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Wellington | Fabrique urbaine

3516, rue Gertrude
Verdun, Québec H4G 1R3
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L'urbanisme en pratique

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Wellington | Fabrique urbaine

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Bilan et après

September 13, 2021 John Voisine
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Montréal en chantier—Les défis d’une métropole pour le XX!e siècle. Sous la direction de Jonathan Durand Folco, Écosociété, 2021, 256 pages. [Lu sur l’application Books]

Contrairement à la flexibilité que se permettent leurs homologues aux niveaux provincial et fédéral, la classe politique municipale du Québec doit composer, de façon quelque peu paternaliste, avec une loi qui leur impose des élections à jour fixe et sur une périodicité de quatre ans. Faisant probablement cause et tirant avantage de l’inévitable scrutin du 7 novembre prochain, les auteurs-es (sous la direction de Jonathan Durand Folco, qui introduit et conclut le recueil) utilisent trois grands thèmes (Habiter, Innover et Participer). Ils proposent des textes qui explorent et discutent des réalités urbaines montréalaises à la lumière du travail de la dernière administration municipale. Les enseignements qu’on pourra en tirer sont autant rétrospectifs que prospectifs, et ce toujours dans une optique qui fait sens en contexte montréalais.

Même si l’élection d’une majorité pour Projet Montréal (en 2017) fut pour plusieurs comme une bouffée d’air frais et un coup de balai nécessaire après quatre années d’une gouvernance curieusement rigide et autoritaire sous l’équipe du maire Denis Coderre, cela ne veut pas dire que les dernières années furent sans peine pour l’équipe de la mairesse Valérie Plante. Comme cela était aussi arrivé avec le maire Jean Doré du RCM, la mairesse a dû consacrer des ressources et un temps précieux à gérer des crises internes. De plus, comme l’histoire de la politique montréalaise nous l’enseigne, il est souvent aisé et sans conséquence réelle pour une nouvelle administration de revenir en arrière. Dans les circonstances, sans les quelques minces tentatives d’introduire un soupçon de progressisme dans les initiatives municipales qui caractérise le parti de Madame Plante à son meilleur, il est facile de concevoir comment un retour au pouvoir de l’ancien maire Denis Coderre serait tout ce qu’il faut pour signaler aussi un retour des politiques et stratégie conventionnelles et éprouvées (parfois même réductrice).

Face à cette possibilité très réelle d’un coup de barre à droite à l’échelle municipale et même métropolitaine, les textes de ce recueil forment un excellent condensé d’une perspective plus à gauche sur la situation économique, sociale et démocratique de l’univers urbain montréalais. Juste à temps pour réfléchir aux conséquences du prochain vote.

Sur les traces de Montréal en chantier

C’est avec un extrait paru dans La Presse, il y a quelques semaines, que j’ai eu connaissance de ce recueil. On aura judicieusement choisi de mettre en vedette un texte sur ce qui est maintenant permis d’appeler « l’éternelle » question du logement, sa disponibilité, son abordabilité et son accessibilité. Cette situation est endémique pour les villes « attractives » sur le plan économique (concentration des emplois), social (services et éducation) et culturel (arts, spectacles et musique) comme Montréal. Ce texte de la section Habiter combine bien les grandes forces et les quelques (rares) faiblesses du recueil. Ainsi, la façon d’aborder les questions soulevées se colle bien aux réalités montréalaises et a la manière qu’elles se sont présentées à l’administration Plante. Les auteurs font aussi un historique ainsi qu’un bilan des réponses avancées par son administration en termes de propositions stratégiques, politiques ou réponses réglementaires.

Il y a toutefois une tendance caractéristique à certains textes du recueil d’explorer un nombre limité de causes à une situation, à envisager des ajustements ou des solutions qui se situent dans une gamme étroite d’options consensuelles et progressiste confortable. Dans le cas spécifique du texte sur le logement à Montréal, la démonstration des effets pervers de la financiarisation (basé sur les travaux de Louis Gaudreau et d’Alan Walks) et des pratiques de la SCHL (assurance hypothécaire, titrisation) est bien établie et convaincante, mais encore ? Le texte ne contient, par exemple, aucun commentaire sur les effets des outils réglementaires conventionnels ; on pense ici au zonage, au lotissement, au stationnement minimum (au lieu de maximum) et à la densité ruineusement faible en milieu urbain. Ce sont pourtant là des outils pleinement sous le contrôle des administrations municipales et dont l’assouplissement permettrait d’activer un vaste potentiel pour la création d’une richesse diversifiée (usage intensifié et mixte, patrimoine recyclé) et urbaine.

Je ne voudrais toutefois pas laisser l’impression que ce texte sur le logement, ou n’importe lequel des thèmes abordés (espaces publics, mobilité, fiscalité, démocratie locale, etc.) ne donnera pas, à tout lecteur qui voudra bien s’y attarder, une abondance de pistes fertiles pour (re) penser nos réalités urbaines montréalaises.

Le texte de cette revue a été publié le lundi 27 septembre 2021.

Tags Montréal en chantier, Jonathan Durand Folco, Urbanisme, Fiscalité municipale, Mobilité

La ville et ses limites

August 30, 2021 John Voisine
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City Limits. Paul E. Peterson, The University of Chicago Press, 1981, 268 pages.

S’il faut en croire les discours de plus en plus courants, les administrations municipales auront dans l’avenir (et ont déjà maintenant, parfois) des responsabilités qui ne cessent de s’accumuler. En plus des responsabilités de base, comme le contrôle de l’urbanisme, les inspections réglementaires, l’hygiène publique et la voirie, il faut en plus s’assurer maintenant d’avoir un environnement urbain résilient et préparer des contingences afin de faire face aux changements climatiques. Les administrations municipales doivent de plus se charger de ces responsabilités avec comme presque unique source de revenus la taxe foncière (et quelques miettes en frais de service). De plus, toujours en assurant de boucler le budget annuel sans faire de déficit. L’emprunt est aussi soumis à des paramètres stricts. Sur le plan de la gouvernance, les municipalités ne sont pas vraiment des gouvernements, autant dans leurs organisations que sur le plan de leurs statuts constitutionnels (c’est d’ailleurs la raison qu’il est plus exact de parler « d’administration municipale »). Comme les fusions au Québec (ou « l’amalgamation » de Toronto) l’ont bien démontré, il y a à peine une vingtaine d’années, les cités et villes de nos provinces ont bien peu de latitude, si un matin le gouvernement provincial décide de les encadrer autrement ou même de les rayer de la carte.

City Limits est écrit pour un contexte et un cadre spatio-temporel bien différents du nôtre, soit les États-Unis du début des années 1980. Les évènements (parfois traumatiques) de la fin des années 1960 étaient encore frais dans les mémoires. On pense aux émeutes raciales, au phénomène du « white flight », l’implantation des programmes découlant de la « Great Society », comme la « War on poverty » et la législation du Civil Rights Act, tous voté par le Congrès grâce à la persistance du président Lyndon. B. Johnson. Ce sont toutes là autant de mesures aux répercussions alors très contestées. Aussi, en 1975, le moment « Ford to City: Drop Dead » sera exploité autant par ceux qui y voyaient l’exemple de la déchéance urbaine (à droite), que par ceux qui espéraient ainsi (au centre et à gauche) recentrer les politiques sur une ville intrinsèquement riche en humanité et en ressources matérielles.

