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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Une histoire de la transformation urbaine par l'embourgeoisement

January 23, 2025 John Voisine
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The Invention of Brownstone Brooklyn—Gentrification and the Search for Authenticity in Postwar New York. Suleiman Osman, Oxford University Press, 2011, 348 pages. [Livre numérique lu sur plateforme Kindle]

Je vais commencer par un simple mea-culpa : avant la lecture de cet ouvrage de monsieur Suleiman Osman, je conservais toujours une dose de scepticisme à propos de la notion même de gentrification. Pas que cela ne pouvait exister, mais qu’il était réducteur de confiner les changements associés à ce terme comme étant ceux des paramètres négatifs contenus dans ce mot. Il est possible de « transformer » ou de « redécouvrir » un quartier ou un secteur urbain, sans que cela ne conduise nécessairement à la gentrification du lieu. Mais, comme le démontre clairement l’auteur (essentiellement avec la prépondérance de sa recherche appliquée aux aspects urbains, architecturaux, mais surtout culturels, historiques et politiques), les notions de transformation, de découverte ou pires encore, de redécouverte sont en quelque sorte des qualificatifs générés par une série de gestes qui se soldent presque invariablement en de la gentrification. Cela dit, je demeure convaincu qu’il est possible de revitaliser sans gentrifier. Il faut toutefois admettre que cela demande sans doute une coordination des intervenants difficile à institutionnaliser et à faire couramment. D’autant plus que l’un des effets du mouvement de renouveau urbain moderniste (urban renewal) est une forme de paralysie dans notre volonté et capacité à planifier à l’échelle métropolitaine. Il en résulte un mode réactif, un braquage localisé contre tout ce qui sert la ville, au-delà de l’environnement d’un quartier.

En fait, après cette lecture, il semble que, si l’on est pour éviter la gentrification, deux voies offrent du potentiel; mais seule la deuxième a fait ses preuves. La première est une transformation très lente, loin des regards et des discours sur l’urbanisme à échelle humaine, sur la « redécouverte » d’un quartier ou, plus généralement, du « ballet urbain » à la Jane Jacobs. Bien souvent, dès qu’on commence à parler en ces termes d’un espace urbain, il est déjà perdu à la spéculation (à moins d’une intervention puissante de l’état, ce qui, ironiquement, va à l’encontre de l’esprit libertarien à la Jane Jacobs). La deuxième option consiste à combiner un aménagement urbain résidentiel de grande échelle avec une trame viaire serrée, mais flexible, avec une bonne mixité d’usages et d’activités. Pour revenir un peu sur ce que nous avons déjà vu, on envisagerait dans ce cas des complexes coopératifs à la United Housing Foundation (UHF), afin surtout d’assurer la pérennité dans l’accessibilité et l’abordabilité des logements.

Sur les traces de The Invention of Brownstone Brooklyn…

Dans le deuxième chapitre, l’auteur illustre son propos avec une juxtaposition assez sensationnelle. Il prend l’exemple de Concord Village, un complexe à appartements modernistes construit dans les années 1960 selon les règles du urban renewal et qui offre encore aujourd’hui des pied-à-terre en location abordable. l’auteur contraste avec l’entourage des quartiers de « brownstones » rénovés et gentrifiés, où les rares logements qui se rendent disponible ne le sont que pour plusieurs millions de dollars.

La proposition première d’une transformation lente et « naturel » est difficile, puisque, comme le montre cet ouvrage, c’est à l’avantage de ces changements de chercher à se faire connaitre et de réussir ces transformations grâce à la force du nombre. Cela permet la création de nouveaux organes représentatifs qui finissent par prendre le relais de ce qui existait et ainsi changer jusque la culture du lieu, autant dans le domaine commercial, des affaires et sur le plan culturel et politique.

Ce déplacement de population, qui s’accompagne d’une transition de classe (d’ouvrière et clérical à professionnel, gestionnaires de tout genre, artistes, étudiants, universitaires et scientifiques), engendre aussi une translation culturelle. Dans certains cas, cela se manifeste par la constitution d’une nouvelle entité urbaine, « découverte » par ces « pionniers » de la revitalisation. C’est ce lent processus qui a conduit à l’invention de nouveaux « anciens » quartiers, que l’on rencontre maintenant partout dans les villes avec le moindre passé industriel.

