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Wellington | Fabrique urbaine

3516, rue Gertrude
Verdun, Québec H4G 1R3
514-761-1810
L'urbanisme en pratique

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Wellington | Fabrique urbaine

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

William H. Whyte en pratique

October 24, 2024 John Voisine
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Learning from Bryant Park—Revitalizing Cities, Towns, and Public Spaces. Andrew M. Manshel, Rutgers University Press, 2020, 293 pages.

Cette chronique est un boni dans notre série sur l’œuvre de William H. Whyte (1917-1999).

Après avoir passé tout ce temps à examiner et à considérer les travaux d’une personne, comme ceux de William H. Whyte, on trouve rassurant de constater qu’en situation réelle où cette vision a pris forme, un renversement positif à 180 degrés s’est produit. Le récit à la première personne de cet ouvrage nous illustre que oui, une ville qui s’inspire des observations de Whyte pour guider les orientations d’aménagements de ses aires et places publics fera des pas de géant en faveur d’environnements urbains plus conviviaux pour tous.

Il est également réconfortant de constater que, lorsqu’on applique les orientations proposées par Whyte en faisant preuve de sensibilité, après avoir pris soin d’analyser le contexte et l’échelle urbaine appropriée, les résultats constructifs sont souvent ressentis bien au-delà du lieu visé initialement. Chaque chapitre est l’exemple qu’un travail sur un espace ou un corridor urbain a des retombées sur tout un secteur ou même un quartier de la ville, que ce soit par émulation ou par attraction. La capacité à distribuer équitablement cet impact et ces retombées positives devient souvent alors le vrai défi et fait partie de l’enjeu.

Ce livre d’Andrew M. Manshel est un témoignage, à la première personne, de la puissance d’une approche de l’espace urbain, d’une sensibilité de gestion qui donne la priorité au à l’accueil convivial et ouvert de tout le public. Dans les expériences racontées dans l’ouvrage, qui s’étale sur une période de plus de 20 ans, la plus exemplaire est celle qui s’est produite au cœur du cœur de la plus grande métropole américaine, New York. Elle nous parle directement de la capacité de quelques orientations fortes, appliquées judicieusement, de transformer un environnement urbain pour le mieux, en faveur des gens qui fréquente et souvent choisissent d’y vivre. Le district visé dans cette discussion est Midtown Manhattan, plus précisément Bryant Park et ses alentours, derrière la fameuse branche centrale de la NY Public Library (avec ses lions !), le long de la Fifth Avenue, entre West 40th et 42nd Street. De surcroit, en page couverture du volume, on voit ce qui est devenu le symbole des approches d’aménagements « à la William H. Whyte » : une simple chaise de type bistro, toujours disponible et que le public est invité à déplacer à sa guise. L’ouvrage est un peu l’histoire de cet outil, par la voix d’un de ses praticiens.

Sur les traces de Learning from…

Cette chaise est certainement devenue le symbole de cette philosophie d’aménagement qui invite le public à « s’approprier » de l’espace afin de mieux la définir, ne serait-ce que le temps d’un midi. Toutefois, ce que ce symbole semble si bien dissimuler, c’est toute l’infrastructure de soutien et d’entretien qui doit exister pour que cette chaise existe. Un niveau de soin et de concertation qu’il est difficile de mettre sur pied, dans un premier temps et par la suite, de maintenir de façon consistante et durable. De plus, c’est en travaillant pour une organisation de type Business Improvement District (BID) [1], et non à travers une agence municipale, que la plupart des « improvements », autour de Bryant Park, ont été réalisés. Ces organisations ne sont pas des charités, mais exercent plutôt un pouvoir de contrainte quasi légale et de perception de redevances sur leurs membres.