Sur les traces de City Limits

On pourrait donc penser que dans ce contexte si particulier, un lecteur canadien qui cherche à mieux comprendre ses « administrations » municipales n’y trouverait pas vraiment son compte. Mais l’approche de M. Paul E. Peterson, qui ce concentre sur les possibilités limites et les politiques communes que peuvent exercer de façon réaliste les administrations municipales, capture de façon assez universelle la nature et les limites de ce niveau de pouvoir dans une enceinte politique de type « fédéré », comme le Canada. Ainsi même si l’analyse contextuelle de l’auteur repose sur des données et des statistiques d’un autre pays (quoique toujours nord-américain) et d’une autre époque (certaines ont maintenant plus de soixante ans !), cela ne semble pas invalider les caractérisations sur le plan des « politiques urbaines » et de la « politique urbaine ». En tenant compte des ajustements inévitables qu’il faut assumer entre nos deux pays, la lecture en trois « limites » du possible des politiques urbaines, soit le développement (le « boosterism »), les « allocations » (les services de base d’une municipalité) et la redistribution (les services « sociaux » d’une ville), présentés en ordre croissant de difficulté, semble faire le tour des capacités consensuelles limites de la politique municipale. 

Là où le livre et son propos montrent vraiment leurs âges est sur la question du diagnostique des conséquences réelles des politiques qui visaient à réduire, limité drastiquement ou même effacer toute trace de « redistribution ». Loin d’être des freins à la création de la richesse collective (l’auteur pose ce constat comme une loi immuable), il est maintenant plus facilement reconnu qu’une redistribution éclairée est à la racine d’une cité créatrice de richesse. Un ouvrage récent comme The Sum of Us d’Heather McGhee illustre à quel point tout le monde perd quand cet aspect est négligé, surtout en contexte urbain.

Un autre problème avec un ouvrage publié en 1981 est que la vaste majorité des références sont maintenant inaccessibles ou sans objet. Mais il y en a deux qui vont mériter de se retrouver sur ma liste : Lonely Crowd, de David Riesman et de Richard Hofstadter, The Age of Reform, qui se trouvera justement à être commenté la semaine prochaine.

Tags City Limits, Paul E. Peterson, Politique urbaine, Pouvoir, Fédéralisme

L'espoir d'un mouvement

August 23, 2021 John Voisine
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A City With a Difference—The Rise and Fall of the Montreal Citizen’s Mouvement. Timothy Lloyd Thomas, Véhicule Press, 1997, 214 pages.

Avec l’approche des élections municipales à travers la province, le 7 novembre prochain, je me suis dit qu’il serait intéressant de parcourir quelques ouvrages portant sur la politique et ses rapports avec le monde municipal. Dans notre système, rares sont les possibilités de transformation urbaine sans une implication active du politique ; peu importe la qualité, l’avant-gardisme et le professionnalisme des plans, politiques et autres documents réglementaires produits par les urbanistes et juristes. On parle souvent des administrations municipales comme étant le niveau de « gouvernement » le plus proche du citoyen ; mais on oublie aussi la réalité que c’est le niveau le plus insulaire et le plus susceptible de devenir captif d’intérêts particuliers. Nous aurons plusieurs occasions de revenir sur ces thèmes au cours des prochaines semaines.

Pour lancer cette série, je voulais nous partir avec ce qui fut, pour moi, l’initiation à la politique municipale, même si c’est seulement au début du deuxième (et dernier) mandat de l’administration du maire Jean Doré et de son Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM—Montreal Citizen’s Mouvement—MCM), que je pouvais, pour une première fois, participer à un vote. La période 1986-1994, soit ceux des deux mandats de l’administration Doré-RCM, en fut une d’espoirs et de changements essentiels, comme l’ouverture de grandes fenêtres sur une pièce sombre et étouffante, après plus d’un quart de siècle de l’administration du maire Jean Drapeau. Même si ce dernier demeure le maire le plus marquant dans l’histoire moderne de Montréal, il n’est pas moins un cas-école de la sclérose et de la capture qui peut si facilement prendre à la gorge les administrations municipales.

En me mettant la main sur ce livre, je voulais colmater mes lacunes sur l’histoire du RCM, ce mouvement/parti qui avait presque réussi, pour un temps, un miracle d’ouverture de l’administration municipale sur une gestion moderne et une prise en compte des intérêts citoyens. Il y a certainement dans l’ouvrage de M. Thomas de quoi combler nos connaissances sur le long cheminement du RCM, mais il faudra chercher ailleurs pour une analyse crédible des raisons du « fall » et de ses suites.

Sur les traces de A City With a Difference

Cet ouvrage de M. Thomas possède plusieurs qualités sur le plan de l’approfondissement de l’épistémologie intellectuelle du mouvement/parti RCM et de sa place sur la grille des partis politiques de cette fin de vingtième siècle. L’auteur nous fait une dissection assez originale de ce que fut le RCM et des déchirements (les fameuses « contradictions ») qui secouent ce type d’organisation ; ils se voient d’abord comme un « mouvement » portant les visées et les aspirations de ses membres, aussi plurielles qu’elles sont nombreuses.

En se calquant sur les travaux du politicologue américain Herbert Kitschelt et ses études (dans The Logics of Party Formation) des partis européens de type « libertarien de gauche » (comme les verts), l’auteur nous offre une grille pour comprendre l’évolution du RCM, de sa fondation, au début des années 1970, à sa prise de pouvoir en 1986 et peu après sa défaite, en 1994, aux mains de Pierre Bourque. Pour ceux qui ont connu ces années, ce sera le temps de retrouver des noms qui ont marqué la scène municipale montréalaise, comme Nick Aux der Maur, Michael Fainstat, Léa Cousineau, Marvin Rotrand et John Gardiner. On aura droit au rappel de quelques dossiers qui ont mis à vif les « contradictions », entre idéologues et pragmatistes, du « mouvement » RCM, et ceci dès son premier mandat ; l’affaire Overdale, la démolition de l’Hôtel Queens et l’agrandissement d’un stationnement (Matrox) dans le parc-nature du Bois-de-Liesse. L’implantation d’une plus grande transparence administrative, et la démocratisation de l’administration municipale, tant souhaitée des militants du RCM, ne seront jamais vraiment abouties. Elles seront même vite renversées après la défaite de 1994.

Pour les férus de mécanique de parti et des logiques internes des mouvements de gauche à saveur libertarienne, ce livre offre une belle histoire des contradictions qu’ils ont eu à confronter. Le fait que le parcourt du RCM se calque à ce modèle (jusqu’à un certain point) démontre le bien-fondé de l’analyse. Même si le parti n’existe plus, et que la coalition d’anglo-franco-libertarien-de-gauche du RCM n’est, depuis longtemps, plus qu’un souvenir, une grande partie de ses principes sont maintenant incarnés par Projet Montréal. Nous y reviendrons.

Tags A City With a Difference, Timothy Lloyd Thomas, Montréal, Élection municipale, Politique municipale

La banlieue uniformisée

August 16, 2021 John Voisine
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Creeping Conformity—How Canada Became Suburban, 1900-1960. Richard Harris, University of Toronto Press, 2004, 204 pages.

