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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Ville nouvelle

December 7, 2023 John Voisine
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The Fragmented Metropolis—Los Angeles, 1850-1930. Foreword by Robert Fishman. Robert M. Fogelson, University of California Press, 1967 (1993), 361 pages.

Cette chronique est la première d’une série de quatre (4) sur la ville de Los Angeles [1/4]

Los Angeles ne pourra jamais réclamer pour elle-même la tradition fondatrice d’une ville comme Boston ou New York, ou plus proche, d’une ville comme San Francisco. Mais ce qui lui manque dans la durée, elle le rattrape facilement et haut la main en histoire unique et contrastante par rapport à ces villes sœurs, autant celles de la côté est que de sa propre côte. Et ainsi que le montre Monsieur Robert M. Fogelson dans cette grande biographie urbaine, qui était aussi sa thèse de doctorat, la ville de Los Angeles sera toujours en mode boosterism. C’est une posture contagieuse adoptée avec enthousiasme autant par les élites que par les gens qui font de L.A. leur agglomération d’adoption, qui est dès le début la vaste majorité de la population.

Puisque même si son développement finira par la placer dans une catégorie à part, rien de ses origines n’allait favoriser cette croissance explosive qui entrainera son classement en première position des villes du Sud-ouest et du continent américain. Il fallut beaucoup de temps et d’intrigue politico-financière pour faire de l’agglomération un nœud ferroviaire. San Francisco allait toujours être naturellement connecté par les lignes transcontinentales et régionales, mais chaque ligne reliant Los Angeles devait s’arracher au mérite. Sans accès facile vers un port naturel en eau profonde, contrairement à San Diego, plus au sud, il aura fallu une lutte acharnée avec cette dernière pour que Los Angeles triomphe de cette rivalité. Ceci à une époque où l’accès aux marchés continentaux était uniquement par voies océanique et ferroviaire.

La transformation de L.A. est quelque chose d’unique dans l’histoire de l’urbanité. De simple pueblo sans avantage géographique manifeste, à boomtown fait d’un curieux mélange d’exploitation agricole, pétrolière et pétrochimique, avec une place d’affaire et de commerce, une (faible) base manufacturière et industrielle et à cause de son climat, qui à vue naitre l’industrie cinématographique est suffisant pour garantir sa mention dans les histoires d’amalgame urbain sans pareil. Toutefois, ce qui vol vraiment la vedette est le vaste territoire occupé exclusivement de résidences unifamiliales. En plus, avant même le nouveau siècle, les gens venaient de partout sur le continent, mais surtout du Midwest et du Nord-ouest américain, afin de profiter de la douceur et de l’égalité paradisiaques du climat. La première ville tournée vers le mieux-être des gens de classe moyenne fortunés ou qui avait les moyens de profiter de leurs retraites fut Los Angeles.

Sur les traces de The Fragmented Metropolis

En fait, dès que Los Angeles atteint les caractéristiques politiques et l’envergure structurelle d’une ville, soit au courant des années 1880, les élites de ce qui est rapidement en train de devenir une métropole font la promotion de L.A. comme la place pour venir vivre l’idéal du « rêve américain ». Celui-ci est l’archétype de ce que nous pouvons imaginer aujourd’hui, soit la résidence unifamiliale sur un lot de terrain bien a soi dans un petit développement plus ou moins prestigieux en banlieue de… mais c’est ici que Los Angeles se distingue de toutes les autres grandes agglomérations, puisqu’ici la ville s’identifie et se caractérise par sa banlieue. Il y a un centre-ville, et ce dernier joue un rôle dominant dans les affaires et le commerce, mais contrairement aux villes comparables du Midwest et de la côte Est américaine, ce centre ne devient jamais le lieu de prestige et de concentration de la richesse matérielle et culturelle de la ville. Les gens de Los Angeles retirent le plus de fierté de l’abondance de leurs quartiers résidentiels. Loin d’être une source de prestige et de fierté civique, le centre-ville est le quartier des immigrants qui, ayant été bloqué des alternatives, doivent y élire domicile dans des conditions qui les isolent en les coupant d’une base dans la ville.