C’est aussi le cas d’autres districts abordés dans l’ouvrage, comme celui de Jamaica Avenue et son BID (qui est également l’histoire de la lente transformation d’un corridor commercial). Se posent toujours des questions légitimes d’équité, de représentation et de gouvernance parfois, qui sont abordées sans dissimulation par l’auteur. Mais puisque la résultante du travail est bien souvent si manifestement transformationnelle, cette question est généralement étouffée. Et comme l’auteur l’admet même, toutes les décisions ont été rendues dans la communauté de manière « top-down » ; les discussions avaient lieu seulement au moment de considérer les changements et amélioration possible, une fois les décisions implantées. Les circonstances ont voulu que les têtes dirigeantes de ces BID, comme l’auteur, étaient particulièrement bien imprégnées des attitudes et des idées de William H. Whyte sur l’aménagement des places publiques, des espaces urbains, et de comment assurer une catalyse dynamique et durable. Mais autrement, quels auraient été les correctifs possibles si les choses avaient été autrement ? C’est probablement une des raisons que l’on voit trop souvent ce type d’organisation se contenter du triomphe facile de l’extraction économique à court terme et de l’accommodement universel de l’automobile.

Dans un environnement urbain dévitalisé ou lourdement grevé sur le plan économique, toute modification au statutquo peut vite entrainer des blocages centrés autour d’instincts conservateurs ; de même pour les espaces qui « fonctionnent » à une échelle autoroutière. L’ouvrage reste honnête et transparent sur les aspects parfois difficile et même contradictoire de la proposition. Mais à travers le récit de son parcourt, l’auteur fait le pari qu’une application raisonnée et contextuelle des observations de William H. Whyte constitue un investissement productif et durable, autant pour la ville que ses citoyens.


[1] Au Québec, il existe un équivalant, les Sociétés de développement commercial (SDC).

Tags Learning from Bryant Park, Andrew M. Manshel, NYC, Urban Design, Série William H. Whyte

New York City selon la WPA

August 15, 2024 John Voisine
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The WPA Guide to New York City—The Federal Writers Project Guide to 1930s New York. With an introduction by William H. Whyte. The New Press, 1992 (1939), 700 pages.

Cette chronique fait partie d’une série sur l’auteur urbain William H. Whyte (1917-1999)

Août n’est jamais un bon mois pour aller visiter NYC, mais c’est dire la force de ce guide et de cette ville, centre de l’univers sans égal d’entre les villes que le simple fait d’ouvrir le livre à n’importe quel page nous donne immédiatement le goût d’y être, maintenant et alors, à la fin des années 1930 [1]. C’était juste avant la guerre, mais juste au moment où la ville, et l’Amérique en général, s’en sortait. Une bonne partie de cette extraction des profondeurs de la noirceur économique pouvait d’ailleurs être attribuée au nombreux programme du gouvernement fédéral, comme la Work Projects Administration (WPA) qui, avec la Federal Writers’ Project (FWP), allait employer écrivains, journalistes et gens du domaine des études humaines dans la production de ces guides « de découverte et de voyage », fait pour la totalité des États américains et plusieurs grandes villes américaines. Il va sans dire, ces volumes sont maintenant des objets de collections, mais la plupart connaissent aussi des éditions contemporaines, comme celle-ci sur NYC. L’éditeur avait même eu l’idée heureuse de faire appel à Holly Whyte (1982) pour une introduction. Whyte est l’archétype du New Englander qui trouve finalement son vrai milieu naturel dans New York City, au confluent de la sécurité matérielle de la Upper East Side (son lieu de résidence) et de la trame dense des rues, des avenues et du métro qui conduit potentiellement partout, en tout temps.

Chatham Square Station sur le Third Avenue El — 1929

Dans cette introduction, Whyte nous invite à découvrir la ville de maintenant avec ce guide d’alors. Il mise sur le fait que la vaste majorité des « buildings of no special significance but […] [that] gave the streets scale and characters » jouent toujours leurs rôles, même si les pertes, autant de l’extraordinaire (Penn Station) et de la multitude de ces bâtiments ordinaires, mais essentiels ont été jusqu’à changer la nature même des quartiers. C’est une chose quand cette transformation se fait par un glissement naturel, avec de la restoration, de la rénovation et un usage qui s’adapte au présent, c’est est une autre lorsque cela est l’œuvre de projets grandioses d’un idéalisme puéril. NYC étant le centre et le point de départ de tous les idéalismes urbains contemporain, on ne sera pas surpris d’y trouver toutes ces contradictions magnifiées, autant à Manhattan que dans les boroughs. Et comme le souligne Whyte, les rues sont toujours débordantes des gens, partout. Juste ne pas penser qu’on pourra utiliser le El sur Third Avenue pour s’y rendre, malheureusement.