Le titre de l’ouvrage se comprend comme l’affirmation d’un fait, mais le septième et dernier chapitre reprend ce titre, cette fois avec un point d’interrogation ; pour mieux souligner que cette conclusion est loin d’être inévitable ? Il est vrai qu’en commençant la lecture de cette histoire, on en connaît déjà l’aboutissement : le Canada, au début des années 1960, prendra la forme de ses banlieues. Donc, ce qui est intéressant ici, et développé de façon constamment engageante par l’auteur, est le comment et le pourquoi des particularités canadiennes sur la voie de la « conformité banlieusarde ».

L’éloignement relatif du Canada, géographiquement, mais aussi la faible densité de son territoire habité (et les difficultés que cela engendre dans l’atteinte d’une masse critique sur le plan économique), entraîne une certaine friction quand vient le temps de participer, de façon contemporaine, aux grands courants de l’époque, surtout par rapport à ses pays pairs (comme le Royaume-Uni et les États-Unis). Voilà pourquoi, lorsqu’on parle du Canada et du développement des banlieues, on est un peu toujours confronté à des décalages ; des phénomènes qui étaient pleinement manifestes ailleurs ne prendront forme au pays que plusieurs décennies plus tard, et souvent de manière moins intense. Ainsi, au tournant des années 1900, en Angleterre, il était déjà monnaie courante pour les commentateurs populaires de brosser un tableau des banlieues comme un « wasteland » d’uniformité architecturale et de conformité sociale. Mais ici au Canada, ce n’est qu’avec l’apparition, au début des années 1950, des banlieues développées entièrement par de grandes entreprises immobilières intégrées (du lotissement, des services, de la construction, du marketing et du financement), qu’une certaine conformité de classe sociale et économique commencera à se solidifier de façon à engendrer superficiellement la caricature facile qu’on s’en fait.

Une fois lancée, il faut bien admettre que ce système de mise en place deviendra la règle (le rôle du fédéral dans cette cristallisation est fondamental). Mais ce qui est aussi fascinant dans ce livre est de découvrir la diversité et la pluralité du phénomène de la banlieue dans la première moitié du siècle passé. Aux antipodes de la conformité.

Sur les traces de Creeping Conformity

Durant la période des trois premières décennies du dernier siècle, c’est en fait l’opportunisme, dans le sens de « far west », et le laissez-faire des autorités municipales (lorsqu’elles existaient), qui a rendu possible la grande diversité de typologies, d’aménagements et de configurations géométriques des premières « banlieues » canadiennes. Ainsi, plusieurs types de banlieues ont réussi à accommoder des besoins variés, du plus élitiste (Westmount ou Mont-Royal), en passant par les banlieues industrielles (comme Verdun ; pas de danger, l’usine de munition est maintenant intégrée au tissu résidentiel !), les banlieues spécifiquement destinées aux classes moyennes (comme la Cité-Jardin du Tricentenaire) et même les « shacktowns » sans services (qualifié aussi de « unplanned » ; elles étaient chose courante ; d’Halifax à Toronto à Calgary). Pour aboutir aux banlieues qui caractérisent, plus d’un siècle et quart plus tard, nos paysages urbanisés, plusieurs chemins sinueux et souvent insoupçonnés ont été parcourus. Ce livre de Richard Harris est le guide à avoir pour les découvrir.

Même si cet ouvrage est un excellent point de départ, on ne pourra faire autrement que d’en demander plus, surtout si, comme moi, une appréciation de l’histoire urbaine « canadian » est une source continue de fascination. Il existe justement deux livres, toujours du même auteur, qui permettra d’approfondir autour de la question : Unplanned Suburbs—Toronto’s American Tragedy, 1900 to 1950 et Changing Suburbs—Foundation, Form and Function.

Plus près d’ici maintenant, il est facile de constater que plusieurs des quartiers de Montréal, qui ont souvent été eux-mêmes autrefois des villes à part entière (comme Saint-Louis-du-Mile-End au centre et Maisonneuve dans l’Est, pour ne mentionner qu’eux), on vue leurs zones résidentielles se bâtir collé sur de vastes complexes industriels intégrés dans la trame urbaine. Pour mieux en comprendre sur cette époque charnière, j’ai bien hâte de me mettre la main sur Manufacturing Montreal—The Making of an Industrial landscape, 1850 to 1930.

Un dernier ouvrage que je crois déjà avoir mentionné, mais qu’il est particulièrement à propos de se rappeler qu’il est sur notre liste : Housing the North American City ; souvent cité dans le livre de M. Harris, et cela se comprend bien.

Tags Creeping Conformity, Richard Harris, Histoire urbaine, Géographie, Banlieues

NYC dans la rue

July 5, 2021 John Voisine
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Street Fight—Handbook for an Urban Revolution. Janette Sadik-Khan and Seth Solomonow, Penguin Books, 2017, 350 page.

Durant presque sept ans, de 2007 à 2013, en tant que commissaire du New York City Department of Transportation (NYCDOT), Madame Janette Sadik-Khan aura transformé les rues, avenues, artères et jusqu’au «ballet» de la métropole américaine, comme seulement Robert Moses (1) avant elle. Mais contrairement à ce dernier, grand géniteur de la primauté de l’automobile-roi, l’œuvre de Mme Sadik-Khan s’est implantée au bénéfice de tous. Encore mieux, l’ouvrage le décrivant bien, son travail aura permis de commencer à cicatriser une partie des blessures profondes laissées par l’emprise funeste de Robert Moses sur les infrastructures routières de la ville (et de l’État) de New York.

Durant de trop longues décennies, l’espace des voies publiques, essentiellement abandonné ainsi à l’automobile ou pire encore, conçu avec en tête cette seule solution à l’accessibilité, n’allait pas facilement se faire reconquérir—d’où le «fight» dans «streetfight». Chaque corridor d’une rue ou espace redonné à la ville devait être arraché à l’automobile et à sa logique de «fluidité» à tout prix.

Mme Sadik-Khan a bénéficié, bien sûr, du couvert de son patron, le maire Michael Bloomberg, mais sa plus grande force fut d’avoir le doigté et la dextérité de faire des implantations à la fois stratégiquement localisées et flexibles dans leurs mises en place. Ces deux éléments étaient les ingrédients essentiels : la visibilité du lieu apportait l’attention sur la volonté de faire les choses autrement, la flexibilité dans la conception et l’implantation permettait d’apporter les correctifs nécessaires au fur et à mesure des constats sur l’appropriation et l’utilisation des espaces et des corridors par le public. Que ce soit dans l’extension du réseau cyclable protégé, la mise en place d’un réseau «à la Bixi», les voies réservées pour autobus, la création de minis plazas sur rue, ou à partir de 2009, la transformation de Times Square (de loin la plus connue et médiatisé des transformations durant son mandat), la technique privilégier pour faire face au «choc du changement» et maintenir les acquis de ces transformations au bénéfice de tous était de le faire à partir d’éléments flexibles et amovibles. Ensuite, apprendre du ballet des interactions avant de finaliser l’implantation.

Sur les traces de Streetfight

Un des fameux dadas du maire Bloomberg était sa volonté d’appuyer les politiques de son administration sur des «données» («metrics») afin de mieux en mesurer la progression et les résultats. C’est donc dans cet environnement que Mme Sadik-Khan, en tant que commissaire, a su mettre en place les projets de récupération de l’espace urbain en s’assurant de toujours les appuyer avec des données probantes. Des interventions de clarification des corridors de circulation, avec agrandissement de l’espace piéton, introduction d’un vrai réseau de pistes cyclables et de voies réservées pour autobus, même en plein cœur de Midtown Manhattan (Green Light for Midtown) ou plus à l’est, sur First Avenue, ont permis de créer des environnements substantiellement plus propices à un achalandage sécuritaire 24/7, au commerce en général et oui, même à la fluidité de tous.

