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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Le lien de trop

March 18, 2025 John Voisine
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The Highway and the City. Lewis Mumford, Harcourt, Brace & World, 1963, 260 pages. Lu sur Internet Archive.

Cela faisait plusieurs années que je voulais lire The Highway and the City. L’argument principal de Mumford est bien connu dans le milieu. Il consiste à dire que laisser l’autoroute (ou toute forme de réseau routier supérieur à un boulevard) « entrer en ville » revient à donner un droit de destruction à ce réseau. Évidemment, le fait que les véhicules soient à essence ou électrique ne change rien (juste pour rappeler que cela est une non-question). Dès les premières pages, Mumford souligne d’ailleurs que « if cars are few, he who possesses one is king ». C’est pour cette raison que toutes les publicités d’automobile se font au singulier, une voiture à la fois. Être derrière cette voiture singulière, uniquement « personnalisé » pour soi chez le concessionnaire, est comme être un roitelet sur la route. C’est lorsque nous sommes tous parechoc à parechoc sur trois, quatre ou six voies d’une autoroute que les choses se corsent et que l’absurdité de notre confinement se révèle. À l’image de l’empereur nu, on découvre que nos habits royaux n’étaient qu’une illusion; loin de nous libérer, on se retrouve asservie par les autoroutes. On se découvre ayant moins de choix et plus pauvres qu’à d’autres époques, pas si lointaines. L’autoroute urbaine laisse toujours sur son passage la destruction de l’existant. Même dans les rares cas où on peut appliquer une forme de « cicatrisation », on évite rarement la déstructuration de l’environnement urbain limitrophe, même une fois ce tissu stabilisé dans sa nouvelle forme. Cette dernière est souvent moins riche et porteuse de nouvelles possibilités; cette différence est rarement comblée.

Dans cet essai, Mumford trouve même le moyen de parler de Benton MacKaye, (of Appalachian Trail fame), qui aurait aussi participé au développement d’un concept de réseau routier supérieur. Ce dernier se résumait en la notion « Townless Highways—Highwayless Town ». Malheureusement, c’est la partie « Highwayless Town » qui fut oubliée, et avec elle, toute possibilité d’un réseau au service des villes et non destructeur de celles-ci. Mumford fait également un parallèle intéressant avec les grandes compagnies de chemin de fer, qui pendant longtemps avait eu le pouvoir de pénétrer et réaménagé, à leurs guises, toute zone urbaine. Juste au moment où ce pouvoir devenait caduc, voilà qu’on oubliait ces leçons pour faciliter le passage des autoroutes jusqu’aux portes et à travers la ville, que ce soit de plain-pied, en tranchée ou sur pilotis.

Ce texte de Mumford, paru une première fois en 1958 dans la revue Architectural Record, a l’avantage d’être à la fois prophétique (toutes les pires résultantes d’un réseau fondé sur l’automobile correspondent à notre réalité contemporaine) et d’être ancré dans son temps. Ainsi, il offre ce paradoxe intéressant : d’un côté, les autoroutes nous permettront d’aller d’une ville à l’autre en quelques heures et, de l’autre, le système postal, qui permettait auparavant de transmettre une lettre en deux heures dans une même ville, exige maintenant, pour ce même parcours local, un minimum de deux (2) jours. Il y a une leçon à tirer dans ça.

Je crois que c’est sous cet angle, celui de l’efficacité urbaine locale, qu’il faut regarder des propositions comme celle du troisième lien. Les villes de Québec et de Lévis, en tant que villes au service d’une population urbaine croissante, ne gagnent rien en facilitant ce nouveau lien automobile dans leurs systèmes . Je laisse à Mumford la dernière ligne : « a city exists not for constant passage of motorcars but for the care and culture of men ».

Tags The Highway and the City, Lewis Mumford, Troisième lien, Autoroutes, Québec, Automobile

À l’origine de tout, la bicyclette

July 14, 2023 John Voisine
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Roads Were Not Build for Cars—How cyclists were the first to push for good roads & became pioneers of motoring. Carlton Reid, Island Press, 2015, 360 pages [e-book lu sur support Apple Book]

Cette chronique est la première de notre série Le vélo et la ville [1/5]

Au début du chapitre 14 du livre, essentiel pour qui ne veut rien manquer de l’histoire des routes, et du rôle crucial des cyclistes dans leurs innovations et expansions en Europe et en Amérique, l’auteur cite ce passage d’un autre ouvrage, cette fois de James J. Flink, The Automobile Age : «No preceding technological innovation—not even the internal combustion engine—was as important to the development of the automobile as the bicycle.» Mais ce dernier livre ne vient pas soutenir cette position, puisque le propos porte sur l’émergence de la culture automobile et ne nous informe nullement sur l’imbrication des technologies de la bicyclette et de l’automobile naissante. C’est plutôt l’ouvrage que nous examinons ici, de Monsieur Carlton Reid*, qui vient en quelque sorte combler l’immense fossé d’ignorance et d’oubli, parfois même d’occultation volontaire qui s’est avec le temps creusée entre la petite reine et le motorisé corpulent qui à fini par la tasser presque entièrement sur sa route. Les routes de partout, en Grande-Bretagne, sur le continent et même ici en Amérique sont l’œuvre, du moins jusqu’aux années 1910, de la pression des groupes cyclistes.

Parce que, comme le démontre Monsieur Reid (parfois jusqu’à l’épuisement du lecteur), les routes sur lesquelles l’automobile finira par triompher ainsi que l’engin en lui-même trouvent leurs genèses dans le sillage et l’écosystème manufacturier engendré par la bicyclette. La fin du 19e siècle est l’âge d’or de la bicyclette, non pas comme mode de transport puisque sa pratique se limitait alors aux classes fortunées, aisées ou qui autrement disposaient de loisirs, mais comme instruments d’appropriation de nouvelles frontières territoriales et même d’émancipation, à la fois sociale et politique. La bicyclette elle-même était un outil à la fine pointe de la technologie, autant dans sa construction (assemblage et matériaux) que dans ses mécanismes. De la roue en rayons, au roulement sur coussin d’air, au pédalier avec entrainement par chaine, aux différents types de dérailleurs, la bicyclette concentrait dans sa forme et ses engrenages le meilleur de ces innovations. Ainsi, pour ceux qui allaient bientôt produire les premières voitures, il est clair d’où les transferts technologiques allaient se faire.

Sur les traces de Roads Were Not Build for Cars

Une autre des technologies qui incarne formidablement ce tournant de siècle moderne est la machine à coudre, et tout comme avec la bicyclette, ce sera le type d’entreprise manufacturière qui trouvera facilement à étendre son expertise dans l’automobile. Sans jeux de mots, on voit immédiatement le «fil» conducteur ici : des manufactures de pointe qui font reposer leurs productions sur une machinerie de pointe, parfaitement équipé pour l’assemblage de précision. En fait, on se rend compte que tous les grands de l’automobile, autant du côté américain (Henry Ford, Cadillac [Henry Martyn Leland], Chevrolet [Louis Chevrolet], Dodge [Evans & Dodge Bicycle Company]) qu’européen (Aston Martin, Peugeot [le Grand Bi], Rover [Rover Safety Bicycle]) et plusieurs autres marques qui ont connu leurs heures de gloire, mais qui ne sont plus maintenant qu’un souvenir (Adler, Napier & Sons, Singer Motors) trouvent tous une parenté quasi directe dans la production de pièces ou de bicyclettes entière et parfois, de machines à coudre (comme Dürkopp Adler ou Humber Limited).