Ce qui distingue Los Angeles des autres grandes villes de l’époque est la domination politique et culturelle des « native Americans » (né en sol américain et assimilable culturellement à la majorité blanche du moment). Même l’immigration est dominée par des Américains, surtout des états du centre et de l’Ouest américain. Et contrairement aux autres villes américaines où l’immigration est composée de gens d’Europe du Sud, central et de l’Est, selon les périodes, et cherchant à se construire une nouvelle vie, l’immigration interne qui arrive à L.A. durant cette époque est souvent caractérisée par des gens en milieu ou en fin de carrière et attiré par un morceau « of the simple […] well-rounded life ». Cette population « native » particulière, combinée avec des sources internes d’immigration, une population d’origine mexicaine très marginalisée et une petite population d’origine asiatique, donnera en finale une période totalement dominée par les préoccupations et les priorités de la majorité « native ». Il n’y a aucun doute que si L.A. est toujours la ville qui est l’anti-ville ou la ville-banlieue qui est aussi la métropole du rêve américain, ces premières décennies de fragmentation en sont à la racine.

Tags The Fragmented Metropolis, Robert M. Fogelson, Los Angeles, Metropolis, Urban history, Série LA

New York à l'encre de Chine

January 11, 2023 John Voisine
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Tenements, Towers & Trash—An Unconventional Illustrated History of New York City. Juli Wertz, Black Dog & Leventhal Publishers, 2017, 284 pages.

Cette chronique est la dernière de notre série Housing in NYC [5/5]

Pour ce dernier livre de notre série Housing in NYC, on change définitivement de rythme et de genre, et pas seulement parce que celui-ci est essentiellement composé de thématiques illustrées de la main de l’auteure et raconté de sa plume, sans véritable lien avec le domaine de l’habitation. Je l’inclus malgré tout dans cette série parce que, je dois bien l’admettre, je ne pouvais pas résister à un pareil titre (Tenements, Towers & Trash, qui est presque une définition physique, urbaine et intemporelle de NYC!) et à une proposition (le dessin à l’encre de Chine et quelques photos noires et blanches comme tout moyen de rendus) qui sort des terrains battus en tant de médium d’appréhension et de compréhension de l’urbain, de l’histoire et du présent. Chacune des planches illustrée et racontée de ce livre est comme l’ouverture d’une perspective nouvelle, dans le temps et l’espace, sur cette métropole nord-américaine par excellence. Passer quelques heures à explorer la ville à travers le regard d’une personne qui n’est pas native, mais y a vécu, travaillée et gagnée sa vie de son art durant une période contemporaine de dix ans est une proposition irrésistible. Avoir réussi à tirer de cette période une œuvre originale sur l’histoire et l’urbanité de cette ville toujours en métamorphose est quelque chose digne d’attention.

De plus, comme il arrive souvent à NYC, même si la question du logement n’est pas au centre de ces histoires, il est impossible de parler d’autres choses sans que cette obsession du logement (centré sur le où?, le comment? et surtout, à quel prix?) revienne au centre de la conversation. Dans le cas de l’ouvrage de Madame Julia Wertz en particulier, elle n’aura malheureusement pas d’autre choix que de mettre fin à son aventure new-yorkaise du moment qu’elle sera (illégalement) forcée de son logement par un propriétaire qui, dans cette grande tradition, semble-t-il, universelle chez certains propriétaires, savent empoisonner l’existence de leurs locataires quand ils veulent reprendre un logement.

Mais pour notre plus grand bonheur, elle n’aura pas quitté NYC les mains vides; ce livre en est la lettre d’amour et le chef-d’œuvre.

Sur les traces de Tenements, Towers & Trash

Avec un carnet bien rempli d’expérience pratique du macadam de la ville sous les pieds, couplé à ce qui semble être une solide recherche documentaire, l’auteure distille dans cet exposé illustré son choix de vignettes de lieux et de gens qui transpirent tous cette énergie caractéristique du type «only in New York City».

Toutes les questions pressantes et existentielles sur NYC connaissent une forme de résolution dans les dessins et les textes de Madame Wertz, comme : pourquoi autant de Ray’s Pizza? Lequel est l’original et pourquoi autant de variation? (Oui, la mafia est impliquée!) Quel est le secret derrière l’eau potable si propre de la ville? (Il ne fallait pas le demander, vraiment!) Quelle est l’histoire derrière les nombreux «holdout buildings» qu’on aperçoit un peu partout à NYC? (Chaque cas est épique!) C’était quoi l’histoire derrière les Kim’s Video et où est maintenant tout son stock? (Essentiellement disparu, comme son propriétaire.)