Le slogan derrière les interventions (Better streets mean better business) et les chiffres venaient appuyer cette perspective. Jusqu’à 47 % moins de commerces vides, probablement dus à une augmentation de 177 % des cyclistes (eux aussi des «big spenders») et un achalandage accru dans un réseau d’autobus plus efficace. Souvent, la fluidité de toutes les circulations est notablement améliorée (15 %) et les accrochages et «accidents» entre véhicules moteurs connaît une diminution (jusqu’à 63 %) (Chapitre 8. Bike Lanes and Their Discontents).

Avec de tels chiffres, la population locale et les groupes d’intérêts commerciaux et privés doivent en redemander, non? On parle ici de la ville de New York, centre du monde des médias américains et épicentres des spécialistes de la manipulation de ceux-ci. Un des phénomènes les plus curieux de cette période est l’agilité avec laquelle les opposants de cette nouvelle philosophie d’aménagements urbains pour tous ont détourné les statistiques sur la sécurité des piétons pour s’opposer aux nouvelles mesures d’élargissement de l’espace public en faveur justement de tous. Un meilleur achalandage en mode actif entraîne une augmentation des accidents entre ses usagers, mais une diminution radicale des accrochages majeurs avec le vrai danger mortel, l’automobile.

Comme dans plusieurs domaines, on se dit que ce qui peut fonctionner à NYC pourra un jour conquérir les autres métropoles. Ce livre de Madame Janette Sadik-Khan nous donne cet espoir.

(1) Comme toujours, la meilleure lecture sur ce personnage colossal est le livre de Robert Caro, The Power Broker

Publié une première fois le lundi 27 décembre 2021

Tags Street Fight, Janette Sadik-Khan, Street Design, Tactical Urbanism, New York City

Le centre

June 28, 2021 John Voisine
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City—Rediscovering the Center. William H. Whyte, foreword by Pace Underhill, University of Pennsylvania Press, (1988), 2009, 288 pages.

Il est maintenant normal pour tout professionnel de l’urbanisme, du design urbain ou de l’architecture de sortir avec un bloc-notes/sketchpad, un appareil photo (cellulaire), et d’aller passer un moment « sur le terrain », pour prendre le pouls d’un environnement urbain. On cherchera alors à absorber un peu de sa dynamique et de son énergie (ou de l’absence de celle-ci). Une équipe dédiée pourra ainsi mieux assimiler les particularités du lieu et, dans la meilleure des situations, proposer des approches pour mettre en valeur ses lignes de force et remédier à ses faiblesses. L’étape essentielle ici étant une observation sensible et factuelle, sous plusieurs angles et dans diverses conditions, de la réalité de l’espace. Pour reprendre un yogiberrisme trop évident, c’est fou tout ce qu’on peut voir juste en regardant.

Les études de cas et les analyses contenues dans cet ouvrage découlent essentiellement de la situation des plazas immobilière et des « pocket parks » que l’on retrouve à New York. Après l’érection du Seagram Building et du succès de sa plaza, NYC a inscrit dans son code de zonage l’obligation pour les promoteurs de fournir des places similaires. Loin de se révéler des phénomènes urbains dynamiques et fréquentés, comme pour la « place mère » du Seagram, plusieurs autres demeuraient sous-utilisés ou même déserts. Mais pourquoi au juste ?

C’est un peu le mandat de répondre à cette question que l’auteur et son équipe se sont vues attribuer à la fin des années 1960 et lors d’autres engagements similaires qui se sont poursuivis jusque durant les années 1980. En fixant caméras et appareils cinématographiques pour capturer les interactions et les agissements « naturels » de la faune citadine, que ce soit sur une plaza, une intersection, ou dans une oasis comme le Paley Park, William H. Whyte, et son groupe on mit en évidence les configurations les plus favorables à la présence et à la satisfaction des urbains. Qui eût cru, par exemple, que de simples tables et chaises pouvant être disposées au plaisir des usagers puissent être l’assise d’un espace attractif et fréquenté ? C’est cette documentation méticuleuse des comportements et de l’usage réel que les gens font de leurs villes qui sont à la base des recommandations contenues dans l’ouvrage.

Sur les traces de City—Rediscovering the Center

Ce livre de William H. Whyte, maintenant un classique, nous rappelle que ces outils de mesure et d’analyse, en appuis au design, ont été longs à prendre leurs places. Et malheureusement, trop souvent, les conclusions qui en ressortent sont difficiles à implanter. En plus d’avoir à confronter une certaine « arrogance conceptuelle » face à l’existant (pourquoi changer ce qui existe déjà ?), on constate aussi une forme d’inertie, un « confort sécurisant » qui découle de l’habitude. Elle persiste même une fois les erreurs diagnostiquées et l’échec du design admis de tous. Whyte donne plusieurs exemples paradoxaux de ces environnements urbains aménagés et simultanément « laissés en friche ». S’y installe une indifférence devant le dynamisme urbain qui s’étiole.

Le plaidoyer principal de l’ouvrage est en faveur d’une ville où les citoyens sont présents parce qu’il existe une concentration de services, d’attractions, d’emplois et de milieux de vie diversifiés qui le justifie. Mais surtout, un environnement urbain conçut, pensé et entretenu de façon à favoriser l’interaction humaine, les rencontres de personne à personne, le tout sur une base quatre saisons. L’ingrédient premier pour allumer cette magie de la ville est l’intégration d’espaces urbains où les gens se sentent en contrôle, partie prenante et participant à part entière dans l’urbanité qui les entoure.

William H. (« Holly » pour ses amis) Whyte n’a pas seulement laissé sa marque dans le domaine de l’enquête terrain socio-urbaine ; il a commencé sa carrière avec un livre qui fait encore école dans le monde de la gestion, The Organization Man (1956). Peu de temps après, il était l’éditeur d’un collectif, The Exploding Metropolis (1958) ; on y trouve un texte de Jane Jacobs.

Si les techniques, les méthodes et l’approche générale déployées par Whyte peuvent sembler familières, c’est certainement en raison de la popularité d’un ouvrage comme Life Between Buildings (1987, pour la traduction) de l’architecte danois Jan Gehl. Whyte note d’ailleurs la similarité de leur approche et la concordance des observations. En 1980, Whyte publiait The Social Life of Small Urban Spaces ; si l’on cherche, il est possible de trouver le film/documentaire qui l’accompagnait. Il y a quelques années, Streetfilms en a aussi fait un excellent résumé de trois minutes.

Note 1 : Publié une première fois le 20 décembre 2021

Note 2 (2022-03-29) : Un article sur l’actualité toujours brûlante de son oeuvre et d’une nouvelle biographie qui vient juste de paraitre : William H. Whyte : Still Relevant After All These Years.

Tags Rediscovering the Center, William H. Whyte, Downtowns, New York City, Urban Design, Série William H. Whyte

Le passé de l'urbanisme moderne

June 21, 2021 John Voisine
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The CIAM Discourse on Urbanism, 1928-1960. Eric Mumford (foreword by Kenneth Frampton), The MIT Press, 2000, 375 pages.