[1] (2024-08-19) Pour une autre perspective vive sans être indument nostalgique, on parcourra avec bonheur le travail de Madame Jill Gill, qui vaut certainement le détour.

Tags The WPA Guide to New York City, William H. Whyte, NYC, WPA, Série William H. Whyte

New York à l'encre de Chine

January 11, 2023 John Voisine
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Tenements, Towers & Trash—An Unconventional Illustrated History of New York City. Juli Wertz, Black Dog & Leventhal Publishers, 2017, 284 pages.

Cette chronique est la dernière de notre série Housing in NYC [5/5]

Pour ce dernier livre de notre série Housing in NYC, on change définitivement de rythme et de genre, et pas seulement parce que celui-ci est essentiellement composé de thématiques illustrées de la main de l’auteure et raconté de sa plume, sans véritable lien avec le domaine de l’habitation. Je l’inclus malgré tout dans cette série parce que, je dois bien l’admettre, je ne pouvais pas résister à un pareil titre (Tenements, Towers & Trash, qui est presque une définition physique, urbaine et intemporelle de NYC!) et à une proposition (le dessin à l’encre de Chine et quelques photos noires et blanches comme tout moyen de rendus) qui sort des terrains battus en tant de médium d’appréhension et de compréhension de l’urbain, de l’histoire et du présent. Chacune des planches illustrée et racontée de ce livre est comme l’ouverture d’une perspective nouvelle, dans le temps et l’espace, sur cette métropole nord-américaine par excellence. Passer quelques heures à explorer la ville à travers le regard d’une personne qui n’est pas native, mais y a vécu, travaillée et gagnée sa vie de son art durant une période contemporaine de dix ans est une proposition irrésistible. Avoir réussi à tirer de cette période une œuvre originale sur l’histoire et l’urbanité de cette ville toujours en métamorphose est quelque chose digne d’attention.

De plus, comme il arrive souvent à NYC, même si la question du logement n’est pas au centre de ces histoires, il est impossible de parler d’autres choses sans que cette obsession du logement (centré sur le où?, le comment? et surtout, à quel prix?) revienne au centre de la conversation. Dans le cas de l’ouvrage de Madame Julia Wertz en particulier, elle n’aura malheureusement pas d’autre choix que de mettre fin à son aventure new-yorkaise du moment qu’elle sera (illégalement) forcée de son logement par un propriétaire qui, dans cette grande tradition, semble-t-il, universelle chez certains propriétaires, savent empoisonner l’existence de leurs locataires quand ils veulent reprendre un logement.

Mais pour notre plus grand bonheur, elle n’aura pas quitté NYC les mains vides; ce livre en est la lettre d’amour et le chef-d’œuvre.

Sur les traces de Tenements, Towers & Trash

Avec un carnet bien rempli d’expérience pratique du macadam de la ville sous les pieds, couplé à ce qui semble être une solide recherche documentaire, l’auteure distille dans cet exposé illustré son choix de vignettes de lieux et de gens qui transpirent tous cette énergie caractéristique du type «only in New York City».

Toutes les questions pressantes et existentielles sur NYC connaissent une forme de résolution dans les dessins et les textes de Madame Wertz, comme : pourquoi autant de Ray’s Pizza? Lequel est l’original et pourquoi autant de variation? (Oui, la mafia est impliquée!) Quel est le secret derrière l’eau potable si propre de la ville? (Il ne fallait pas le demander, vraiment!) Quelle est l’histoire derrière les nombreux «holdout buildings» qu’on aperçoit un peu partout à NYC? (Chaque cas est épique!) C’était quoi l’histoire derrière les Kim’s Video et où est maintenant tout son stock? (Essentiellement disparu, comme son propriétaire.)