Ce livre trace cette histoire, ex-haus-ti-ve-ment. La difficulté ne sera plus de s’en convaincre, mais de le communiquer à autrui, tellement les barrières entre le monde de l’auto et ceux du vélo sont devenues, avec le temps, conceptuellement infranchissables. Qui sait maintenant que la majorité des associations et clubs automobile trouvent leur origine dans des homologues cyclistes? Le transfert des intérêts se fait naturellement, d’autant plus que les mêmes personnes étaient le plus souvent au centre des deux mondes, en commençant dans le vélo de randonnée et la promotion des courses pour se poursuivre dans les mêmes domaines, mais cette fois pour l’automobile. Le rôle du plaisir de la vitesse et de la sensation d’autonomie que procurait le vélo, surtout à partir de l’introduction du Safety, ne peut être sous-estimé; tout ceci n’est que décuplé avec l’automobile.

Avec tout ça, nous n’avons pas eu le temps de mentionné les routes! Vous pouvez me croire sur parole quand je vous dis qu’elles ne doivent rien aux automobiles! Mais pourquoi ne pas aussi lire sur les héros cyclistes qui en sont à l’origine, si bien détaillée et exposée dans ce livre? Simplement renversant!



* Ceci est aussi le site Web créé par l’auteur lors de la publication originale de l’ouvrage, en 2014. Il est un peu abandonné maintenant, mais on y trouve encore d’excellents compléments d’information, comme les notes in extenso, par chapitre. L’auteur s’était aussi approprié des outils interactifs sur la plateforme qui s’appelait alors iBooks (d’Apple) afin de créer un livre dynamique. C’était l’époque…

Tags Roads Were Not Build for Cars, Carlton Reid, Automobile, Vélo, Automobiles, Histoire urbaine

Laver plus vert avec la technologie

March 28, 2023 John Voisine
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Road to Nowhere—What Silicon Valley Gets Wrong about the Future of Transportation. Paris Marx, Verso Books, 2022, 302 pages. [E-book lu sur application Kindle]

Cette chronique fait partie de notre série Trans&Transit [6/9]

Voici un autre ouvrage qui vient montrer, à sa façon, que le miracle des solutions technologiques (fait de transactions sans friction, d’algorithme intelligent et de services autonomes de mobilité) qui accaparent autant de nos énergies (recherche, financement, investissement, subvention) et de nos discours sur des lendemains plus durable et écoresponsable dans le domaine des transports, est exactement comme on devrait le soupçonner, une chimère. Notre dernier livre portait justement sur ce pouvoir presque magique des manufacturiers automobiles et de tout le consortium industriel et politique qui s’y agglomère de nous faire miroiter un horizon idyllique, avec bien sûr une voiture toujours plus sophistiquée et performante en avant-plan de cette expérience de mobilité privée, fluide et rapide. Comment contrer ce discours assourdissant qui accapare tout l’espace médiatique, mais que nous savons bien être ceux de sirènes nous entrainant encore plus vers un modèle basé sur l’auto solo? Faut-il rappeler que d’un point de vue urbain, une voiture, même électrique et autonome, est toujours une voiture, qui vient presque avec une licence à détruire la ville?

Il n’y a pas de solution facile, d’autant plus que les propositions qui nous proviennent autant des gouvernements que du secteur privé se résument le plus souvent à la même plateforme (l’automobile) avec une nouvelle source d’énergie (l’électricité) et pour faire durer le rêve, dans cinq-dix-quinze-vingt ans, des véhicules autonomes de niveau 5. Bien entendu, cela n’atténue en rien le problème à la racine de tous les autres, soit celui de l’incompatibilité entre la fonction d’une rue, qui est à la base de la création de la richesse urbaine et celle de la voiture, qui est de vider l’espace de tout environnement productif. Que le véhicule automobile soit mu par un moteur à combustion interne ou électrique n’y change rien; sa présence et son volume engendrent des distorsions et des vides tels que cela finit par anéantir la forme urbaine.

L’auteur, Paris Marx, prend le temps d’identifier les constituantes de ce discours qui sert maintenant le plus souvent à masquer les périls d’un enfoncement toujours plus profond dans une mobilité élitiste, foncièrement hostile à la vie urbaine.

Sur les traces de Road to Nowhere

Jarret Walker parlait de «Elite projection» en mentionnant sur son blogue cette tendance de certains groupes fortunés et privilégiés de penser que ce qui est bon pour eux l’est aussi pour tous. Ce qui donne naissance à des idées de tunnel sous la ville (The Boring Company) ou de transport interurbain en tube (Hyperloop). Rien de tout cela n’améliore l’accessibilité dans l’espace urbain, mais en offrant de tels écrans de fumée technologiques, ces élites cherchent à désamorcer les propositions et éventuellement la planification de systèmes possibles, comme un système de métro, de trains, de tramways ou un SRB, qui pourraient s’avérer de puissants moyens d’aménager la ville pour tous.

La perspective de ce livre n’en est pas une de luddite, comme on pourrait le penser pour une personne qui s’attarde à décortiquer les périls des nouvelles technologies, mais bien plutôt une de qui utilise une grille qui sera familière à toute personne au courant des critiques musclés de la gauche envers une certaine fantaisie solutionniste basée sur de nouvelles technologies. Sous couvert de services flexibles pour tous, on assiste plutôt à la création d’une nouvelle classe d’exploitation humaine facilitée par ces nouveaux services à la personne (livraison, transport, soin personnel, etc.) Les conséquences de cette nouvelle économie d’exploitation sont identifiées dans la Californian Ideology et la genèse assez improbable de cette utopie digitale est racontée dans un livre de Fred Turner. Malheureusement, un de mes héros culturels, Stewart Brand (surtout à mes yeux pour son ouvrage How Buildings Learn), ne sort pas indemne de cette histoire. Une autre analyse inscrite dans son temps (la France de la décennie 1970) et que l’auteur utilise habilement pour éclaircir son propos est l’essai L’idéologie sociale de la bagnole du philosophe et théoricien de l’écologie politique, André Gorz.

Comme l’auteur le démontre de façon convaincante dans cet ouvrage, une discussion qui centre l’accessibilité sur l’automobile, surtout celle qui présente cette dernière dans un nouvel emballage technologique pour mieux masquer ses pathologies fondamentales (gaspillage de ressources, occupation démesurée de l’espace, etc.) est condamnée à perpétuer et accentuer ces formes urbaines si délétères au dynamisme humain.

Tags Road to Nowhere, Paris Marx, Technology, Automobile, Aménagements urbain

La méthode du bannissement

May 17, 2021 John Voisine
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Ville contre automobile—Redonner l’espace urbain aux piétons. Olivier Ducharme, Écosociété [Collection Polémos], 2020, 195 pages.