Dans le domaine de l’architecture, les Congrès internationaux d’architecture moderne (CIAM) sont surtout réputés pour avoir cristallisé l’orthodoxie de ce qui est accepté comme « l’architecture moderne », du moins en Europe. Cette dernière devait inévitablement prendre position par rapport à son milieu d’implantation, et ce livre de Monsieur Eric Mumford fait justement l’histoire du discours sur l’urbanisme de ces CIAM, tenus de 1928 à 1959. On retrace donc autant l’histoire des idées sur la ville moderne que celle des gens qui les ont portées, comme Le Corbusier. Il est certainement l’architecte qui est parvenu, comme nul autre depuis, autant dans les faits que dans l’imaginaire populaire, à incarner dans sa personne cette nouvelle vague. En quelque sorte, une architecture composée pour propulser la dynamique de l’ère « moderne », circa 1928.

Pour la ville, la vision CIAM se caractérisa par une rigidité de formes, de fonctions et d’aménagements. Si elles étaient parvenues à prendre racine dans nos milieux urbains, elles auraient entraîné la destruction des tissus existant à la faveur de méga-îlots dispersés sur un territoire sans définition. Tours d’habitations (et d’autres usages) isolées dans de larges îlots de verdure, la rue n’existe plus qu’en tant qu’autoroute ou corridor de circulation (exclusivement automobile) vers d’autres méga-îlots semblables ; voilà l’image sans retouche de la nouvelle ville fonctionnelle. Le quatrième CIAM (1933), qui est devenu légendaire pour s’être tenu en partie lors d’une croisière entre Marseille et Athènes, donnera naissance à ce que Le Corbusier nommera la Charte d’Athènes ; elle établit les principes de cette nouvelle ville définissant la modernité. Même si cet effort rhétorique de faire de la ville une « machine à habiter » moderne n’a jamais vraiment trouvé d’aboutissement matériel (à l’exception de quelques villes sui generis, comme Brasilia ou quelquefois, dans l’ancienne sphère communiste), son influence conceptuelle imprègne toujours nos environnements urbains, ne serait-ce que dans le domaine du zonage.

On aurait cru que les CIAM, qui se voyaient comme l’avant-garde de la modernité architecturale et urbaine, en auraient eu pour longtemps à refaire nos habitats. Mais très vite, les contradictions internes ont eu raison des intentions modernisantes ; ce livre est l’excellente histoire de ce parcours.

Sur les traces de The CIAM Discourse on Urbanism

J’ai eu l’idée de finir la lecture de ce livre suite à la mention des CIAM, fait dans la chronique de la semaine dernière. L’époque est passionnante, un mélange ahurissant de confiance déplacé en la capacité d’un répertoire limité de solutions architecturales (le modernisme) et d’arrogance aveugle relativement aux effets moins qu’optimaux lorsque ceux-ci se trouvent mis en service, autant sur le plan architectural que urbain. De 1928 à 1960, il y a plus d’une génération de professionnels (gens de métiers, praticiens, professeurs, souvent les trois) d’horizons différents (essentiellement européen, mais aussi américain et japonais) qui ont persisté à essayer de définir la modernité de l’architecture et de l’urbanisme. Même si les résultats n’ont pas toujours été à la hauteur du discours, il était bon de les suivre dans ces sentiers.

Dès la fin du second conflit mondial, comme on l’apprend dans le livre, la « jeune génération » (comme les membres de ce qui deviendra Team 10, Alison et Peter Smithson, et une femme, Blanche Lemco van Ginkel, qui se rendra célèbre pour l’aménagement de l’Expo 67 et la sauvegarde du Vieux-Montréal) va vigoureusement remettre en question la lancée sur laquelle la « génération fondatrice » (Le Corbusier, le groupe britannique MARS, Giedion, Gropius, Sert, Stam et plusieurs autres) voulait que les CIAM se poursuivent. Mais ces années d’après-guerre marquent le moment pour plusieurs de constater que la nouvelle modernité ne sera pas exactement celle espérée par les CIAM, mais plutôt celle d’une forme de pragmatisme mercantile, plus proche de l’oncle Sam que du « fonctionnalisme » urbain. Josep Lluis Sert écrira d’ailleurs, à propos du thème de CIAM 8 (1951), « urbanism has really become suburbanism » (p. 203).

Comme l’indique l’auteur dans sa conclusion, il resterait à produire des historiques indépendants et plus poussés du groupe MARS et de Team 10, par exemple. Pour l’architecture moderne en général, difficile de faire mieux que les livres de l’auteur de la préface, Kenneth Frampton. Un autre historien de l’architecture moderne, pour approfondir l’époque, surtout le personnage de Le Corbusier, qui en vaut (dit-on) le détour, est Jean-Louis Cohen ; son dernier ouvrage (Construire un nouveau Nouveau Monde : L’amerikanizm dans l’architecture russe) avait d’ailleurs fait l’objet d’une exposition au CCA.

Tags The CIAM Discourse on Urbanism, Eric Mumford, CIAM, Modernisme, Le Corbusier

L'urbanisme par la pratique

June 14, 2021 John Voisine
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Tactical Urbanism—Short-Term Action for Long-Term Change. Mike Lydon and Anthony Garcia, Island Press, 2015, 256 pages [e-book lu sur application Kindle]

La semaine dernière, on avait la chance de passer en revue l’ouvrage du regretté Jaime Lerner et ainsi de constater avec bonheur les possibilités offertes par différents types « d’acupuncture » urbaine. On présentait cette notion un peu comme une forme de proto-urbanisme tactique, des interventions à l’échelle de la rue ou du lot, mais aux bénéfices à l’échelle du quartier ou même de la ville entière, dans le meilleur des cas. L’urbanisme tactique, tel que défini dans ce livre fondateur du domaine, se réclame de cet héritage, tout en formalisant les paramètres de cette notion. Il faut dire que les auteurs et la firme qu’ils ont fini par bâtir sont justement à l’origine de la cristallisation et de la prise de conscience collective (dès les premières années du 21e siècle) autour des opportunités créées par cette prise en charge par des citoyens ou groupes de la société civile des interventions dans l’espace urbain, surtout ici en Amérique du Nord.

Pendant une bonne partie du 20e siècle, urbanisme rythmait avec mégaprojet sur méga-îlot fraîchement généré en faisant table rase de l’existant (le plus vieux, le mieux). On allait enfin réaménager nos villes et quartiers selon les canons infaillibles de la nouvelle modernité portée par les CIAM. En deux-trois-quatre décennies à peine, nos pouvoirs démocratiques se sont laissé capturer par les intérêts des manufacturiers automobiles, à la quasi-exclusion de toute autre priorité collective ou urbaine. Il nous suffit de regarder par la fenêtre pour constater que l’espace public de nos rues, la façon d’aménager et de structurer nos espaces bâtis, est toujours accaparé par cette monomanie automobile.

Entrent en jeu les citoyens (ou groupe citoyen) qui, face à cette négation de la ville, s’organisent pour agir directement sur ou dans l’espace public (parfois même privé) afin de démontrer qu’il est possible de penser, donc de faire autrement. Dans le meilleur des cas même, l’urbanisme tactique est utilisé par les autorités municipales elles-mêmes. Le plus souvent, suite aux pressions et avec la participation des citoyens, afin de démontrer, sur une base expérimentale, temporaire et à une fraction du coût d’un aménagement permanent, les possibilités d’une intervention qui sort des sentiers battus.