Bien entendu, un quartier urbain avec une identité est bien plus que la somme de son inventaire immobilier. Mais sans un mélange démographique et socio-économique diversifié, l’espace urbain se détériore. Pour les zones urbaines « redécouverte », comme Brooklyn, c’est à la fois une chance et une malédiction de s’être trouvé au centre de ces luttes contre le urban renewal. Force de constater que ces luttes ne furent pas conduites par (et encore moins pour) la population locale, mais presque à ses dépens, par une nouvelle classe fuyant l’inauthentique et la manhattanization. Plus près de nous, il n’est pas étonnant de voir des arrondissements comme Hochelaga-Maisonneuve, Ahuntsic-Cartierville ou Verdun (pour ne parler que d’eux), où il existe déjà une riche typologie d’immeubles, être la proie d’un fort phénomène de gentrification. Ces quartiers et leurs cadres bâtis existants se trouvent déjà bien installés au milieu d’un réseau viaire qui articule de manière idéale un environnement urbain qui ne demande qu’à être activé et réalimenté au goût de l’urbanité contemporaine. Ce livre nous permet de mieux comprendre et de reconnaître le phénomène dans toute sa complexité, avec en exemple type l’invention de Brownstone Brooklyn comme épicentre des quartiers de la nouvelle authenticité urbaine.

Tags The Invention of Brownstone Brooklyn, Suleiman Osman, New York City, Gentrification, Urban policy, Coop Housing, United Housing Foundation (UHF)

Rochdale Village et l'heure des grands ensembles coopératifs urbains

December 5, 2024 John Voisine
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Rochdale Village—Robert Moses, 6,000 Families, and New York City’s Great Experiment in Integrated Housing. Peter Eisenstadt, Cornell University Press, 336 pages. Lu en format e-book sur l’application Kindle.

Je veux poursuivre l’exploration de ces vastes complexes de coopératives bâtie à l’époque par l’United Housing Foundation (UHF), un peu partout à NYC. Nous avons déjà écrit sur le fameux Co-op City grâce au livre extraordinaire d’Annemarie Sammartino. Encore une fois ici, c’est un ancien de la place, Peter Eisenstadt, qui y a passé une partie de son enfance et adolescence dans les années 1960-70, qui sera notre guide dans cette histoire. Il s’avère qu’il est aussi particulièrement bien situé pour le faire, étant devenu historien lui-même et une spécialité dans l’histoire de NY. Mais avant tout, il fut un témoin direct de l’histoire qu’il réussit dans cet ouvrage à nous livrer avec sensibilité et aplomb. Puisqu’il s’agit d’une histoire tourmentée, autant à cause de l’époque que des forces vives qui devaient être jugulées pour que le projet s’accomplisse, par moment et selon son concept initial : une communauté coopérative intégrée.

Les gens de l’UHF, avec à sa tête Abraham Kazan, étaient imbus de cette éthique à la fois progressiste et anarchiste. Pour eux, l’idée de bâtir une société libérée des contraintes inégalitaires du système capitaliste était le meilleur chemin pour mettre la race humaine sur la route d’un vrai progrès. Cela passait nécessairement par cette capacité de créer des environnements urbains animés par la vision et la matérialité d’une existence partagée dans un esprit coopératif. Et c’est ainsi qu’au cours des années 1930, et ensuite au cours des années 1950 et 1960, avec la création du mégacomplexe que fut alors Rochdale Village, qui ouvrit ses portes en 1964, que cette quasi-utopie de l’existence coopérative intégrée allait se concrétiser. Le projet fut un succès au-delà de toutes les espérances; avant, bien sûr, de ne plus l’être. Mais, comme cet ouvrage de Peter Eisenstadt le documente si bien, les milliers de ménages pionniers de cette aventure avaient absolument raison de mettre leurs confiances dans le mouvement coopératif pour le logement et les services. Cela se démontre par le simple fait qu’autant Rochdale Village et Co-op City demeure à NYC deux des rares endroits où il soit possible de se loger convenablement, dans un riche environnement communautaire et autogéré, à un prix abordable pour un ménage de type « middle-income ». Que la vision ne soit pas exactement celle envisagée par Kazan et son groupe dans les années 1930 ne peut pas vraiment être tenu comme une négation de leurs idéaux.