C’est une sagesse acquise à prix fort : lorsque l’objectif est l’assassinat du tyran, mieux vaut ne pas manquer son coup. Ce court volume d’Olivier Ducharme est certainement de ceux avec cette noble ambition, soit de mettre un terme et de déposer une fois pour toute le régime tyrannique qu’exerce l’automobile (et sa retenue) sur nos villes.

Cette tyrannie est réelle et se manifeste entre autres par l’étau des aménagements autoroutiers et notre acceptation de ces infrastructures sous le couvert de la nécessité économique, du « progrès » et de la « croissance » de la richesse collective. Cette présence de l’automobile imprègne aussi nos cadres bâtis, transformant l’environnement urbain en annexe de garage. Avec l’automobile comme fonction première à résoudre dans l’espace urbain, ceux-ci sont vidés de la capacité à servir d’espaces utiles, pratiques, fonctionnelles et à échelle humaine. Évidemment, ceci est vrai sans même toucher aux questions du gaspillage des ressources, des changements climatiques et de l’appauvrissement forcé des classes moyennes engendrés par la nécessité de posséder une automobile pour faire de notre urbanité un univers le moindrement accessible.

L’ouvrage de Monsieur Ducharme trouve son originalité dans sa genèse historique et intellectuelle des justifications concernant cette présence omnipotente de l’automobile, en Amérique, mais particulièrement au Québec. Plusieurs passages traitent aussi des luttes citoyennes (et des groupes centrés autour du vélo), à Montréal et Québec, contre cette logique des envahissements autoroutiers. La déconstruction de l’argumentaire absurde des gouvernements québécois successifs, sur la nécessité d’un passage aux véhicules électriques comme courroie de la « transition énergétique », si essentiel aux objectifs de réduction des GES, est particulièrement cinglante et réussie. Pas de doute possible, « [o]n se tire dans le pied » en s’enfonçant dans cette voie.

C’est par contre avec un peu de tristesse que l’on constate, en dernière analyse, que la méthodologie proposée pour mettre fin à la tyrannie automobile et « [r]edonner l’espace urbain aux piétons », relève elle-même de la pensée magique, avec même un peu plus qu’un soupçon de penchant tyrannique : le bannissement pur et simple de l’automobile de la ville. La viabilité de cette proposition, en société démocratique, semble douteuse.

Sur les traces de Ville contre automobile

J’ai entendu parler de ce livre pour la première fois il y a quelques mois, en lisant cet article du journal La Presse. Je savais immédiatement que je voulais le découvrir plus à fond, même s’il me semblait avoir saisi les limites de la proposition par les propos de la chronique.

Olivier Ducharme affirme, en introduction, qu’il a fondé sa pensée sur les idées de Paul Goodman, un intellectuel américain qui, de l’aveu même de l’auteur, a perdu en influence depuis son décès en 1972. Je dois admettre n’avoir jamais entendu parler du personnage. Un des ouvrages cités (et co-écrit avec son frère, Percival Goodman, un architecte) est Communitas—Means of Livelihood and Ways of Life. C’est le critique bien connu Paul Goldberger qui en signe la préface et commente : « Rich in splendid observations, many of which foreshadow issues which have become all the more urgent today ». Certainement des auteurs mûres pour une redécouverte contemporaine.

Lorsque, vers la fin de son ouvrage, on regarde sérieusement l’idée d’une reconceptualisation des espaces urbains sans automobiles, l’auteur puise à travers des sources bien connues des urbanistes. Il est donc question de livres comme Suburban Nation ou Walkable City, que je compte éventuellement commenter ici dans le cadre de séries appropriées.

En passant à travers les ressources citées, j’ai été surpris de découvrir qu’un ouvrage aussi fondateur que The Next American Metropolis—Ecology, Community, and the American Dream, de Peter Calthorpe, n’est plus activement publié par son éditeur d’origine et n’a pas été repris. Trente ans est vraiment une longue période dans le domaine de l’édition.

Le nom de David Owen est familier pour qui aime un article de fond ou deux du New Yorker sur un sujet d’actualité touchant le domaine de l’environnement. Ici, Olivier Ducharme le cite principalement pour son livre (traduit) : Vert Paradoxe—Le piège des solutions écoénergétiques. Difficile de trouver un livre qui s’harmonise mieux avec le propos général de son ouvrage. Dans les milieux urbanistiques, David Owen est surtout connu pour Green Metropolis—Way Living Smaller, Living Closer, and Driving Less are the Keys to Sustainability. L’argumentaire portait sur New York, Manhattan en particulier. On y reviendra au cours de l’année, dans une série sur les métropoles.

Tags Ville contre automobiles, Olivier Ducharme, Automobile, Urbanisme, Autoroutes

How to Get Away with Murder

May 10, 2021 John Voisine
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Crash Course—If You Want To Get Away With Murder Buy A Car. Woodrow Phoenix, Street Noise Books, 2020, 208 pages

Avec Crash Course, on poursuit notre examen des ravages, parfois involontaire, mais le plus souvent intégré, engendré par notre très haut niveau de tolérance à l’automobile dans nos milieux urbains. Le sous-titre de l’ouvrage dit tout. Étant donné la nature même du médium (un livre graphique), il serait facile d’affirmer que le message est communiqué de cette façon, mais il n’en est rien. Le livre est entièrement illustré, oui, mais le message de la violence automobile est, au contraire, communiqué par son absence. On se retrouve face à des images de vides routiers, autoroutiers et urbains, comme si le lecteur circulait dans une ville nord-américaine anonyme, immédiatement après les restrictions appliquées au début de la pandémie.

Plusieurs effets très sentis sont intégrés à l’information textuelle grâce à de vastes suites de « lévitation » routière, comme un parcours en tapis magique. Celle-ci nous transporte à travers tout nos types d’environnement urbain. Dans un premier temps, si cela n’était pas déjà assez clair, cette suite d’espaces routiers sans automobiles est criante de ce que représente la perte de ces espaces à l’emprise quasi exclusive d’un mode de transport privé, l’automobile. Que nos sociétés urbaines en soient venues à concéder (donc à anéantir) autant d’espace public à des fins privées est une des plus grandes pertes en capital matériel et en productivité des dernières générations. L’auteur utilise plusieurs types de montage graphique, des scénarios tirés de l’actualité récente et de sa vie pour illustrer la précarité et l’absurdité du déséquilibre des forces lorsqu’on oppose l’automobile aux multiples autres usagers de la route. Dans cette catégorie, on retrouve les piétons, les cyclistes et même les usagers des transports en commun. Aux nombreux usagers de l’autobus, il est même difficile de leur accorder le minimum d’une voie exclusive et la priorité aux intersections.

Conformément aux métaphores utilisées par l’auteur, que l’on choisisse ou que l’on soit contraint de vivre nos vies en tant que « spam in a can » (automobilistes) ou simplement « spam » (piétons, cyclistes), ce livre donne de quoi réfléchir sur notre condition urbaine dominée par l’automobile, et qui sait, agir pour faire cesser cette condition et mieux aménager notre condition urbaine ?