Sur les traces de Tactical Urbanism

Les limites des interventions tactiques sont essentiellement celles de l’imagination de celles et ceux qui veulent bien prendre les risques qu’implique ce type d’action. Sous sa forme la plus pure, l’urbanisme tactique est la façon la plus visible et viscérale d’envoyer un message d’une volonté de changement. Dans un sens, c’est aussi le symptôme d’un échec de la gouvernance municipale; que les citoyens soient rendus à l’action directe et matérielle afin de faire valider ce qui est, le plus souvent, un strict minimum de la civilité urbaine, comme des intersections sécurisées ou une utilisation inclusive de l’espace public, devrait faire réfléchir sur l’état de nos démocraties municipales.

Mais il faut aussi bien l’admettre, ces interventions résultent en des projets qui auraient autrement été complexes de faire activer par un organisme municipal. Le livre en donne plusieurs exemples, comme un projet de signalisation, Walk [Your City], qui vise à inciter les gens à marcher dans leurs villes, en passant par ce qui est presque devenu le porte-étendard de l’urbanisme tactique, c’est-à-dire l’activation au niveau du « block » urbain, merveilleusement incarné par l’organisation caritative Better Block Foundation. Dans les municipalités qui se veulent représentatives d’une certaine volonté citoyenne, il existe même des portails facilitant la présentation de projets à la ville ; l’ouvrage fait mention de San Francisco et Los Angeles, mais il y en a probablement d’autres ?

Concernant strictement la Ville de Montréal, il ne semble pas y avoir de ressources spécifiques. Notre ville n’a pas une culture d’accueil des interventions directes, comme pourrait en témoigner le (maintenant) fameux Roadsworth. Le Centre d’écologie urbaine de Montréal, sur son site Bâtir ensemble la ville active, a réalisé une page Web qui donne de bons outils contextuels pour qui aimerait s’organiser, tactiquement parlant.

En dernier lieu, voici trois ouvrages cités et qui apportent un complément aux notions élaborées dans Tactical Urbanism. De Nabeel Hamdi, Small Change—About the Art of Practice and the Limits of Planning in Cities (2004) et The Placemaker’s Guide to Building Community. Pour méditer sur notre situation, avec le recul de l’histoire : The Incorporation of America—Culture and Society in the Gilded Age.

Tags Tactical Urbanism, The Streets Plans Collaborative, Design Thinking, DIY Urbanism, Urban hacking

Pinprick Urbanism

June 7, 2021 John Voisine
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Urban Acupuncture—Celebrating Pinpricks of Change that Enrich City Life. Jaime Lerner, Island Press, 2014, 144 pages [version e-book lu sur Kindle].

Le 27 mai dernier, on apprenait le décès de Jaime Lerner, surtout connu ici comme l’ancien maire de Curitiba, au Brésil, et précurseur dans la mise en service d’un des premiers systèmes d’autobus rapide en site propre (plus connu sous son sigle anglais de BRT).

Jaime Lerner était certainement de ceux qui, de par son approche aux situations spécifiques et universelles de sa ville, ont le plus innové dans ses interventions sur la ville au cours des dernières décennies. Sa démarche se caractérisait par des solutions économiquement abordables, génératrices d’une véritable richesse urbaine et collective, et de design de projets urbains à la fois simples, élégants, adaptables et mobilisateurs. Ceci lui a valu d’acquérir une notoriété qui finira par dépasser de loin les frontières de sa municipalité et de son pays ; pas seulement dans les cercles urbains et architecturaux, mais aussi pour quiconque porte attention aux phénomènes urbains. Tout cela m’a rappelé que j’avais acheté, il y a quelques années, son seul livre traduit ; c’était le moment de le lire.

Dans ce court volume, ce que Lerner cherche vraiment à évoquer, grâce à quelque dizaine de vignettes, c’est à quel point, dans une ville, chaque geste, de l’humble système de récupération, en passant par la restauration historique sensible d’un bâtiment, ou le dépanneur ouvert du matin au soir et dans la nuit, comment tous ces évènements peuvent se transformer en multiplicateur de dynamisme urbain et social.

La notion avancée ici, celle d’une « acupuncture » urbaine, une forme d’urbanisme tactique avant l’heure combinent les vertus de l’élément singulier en contexte urbain, comme le musicien ou l’artiste de rue, la devanture animée d’un commerce ayant pignon sur rue, aux effets bénéfiques d’ensemble plus large, comme les rues marchandes aménagées en mini ramblas. Souvent, ces interventions sont la résultante d’une mobilisation locale, prenant racine dans une volonté populaire de régénération urbaine. Ainsi « l’aiguille » de « l’acupuncture » locale fait sentir ses bénéfices sur la globalité de « l’organisme » urbain.

La seule pathologie, selon Lerner, qu’il faut combattre à tout prix ? « Urban cholesterol », qui est « the buildup of excessive automobile use in our [urban] veins and arteries ». Imparable !

Sur les traces de Urban Acupuncture

Pour un personnage qui est quand même en deuxième position dans une liste des 100 plus influents « urbanistes » de tous les temps (après seulement Jane Jacobs), il m’a semblé que le décès de Jaime Lerner est passé relativement inaperçu (le New York Times ne lui a curieusement pas encore consacré un « orbit »).

Le site Archdaily lui accorde un bon court papier, qui renvoie à une source première brésilienne, et Planetizen reprend l’essentiel de ce dernier. On y trouve toutefois quelques détails de plus, comme ce lien vers un reportage du New York Times sur Curitiba et l’héritage laissé par son ancien maire. On le soupçonne bien, tout n’est pas vallée fleurie et rivières de miel. Mais globalement, les effets positifs des programmes urbains mis en place durant ses premières années d’effervescence font de Curitiba, encore aujourd’hui, un des meilleurs ensembles urbains du Brésil.

Un autre article, cette fois dans la rubrique urbaine Curbed du magazine New York, donne plus de détails sur les faits saillants de son parcours. Un des points soulevés et trop souvent négligés lorsque l’on aborde la conception et la mise en place de son système révolutionnaire d’autobus rapide en site propre (BRT) est que Lerner et son administration ont insisté pour que le réseau soit marié à un programme (plan) d’utilisation intensive des sols le long des grands « troncs » du système. Ce mariage étroit entre accessibilité en transport en commun, intensification et diversification (résidentiel et commercial) des usages le long des corridors est essentiel à la réussite globale du réseau et du transfert modal (automobiles vers transport en commun) recherché dans de telles circonstances. Malheureusement, ce mariage est rarement consommé (Québec et son réseau de Métrobus sont l’exemple type d’un tel échec). Évidemment, c’est le point le plus sensible politiquement et ainsi le plus complexe à faire aboutir, dans le meilleur des cas.

En dernier lieu, j’ai découvert ce site Web de l’Instituto Jaime Lerner. Toutes les pages possèdent une version anglaise, mais le matériel produit par l’institut est essentiellement réservé à celle et ceux qui ont la chance de lire le portugais.

