue (par voies autoroutières), autant pour le résidentiel, le commercial et l’entreprise, était présenté comme la solution aux maux de la ville; finalement la pire fraude jamais perpétrée par une population sur elle-même.

Malgré tout, et comme l’illustre cette biographie, Holly Whyte avait, par sa place dans le système, accès à un réseau de gens au portefeuille bien garnis et porteurs de causes auxquels sa contribution fut des plus innovatrices, comme la Ford Foundation et dans le domaine de la conservation, l’argent d’un certain Laurance Rockefeller. Avec tout ça, j’allais oublier de mentionner que sa carrière a été lancée par la revue Fortune, où il a travaillé pendant plus d’une décennie, de 1946 à 1958. Comme on l’entendait à une autre époque, le journalisme mène à tout, à condition de s’en sortir.

Il est vraiment heureux que Holly Whyte s’en soit bien sorti, et nous gagnerons tous à nous familiariser avec son œuvre. Cette biographie nous donne de bons repères pour se faire.

Tags American Urbanist, Richard K. Rein, Biography, Série William H. Whyte, Urbanité

Le centre

June 28, 2021 John Voisine
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City—Rediscovering the Center. William H. Whyte, foreword by Pace Underhill, University of Pennsylvania Press, (1988), 2009, 288 pages.

Il est maintenant normal pour tout professionnel de l’urbanisme, du design urbain ou de l’architecture de sortir avec un bloc-notes/sketchpad, un appareil photo (cellulaire), et d’aller passer un moment « sur le terrain », pour prendre le pouls d’un environnement urbain. On cherchera alors à absorber un peu de sa dynamique et de son énergie (ou de l’absence de celle-ci). Une équipe dédiée pourra ainsi mieux assimiler les particularités du lieu et, dans la meilleure des situations, proposer des approches pour mettre en valeur ses lignes de force et remédier à ses faiblesses. L’étape essentielle ici étant une observation sensible et factuelle, sous plusieurs angles et dans diverses conditions, de la réalité de l’espace. Pour reprendre un yogiberrisme trop évident, c’est fou tout ce qu’on peut voir juste en regardant.

Les études de cas et les analyses contenues dans cet ouvrage découlent essentiellement de la situation des plazas immobilière et des « pocket parks » que l’on retrouve à New York. Après l’érection du Seagram Building et du succès de sa plaza, NYC a inscrit dans son code de zonage l’obligation pour les promoteurs de fournir des places similaires. Loin de se révéler des phénomènes urbains dynamiques et fréquentés, comme pour la « place mère » du Seagram, plusieurs autres demeuraient sous-utilisés ou même déserts. Mais pourquoi au juste ?

C’est un peu le mandat de répondre à cette question que l’auteur et son équipe se sont vues attribuer à la fin des années 1960 et lors d’autres engagements similaires qui se sont poursuivis jusque durant les années 1980. En fixant caméras et appareils cinématographiques pour capturer les interactions et les agissements « naturels » de la faune citadine, que ce soit sur une plaza, une intersection, ou dans une oasis comme le Paley Park, William H. Whyte, et son groupe on mit en évidence les configurations les plus favorables à la présence et à la satisfaction des urbains. Qui eût cru, par exemple, que de simples tables et chaises pouvant être disposées au plaisir des usagers puissent être l’assise d’un espace attractif et fréquenté ? C’est cette documentation méticuleuse des comportements et de l’usage réel que les gens font de leurs villes qui sont à la base des recommandations contenues dans l’ouvrage.

Sur les traces de City—Rediscovering the Center

Ce livre de William H. Whyte, maintenant un classique, nous rappelle que ces outils de mesure et d’analyse, en appuis au design, ont été longs à prendre leurs places. Et malheureusement, trop souvent, les conclusions qui en ressortent sont difficiles à implanter. En plus d’avoir à confronter une certaine « arrogance conceptuelle » face à l’existant (pourquoi changer ce qui existe déjà ?), on constate aussi une forme d’inertie, un « confort sécurisant » qui découle de l’habitude. Elle persiste même une fois les erreurs diagnostiquées et l’échec du design admis de tous. Whyte donne plusieurs exemples paradoxaux de ces environnements urbains aménagés et simultanément « laissés en friche ». S’y installe une indifférence devant le dynamisme urbain qui s’étiole.

Le plaidoyer principal de l’ouvrage est en faveur d’une ville où les citoyens sont présents parce qu’il existe une concentration de services, d’attractions, d’emplois et de milieux de vie diversifiés qui le justifie. Mais surtout, un environnement urbain conçut, pensé et entretenu de façon à favoriser l’interaction humaine, les rencontres de personne à personne, le tout sur une base quatre saisons. L’ingrédient premier pour allumer cette magie de la ville est l’intégration d’espaces urbains où les gens se sentent en contrôle, partie prenante et participant à part entière dans l’urbanité qui les entoure.

William H. (« Holly » pour ses amis) Whyte n’a pas seulement laissé sa marque dans le domaine de l’enquête terrain socio-urbaine ; il a commencé sa carrière avec un livre qui fait encore école dans le monde de la gestion, The Organization Man (1956). Peu de temps après, il était l’éditeur d’un collectif, The Exploding Metropolis (1958) ; on y trouve un texte de Jane Jacobs.

Si les techniques, les méthodes et l’approche générale déployées par Whyte peuvent sembler familières, c’est certainement en raison de la popularité d’un ouvrage comme Life Between Buildings (1987, pour la traduction) de l’architecte danois Jan Gehl. Whyte note d’ailleurs la similarité de leur approche et la concordance des observations. En 1980, Whyte publiait The Social Life of Small Urban Spaces ; si l’on cherche, il est possible de trouver le film/documentaire qui l’accompagnait. Il y a quelques années, Streetfilms en a aussi fait un excellent résumé de trois minutes.

Note 1 : Publié une première fois le 20 décembre 2021

Note 2 (2022-03-29) : Un article sur l’actualité toujours brûlante de son oeuvre et d’une nouvelle biographie qui vient juste de paraitre : William H. Whyte : Still Relevant After All These Years.

Tags Rediscovering the Center, William H. Whyte, Downtowns, New York City, Urban Design, Série William H. Whyte

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