Sur les traces de Crash Course

Une des métaphores puissantes, utilisée et illustrée par Woodrow Phoenix, est celle de pianos suspendus, sous lesquels chaque piéton doit naviguer. À tout moment, ce piéton risque ainsi de se faire écraser. Cela représente évidemment la possibilité, quotidienne d’être happé dans l’indifférence par une de ces tonnes d’acier automobile (comme un véhicule utilitaire sport [VUS] ou même électrique, qui représente ironiquement un tonnage encore plus important).

Si l’on veut entendre un résumé assez évocateur et en savoir un peu plus sur l’auteur, il existe cette excellente entrevue sur notre podcast favori à tous, The War on Cars.

Comme je le mentionnais, l’auteur utilise autant des expériences de sa vie personnelle (il s’affirme comme automobiliste enthousiaste, amoureux de la route et même de l’esthétique automobile) que l’actualité des dix dernières années en tant qu’outils de prise de conscience et de changement ; des périls humains (vies perdues ou mutilés) et du gaspillage de nos ressources matérielles et économiques, siphonnés par l’automobile et l’infrastructure qui soutient sa logique. Même si le propos prend ici la forme d’un livre graphique, l’auteur a fait ses devoirs et cite plusieurs ressources ; je vais maintenant en mentionner quelques-unes.

Puisque l’auteur y trouve famille et amis, ce Londonien de naissance retourne souvent à NYC, et une des ressources citées est l’excellent site de l’organisme Transportation Alternatives. Toujours à NYC, cette compilation des collisions dans la ville, projeté sur une carte virtuelle peut s’avérer un outil puissant de changement. Toutes nos villes devraient dégager les ressources nécessaires pour créer, alimenter sur une base mensuelle et gérer un tel outil.

L’organisme Smart Growth America à conçu une page Web remplie de ressources illustrant les failles et encourageant un meilleur design de nos rues : Dangerous by Design 2021. Essentiel.

Le livre revu la semaine dernière (Right of Way) mentionnait aussi les problèmes croissants entraînés par les systèmes de pilotage automatique dans les nouveaux véhicules (particulièrement Tesla). Un bon moyen de s’en faire une idée est de visiter ce site Web, bien nommé : Tesla Deaths.

Une vraie découverte pour moi ; un jour de souvenir qui se souligne le troisième dimanche de novembre : World Day of Remembrance for Road Traffic Victims. Je vais mettre cette date à mon calendrier.

Tags Crash Course, Woodrow Phoenix, Automobile, Aménagements urbain, Urban Form

Bilan routier

May 3, 2021 John Voisine
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Right of Way—Race, Class, and the Silent Epidemic of Pedestrian Death in America. Angie Schmitt, Island Press, 2020 [ebook lu sur Apple Books]

Il y a dans ce livre dix (10) chapitres bien tassés qui nous parlent de cette situation, inimaginable en toute autre circonstance. On y discute des interactions, trop souvent mortelles, entre le citoyen-piéton (ou autrement non motorisé) et son prochain qui choisit de se véhiculer dans un engin à moteur. Pourquoi encore une telle disparité dans les résultats, lorsque ces deux modes légitimes de mobilité se rencontrent, le temps d’une collision ? Pourquoi n’avons-nous toujours pas fait les choix d’aménagements urbains, d’encadrement réglementaire et de dispositions législatives qui garantiraient, en toute circonstance, une issue assurant la sécurité physique et l’intégrité matérielle de toutes les parties impliquées ?

Ce livre expose plusieurs des circonstances physiques, matérielles et réglementaires entraînant ces collisions mortelles. Cela se fait en discutant des aménagements déficients et de la priorité déplacée accordée à la fluidité du trafic. L’auteure donne une vraie visibilité aux questions de pauvreté, de classe sociale et d’ethnicité (« raciales », en contexte américain), trois éléments corrélateurs d’une majorité des collisions. On décortique comment le traitement des collisions entre piétons et automobilistes est depuis trop longtemps l’équivalent d’accorder une licence 007 avec chaque permis de conduire. L’auteure avance qu’il est impératif de cesser de qualifier ces évènements d’« accidents », mais plutôt de les traiter comme une faillite du design urbain et de priorités désaxées. Elle présente les avancées fulgurantes réalisées par les autorités locales s’étant mobilisé autour du mouvement « Vision Zero » et comment, aux États-Unis, un travail important est fait par les parents d’enfants décédés à la suite de collisions. Mais encore, cet activisme s’appuie lourdement sur la victimisation et faillit dans l’implantation de politiques transformatrices. Le « windshield bias » qui affecte si fermement ce pays (et par osmose culturelle, le nôtre) ne sera pas aisément contrecarré.

Même face à cet exposé explicite des conséquences tragiques, souvent mortelles des collisions, Right of Way demeure une exhortation puissante à concevoir un partage transformateur et équilibré de la vie urbaine dans l’espace de nos rues. En travaillant pour aller chercher la mobilisation politique et les ressources financières pour implanter une vision zéro, nous serons plus nombreux pour envisager l’avenir.

Sur les traces de Right of Way

L’auteure de ce livre, Madame Angie Schmitt, s’est fait connaître en tant qu’éditrice et rédactrice sur le fameux site Web Streetblog. Lors d’une entrevue en septembre dernier sur le podcast préféré de tous, The War On Cars, elle souhaitait que son ouvrage fasse pour la cause du partage universelle et sécuritaire de la rue ce que le mouvement #metoo a été pour la cause des femmes ; un moyen de mettre le doigt sur une situation vécue réelle, extrêmement corrosive sur le plan humain et social, mais qui ne trouvait pas de solution parce qu’elle se vit dans le silence. Toute comparaison est boiteuse, mais dans ce cas spécifique, on souhaite certainement qu’une masse critique finisse par se mobiliser pour cette cause.

L’ouvrage brosse un tableau de la tragédie que furent les dix dernières années en termes de collisions entre piétons et automobilistes aux États-Unis. Le contraste est aussi fait à l’internationale ainsi qu’avec ses pays pairs ; la comparaison avec les pays scandinaves est particulièrement cruelle. Je vais maintenant extraire des notes du livre certains éléments qui soulignent des différences culturelles qui pourraient être au cœur des pires aberrations qui caractérise la situation américaine.

Il y a quelques semaines, je parlais d’un ouvrage qui faisait l’historique du phénomène, toujours actuel, du Driving While Black. On change un seul mot de cette expression et on se retrouver avec un phénomène parallèle tout aussi adverse et réel : Walking While Black. 

Un autre article qui fait référence à un livre (Fighting Traffic) que nous avons revu dans ces pages et cité pour son historique d’un sobriquet utile dans la répression des piétons : Jaywalking—How the car industry outlawed crossing the road.

Pour mieux comprendre les mouvements qui mobilisent des « victimes » de la route afin de faire des changements, et les difficultés culturelles incrustées auxquelles ils se confrontent inévitablement : One for the Road—Drunk Driving since 1900. On se rappellera même une chanson (One For My Baby and One More For the Road) sur ce thème ! Un dernier qui semble intéressant sur le phénomène de la voiture elle-même : Are We There Yet? —The American Automobile Past, Present, and Driverless.