Pour une femme qui, de son propre aveu, n’aime pas vraiment se retrouver dans un bar, cela ne l’a pas empêchée de nous rendre quelques belles pages sur les bars de la ville, d’hier à aujourd’hui (et comment, durant la prohibition, NYC à continuer à épancher la soif de ses citoyens.) On cherche à faire des explorations plus familiales? Pourquoi pas les plus anciennes boulangeries et pâtisseries de la ville? Comme presque la totalité des sujets qu’elle aborde, l’auteur consacre aussi quelques dessins à une section «Then and Now», où elle choisit d’illustrer un bâtiment à une époque passée et le même, maintenant (en 2016). Le contraste (ce qui veut souvent dire une perte importante dans la richesse décorative ou simplement esthétique) nous laisse souvent le souffle court. Et comment parler de NYC sans inclure une petite histoire originale du système de métro, de ses stations, des luttes contre les comportements antisociaux, etc.; tout cela est inclus, avec textes étoffés, images et dessins profonds à l’appui.

L’auteur clôt son volume avec de bonnes suggestions de lecture, des ressources en ligne et un itinéraire de ce qui était une des nombreuses variantes de sa longue marche. Presque une invitation, lors d’une prochaine visite!

Tags Tenement Towers & Trash, Julia Wertz, NYC, Urban history, Tenements, Série Housing in NYC

Hidden in plain sight

January 10, 2023 John Voisine
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The Decorated Tenement—How Immigrant Builders and Architects Transformed the Slum in the Gilded Age. Zachary J. Violette, University of Minnesota Press, 2019, 279 pages

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [4/5]

Il est plutôt difficile de trouver dans la littérature (architecturale, historique, urbaine, de santé publique ou sociologique) une perspective positive sur le sujet des tenements, ces immeubles à multiples logements, typiquement de 4-5 étages, souvent sans ascenseur, des équipements sanitaires parfois rudimentaires, mais avec des espaces commerciaux au rez-de-chaussée ou en demi-sous-sol.

Leur heure de gloire commence vers 1850-60, prend son élan vers 1880-90, avec cette dernière décennie comme l’apothéose de cette typologie urbaine, surtout à New York, mais aussi à Boston et d’autres villes de Nouvelle-Angleterre. Des modèles continueront d’être perfectionnés jusque dans la première décennie du 20e siècle, mais une série de changements, réglementaires et démographiques, entrainera un déclin précipité à l’orée de la Grande Guerre.

Quelques décennies plus tard, lorsque la tendance sera au Slum clearance et qu’on cherchera ainsi à faire de la place en ville pour les tours d’habitations «dans un parc» ou pour le passage des nouvelles autoroutes, c’est le plus souvent dans ces quartiers urbains structuré autour des tenements, densément habité et utilisé de façon productive, toujours caractérisé par une culture et une économie locale vigoureuse et au potentiel régénérateur puissant, qui seront tragiquement et terriblement rasés. L’urbanité perdue durant ces «grands chantiers», au nom de la modernité, est une perte qu’il est difficile de qualifier et qui nous fait probablement encore très mal. Comment pouvons-nous l’affirmer? Simplement parce que nous constatons que les quartiers urbains de ce type qui nous sont parvenus sont encore parmi les plus productives et dynamiques.

L’ironie cruelle est que même durant l’apogée dans la construction des tenements, entre 1880-1900, il n’y a jamais eu de moments où ce type de bâtiment recevait l’aval ou même un regard favorable de la par des classes intellectuelles influentes, que ce soit en architecture, en santé publique ou de la par des groupes progressistes ou religieux qui se donnaient comme mission de «sauver», matériellement et spirituellement, les classes urbaines laborieuses, le plus souvent aussi nouvellement immigré. Dans ce contexte, comment expliquer l’omniprésence, dans les quartiers urbains d’alors, des tenements et dans le meilleur des cas, des decorated tenements?

Sur les trace de The Decorated Tenement

C’est à cette étape qu’un livre comme celui de Monsieur Zachary J. Violette se présente en guide parfait afin de retrouver l’histoire perdue derrière cette typologie urbaine si répandue. Par sa mise en contexte (historique, sociologique, architectural, urbaine) qui ne connait pas vraiment de parallèle dans la littérature, on peut comprendre et enfin voir ces trésors urbains à échelle humaine telle que ses bâtisseurs les envisageaient et de la manière dont les gens qui choisissaient d’y vivre pouvaient les percevoir et les chérir.