Sur les traces de Rochdale Village

Au-delà des épreuves bien particulières à NYC et au site dans le quartier de Jamaica, Queens (un ancien terrain de course de cheveux qui fait terriblement penser aux possibilités de l’ancien terrain Blue Bonnets, ici même à Montréal), sur lequel se trouve implanté Rochdale Village, on se rend compte qu’un des aspects les moins explorés, dans nos cercles urbanistiques et dans la population en général, est certainement le très haut niveau de vie communautaire qui se développe dans ces ensembles. Loin d’être des tours anonymes, dépourvus de cohésion et d’appartenance communautaire, tel que le comprenait une Jane Jacobs, par exemple, autant Rochdale Village que Co-op City (ainsi que la vaste majorité des ensembles coopératifs bâtie par UHF et qui sont demeurés des coopératives) incarnent l’existence la plus solidaire et participative réalisable en ville. Le chapitre de l’ouvrage sur cette question, Creating Community, vaut à lui seul le détour afin de se désabuser, une fois pour toutes, de ces préjugés réducteurs qui courent depuis trop longtemps. Cela constitue en soi un petit miracle que cette communauté, qui suit son cours depuis presque soixante ans, offre encore à un coût abordable une proposition de qualité inégalée. De plus, cet investissement rend possible la pérennisation du rêve coopératif pour les générations futures.

Le mouvement coopératif, tout comme le mouvement syndical, auquel il était intimement lié, comme c’était le cas pour l’UHF, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il est difficile de concevoir, maintenant, comment et sur quelle base le terreau fertile de la solidarité syndicale avec le mouvement coopératif immobilier résidentiel pourrait refaire surface. Il doit certainement être possible d’envisager des combinaisons productives et solidaires capables de proposer des visions coopératives en habitation.

Surtout, il me semble que nous sommes à nouveau au point où il serait opportun de construire sur la même échelle que Rochdale Village, c’est-à-dire pas des dizaines, pas des centaines, mais des milliers d’unités résidentielles coopératives pour des ménages familiaux mixtes, avec services, sur un même site. En fait, c’est seulement en ayant ces milliers de gens de tout horizon que cela devient possible. Il existe tellement de potentiel, ici même à Montréal, de terrains et de territoire à proximité d’infrastructures de transport collectif largement sous-utilisé et mûr pour un apport en population. Une collaboration étroite entre le niveau municipal, provincial et fédéral sera nécessaire. Enfin, nous devons laisser de côté nos appréhensions envers les grands ensembles et introduire les entreprises autogérées à capital limité dans le mixte des solutions en logements.

Tags Rochdale Village, Peter Eisenstadt, New York City, Coop Housing, United Housing Foundation (UHF), Abraham Kazan, Robert Moses, Série Housing in NYC

Freedomland Forever

October 5, 2023 John Voisine
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Freedomland—Co-op City and the Story of New York. Annemarie Sammartino, Cornell University Press, 2022, 298 pages [e-book lu sur plateforme Kindle]

Il y a cette image fameuse (reproduit ici) où l’on voit Robert Moses*, juste avant sa chute comme Power Broker de New York, épaulé par le gratin du monde politique (le gouverneur Nelson Rockefeller) et syndical (Abraham E. Kazan de l’United Housing Foundation [UHF]) de la ville lors de la première levée de terre pour ce qui allait devenir Co-op City. Les enfants font sans ambiguïté passer le message sur les futurs qui chantent. C’était en 1966, l’optimisme d’une nouvelle ère se lisait sur tous les visages et le fait que l’on se lançait dans la construction de cet ensemble résidentiel coopératif, qui demeura d’ailleurs le plus grand au monde jusqu’en 1972, en faisait foi. Complété, Co-op City allait comprendre plus de 15 000 logements, répartie en 35 tours (de 25 à 33 étages) et presque 200 maisons de ville sur un terrain arraché aux marécages. Même le fait que l’ensemble se trouve à 20 minutes en autobus de la station de métro la plus proche était présenté comme un avantage indéniable.

Malheureusement, le paradis espéré allait vite tourner, comme le montre de façon prodigieuse Madame Annemarie Sammartino, mais pas vraiment pour les raisons qu’on pourrait se l’imaginer. Car il ne s’agit en aucun cas ici d’une autre histoire de grands ensembles d’habitations qui se dégrader au point de sombrer en dystopie et d’imploser, assez littéralement comme Pruitt-Igoe ou Cabrini-Green. Au contraire, Co-op City, qui est aujourd’hui un des rares ensembles à New York encore accessible à la classe moyenne, un exemple de développement coopératif qui a réussi à se maintenir et même à s’améliorer considérablement, autant sur le plan humain, de l’aménagement du site et de ses connexions dans son voisinage urbain.