Tags Angie Schmitt, Right of Way, Automobile, Vision Zero, Aménagements urbain

La vie sur le pavé

April 26, 2021 John Voisine
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Asphalt Nation—How the Automobile Took Over America and How We Can Take It Back. Jane Holtz Kay. University of California Press, 1997, 418 pages.

Si rien d’autre, Alphalt Nation est un livre qui est fidèle à son titre et délivre entièrement sur sa prémisse. On y apprend comment la voiture a fini par façonner nos paysages physique et métaphorique, bien au-delà de ce qui pouvait même être souhaitable. On suit l’auteur dans une odyssée journalistique (entrevues et visites sur le terrain) d’environ cinq ans, de 1991 à 1996. Une époque qui, en rétrospective, apparaît comme charnière dans cette évolution/domination de plus en plus totale de la voiture sur nos modes de vie. Aux États-Unis, plus particulièrement, le grand projet qu’était la construction du réseau des « interstates » venait de se terminer. Ce réseau national était maintenant réalité, mais qui sait, on aurait pu se dire que l’on ne voulait pas continuer dans cette direction, sachant même ce qui était connu à l’époque. Ne valait-il pas mieux diversifier le « portefeuille » de l’accessibilité et commencer à miser sur d’autres modes, plus durable et universellement profitable, moins ravageur de la richesse collective ?

De toute évidence, ce ne fut pas la façon de penser de la génération au pouvoir à cette époque, ni aux États-Unis, ni dans notre pays, ni dans cette province. 

La troisième et dernière partie de l’ouvrage est consacré à la manière d’entreprendre un « take it back » collectif vis-à-vis la désolation urbaine, environnementale et morale laissée dans le sillage de l’automobile. Malheureusement, comme nous en sommes déjà presque à la vingt-cinquième année après la publication du livre et que ces avenues ont la résonance de promesse sans lendemain, on comprendra que cette lecture attriste. Ce n’est pas que ces propositions, maintenant classiques, ne produisent aucun résultat, ni même qu’elles ne sont pas, dans certaines localités, mise en pratique avec un franc succès (surtout sur le plan de l’aménagement). C’est plutôt que les vraies options systémiques qui serviraient à gruger dans la part de l’automobile (transfert modal vers les modes collectifs et non motorisés, accessibilité urbaine à l’intérieur de 30 minutes, etc.) ne font toujours pas partie de plans, et encore moins de projet sérieux d’implantation à une échelle significative (métropolitaine). Un plein quart de siècle après ce livre, tous les indicateurs vont en sens contraires.

Sur les traces de Asphalt Nation

Jane Holtz Kay, l’auteure de ce livre, est décédé il y a presque dix ans maintenant. On ne peut qu’imaginer, après avoir écrit un ouvrage aussi percutant qui résumait si bien la situation d’alors, tout en tentant de proposer des pistes raisonnées et réalistes pour s’en extirper, quelle serait sa détresse devant la situation présente, du moins ici en Amérique du Nord. Toutes les pires tendances qui caractérisent nos accommodations face à l’automobile, que ce soit sur le plan de l’aménagement (cadre bâti et infrastructure), des usages (vraie mixité et diversité rarement possible dans la réglementation sans un contrôle politique onéreux), de l’accessibilité (l’automobile priorisée de facto) et même sur le plan législatif (voir à ce sujet l’instructissime Should Law Subsidize Driving?) n’ont fait qu’empirer depuis la parution de l’ouvrage en 1997.

Comme je le mentionnais dans la première partie, l’ouvrage est le fruit d’un travail de type journalistique, en droite ligne avec celui de l’auteure avant la sortie ce livre, qui fut aussi son dernier et le plus marquant. En plus de parfaitement prendre le pouls de l’emprise de l’automobile sur notre civilisation, juste avant le nouveau millénaire, l’auteure s’était manifestement appuyée sur une profonde recherche documentaire et historique, qui représentait bien l’état des connaissances et de la réflexion de l’époque ; je vais simplement en mentionner trois (3) ici, même s’ils ne reflètent pas vraiment la tendance générale du contenu de l’ouvrage.

Pour un discours sur l’image que voulaient projeter et se faire d’eux-mêmes certains environnements urbains de l’Ouest américain après le second conflit mondial : Magic Lands—Western Cityscapes and American Culture After 1940. 

Un des rares ouvrages encore disponibles sur le marché et jamais mentionnés dans une de mes chroniques, en plus d’être d’une petite maison d’édition d’ici : The Ecology of the Automobile.

Un dernier qui est sur ma liste depuis plus longtemps que je ne veux l’admettre, mais que je n’étais pas vraiment surpris de voir mentionné, étant donné à ce qui ressemble à une sensibilité commune : All That is Solid Melts Into Air—The Experience of Modernity.

Tags Jane Holtz Kay, Asphalt Nation, Automobile, Autoroutes, Aménagements urbain

Pris avec

April 12, 2021 John Voisine
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Traffic—Why We Drive the Way We Do (and What It Says About Us). Tom Vanderbilt, Alfred A. Knopf, 2008, 402 p.

Il y a plusieurs façons d’aborder ce phénomène informe que nous qualifions de « trafic ». Tragédie ou comédie, synonyme de prospérité économique ou inefficacité inévitable et irrépressible de toutes agglomérations urbaines depuis qu’elles existent (la Rome de l’Antiquité n’y échappait pas), le trafic, et la congestion qui y est souvent attachée, semblent occupé dans nos esprits le même espace que la météo ; ces deux phénomènes sont d’ailleurs souvent rapportés l’un après l’autre aux heures de pointe à la radio. Un peu injustement, ce livre nous rappelle même le titre délicieux d’un article du journal humoristique The Onion : Urban Planner Stuck in Traffic of Own Design. Finalement, pas toujours drôle ce journal.

Mais au-delà, l’ensemble du livre et plusieurs de ses éléments d’information nous portent à approfondir le phénomène qui sous-tend toute la « mobilité » dans nos agglomérations urbaines contemporaines. Pour le pire et de manière presque insurmontable, notre urbanité d’étalement sans fin (ni logique) fait que, chacun de façon bien innocente et irréprochable derrière son volant, nous sommes tous ce « trafic ». Un de ces éléments d’informations, qui entraînerait facilement quelques jours d’insomnie, est que si l’on traitait le phénomène des accidents mortels sur la route comme l’on traite les accidents mortels en milieu industriel, le plus haut niveau toléré, dans un pays comme les États-Unis, serait d’environ 3900 morts annuellement. Bien sûr, le niveau annuel des accidents mortels sur la route (en excluant les blessés, qui eux s’élèvent à plus de deux millions) oscille entre 35 et 40 milles. Si le trafic était une industrie, il faudrait donc fermer boutique et repenser notre façon de travailler, en se posant quelques vraies questions fondamentales, du type : ce moyen de « mobilité », à l’échelle urbaine, est-il optimal, compte tenu des externalités engendrées et de la valeur retournée ? On ne dira pas, encore une fois, que de poser la question, c’est y répondre, mais sérieusement, pourquoi pas ?

L’auteur fait aussi une belle place aux arguments et concepts d’aménagement popularisés par le regretté Hans Monderman. La voiture est une invitée dans la ville, et non sa raison d’être. Il serait bien qu’on se le rappelle, chaque fois que nous sommes appelés à repenser notre cadre bâti, nos artères et nos rues.