Ces immeubles ont pour la plupart été construits par et pour la population immigrante d’Europe centrale et de l’Est (Russie, Pologne et territoire maintenant ukrainien) qui affluait alors dans la métropole américaine, pour fuir les pogroms, mais aussi pour exercer leurs entrepreneuriats, ce qui était impossible à cause des législations explicitement antisémites dans leur pays d’origine. Dans ce groupe d’immigrants pauvres, mais extrêmement industrieux, on trouvait des entrepreneurs en bâtiment, des architectes, mais aussi beaucoup d’hommes de métier. Grâce aux institutions financières propre à la communauté, il était possible d’effectuer les montages nécessaires au développement spéculatif, du type des decorated tenements.

Sur le plan démographique et sociologique, c’était aussi une population qui provenait de zones urbanisées, de villes à la population qui appréciait déjà fortement la culture urbaine. Cette attitude se combine à la volonté de communiquer esthétiquement, avec un bâtiment aux proportions élégantes et à la décoration culturellement évocatrice (autant en façade que sur les surfaces intérieures communes, dans les pièces privées d’apparat des logements et dans les locaux commerciaux) le prestige de l’appartenance à sa communauté dans cette nouvelle grande métropole.

Même dans ce contexte, comment expliquer ces formes élaborées sur des bâtiments spéculatifs destinés à une population immigrante aux ressources limitées? Parce que les bâtisseurs et les architectes étaient familiers avec l’école allemande de la production architecturale décorative industrialisée et standardisée naissante. Ces nouvelles populations urbaines en Amérique avaient beau être pauvres, elle voulait vivre dans un cadre urbain qui projetait dans le domaine public la dignité de leurs êtres et de leurs cultures. Les decorated tenements* en étaient l’incarnation, et bien plus.

Une lecture essentielle.


* En lisant ce livre, j’ai appris qu’il y avait un film, *batteries not included, datant de 1987 et produit par nul autre que Steven Spielberg qui se déroule autour d’un tenement building dans le East Village à Manhattan. Pas encore vue, mais toujours disponible sur Apple+, lorsque l’occasion se présentera!

Tags The Decorated Tenement, Zachary J. Violette, Tenements, NYC, Boston, Série Housing in NYC

NYC Co-op Utopia

December 21, 2022 John Voisine
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Working-Class Utopias—A History of Cooperative Housing in New York City. Robert M. Fogelson, Princeton University Press, 2022, 384 pages.

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [2/5]

On a souvent l’impression que dans le domaine du logement, la forme coopérative est celle d’avenir… et là pour le rester longtemps*. En d’autres termes, même si les coopératives semblent la façon la plus juste, équitable et l’idéale pour loger une grande diversité de ménages, le mouvement coopératif en habitation n’arrive pas tout à fait à prendre son envol et à se normaliser. Elles se font rares dans nos quartiers centraux et quasi inexistantes ailleurs. Même à l’intérieur de la catégorie des logements «sociaux et communautaires», ils représentent un peu moins du quart des logements. Compte tenu du manque criant en logement et surtout en logement collectif urbain, on peut s’étonner que les exemples de logements coopératifs soient toujours aussi rares et exceptionnels.

Si le rêve est vraiment un jour de voir s’éteindre le motif du profit comme moteur de développement dans le secteur du logement, pourquoi ne pas regrouper, au sein de coopératives, les initiatives pour la production de logements destinés aux nombreux paliers au sein de la classe moyenne? Avec comme premier catalyseur certains mouvements collectifs, tels les syndicats ou des regroupements d’intérêts et en appui, les groupes de ressources techniques (GRT) et de meilleures garanties financières et réglementaires gouvernementales, cela devrait depuis longtemps être habituel et normal, non?