Mais avant d’en arriver à cette maturité enviable, il aura fallu passer à travers de nombreuses difficultés. En particulier, une grève des «loyers» de 13 mois (entre mai 1975 et juin 1976), qui aura surtout réussi à briser définitivement l’UHF et autrement miner le mouvement coopératif résidentiel tout en poussant l’État et la ville aux extrêmes de la ruine financière (au-delà même de la crise fiscale de 1975).

Sur les traces de Freedomland

L’auteure a une connaissance vécue de Co-op City, y ayant passé son enfance, jusqu’au moment de quitté pour l’université. L’histoire unique et originale qu’elle rend dans son ouvrage va bien au-delà de celui de la grève (par ailleurs couvert exhaustivement par Robert M. Fogelson), puisque son portrait s’étend pour y inclure celui des gens qui font vivre cette communauté de presque 60 000 personnes (en 1972; il est d’environ 44 000 individus en 2010). La relation complexe et changeante avec le reste de NYC, mais surtout de Baychester, dans le East Bronx, est rendue avec richesse et nuance, tout comme l’histoire héroïque et tragique de l’UHF, véritable force politique et entrepreneuriale coopérative dans ce NYC post-New Deal. Leur mouvement coopératif ne se voulait pas uniquement une autre façon d’être dans un système capitaliste, mais bien une tentative de transcender le système, où l’impératif du profit se voyait substitué à celui de la solidarité.

Les coops d’habitation érigées par l’UHF l’ont été pour la plupart grâce au programme Mitchell-Lama (et aux abattements de taxes accordés par la ville). Mais ce programme n’a jamais représenté qu’une fraction infinitésimale de l’aide à la propriété, et cela en grande partie parce que la notion d’une mutuelle coopérative, avec une gestion collective et un maintien à perpétuité de l’abordabilité des logements, offrait une alternative probablement trop critique du système capitaliste pour être envisagée à grande échelle. Également, quand venait le temps de sélectionner les participants à la coopérative d’habitation, il fallait que ceux-ci possèdent au moins une certaine mise de fonds, très en deçà de ce qui aurait été nécessaire pour l’achat d’une propriété, mais quand même inaccessible à une personne de classe populaire ou ouvrière non syndiquée. Il était de plus difficile, voire impossible, d’obtenir un financement bancaire pour cette somme, aussi minimale soit-elle.

L’histoire de Co-op City que nous offre l’auteure est aussi essentielle parce qu’elle est un pied de nez aux compréhensions réductrices des enjeux architecturaux et d’aménagement sur la formation et la vitalité des communautés humaines, plus spécifiquement l’impossibilité de les constituer dans de tels regroupements de «tours dans un parc» moderniste.


* Pour se donner une idée de l’époque, on lira ici avec intérêt ses remarques lors de cette cérémonie.

Tags Freedomland, Annemarie Sammartino, Co-op City, New York City, Coop Housing, Série Housing in NYC, United Housing Foundation (UHF)

NYC Co-op Utopia

December 21, 2022 John Voisine
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Working-Class Utopias—A History of Cooperative Housing in New York City. Robert M. Fogelson, Princeton University Press, 2022, 384 pages.

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [2/5]

On a souvent l’impression que dans le domaine du logement, la forme coopérative est celle d’avenir… et là pour le rester longtemps*. En d’autres termes, même si les coopératives semblent la façon la plus juste, équitable et l’idéale pour loger une grande diversité de ménages, le mouvement coopératif en habitation n’arrive pas tout à fait à prendre son envol et à se normaliser. Elles se font rares dans nos quartiers centraux et quasi inexistantes ailleurs. Même à l’intérieur de la catégorie des logements «sociaux et communautaires», ils représentent un peu moins du quart des logements. Compte tenu du manque criant en logement et surtout en logement collectif urbain, on peut s’étonner que les exemples de logements coopératifs soient toujours aussi rares et exceptionnels.

Si le rêve est vraiment un jour de voir s’éteindre le motif du profit comme moteur de développement dans le secteur du logement, pourquoi ne pas regrouper, au sein de coopératives, les initiatives pour la production de logements destinés aux nombreux paliers au sein de la classe moyenne? Avec comme premier catalyseur certains mouvements collectifs, tels les syndicats ou des regroupements d’intérêts et en appui, les groupes de ressources techniques (GRT) et de meilleures garanties financières et réglementaires gouvernementales, cela devrait depuis longtemps être habituel et normal, non?