Tags Urban Acupuncture, Jaime Lerner, Curitiba, Bus Rapid Transit, Tactical Urbanism

Montrealize

May 31, 2021 John Voisine
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Copenhagenize—The Definitive Guide to Global Bicycle Urbanism. Mikael Colville-Andersen, Island Press, 2018, 296 pages. [e-book lu sur plateforme Adobe Digital Edition]

Une des forces d’un livre comme ce dernier de Mikael Colville-Andersen est de nous permettre d’expérimenter l’épiphanie que chaque ville est, si elle voulait bien y mettre un peu de volonté politique et matérielle, à quelques interventions stratégiques et tactiques près d’être « copenhagenize ». En d’autres termes, chaque ville a le potentiel de se transformer en espace d’accessibilité universelle à bicyclette. Du moins, le delta est probablement beaucoup moins grand qu’on se l’imagine.

Si Copenhague est souvent assimilé à Amsterdam quand vient le temps de parler de la place du vélo dans l’espace urbain, ces deux villes sont, selon l’auteur, en réalité très différentes. Amsterdam, en raison de sa morphologie unique, est la reine incontestée quant à l’emprise (physique et mentale) occupée par la bicyclette. Copenhague, en contrepartie, commençant peu après le premier choc pétrolier, a réussi, grâce à l’activisme soutenu de ses citoyens sur une période de quarante ans, à faire jouer au vélo son rôle transformateur d’instrument démocratique de mobilité universelle. Ceci est vrai malgré des aménagements urbains qui déjà, à l’époque, étaient sérieusement grugés par l’automobile.

En ce sens, un grand potentiel d’inspiration urbaine existe pour l’observateur contemporain attentif de Copenhague ; il devient impossible de voir ces aménagements cyclables sans imaginer les possibilités dans des espaces qui nous sont familiers. Les « leçons acquises » par cette évolution heureuse de la place de la bicyclette dans Copenhague, condensées dans ce livre, sont présentées sur le plan du design, bien sûr, mais aussi sur le plan du positionnement stratégique de la bicyclette en tant que participant à part entière à la dynamique urbaine, au même titre que le piéton. Même si, comme le souligne l’auteur, dans notre monde, le travail de communication et d’« advocacy » autour de la bicyclette n’est jamais fini.

La perspective unique de l’auteur, qui a grandi à Calgary, mais fait l’essentiel de sa carrière au Danemark, lui permet de communiquer clairement ce qui est unique à l’expérience et à la culture danoise, dans un premier temps, et ce qui est le produit d’une évolution qui gagnerait à s’universaliser. Cette combinaison unique constitue la richesse première de l’ouvrage.

Sur les traces de Copenhagenize

L’auteur est connu comme le fondateur de Copenhagenize Design Co, une firme spécialisée dans la planification, la conception, la communication, l’accompagnement et l’éducation sur la voie de la conception de meilleurs systèmes et réseaux pour faire de la bicyclette la vraie souveraine de nos déplacements urbains. Il ne travaille toutefois plus pour elle. Jusqu’à environ deux ans, Copenhagenize était aussi un blogue entretenu par Monsieur Colville-Andersen.

Une des ressources qui a vraiment servi à faire connaître la perspective, à la fois banale et puissante, derrière la notion de « copenhagenize » (que la bicyclette est, pour la vaste majorité, le véhicule idéal de nos déplacements urbains) est le blogue de photos « Cycle Chic » ; essentiellement un montage festif à la gloire des capacités infinies de la petite reine et des humains qui lui accorde sa confiance. Mikael Colville-Andersen est aussi l’auteur et l’animateur d’une série télévisuelle, Life-Sized Cities (trois saisons), qui explore l’échelle humaine de grandes villes du monde. Elle est maintenant dans notre liste de séries à voir, un jour.

La firme a aussi développé, depuis 2011, un « Index » des « Bicycle-Friendly Cities », mise à jour aux deux ans. Montréal est la seule ville nord-américaine dans une liste, qui en compte 20. Elle était en huitième place en 2011 et sa dernière cote (2019) la sort de cette vingtième place, pour occuper la dix-huitième place (avec Vancouver). Cette piètre position constitue l’inculpation méritée d’une ville qui s’est laissée tomber. La proposition du REV qui ne décolle pas, les BIXI qui ne sont pas disponibles durant l’hiver (six mois !) et réseau des pistes cyclables qui disparaît à la première neige illustrent bien cette faillite.

Comme mentionné dans le livre, le visiteur nord-américain à plus de facilité à envisager sa ville à l’image de Copenhague que d’Amsterdam. Ce film de Streetblog, Cycling Copenhagen, Through North American Eyes (référé dans l’ouvrage) permet de mieux comprendre cette situation paradoxale. Deux livres sont aussi recommandés comme sources de méditation sur nos peurs sociétales (comme ceux que l’on tente souvent d’accolés à la bicyclette) : The Geography of Hope et la mise à jour d’un autre ouvrage mentionné, How Fear Works.

Tags Copenhagenize, Mikael Colville-Andersen, Bicyclette, Aménagements urbain, Copenhagen

Velocitta

May 24, 2021 John Voisine
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Building the Cycling City—The Dutch Blueprint for Urban Vitality. Melissa Bruntlett & Chris Bruntlett, Island Press, 2018, 242 pages [e-book lu sur l’application Kindle].

Difficile d’imaginer une région du monde plus à l’aise avec l’utilisation de la bicyclette comme mode de déplacement banal et quotidien que les Pays-Bas. Si l’on se fit aux récits contenus dans ce premier ouvrage du couple vancouvérois Melissa & Chris Bluntlett, cette pratique de mobilité active sur deux roues est tellement intégrée dans la fibre nationale néerlandaise qu’il est difficile de faire prendre conscience au citoyen moyen du pays l’ampleur de la situation exceptionnellement privilégiée dont il est le bénéficiaire. Mais comme ce livre le montre aussi, ces acquis, cette banalité ordinaire des déplacements à deux roues qui caractérise si merveilleusement le pays est venue au prix de nombreuses luttes et d’une volonté locale polyphonique, très diversifiée dans ses motivations et pulsions premières. Quelques changements de circonstance, un peu moins de pression, quelques votes de conseils municipaux remportés par une voie de majorité, défaits par une autre voie, et nous serions devant des Pays-Bas qui ressemblent plus à la Belgique ou à l’Allemagne, plutôt qu’au Danemark.

Cela dit, il n’y a pas de doute que pour toute personne intéressée par la question d’un possible transfert modal vers la bicyclette, les Pays-Bas et ses villes clés, comme la capitale Amsterdam, bien sûr, mais aussi la moderne Rotterdam, la ville-forteresse de Groningen ou même l’ancienne ville industrielle d’Eindhoven, ont toutes leurs histoires bien particulières sur la voie de se réaménager avec la petite reine au cœur de leurs stratégies d’accessibilité urbaine. Dans ces Pays-Bas, la « modernité » automobile a bien tenté, mais ultimement échoué, de renverser une culture de l’accessibilité qui était déjà basée sur l’humble bicyclette pour la vaste majorité des déplacements et services urbains. Mais même dans ces circonstances plus que favorables, les luttes pour assurer la croissance sans payer le tribut de l’emprise automobile furent féroces.

Je veux croire qu’il est possible de mobiliser nos ressources afin de concevoir des milieux urbains où la bicyclette devient la norme (ou l’un des liens cruciaux) de nos déplacements. Ce livre illustre toutefois la fragilité d’une culture qui doit toujours s’actualiser dans un monde qui aimerait mieux nous savoir tous prisonniers d’un habitacle automobile.