En fait, ce n’est pas pour rien que le mot utopias est contenu dans le titre de ce tout nouvel ouvrage de Monsieur Robert M. Fogelson, historien et professeur émérite en étude urbaine au MIT. Ainsi, même si ce récit des triomphes et des malheurs des pionniers du mouvement coopératif en habitation à NYC se déroule à une époque et dans un contexte maintenant relégué à la mémoire de très rares personnes encore en vie, le lecteur avisé y trouvera plusieurs réponses à savoir pourquoi nous ne vivons toujours pas dans cette utopie d’abondance en habitation coopérative pour les classes moyennes et «laborieuses». Il a pourtant existé un moment, un bref moment durant les décennies 1950-60-70, où l’alternative coopératif semblait viable. Cet ouvrage est plutôt le récit des forces, internes et externes, qui ont fini par faire dérailler cette ambition.

Sur les traces de Working-Class Utopias

Working-Class Utopias retrace l’histoire et va plus loin dans les archives et les témoignages des personnages clés du mouvement coopératif en habitation de l’avant Deuxième Guerre, mais surtout, durant les décennies de l’après-guerre et jusqu’à l’implosion du mouvement, à la fin des années 1970. Après avoir brièvement relaté les origines des grandes réussites d’avant 1945, comme les Amalgamated Houses et Dwellings, l’auteur nous guide à l’intérieur des espoirs sincères et des ambitions démesurées de ceux (ce sont tous des hommes) qui ont réussi à construire ces ensembles coopératifs. Au centre de la mobilisation, une coalition unique, la United Housing Foundation (UHF), avec a sa tête Abraham E. Kazan, celui-là même qui avait mener à bien les Amalgamated et qui était impatient de poursuivre sur cette lancée. L’alignement entre l’UHF et les politiques fédérales (Title I, Housing Act of 1949), de l’état (Mitchell-Lama) et de la ville (allégements de taxes) seront le moteur de la production d’autant de logements coopératifs dans NYC après 1950. Les exemples de cette période sont tous héroïques (Rochdale Village, Penn South, etc.). Mais très vite, autant sur le plan architectural (monotonie), de l’implantation urbaine (mégas ilots) et sociale (ségrégation), les réalités de ces nouvelles formes massives finiront par briser le consensus social et politique ainsi que les coalitions d’intérêts locaux qui permettaient leurs réalisations.

En fait, pour réussir à implanter ces ensembles, l’UHF devait s’associer à l’une des figures emblématiques des politiques de dégagement urbain, Robert Moses; l’éclipse de son pouvoir, au milieu des années 1960, signale aussi celui d’une partie des projets qui en dépendent, comme ceux de l’UHF. Mais comme ce livre en fait le cœur de sa démonstration, ce qui brisera définitivement l’élan coopératif, du moins dans sa capacité à fournir du logement à l’échelle d’une «ville dans la ville», est Co-op City, dans le Bronx. Ce qui devait être le projet phare de l’UHF est finalement ce qui viendra ruiner, matériellement et moralement, l’entreprise coopérative. Pour l’essentiel, le livre nous donne à vivre les hauts et les bas de cette histoire, politique et économique, humaine et tragique, comme si l’on y était.


* Paraphrase de la fameuse formule “Le Brésil est un pays d’avenir, et qui le restera longtemps”, attribué à l’homme politique français du début du 20e siècle, George Clemenceau.

Tags Working-Class Utopias, Robert M. Fogelson, NYC, Coopératives, Coop Housing, United Housing Foundation (UHF), Abraham Kazan, Série Housing in NYC

From Tenements to Billionaires' Row*

November 21, 2022 John Voisine
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A History of Housing in New York City. Richard Plunz (Foreword by Kenneth T. Jackson), Columbia University Press, 2016 (Revised Edition), 460 p.

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [1/5]

Si rien d’autre, l’histoire de l’habitation à New York en est une tout en contraste. Comment pourrait-il en être autrement, dans une ville qui, depuis le 19e siècle, contient de façon si unique tous les pôles de l’humanité, du commerce, de l’industrie et de la vie intellectuelle et culturelle en Amérique du Nord? Centre de la production manufacturière, nœud de transport d’entreposage, capitale des affaires et de la finance, pôle du commerce, du design et de la mode, New York a malgré tout su, depuis l’instauration de son grid, contenir dans sa trame une juste part pour l’habitation. En commençant par les manoirs sur Fifth Avenue, les révolutionnaires appartements-hôtels ou «d’artistes», qui attiraient autant ces derniers qu’une frange de la classe moyenne qui aimait s’entourer de ces attributs. Souvent presque côte à côte, sur des terres encore non développées, une partie de la population vivait hors du système dans des shantytowns. Et toujours de façon contemporaine, les classes laborieuses vivaient et souvent travaillaient (le textile) dans des logements rudimentaires, les tenements du Lower East Side et des nouveaux outer-boroughs.