En fait, ce n’est pas pour rien que le mot utopias est contenu dans le titre de ce tout nouvel ouvrage de Monsieur Robert M. Fogelson, historien et professeur émérite en étude urbaine au MIT. Ainsi, même si ce récit des triomphes et des malheurs des pionniers du mouvement coopératif en habitation à NYC se déroule à une époque et dans un contexte maintenant relégué à la mémoire de très rares personnes encore en vie, le lecteur avisé y trouvera plusieurs réponses à savoir pourquoi nous ne vivons toujours pas dans cette utopie d’abondance en habitation coopérative pour les classes moyennes et «laborieuses». Il a pourtant existé un moment, un bref moment durant les décennies 1950-60-70, où l’alternative coopératif semblait viable. Cet ouvrage est plutôt le récit des forces, internes et externes, qui ont fini par faire dérailler cette ambition.

Sur les traces de Working-Class Utopias

Working-Class Utopias retrace l’histoire et va plus loin dans les archives et les témoignages des personnages clés du mouvement coopératif en habitation de l’avant Deuxième Guerre, mais surtout, durant les décennies de l’après-guerre et jusqu’à l’implosion du mouvement, à la fin des années 1970. Après avoir brièvement relaté les origines des grandes réussites d’avant 1945, comme les Amalgamated Houses et Dwellings, l’auteur nous guide à l’intérieur des espoirs sincères et des ambitions démesurées de ceux (ce sont tous des hommes) qui ont réussi à construire ces ensembles coopératifs. Au centre de la mobilisation, une coalition unique, la United Housing Foundation (UHF), avec a sa tête Abraham E. Kazan, celui-là même qui avait mener à bien les Amalgamated et qui était impatient de poursuivre sur cette lancée. L’alignement entre l’UHF et les politiques fédérales (Title I, Housing Act of 1949), de l’état (Mitchell-Lama) et de la ville (allégements de taxes) seront le moteur de la production d’autant de logements coopératifs dans NYC après 1950. Les exemples de cette période sont tous héroïques (Rochdale Village, Penn South, etc.). Mais très vite, autant sur le plan architectural (monotonie), de l’implantation urbaine (mégas ilots) et sociale (ségrégation), les réalités de ces nouvelles formes massives finiront par briser le consensus social et politique ainsi que les coalitions d’intérêts locaux qui permettaient leurs réalisations.

En fait, pour réussir à implanter ces ensembles, l’UHF devait s’associer à l’une des figures emblématiques des politiques de dégagement urbain, Robert Moses; l’éclipse de son pouvoir, au milieu des années 1960, signale aussi celui d’une partie des projets qui en dépendent, comme ceux de l’UHF. Mais comme ce livre en fait le cœur de sa démonstration, ce qui brisera définitivement l’élan coopératif, du moins dans sa capacité à fournir du logement à l’échelle d’une «ville dans la ville», est Co-op City, dans le Bronx. Ce qui devait être le projet phare de l’UHF est finalement ce qui viendra ruiner, matériellement et moralement, l’entreprise coopérative. Pour l’essentiel, le livre nous donne à vivre les hauts et les bas de cette histoire, politique et économique, humaine et tragique, comme si l’on y était.


* Paraphrase de la fameuse formule “Le Brésil est un pays d’avenir, et qui le restera longtemps”, attribué à l’homme politique français du début du 20e siècle, George Clemenceau.

Tags Working-Class Utopias, Robert M. Fogelson, NYC, Coopératives, Coop Housing, United Housing Foundation (UHF), Abraham Kazan, Série Housing in NYC

From Tenements to Billionaires' Row*

November 21, 2022 John Voisine
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A History of Housing in New York City. Richard Plunz (Foreword by Kenneth T. Jackson), Columbia University Press, 2016 (Revised Edition), 460 p.