Pour une femme qui, de son propre aveu, n’aime pas vraiment se retrouver dans un bar, cela ne l’a pas empêchée de nous rendre quelques belles pages sur les bars de la ville, d’hier à aujourd’hui (et comment, durant la prohibition, NYC à continuer à épancher la soif de ses citoyens.) On cherche à faire des explorations plus familiales? Pourquoi pas les plus anciennes boulangeries et pâtisseries de la ville? Comme presque la totalité des sujets qu’elle aborde, l’auteur consacre aussi quelques dessins à une section «Then and Now», où elle choisit d’illustrer un bâtiment à une époque passée et le même, maintenant (en 2016). Le contraste (ce qui veut souvent dire une perte importante dans la richesse décorative ou simplement esthétique) nous laisse souvent le souffle court. Et comment parler de NYC sans inclure une petite histoire originale du système de métro, de ses stations, des luttes contre les comportements antisociaux, etc.; tout cela est inclus, avec textes étoffés, images et dessins profonds à l’appui.

L’auteur clôt son volume avec de bonnes suggestions de lecture, des ressources en ligne et un itinéraire de ce qui était une des nombreuses variantes de sa longue marche. Presque une invitation, lors d’une prochaine visite!

Tags Tenement Towers & Trash, Julia Wertz, NYC, Urban history, Tenements, Série Housing in NYC

From Tenements to Billionaires' Row*

November 21, 2022 John Voisine
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A History of Housing in New York City. Richard Plunz (Foreword by Kenneth T. Jackson), Columbia University Press, 2016 (Revised Edition), 460 p.

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [1/5]

Si rien d’autre, l’histoire de l’habitation à New York en est une tout en contraste. Comment pourrait-il en être autrement, dans une ville qui, depuis le 19e siècle, contient de façon si unique tous les pôles de l’humanité, du commerce, de l’industrie et de la vie intellectuelle et culturelle en Amérique du Nord? Centre de la production manufacturière, nœud de transport d’entreposage, capitale des affaires et de la finance, pôle du commerce, du design et de la mode, New York a malgré tout su, depuis l’instauration de son grid, contenir dans sa trame une juste part pour l’habitation. En commençant par les manoirs sur Fifth Avenue, les révolutionnaires appartements-hôtels ou «d’artistes», qui attiraient autant ces derniers qu’une frange de la classe moyenne qui aimait s’entourer de ces attributs. Souvent presque côte à côte, sur des terres encore non développées, une partie de la population vivait hors du système dans des shantytowns. Et toujours de façon contemporaine, les classes laborieuses vivaient et souvent travaillaient (le textile) dans des logements rudimentaires, les tenements du Lower East Side et des nouveaux outer-boroughs.

Mais il n’y a pas seulement la diversité des typologies qui caractérise New York, il y a les différentes écoles esthétiques et d’aménagement, de l’utilitaire à l’éclectique, en passant par le beaux-arts, l’art déco et après les années 1930, les incarnations plus ou moins satisfaisantes du modernisme appliqué au logement, sous forme de production privée ou aux conséquences encore plus tragiques, dans sa production publique (NYCHA). C’est aussi la ville qui a fait progresser autant les codes de construction que d’urbanisme, pas toujours pour le mieux.

La densité de New York, sur le plan démographique (forte immigration européenne de l’est et du sud, jusqu’à la fermeture des années 1920) et de la concentration géographique de certaines communautés, sont des facteurs positifs dans la mise en place de coopératives de solidarité durant les premières décennies du 20e siècle. De ces organismes militants naitront une série de grands ensembles d’habitations communautaires pour la classe moyenne, presque insurpassée à ce jour en matière de design, d’organisation et d’aménagement des espaces communs (intérieurs et extérieurs).

Sur les traces de A History of Housing in NYC

Ce livre contient la genèse de plusieurs adresses, connues et moins connues, emblématiques d’un type ou qui marque une évolution dans un genre ou une façon de se loger, et puisqu’il s’agit de New York, allant du plus pauvre au plus riche. Mais une des transformations qui m’occupe encore après cette lecture, probablement parce qu’elle marque un progrès toujours d’actualité, est la manière par laquelle certains groupes, principalement de la communauté juive du Lower East Side, sont passés des conditions difficiles des tenements à de nouveaux logements de type garden apartments, principalement dans les outer-boroughs (suivant l’ouverture de nouveaux corridors du métro). Organisée en associations de solidarité, comme la United Workers Cooperative, cette communauté en était arrivée, dans le courant de la deuxième décennie du 20e siècle, à avoir assez d’unité idéologique, d’influence politique et de cohésion financière pour piloter quelques vastes projets d’habitations collectifs d’un genre unique de ce côté de l’Atlantique. De par son organisation spatiale au pourtour de l’îlot urbain, avec des bâtiments d’habitations, de services communautaires et en son centre, un espace paysager aménagé, on cherchait à offrir des conditions d’habitation moderne tout en préservant le meilleur de l’esprit solidaire et communautaire qui caractérisait l’environnement urbain d’origine.