Mais il n’y a pas seulement la diversité des typologies qui caractérise New York, il y a les différentes écoles esthétiques et d’aménagement, de l’utilitaire à l’éclectique, en passant par le beaux-arts, l’art déco et après les années 1930, les incarnations plus ou moins satisfaisantes du modernisme appliqué au logement, sous forme de production privée ou aux conséquences encore plus tragiques, dans sa production publique (NYCHA). C’est aussi la ville qui a fait progresser autant les codes de construction que d’urbanisme, pas toujours pour le mieux.

La densité de New York, sur le plan démographique (forte immigration européenne de l’est et du sud, jusqu’à la fermeture des années 1920) et de la concentration géographique de certaines communautés, sont des facteurs positifs dans la mise en place de coopératives de solidarité durant les premières décennies du 20e siècle. De ces organismes militants naitront une série de grands ensembles d’habitations communautaires pour la classe moyenne, presque insurpassée à ce jour en matière de design, d’organisation et d’aménagement des espaces communs (intérieurs et extérieurs).

Sur les traces de A History of Housing in NYC

Ce livre contient la genèse de plusieurs adresses, connues et moins connues, emblématiques d’un type ou qui marque une évolution dans un genre ou une façon de se loger, et puisqu’il s’agit de New York, allant du plus pauvre au plus riche. Mais une des transformations qui m’occupe encore après cette lecture, probablement parce qu’elle marque un progrès toujours d’actualité, est la manière par laquelle certains groupes, principalement de la communauté juive du Lower East Side, sont passés des conditions difficiles des tenements à de nouveaux logements de type garden apartments, principalement dans les outer-boroughs (suivant l’ouverture de nouveaux corridors du métro). Organisée en associations de solidarité, comme la United Workers Cooperative, cette communauté en était arrivée, dans le courant de la deuxième décennie du 20e siècle, à avoir assez d’unité idéologique, d’influence politique et de cohésion financière pour piloter quelques vastes projets d’habitations collectifs d’un genre unique de ce côté de l’Atlantique. De par son organisation spatiale au pourtour de l’îlot urbain, avec des bâtiments d’habitations, de services communautaires et en son centre, un espace paysager aménagé, on cherchait à offrir des conditions d’habitation moderne tout en préservant le meilleur de l’esprit solidaire et communautaire qui caractérisait l’environnement urbain d’origine.

La grande dépression de la décennie 1930 et les tumultes de la Deuxième Guerre viendront assener un coup dur à l’organisation et au maintien des idéaux derrière ces groupes d’habitations. Les temps semblent pourtant mûrs pour une recapture actualisée et pérenne de ces implantations collectives**.

Cet ouvrage de Monsieur Richard Plunz est né de notes de cours pour un séminaire, durant les années 1980, à l’université Columbia. Publiée une première fois en 1992, cette dernière édition tient compte des développements qui rendent la proposition en logement toujours plus inaccessible. Il serait difficile de trouver un volume plus complet, autant dans sa chronologie que dans l’analyse historique, esthétique et fonctionnelle consacrée à chaque forme d’habitation. C’est une entrée en matière essentielle pour qui veut faire le tour des typologies new-yorkaises d’habitations et comprendre les contraintes, tendances urbaines et sociologiques (démographie, politique, mode de production et tenure), financières et réglementaires ayant une influence sur cette production.


* Billionnaires’ Row

** À ce sujet, voir le documentaire At Home in Utopia. Une belle façon de passer une heure.

Tags A History of Housing in NYC, Richard Plunz, Housing, NYC, Urban history, Tenements, Série Housing in NYC, United Housing Foundation (UHF)

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