Sur les traces de Building the Cycling City

En fait, j’aurais dû préciser plus haut que les auteurs sont anciennement de Vancouver et font maintenant leurs vies à Delft, aux Pays-Bas. En d’autres termes, ils ont tellement aimé la façon de vivre l’accessibilité urbaine à bicyclette qu’ils ont choisi d’y élire domicile. Considérant la nature de leur travail respectif (Mobycon pour elle et le fameux Dutch Cycling Embassy pour lui), cela ne pouvait mieux tomber. Les auteurs sont toutefois les premiers à admettre, en introduction, que la réalité de leurs pays d’adoption, cette interrelation si étroite entre mobilité à bicyclette et aménagements urbains conçus en ce sens « took over 50 years of incredible hard work, a bit of good fortune, and some forward-thinking decisions that extended far beyond the current political cycle » (page 6). Ce n’est pas que c’est impossible, le défi reste simplement colossal, dans le meilleur des cas.

Toute ville d’une certaine importance aux Pays-Bas, de l’après-Deuxième Guerre jusqu’aux années 1970, a connu son flirt particulier avec la modernité, synonyme d’automobiles et des aménagements destructeurs que cela entraîne. Les auteurs en font d’ailleurs l’historique, le plus souvent même avec les acteurs impliqués dans ces « échapper belle ». Un exemple assez spectaculaire est la petite ville universitaire de Groningen. Ce court film (mentionné dans l’ouvrage) en donne un bon résumé, et sa chronologie s’applique à presque tout le pays.

Dans un chapitre justement intitulé « Not Sport. Transport », les qualités pérennes de la bicyclette « hollandaise », comme sa simplicité robuste et sa polyvalence, sont évoquées en tant que facteurs de son succès persistant. Mais une des choses qu’on doit retenir est que le pays est, en ce moment, l’épicentre de l’innovation, en matière de vélos à assistance électrique et des nouveaux vélos cargo (souvent les mêmes). Les auteurs mentionnent un festival annuel sur ce type de vélo et donnent l’exemple d’une compagnie de vélos cargo commencée par un enthousiaste, maintenant la référence dans le domaine et distribué dans le monde entier.

En dernier lieu, une ressource du point de vue de l’aménagement urbain et de l’architecture, qui semble assez pertinente : The City at Eye Level, (aussi un livre) inspirée entre autres des concepts développés par Jan Gehl. Nous y reviendrons.

Tags Building The Cycling City, Bruntlett, Vélo, Aménagements urbain, Urbanité

La méthode du bannissement

May 17, 2021 John Voisine
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Ville contre automobile—Redonner l’espace urbain aux piétons. Olivier Ducharme, Écosociété [Collection Polémos], 2020, 195 pages.

C’est une sagesse acquise à prix fort : lorsque l’objectif est l’assassinat du tyran, mieux vaut ne pas manquer son coup. Ce court volume d’Olivier Ducharme est certainement de ceux avec cette noble ambition, soit de mettre un terme et de déposer une fois pour toute le régime tyrannique qu’exerce l’automobile (et sa retenue) sur nos villes.

Cette tyrannie est réelle et se manifeste entre autres par l’étau des aménagements autoroutiers et notre acceptation de ces infrastructures sous le couvert de la nécessité économique, du « progrès » et de la « croissance » de la richesse collective. Cette présence de l’automobile imprègne aussi nos cadres bâtis, transformant l’environnement urbain en annexe de garage. Avec l’automobile comme fonction première à résoudre dans l’espace urbain, ceux-ci sont vidés de la capacité à servir d’espaces utiles, pratiques, fonctionnelles et à échelle humaine. Évidemment, ceci est vrai sans même toucher aux questions du gaspillage des ressources, des changements climatiques et de l’appauvrissement forcé des classes moyennes engendrés par la nécessité de posséder une automobile pour faire de notre urbanité un univers le moindrement accessible.

L’ouvrage de Monsieur Ducharme trouve son originalité dans sa genèse historique et intellectuelle des justifications concernant cette présence omnipotente de l’automobile, en Amérique, mais particulièrement au Québec. Plusieurs passages traitent aussi des luttes citoyennes (et des groupes centrés autour du vélo), à Montréal et Québec, contre cette logique des envahissements autoroutiers. La déconstruction de l’argumentaire absurde des gouvernements québécois successifs, sur la nécessité d’un passage aux véhicules électriques comme courroie de la « transition énergétique », si essentiel aux objectifs de réduction des GES, est particulièrement cinglante et réussie. Pas de doute possible, « [o]n se tire dans le pied » en s’enfonçant dans cette voie.

C’est par contre avec un peu de tristesse que l’on constate, en dernière analyse, que la méthodologie proposée pour mettre fin à la tyrannie automobile et « [r]edonner l’espace urbain aux piétons », relève elle-même de la pensée magique, avec même un peu plus qu’un soupçon de penchant tyrannique : le bannissement pur et simple de l’automobile de la ville. La viabilité de cette proposition, en société démocratique, semble douteuse.

Sur les traces de Ville contre automobile

J’ai entendu parler de ce livre pour la première fois il y a quelques mois, en lisant cet article du journal La Presse. Je savais immédiatement que je voulais le découvrir plus à fond, même s’il me semblait avoir saisi les limites de la proposition par les propos de la chronique.

Olivier Ducharme affirme, en introduction, qu’il a fondé sa pensée sur les idées de Paul Goodman, un intellectuel américain qui, de l’aveu même de l’auteur, a perdu en influence depuis son décès en 1972. Je dois admettre n’avoir jamais entendu parler du personnage. Un des ouvrages cités (et co-écrit avec son frère, Percival Goodman, un architecte) est Communitas—Means of Livelihood and Ways of Life. C’est le critique bien connu Paul Goldberger qui en signe la préface et commente : « Rich in splendid observations, many of which foreshadow issues which have become all the more urgent today ». Certainement des auteurs mûres pour une redécouverte contemporaine.

Lorsque, vers la fin de son ouvrage, on regarde sérieusement l’idée d’une reconceptualisation des espaces urbains sans automobiles, l’auteur puise à travers des sources bien connues des urbanistes. Il est donc question de livres comme Suburban Nation ou Walkable City, que je compte éventuellement commenter ici dans le cadre de séries appropriées.

En passant à travers les ressources citées, j’ai été surpris de découvrir qu’un ouvrage aussi fondateur que The Next American Metropolis—Ecology, Community, and the American Dream, de Peter Calthorpe, n’est plus activement publié par son éditeur d’origine et n’a pas été repris. Trente ans est vraiment une longue période dans le domaine de l’édition.

Le nom de David Owen est familier pour qui aime un article de fond ou deux du New Yorker sur un sujet d’actualité touchant le domaine de l’environnement. Ici, Olivier Ducharme le cite principalement pour son livre (traduit) : Vert Paradoxe—Le piège des solutions écoénergétiques. Difficile de trouver un livre qui s’harmonise mieux avec le propos général de son ouvrage. Dans les milieux urbanistiques, David Owen est surtout connu pour Green Metropolis—Way Living Smaller, Living Closer, and Driving Less are the Keys to Sustainability. L’argumentaire portait sur New York, Manhattan en particulier. On y reviendra au cours de l’année, dans une série sur les métropoles.

Tags Ville contre automobiles, Olivier Ducharme, Automobile, Urbanisme, Autoroutes
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