La grande dépression de la décennie 1930 et les tumultes de la Deuxième Guerre viendront assener un coup dur à l’organisation et au maintien des idéaux derrière ces groupes d’habitations. Les temps semblent pourtant mûrs pour une recapture actualisée et pérenne de ces implantations collectives**.

Cet ouvrage de Monsieur Richard Plunz est né de notes de cours pour un séminaire, durant les années 1980, à l’université Columbia. Publiée une première fois en 1992, cette dernière édition tient compte des développements qui rendent la proposition en logement toujours plus inaccessible. Il serait difficile de trouver un volume plus complet, autant dans sa chronologie que dans l’analyse historique, esthétique et fonctionnelle consacrée à chaque forme d’habitation. C’est une entrée en matière essentielle pour qui veut faire le tour des typologies new-yorkaises d’habitations et comprendre les contraintes, tendances urbaines et sociologiques (démographie, politique, mode de production et tenure), financières et réglementaires ayant une influence sur cette production.


* Billionnaires’ Row

** À ce sujet, voir le documentaire At Home in Utopia. Une belle façon de passer une heure.

Tags A History of Housing in NYC, Richard Plunz, Housing, NYC, Urban history, Tenements, Série Housing in NYC, United Housing Foundation (UHF)

Still Not Getting It

June 1, 2022 John Voisine
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Still Renovating—A History of Canadian Social Housing Policy. Greg Suttor, McGill-Queen’s University Press, 2016, 316 pages

Deuxième (2) de la série Habitation et logement

Il est à la fois salutaire et assez incroyable qu’un livre sur l’histoire des politiques, des programmes et des réalisations en logement social au Canada existe. Bien simplement, le Canada est passé proche de manquer le bateau, puisque comme le souligne l’auteur, ce n’est que de manière assez tardive, et un peu sur le tard, que le gouvernement fédéral a finalement mobilisé ses ressources pour le financement et la production significative de logements sociaux. En comparaison de ses pays pairs, le Canada a pour de nombreuses années après la Deuxième Guerre, démontré un retard assez marqué, qui n’a commencé à se combler qu’au milieu des années 1960. Avant ce moment, les rares programmes se concentrent sur les vétérans et pour le reste, vive le marché! (Appuyé par la Central Mortgage and Housing Corporation—CMHC.)

Mais après la description de ce départ moins que canon, l’auteur nous fait l’histoire de ce qui fut les trente glorieuses du logement social au Canada. Comme pour confirmer ce retard qui caractérise le système canadien, on doit préciser qu’on parle de la période qui va de l’adoption des amendements à la National Housing Act, en 1964 par le gouvernement minoritaire Pearson et prend fin avec la décision de décentralisation et de désinvestissement (devolution and retrenchment) du gouvernement Chrétien, en 1995-96. En termes d’implantation et de réalisation, cette période de 30 ans est superbement canadian, avec ses accommodements et ses incarnations multiples, qui se collaient si étroitement aux mouvances particulières à chaque province. L’Ontario domine (par le volume et une gestion provinciale, avec l’OHC) et le Québec ne veut pas être en reste (création de la SHQ), sans toutefois mobiliser des ressources équivalentes.

Dans cet ouvrage, le lecteur n’a pas à se contenter d’une reddition de recherche basée sur un épluchage d’archives, mais bénéficie plutôt de l’organisation originale et de la présentation claire d’une histoire nécessairement complexe, par un auteur qui a manifestement une connaissance profonde, matérielle et pratique du domaine. Cette histoire est ainsi présentée de façon à s’intégrer dans la trame des mouvements politiques propre au Canada, qui a façonné de manière si particulière la production du logement social au pays.