Sur les traces de Traffic

Ce livre de Tom Vanderbilt est un autre de ceux que j’avais achetés à sa sortie et qui étaient restés dans ma bibliothèque (mais plus probablement dans une boîte de déménagement) pendant tout ce temps. Comme bien des ouvrages, ce dernier est marqué par son époque, qui était celle des livres « à la » Freakonomics : ce mélange d’anecdotes, de recherches à base de publications scientifiques ou techniques, et d’entrevues avec les principaux chercheurs et pratiquants dans un domaine donné. Souvent, le tout finit par avoir une texture « turns-out », légèrement agaçante. Mais heureusement, pas cette fois. La lecture nous donne simplement à constater, grâce aux histoires et anecdotes racontées avec souplesse dans l’ouvrage, que le mélange automobile et humain est aussi périlleux et toxique qu’on pouvait le soupçonner. L’auteur nous fournit une telle diversité d’exemple, à travers toutes les cultures et les régions du monde, qu’aucun doute ne saurait persister.

L’auteur nous fournit de copieuses notes, mais pas de bibliographie. En les parcourant bien, on y trouve quand même quelques ouvrages qui vont se retrouver sur ma liste et que j’aimerais mentionner ici.

Pour ceux, comme moi, qui pour mieux profiter du présent, aiment s’imaginer vivre au coeur d’une agglomération urbaine dans un autre siècle, on pourra passer de belles heures en lisant : Hubbub—Filth, Noise & Stench in England, 1600–1770. Mais pour se connecter à la ville et à nos réalités de façon un peu plus contemporaine, on pourrait faire pire que de se plonger dans : Emergence—The Connected Lives of Ants, Brains, Cities, and Software.

Un livre qui semble venir chaudement recommandé si l’on veut, après l’ouvrage de Tom Vanderbilt, se plonger toujours plus dans l’univers du conducteur : Psychology of Driving. Pour s’éclairer un peu l’esprit ensuite, j’ai bien hâte de parcourir Bicycle—The History.

Un dernier livre qui porte plus sur la conception des objets de notre monde matériel, mais toujours en lien avec ses implications dans le trafic : The Design of Future Things. À méditer en profitant de nos prochains objets « intelligents ».

Tags Traffic, Tom Vanderbilt, Automobile, Design, Aménagements urbain

This Land is Car Land

April 5, 2021 John Voisine
Car Country Car Country Car Country Car Country

Car Country—An Environmental History. Christopher W. Wells, (foreword by William Cronon), University of Washington Press, 2012, 427 pages.

Si le premier geste que l’on pose avant de sortir de chez soi est de tendre la main pour saisir les clés de la voiture, si de plus l’on trouve que ce geste est normal, alors pas de doute possible, cet ouvrage de Christopher W. Wells est l’antidote qu’il fallait pour anéantir ce jovialisme de mauvais aloi. Mais avant toute chose, rassurons-nous : à moins de vivre dans une centralité urbaine avec accès facile à une station de métro ou un quartier de périphérie bien desservie en transport en commun si fréquent et polyvalent qu’on en oublie l’horaire (cela existe ?!?), notre quotidien ne peut fonctionner sans l’accès à une automobile. Dans cette situation, nous ne sommes pas non plus les victimes d’un complot ou d’une conspiration des manufacturiers automobiles ou du lobby des « big roads ». Plus banalement, nous évoluons simplement dans le « car country » qui s’est installé par l’accumulation d’une infrastructure légale, fiscale et des politiques favorisant un urbanisme résidentiel, commercial et même industriel d’étalement.

L’histoire environnementale dont il est question en sous-titre est simplement celle de la mise en place de nos réalités urbaines, qui formes et informes notre cadre bâti. Rien n’échappe à la réalité du « car country ». D’ailleurs, comment cela serait-il possible ? La voiture en elle-même possède ce pouvoir de rendre toute matière, qu’elle soit inerte ou à base de carbone, soluble dans sa logique envahissante, qui est celle d’apparaître naturelle et inévitable. L’automobile, par sa fonctionnalité et son utilisation intégrée à toute construction (free parking!), s’invite dans tous nos usages urbains. Cette intégration obligée de l’automobile dans nos espaces urbains, qui cause son lot de destruction matérielle, environnementale et humaine (même aujourd’hui), est si bien assumée que nous l’acceptons comme la condition « naturelle » du marché. En réalité, il aura fallu plus de 60 ans d’efforts concertés pour consolider cet état de fait, maintenant si difficilement réversible.

Les multiples paliers de l’histoire imbriquée de ce qui est maintenant notre « car country » sont richement synthétisés dans cet ouvrage. Matière à ruminer en essayant d’écrire notre prochain chapitre, avec comme objectif de ne plus avoir besoin des clés de la voiture, [on] this land […] made for you and me.

Sur les traces de Car Country

C’est un peu embarrassant de l’admettre, mais Car Country est un de ces livres que j’avais acheté lors de sa sortie et qui est resté dans ma bibliothèque jusqu’à maintenant. Je ne me rappelle pas où j’en avais entendu parler, mais ce podcast de Street MN est probablement une bonne supposition. En complément, l’ouvrage bénéficie d’une page Web encore active.

Les notes de fin de volume sont copieuses, les références et sources sont mises en contexte et commentées, comme on les aime. On y trouve aussi une bibliographie sélectionnée qui présente bien le matériel de façon autonome. Les titres que je vais mentionner ici ne sont que quelques-uns de ceux que j’espère avoir le temps d’explorer plus à fond, si l’avenir peut m’être propice.

L’aube du motordom est caractérisée par la profusion des modèles et types, de la petite sportive à la voiture de luxe à l’habitacle fermé (mais aussi trop fragile pour autre chose que les meilleures voies pavées). Toutefois, c’est seulement à partir de 1908, avec l’introduction du Model T (la « voiture universelle », selon Henry Ford), que l’automobile devient accessible pour le plus grand nombre. Ce véhicule restera en production (avec plusieurs modifications) jusqu’à la mise en marché de la Model A, en 1927. Cette histoire est raconté dans: The Model T—A Centennial History.

Impossible de parler voitures sans examiner les impacts sur la ville, et une des sources les plus citées dans l’ouvrage est : Down the Alphalt Path—The Automobile and the American City. Un des personnages à l’influence des plus sinistre dans l’aménagement de nos environnements suburbain (et qui se fait encore sentir) est certainement Jesse Clyde Nichols. Un livre, J. C. Nichols and the Shaping of Kansas City—Innovation in Planned Residential Communities, apparaît permettre d’approfondir la question.

Un ouvrage sur la ville qui pourrait presque être un synonyme du mot automobile : Los Angeles and the Automobile—The Making of the Modern City. Un volume qui nous enthousiasme quasiment juste pour son titre: Autophobia—Love and Hate in the Automotive Age. Un dernier livre, au titre délicieux, sur une émergence et un ressac salutaire lié à l’automobile : Driven Wild—How the Fight against Automobiles Launched the Modern Wilderness Movement.