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [1/5]

Si rien d’autre, l’histoire de l’habitation à New York en est une tout en contraste. Comment pourrait-il en être autrement, dans une ville qui, depuis le 19e siècle, contient de façon si unique tous les pôles de l’humanité, du commerce, de l’industrie et de la vie intellectuelle et culturelle en Amérique du Nord? Centre de la production manufacturière, nœud de transport d’entreposage, capitale des affaires et de la finance, pôle du commerce, du design et de la mode, New York a malgré tout su, depuis l’instauration de son grid, contenir dans sa trame une juste part pour l’habitation. En commençant par les manoirs sur Fifth Avenue, les révolutionnaires appartements-hôtels ou «d’artistes», qui attiraient autant ces derniers qu’une frange de la classe moyenne qui aimait s’entourer de ces attributs. Souvent presque côte à côte, sur des terres encore non développées, une partie de la population vivait hors du système dans des shantytowns. Et toujours de façon contemporaine, les classes laborieuses vivaient et souvent travaillaient (le textile) dans des logements rudimentaires, les tenements du Lower East Side et des nouveaux outer-boroughs.

Mais il n’y a pas seulement la diversité des typologies qui caractérise New York, il y a les différentes écoles esthétiques et d’aménagement, de l’utilitaire à l’éclectique, en passant par le beaux-arts, l’art déco et après les années 1930, les incarnations plus ou moins satisfaisantes du modernisme appliqué au logement, sous forme de production privée ou aux conséquences encore plus tragiques, dans sa production publique (NYCHA). C’est aussi la ville qui a fait progresser autant les codes de construction que d’urbanisme, pas toujours pour le mieux.

La densité de New York, sur le plan démographique (forte immigration européenne de l’est et du sud, jusqu’à la fermeture des années 1920) et de la concentration géographique de certaines communautés, sont des facteurs positifs dans la mise en place de coopératives de solidarité durant les premières décennies du 20e siècle. De ces organismes militants naitront une série de grands ensembles d’habitations communautaires pour la classe moyenne, presque insurpassée à ce jour en matière de design, d’organisation et d’aménagement des espaces communs (intérieurs et extérieurs).

Sur les traces de A History of Housing in NYC

Ce livre contient la genèse de plusieurs adresses, connues et moins connues, emblématiques d’un type ou qui marque une évolution dans un genre ou une façon de se loger, et puisqu’il s’agit de New York, allant du plus pauvre au plus riche. Mais une des transformations qui m’occupe encore après cette lecture, probablement parce qu’elle marque un progrès toujours d’actualité, est la manière par laquelle certains groupes, principalement de la communauté juive du Lower East Side, sont passés des conditions difficiles des tenements à de nouveaux logements de type garden apartments, principalement dans les outer-boroughs (suivant l’ouverture de nouveaux corridors du métro). Organisée en associations de solidarité, comme la United Workers Cooperative, cette communauté en était arrivée, dans le courant de la deuxième décennie du 20e siècle, à avoir assez d’unité idéologique, d’influence politique et de cohésion financière pour piloter quelques vastes projets d’habitations collectifs d’un genre unique de ce côté de l’Atlantique. De par son organisation spatiale au pourtour de l’îlot urbain, avec des bâtiments d’habitations, de services communautaires et en son centre, un espace paysager aménagé, on cherchait à offrir des conditions d’habitation moderne tout en préservant le meilleur de l’esprit solidaire et communautaire qui caractérisait l’environnement urbain d’origine.

La grande dépression de la décennie 1930 et les tumultes de la Deuxième Guerre viendront assener un coup dur à l’organisation et au maintien des idéaux derrière ces groupes d’habitations. Les temps semblent pourtant mûrs pour une recapture actualisée et pérenne de ces implantations collectives**.

Cet ouvrage de Monsieur Richard Plunz est né de notes de cours pour un séminaire, durant les années 1980, à l’université Columbia. Publiée une première fois en 1992, cette dernière édition tient compte des développements qui rendent la proposition en logement toujours plus inaccessible. Il serait difficile de trouver un volume plus complet, autant dans sa chronologie que dans l’analyse historique, esthétique et fonctionnelle consacrée à chaque forme d’habitation. C’est une entrée en matière essentielle pour qui veut faire le tour des typologies new-yorkaises d’habitations et comprendre les contraintes, tendances urbaines et sociologiques (démographie, politique, mode de production et tenure), financières et réglementaires ayant une influence sur cette production.


* Billionnaires’ Row

** À ce sujet, voir le documentaire At Home in Utopia. Une belle façon de passer une heure.

Tags A History of Housing in NYC, Richard Plunz, Housing, NYC, Urban history, Tenements, Série Housing in NYC, United Housing Foundation (UHF)

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