Sur les trace de Still Renovating

Les dix premières années des trente glorieuses du logement social au Canada est caractérisé par une production de type «grands ensembles» avec une assez forte concentration de gens dans le besoin sur un même site. Mais très vite, dès le début des années 1970, la politique fédérale fait un virage qui privilégie les organismes à but non lucratif et les groupes coopératifs de tout genre (autour d’une cause sociale, d’un groupe d’intérêt ou ethnique, d’une organisation syndicale, etc.) L’enthousiasme pour cette sorte de structure dans la fourniture du logement social, qui devient alors, dans le meilleur des cas, un logement de type mixte, entraîne toutefois une diminution notable dans la clientèle défavorisée en mesure de bénéficier de cette aide. On s’éloigne d’une politique de logement comme d’un droit; c’est plutôt un logement pour qui a les bons contacts au bon moment auprès des organismes fournisseurs. Si l’on exclut de ce calcul la clientèle avec besoins spéciaux (aînés, autochtones, anciens combattants, etc.), l’on se retrouve avec une capacité de production encore plus insignifiante par rapport aux besoins et à la demande. Les crises récurrentes du logement qui caractérisent ce premier quart de 21e siècle en sont la preuve.

Si nous sommes pour reprendre en main cette situation, actualiser une production et une rénovation de logements dignes de la pluralité des besoins, correspondant aux normes contemporaines de développements durables, certaines pistes sont à favoriser. Il faut reprendre la production sans recréer les ghettos de pauvretés qui sont devenues synonymes des logements sociaux passés. Pour s’assurer d’obtenir une mixité des clientèles (âge, revenu, avec/sans emploi) et des besoins desservis (catégories de ménages, statut légal, handicap physique ou mental), il est primordial de rendre ce logement social à la fois indiscernable et hautement désirable, même recherché comme mode d’habitation urbain. Surtout, cela évitera à long terme la spirale identitaire qui vient dévaluer et stigmatiser ce type de logement comme indésirable et accessoire, lorsqu’il est dans les faits essentiel pour un marché efficace.

Il est temps qu’une entité publique, à l’échelle métropolitaine, se dote de cette mission et commence sérieusement la production de logements sociaux mixtes.


Lundi prochain (6 juin), on poursuit la série Habitation et logement avec 6000 Years of Housing

(2022-06-09) Léger contretemps dans la poursuite de la série qui devrait se résorber la semaine prochaine !

Tags Still Renovating, Greg Suttor, Urban policy, Urban history, Housing policy

L'utopie ordinaire

April 28, 2022 John Voisine
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Bourgeois Utopias—The Rise and Fall of Suburbia. Robert Fishman, Basic Books (Perseus Books), 1987, 208 pages.

Si la banlieue a connu plusieurs incarnations depuis ses premières manifestations dans l’Angleterre préindustrielle, un des éléments inattendus que ce livre vient mettre en relief est le rôle fondamental joué par le mouvement évangélique (tel que représenté par William Wilberforce et particulièrement la secte de Clapham). On parle ici d’un mouvement qui a réussi, en définissant cet idéal résidentiel autonome pour elle-même et la bourgeoise en général, l’invention et la mise en œuvre de son propre coin de paradis.

En prenant les pourtours de Londres comme toile de fond pittoresque, mais trouvant sa véritable expression dans des cités industrielles comme Manchester ou Liverpool, la périphérie des villas de weekends et de vacances passe rapidement à résidence permanente de la famille bourgeoise. Se produit aussi, fin 18e, début 19e siècle, un glissement idéologique, matériel et même théologique qui insuffle un sens nouveau au noyau familial. Jusqu’alors composée d’un large groupe habitant sous un même toit au cœur de la ville marchande, ce qui incluait le personnel de service, mais surtout les apprenties attachées au maître de maison ou au maître d’œuvre (à la Chippendale), la famille se recentre sur son «coeur», soit les parents, les enfants et plus rarement quelques membres de la belle-famille. On cherchera alors à loger cette famille recentrée loin des tentations et des influences perverses de la ville, surtout afin de préserver et d’offrir un milieu sain pour les plus jeunes et les membres féminins de cette nouvelle famille bourgeoise.

Selon cette nouvelle idéologie ayant cours dans la haute bourgeoisie britannique, c’est en faisant construire ces résidences sises dans un pittoresque naturel et isolées des caprices urbains que la femme du foyer allait créer cette oasis de paix pour son homme et sa famille. Ces nouvelles résidences se construisent aussi dans la plus grande fièvre spéculative ; harmonie entre Dieu et l’intérêt pécuniaire. Dans les grandes villes industrielles de la première moitié du 19e siècle, la résidence familiale bourgeoise allait ainsi continuer à s’isoler loin du centre urbain, qui se videra de cette présence pour mieux intensifier sa fonction commerciale. C’est ce modèle qui inspirera les précurseurs américaines comme Frederick Law Olmsted, Andrew Jackson Downing et Catharine Beecher.