Tags Car Country, Christopher W. Wells, Automobile, Histoire, Forme urbaine, Paysage

"Vacation Without Aggravation"

March 22, 2021 John Voisine
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Driving While Black—African American Travel and the Road to Civil Rights. Gretchen Sorin, W.W. Norton & Company, 2020, 332 pages.

L’univers des possibilités sinistres pour les occupants d’un véhicule que contient le titre « Driving While Black » est seulement la pointe de l’histoire racontée par ce livre magistral de Madame Gretchen Sorin. Bien entendu, l’automobile a représenté pour les Afro-Américains la même chose que pour la plupart des Américains intégrés dans la majorité « blanche » : un instrument de mobilité, de liberté et d’affranchissement en plus d’être un vecteur de transport au rayonnement continental. C’était un outil essentiel afin de profiter pleinement des largesses matérielles caractérisant les décennies d’après-Deuxième Guerre. De plus, les politiques et les pratiques contractuelles de cette période avaient résulté en la quasi-impossibilité pour les ménages afro-américains de se loger dans les nouvelles banlieues. Ironiquement, cette situation donnera à la plupart de ces ménages plus de revenus à consacrer à l’achat d’une automobile. Souvent, cet argent sera même investi dans l’achat de voitures plus puissantes et avec plus de volumes (comme les premières générations du fameux « Rocket » 88, d’Oldsmobile).

Les manufacturiers automobiles étaient heureux de prendre l’argent de ces ménages afro-américains, mais les complications sérieuses commençaient aussitôt qu’ils se mettaient derrière le volant. Dans le Sud et l’Ouest des États-Unis, l’époque triomphante des lois Jim Crow battait son plein, et dans le Nord, c’était souvent des barrières de facto à peine plus subtiles. Les stratégies développées, les réseaux créés et l’apparition de commerces et de lieux d’hospitalité qui ont émergés pour desservir cette nouvelle clientèle afro-américaine sont un peu l’histoire racontée dans ce livre. Les motifs et le comment des guides spécialisés comme The Negro Motorist Green Book et ses émules est en soit une aventure essentielle à assimiler.

Ce n’est finalement qu’après l’adoption du Civil Rights Act de 1964 que les Afro-Américains ont réussi à prendre le volant en pouvant espérer être traités « without [too much] aggravation ». Ce livre brosse un portrait de ce que fut ces « aggravations » et des moyens mis en place pour les contourner et y survivre. Mais le fait que l’expression « Driving while black » connaisse aujourd’hui une telle renaissance en dit long sur le chemin pratique et systémique qu’il nous reste à parcourir afin de rendre cette route « aggravation free ».

Sur les traces de Driving While Black

J’ai fait la connaissance de cet ouvrage lors de l’écoute d’une entrevue avec l’auteure sur le podcast qui est notre ami à tous, The War On Cars . En faisant une recherche, j’ai trouvé cette entrevue (sur WHYY). Le livre est maintenant aussi un documentaire (diffusé sur PBS l’an passé), mais ne semble pas disponible pour location au Canada en ce moment. Et finalement lorsqu’il sera possible de reprendre les voyages, le Smithsonian offre jusqu’en 2024 une exposition itinérante sur le Green Book.

L’auteure a inclus des notes copieuses dans son ouvrage, mais malheureusement pas de bibliographie autonome. Il y a par contre un index. Mais voici les éléments mentionnés dans ses notes et qui ont attiré mon attention. Pour avoir une meilleure idée des débuts de ce qui a formé l’armature idéologique et fonctionnelle du Ku Klux Klan, et même un peu la police elle-même, cet article sur les Slave Patrols est instructif. Durant la dépression aux États-Unis, le gouvernement fédéral a mis en place un système administratif (WPA) afin de fournir de l’emploi à plusieurs catégories de travailleurs, dont des écrivains. Un des projets les plus intéressants de sortir de ce programme est certainement Born in Slavery : Slave Narratives From the Federal Writers’ Project, 1936 to 1938.

Sur la période dévastatrice des lois Jim Crow (1877-1965) dans le sud des États-Unis (et autour), après la neutralisation de la Reconstruction (1865-1877), American Nightmare—The History of Jim Crow. Toujours cette réalité, mais en changeant le focus sur la mémoire des gens qui le vivait, Jim Crow Wisdom—Memory and Identity in Black America since 1940. En dernier lieu, puisque l’auteure le mentionne comme source intéressante de visuels macabres, le Jim Crow Museum of Racist Memorabilia.

Une dernière mention, que cette lecture m’a donné le goût d’explorer, est Are We There Yet?—The Golden Age of Family Vacation. Semble comme une excursion historique fascinante, surtout durant des vacances sur la route en version actualisées dans une Van Life, qui sait ?

Tags Driving While Black, Gretchen Sorin, Automobile, Civil Rights, Histoire

La loi de la route

March 15, 2021 John Voisine
Policing the Open Road Policing the Open Road Policing the Open Road Policing the Open Road

Policing the Open Road—How Cars Transformed American Freedom. Sarah A. Seo, Harvard University Press, 2019, 352 pages [version ebook lu sur Kindle]

L’histoire de la place et du rôle croissant de l’automobile dans nos vies est aussi l’histoire de la présence croissante et du contrôle discrétionnaire presque illimité de la police sur nos vies. Cela est certainement vrai dès que nous nous retrouvons sur la route, dans un véhicule automobile. Du moins, c’est la thèse échafaudée et abondamment appuyée que nous propose Madame Sarah A. Seo dans ce livre. Il faudra bien admettre, après cette lecture, que l’association commune entre « automobile » et « liberté » sera à jamais rompue.

Pour des raisons universellement acceptées de sécurité (des usagers de la route) et de gestion (des véhicules eux-mêmes et du trafic), les autorités publiques ont dû rapidement bâtir et réorienté vers le contrôle routier les forces embryonnaires de polices qui existaient au début du siècle précédent. Le tout afin de discipliner cette masse de citoyens qui envahissaient, dès les premières décennies du 20e siècle, les routes avec leurs nouveaux « engins moteurs ».

Pour la première fois dans l’histoire des rapports entre les citoyens et l’état, cette nouvelle réalité entraînait des contacts fréquents et de nombreux points de frictions. Certainement, les nouvelles « libertés » sur les routes ont été perçues comme tangibles et réelles. Paradoxalement, cette « liberté » se trouvait limitée par un arbitraire policier qui n’existait pas avant l’apogée du motordom. L’évolution de la jurisprudence, loin d’étendre la protection du domicile à l’automobile, a plutôt fait de ce dernier un simple contenant « public », ouvert à l’inspection policière, sous le prétexte d’une infraction au Code de la route, à la sécurité routière ou toute autre infraction municipale (il y en a toujours une).

Ce que cet ouvrage démontre est que la ligne a été franchie depuis longtemps, lorsqu’il s’agit de l’automobile, entre nos droits, en tant que citoyen, et la capacité de la police d’intervenir, sans supervision judiciaire effective. Aujourd’hui encore, il est difficile de réconcilier la nécessité d’un environnement routier sécuritaire et notre intégrité légale, en tant que citoyen. Le meilleur moyen de garantir nos droits dans l’avenir est probablement, comme le propose l’auteur, de retirer à la police les responsabilités civiles de la sécurité routière et de les confier à des corps civils dédiés.