Sur les traces de Bourgeois Utopias

Pendant que le processus de suburbanisation se poursuivra vers des formes architecturales et urbaines particulières dans l’Angleterre victorienne et aux États-Unis avec le développement des banlieues pittoresques (Llewellyn Park, Riverside, Illinois) et de tramway (streetcar suburbs), la France connaîtra une concentration de ses élites dans son centre urbain parisien, un processus clairement explicité ici par l’auteur. Encore aujourd’hui, le sens (symbolique, urbanistique et architectural, sociologique et démographique) du mot «banlieue» est très différent dans l’Hexagone. La capitale française en est l’exemple premier et Monsieur Robert Fishman prend soin de décortiquer en quoi la symbiose si unique entre l’État français, le monde de la finance et les grands entrepreneurs en construction de l’époque, durant les dix-sept ans du Baron Haussmann à la préfecture parisienne, va loin pour expliquer cette occupation continue et le maintien du centre urbain comme lieu de prestige, autant à des fins commerciales, financières et surtout dans le cas qui nous concerne, résidentiel.

Tout au long de l’ouvrage, le point particulier que cherche à faire l’auteur est que la banlieue, comme développé aux États-Unis, trouve ses origines dans la banlieue anglaise pré et postindustrielle; cet argument est en contraste avec l’autre classique de la même époque, Crabgrass Frontier, qui au contraire met l’accent sur l’originalité de la banlieue américaine. Les deux démarches font sens et ne s’opposent pas fondamentalement; une lecture attentive apporte surtout des perspectives complémentaires plus que contradictoires.

Un chapitre unique à cet ouvrage est celui sur le développement de Los Angeles, la «suburban metropolis», sans pair et sans pareille, qui avait presque réussi à nous faire croire à son mirage, du moins jusqu’à l’éclatement de ses contradictions dans les années 1960 avec Watts. Le passage d’un étalement presque idyllique (avant le cauchemar du track housing systématique), soutenu par les «Red Cars», au rejet de ce mode pour l’automobile, détruisant ainsi la possibilité d’une centralisée naissante, le tout exacerbé par une spéculation foncière aux intérêts politiques et financiers inextricables, est d’une tristesse assez lourde, surtout à la lumière de ce que nous savons aujourd’hui.

Pour demain, Technoburb, diffusion à la H.G. Wells ou Broadacre City à la F. L. Wright? Je ne sais pas vraiment, mais la semaine prochaine, nous allons voir s’il serait possible d’amender la banlieue existante.


La semaine prochaine (5 mai), un doublet de livres pour fermer cette série sur la banlieue : Suburban Nation—The Rise of Sprawl and the Decline of the American Dream et Sprawl Repair Manual en guise de message d’espoir?

Tags Bourgeois Utopias, Robert Fishman, Suburbia, Urban history, Urban sociology

La face cachée des rêves

April 21, 2022 John Voisine
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Bourgeois Nightmares—Suburbia, 1870-1930. Robert M. Fogelson, Yale University Press, 2005, 264 pages

La question brûlante qui tenaillait les familles et les investisseurs des premières banlieues américaines était à la fois bien simple et complexe dans sa résolution éventuelle : comment assurer la permanence, l’intégrité conceptuelle et physique de ce nouveau coin de paradis résidentiel? Comment en assurer l’usage exclusif résidentiel et préférablement même unifamilial? Comment s’assurer que seules les «bonnes personnes», de caractère et de mœurs inexpugnables, puissent se construire dans ces nouveaux domaines qui poussaient partout sur les côtes est, ouest ou même au centre des États-Unis en cette fin de 19e, début 20e siècle? On parle d’une époque d’avant le zonage, souvent dans un territoire hors de toute gestion municipale. Pour comprendre les solutions apportées à ces questions, parfois surprenantes, moralement dépravées lorsqu’elles ciblaient des personnes, toujours restrictives et contraignantes, rien de mieux que le parcours offert dans ce livre, recherché exhaustivement et exposé clairement par Monsieur Robert M. Fogelson.