Sur les traces de Policing the Open Road

Plusieurs occurrences choquantes et comportements inacceptables survenus au cours des dernières années lors d’interception policière effectuée sous le prétexte d’un contrôle routier ont rendu les propos de ce livre particulièrement saillant. D’autant plus que le public commence à prendre conscience du rôle disproportionné joué par le profilage des groupes minoritaires ou marginalisés dans de telles circonstances. Dans ce contexte, deux podcasts proposent des entrevues marquantes avec Ms Seo, soit The War on Cars, et plus récemment, 99 % Invisible. Elles méritent amplement le détour, en plus du reste.

Compte tenu de la nature du sujet et des recherches approfondies que le propos a nécessitées, je n’arrive pas à comprendre pourquoi les sources ne se trouvent pas regroupées et même commentées dans une bibliographie distincte. Pourquoi les enfouir dans les notes en fin de volume ? Cela rend l’information difficile à retrouver ou à (re) découvrir une fois le livre terminé. Je ne veux pas vraiment me résigner à cette situation que je rencontre trop souvent. Malgré tout, voici quelques ouvrages qui ont attiré mon attention, extraits de ces notes, justement.

Sur le thème des interfaces routinières entre la police et l’automobiliste, cette fois plus spécifiquement sur l’acte à l’origine de toutes ces confrontations : Pulled Over—How Police Stops Define Race and Citizenship. Plus étroitement, sur le rôle fondamental de l’automobile et comment on en est arrivé là : Republic of Drivers—A Cultural History of Automobility in America. Pour mieux assimiler ce phénomène qui fait de l’automobile l’objet de consommation numéro un : A Consumers’ Republic—The Politics of Mass Consumption in Postwar America.

Deux derniers ouvrages qui couvrent les mêmes périodes, mais sur des sujets très différents. Du côté de la forme et de la matière : Power, Speed, and Form—Engineers and the Making of the Twentieth Century. Du côté des idées, pour mieux comprendre l’époque progressiste et la volonté, paradoxales, de restreindre à des groupes choisis les fruits de ce progrès : Illiberal Reformers—Race, Eugenics, and American Economics in the Progressive Era.

Tags Policing the Open Road, Sarah A. Seo, Automobile, Police, Justice

The Fight of Our Time

March 8, 2021 John Voisine
Fighting Traffic Fighting Traffic Fighting Traffic Fighting Traffic

Fighting Traffic—The Dawn of the Motor Age in the American City. Peter D. Norton, The MIT Press, 2008, 408 pages [lu en version ebook sur Kindle]

Des villes remplies de gens, de tous âges et de toutes conditions, qui vont à leurs affaires et qui s’affairent, dans les ports, dans les rues et sur les places, sur les avenues et les boulevards, en assumant chacun sa place, sans vraiment craindre d’y laisser la vie, cela est-il possible ? Si l’on regarde les nombreux films, maintenant facilement disponible sur le Web et montrant des scènes de rue des premières décennies du siècle dernier, c’est pourtant ce qui semble courant. Ces « vues animées » ont en commun une forte densité d’interaction humaine, quelques chariots à cheval, une belle présence de divers moyens de transport en commun et les « machines » automobiles qui devaient les remplacer tous. Mais à ce stade de l’histoire, il est encore difficile d’imaginer comment cette humanité finira par se faire balayer de la rue par l’automobile et ses acolytes.

Nous vivons pourtant dans cette version de l’univers urbain, où ces « machines automobiles » de tout genre ont fini par s’accaparer de l’environnement urbain. Le livre de M. Norton raconte comment le « motordom » (c’est ainsi que les manufacturiers et les entreprises autour de l’automobile des années 1920-30 aimaient à s’appeler) a fini par désarmer toute résistance à l’automobile comme moyen dominant de transport à l’échelle urbaine et au-delà. La résistance à l’emprise de l’automobile sur l’espace public, que ce soit sur les rues (largeur des voies, exclusivité) ou pour les accommodements (stationnements) a pourtant été énergique. Elle fut organisée par une diversité de représentants, autant des chambres de commerce que des groupes de citoyens, tous pour des motifs qui leur étaient propres (monopolisation de l’espace commercial urbain, dangers et accidents), mais tous mobilisé contre ces nouveaux intrus mécanisés.

Mais l’histoire racontée dans ce livre n’est évidemment pas celle du triomphe de ces groupes, mais bien plutôt celle du triomphe du motordom sur cette diversité d’intérêts urbains. Le triomphe fut d’ailleurs si total que le motordom réussit à effacer jusque la mémoire de cette résistance. Ce livre nous rappel qu’avec quelques changements de perspective, il est possible de faire changer une réalité dominante, même de celle qui s’exprime dans la forme urbaine. Il nous appartient maintenant de changer cette perspective.

Sur les traces de Fighting Traffic

Depuis la sortie de ce livre en 2008, l’auteur s’est fait entendre sur plusieurs tribunes et les thèses soutenues dans son ouvrage ont gagné en popularité. Cela vaut bien sûr pour la notion que l’introduction de l’automobile ne s’est pas faite « naturellement » dans la ville, mais aussi sur le fait que cela fut l’objet d’une chaude lutte entre les intérêts urbains, qui voulait dans la plupart des cas continuer à encourager une pluralité d’utilisation de l’espace public (les rues, les places, etc.) et les intérêts du motordom, qui ne pouvaient être assurés qu’en garantissant une domination totale de cet espace. Cette perspective fut diffusée à un vaste auditoire grâce au podcast 99 % Invisible. Pour le propos, les images et le film montrant la pluralité d’usagers des rues de San Francisco au tournant du 20e siècle. Toujours dans l’univers des podcasts, The War on Cars présentait récemment un épisode où l’auteur expose les origines frauduleuses de l’expression « America’s Love Affair With Cars ». Un autre mythe fabriqué pour avancer les intérêts étroits du motordom.

L’ouvrage ne comporte malheureusement pas de bibliographie autonome (les citations et références se trouvant dans les notes), et puisqu’il porte spécifiquement sur l’historique des transformations entre 1900 et 1935, la majorité du matériel cité est de cette même période. Un ouvrage qui pourrait toutefois être un complément à celui-ci (et cité dans les notes) est The Automobile Age. Semble être une référence sur l’industrie automobile aux États-Unis et son impact sur la société.

L’histoire du motordom c’est aussi l’histoire d’une certaine façon de gérer les affaires et de contrôler la production dans la grande industrie de masse. Une domination dans la gestion qui n’est probablement pas étrangère à l’hégémonie de l’industrie automobile sur l’économie et nos politiques. L’auteur cite deux ouvrages qui semblent pertinent dans cette veine, soit The Visible Hand—The Managerial Revolution in American Business, et sur celui dont le nom est devenue synonyme d’efficacité et de contrôle, The One Best Way—Frederick Winslow Taylor and the Enigma of Efficiency ; puisque l’on vit maintenant dans cette version de l’univers.

Tags Fighting Traffic, Peter D. Norton, Motordom, Automobile, Historique

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