On pourra s’étonner que c’est dans le pays de la suprématie du droit de propriété, une notion si fondamentale qu’elle se trouve enchâssée dans un article de leur constitution, que s’est développé au fil des décennies une armature solide, autant privée (contractuel) que public (zonage) de contraintes et de restrictions robustes à ce droit. Ce livre porte essentiellement sur la période où la prévalence des restrictions venait du côté privé, codifié dans des documents contractuels (Covenants, Conditions & Restrictions, souvent abrégé en CC&R) signés au moment de l’achat du lot. En fait, avant 1942, l’essentiel des domaines de banlieue était simplement des lots de terrains pourvus de rues, d’un aménagement paysager plus ou moins sophistiqué, d’équipement sanitaire plus ou moins élaboré et offerts à la vente. L’heureux acheteur était ensuite responsable du reste, de la conception à la construction de sa nouvelle demeure.

On peut comprendre que ce montage du marché immobilier impliquait des risques assez fabuleux, autant pour le promoteur de l’ensemble des terrains (investissement majeur en amont) que pour l’acheteur (que ce soit une famille ou un investisseur-spéculateur). D’ailleurs, il n’était pas rare pour un développeur de ne pouvoir faire un profit qu’après la vente du dernier tiers des terrains.

Plus loin dans la lecture

On comprendra mieux alors le jeu délicat nécessaire à l’atteinte de ce double objectif : du point de vue du promoteur, maintenir la viabilité des terrains jusqu’à ce que la totalité soit vendue, et du point de vue de l’acheteur, maintenir la réalité matérielle d’une banlieue idyllique. C’est une époque avant les prêts hypothécaires 25-30 ans (il fallait amortir sur 3-5 ans), où l’achat d’un terrain et la construction d’une résidence unifamiliale représentaient un risque considérable, même pour les plus fortunés. C’est ainsi que pour juguler le glissement qui peut s’enclencher si l’une des parties compromet ce fragile équilibre, les clauses restrictives deviennent vite de plus en plus courantes et contraignantes, peu importe le discours culturel prévalant sur le droit de disposer à sa guise de sa propriété.

Loin de faire fuir les acheteurs, les clauses restrictives seront au cœur des campagnes de vente, du plus simple, avec quelques règles se résumant en une page jusqu’au livret réglementaire, avec des restrictions touchantes autant à l’aménagement, à l’architecture, à l’usage et à la «qualité» des acheteurs. À l’exception des wasps, tous les groupes humains et religieux seront, selon l’époque et le lieu, bannis des développements. Mais la pleine immoralité de ces restrictions tombera bien sûr sur les Noirs et les juifs, et dans certaines régions, les catholiques. Toute cette catégorie d’interdits sera prohibée à partir de 1917 par la Cour suprême (Buchanan vs Warley), mais il faudra attendre 1948 pour que la Cour (Shelley vs Kraemer) mette fin à leurs mises en application. Selon la localisation géographique, on pouvait assister à de grandes variations dans le type de restrictions, comme dans le cas de la grande région de Los Angeles avec l’interdiction de la prospection et de l’exploitation pétrolière, ou ailleurs avec l’interdiction d’animaux domestiques (poulets, vaches, chevaux, etc.) ou d’élevage (porcs, chèvres).

Avec le début des règlements de zonage, dans les années 1920 (SZEA et SCPEA), et le passage d’une époque où les subdiviseurs contrôlaient le marché à l’époque des promoteurs immobiliers (d’un J.C. Nichols à un W.J. Levitt), la nature et la variété des contraintes changent, mais demeurent robustes et efficaces, quoique souvent invisibles aux non-initiés.


La semaine prochaine, la série se poursuit avec Bourgeois Utopias.

Tags Bourgeois Nightmares, Robert M. Fogelson, Suburbia, Urban history, Restrictive convenants

Evergreen

April 14, 2022 John Voisine
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Building suburbia—Green Fields and Urban Growth, 1820-2000. Dolores Hayden, Vintage Books, 2004, 318 pages.

La caricature de la banlieue passe souvent par l’utilisation d’un « gros trait », une image qui illustre cette assimilation vers le plus bas commun dénominateur ou quelque composition qui ne s’embarrasse pas de nuance. Un échantillonnage démographique contemporain ou encore, pour ceux qui aiment les explorations terrain, une balade en voiture dans les extrémités de l’île de Montréal, sur l’île Jésus, dans sa couronne nord ou sur la Rive-Sud fera beaucoup pour dissipé ce portrait facile. Il est alors rassurant d’entreprendre un ouvrage comme celui de Madame Dolores Hayden qui de go, dans sa table des matières, identifie sept (7) historic patterns pouvant représenter, sur presque deux cents ans, les sept grandes étapes de ce phénomène toujours en évolution qu’est la banlieue.

De par la croissance explosive des banlieues après la Seconde Guerre mondiale, on a tendance à ne percevoir que cette partie de son histoire, ce que l’auteure appelle avec justesse les Sitcom Suburbs (1945-1989), du type représenté par des téléséries comme Leave It to Beaver ou Father Knows Best. Mais avant d’en arriver là, il aura fallu une série d’itérations (Borderlands, Picturesque Enclaves, Streetcar Buildouts, Mail-Order and Self-Built Suburbs) qui étaient toutes autant d’échappatoires plus ou moins achevées pour l’idéal résidentiel familial, séparé des nuisances perçues ou réelles de la ville, mais toujours attaché à cette dernière pour le travail dans l’économie tertiaire, la finance et l’éducation supérieure. L’auteure vient poursuivre et approfondir notre compréhension des premières banlieues (les Borderlands), en mettant l’accent sur le travail d’une femme comme Catharine Beecher dans la systématisation et l’organisation des espaces résidentiels intérieurs afin de tenir compte du rôle changeant (et de plus en plus autonome) de la femme de classe moyenne blanche. C’est d’ailleurs un des points forts de l’ouvrage : souligner l’apport marquant, mais souvent oublié, de plusieurs intellectuelles et professionnelles dans la construction matérielle et idéologique de la banlieue.

Parce que pour permettre ce transfert massif de population des quartiers urbains vers ces lointaines enclaves, il fallait penser à un tout nouveau système d’accommodations et de services, le passage d’un mode d’existence basé sur l’essentiel vers un mode de vie reposant sur la consommation.

Sur les traces de Building Suburbia

De façon curieuse, c’est le chapitre sur les Mail Order and Self-Built Suburbs qui apporte une perspective vraiment fraîche sur cette quête de la propriété en banlieue. La combinaison d’entrepreneurs privés, des grands détaillants de cette nouvelle économie de consommation (catalogue Sears, qui offre tout ce qui peut venir meubler la maison idéale, jusque la maison elle-même) et de familles désespérées de participer dans cette nouvelle culture universelle, viendront installer confortablement, des les années 1920, mais surtout à partir des années 1930 et jusqu’à maintenant, les modalités des politiques nationales d’accès et d’acquisition d’une propriété résidentielle pour une famille de classe moyenne blanche. Mais il y avait un catch : il fallait que cette propriété soit essentiellement de type Levittown. Tout le répertoire résidentiel à cette date, et les formes urbaines, architecturales et de mobilité si étroitement et efficacement imbriquée et associée à cette urbanité se voyaient alors coupé du marché.

On le sait et Madame Hayden le rappelle plusieurs fois dans l’ouvrage, cette situation n’a rien d’universel. Plusieurs autres sociétés industrialisées et occidentales ont négocié la question de l’habitation de façon bien plus flexible qu’ici en Amérique du Nord. Ce qui est normal ici, le développement, la construction, l’aménagement et la vente par des promoteurs d’une résidence privée dans un marché libre sont, en fait, des pratiques de moins en moins viables. Dans les faits, ce marché est un artifice pour des transferts massifs de fonds publics vers un secteur (la construction résidentielle en banlieue) qui dans son incarnation américaine (incluant le Québec) engendre des effets de distorsion massivement et produit des externalités toujours plus nocif.

Surtout que, depuis la parution du livre, presque vingt (20) ans déjà, plusieurs tendances délétères identifiées se sont accélérées : edges nodes et rural fringes de plus en plus excentré, développé sans possibilité de rattachement à un tissu urbain. L’auteure finit sur un plaidoyer pour une reconstruction sur les bases saines des anciennes banlieues de type streetcar, mais elle n’a pas d’illusion sur les difficultés (montage financier quasi impossible, réglementation archaïque, etc.) que cela représente. Et maintenant, avec un gouvernement sérieusement engagé avec une proposition d’un troisième lien…


La semaine prochaine, le quatrième dans notre série sur la banlieue, avec un thème qui m’intéresse particulièrement, soit les clauses restrictives (restrictive covenants) autrefois attachées à la vente d’une propriété : Bourgeois Nightmares—Suburbia, 1870-1930

Tags Building Suburbia, Dolores Haydon, Suburbs, Urban history, Urban sociology

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