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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Beyond the Veil

February 27, 2024 John Voisine
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The Souls of Black Folk. Introduction by Davis Levering Lewis. W. E. B. Du Bois, Modern Library, Centennial Edition, 2003 [1903], 320 pages [lu en format ebook]

Série essais historique — A tous les deux mois

The Souls of the Black Folk est un de ces livres qui marque un « avant » et un « après » dans la vie de celui qui veut bien s’en laisser imprégner. Pour utiliser une expression propre à l’ouvrage, c’est un des rares moments que nous avons de contempler l’existence « beyond the Veil », ce voile invisible qui fait qu’il nous est possible de passer nos vies tout en ignorant, ou dans le pire des cas, en perpétuant ce semblant d’ignorance qui est la porte ouverte à toutes les dégradations. Pour nous porter à l’intérieur de l’univers des ignominies qui se déroule juste de l’autre côté, il y a l’écriture, la voix d’un autre siècle (le livre est sorti en 1903) qui par la résonance juste, équitable et honnête de son propos, retient l’attention du lecteur durant ses quatorze brefs chapitres. Des chapitres qui sont autant de toiles dans la vie de l’auteur, qui raconte cette adversité quotidienne, emprunt de mesquineries, de tricheries, cette brutalité sans répit, qui s’est souvent révélée mortelle. En parcourant ces chapitres, on lit l’urgence dans le propos, qui devait entrainer le lecteur d’alors tout autant que le lecteur contemporain à questionner la nature et l’existence même de son humanité.

Paru presque quarante ans après la fin de la guerre de sécession américaine, c’est comme si l’auteur, William Edward Burghardt (W.E.B.) Du Bois nous rend la chronique d’un pays qui s’est enfoncé de manière encore plus inextricable dans ce que l’homme a de plus destructeur et ravageur à faire subir à son prochain, si ce dernier à la moindre nuance de noir sur sa peau. W.E.B. Du Bois est né après cette guerre (1868), dans le Nord. Il n’a donc pas eu à grandir au cœur du Black Belt, qui coïncide aussi avec le cœur des anciens états esclavagistes du Sud et la région qui sera le sujet de ce « car-window sociologist », comme il se qualifie drôlement lui-même. Ce moment dans l’histoire américaine est parfaitement illustré par cette carte, qui permet à W.E.B. Du Bois d’écrire, dans le premier paragraphe du livre : « for the problem of the Twentieth Century is the problem of the color line. »

La zone de la Black Belt au États-Unis selon le recensement de 1900, dix avant avec le début de la Great Migration qui changera tout à partir de 1910; Image Wikipedia.

La définition de ce « color line » est probablement moins évidente et surtout, le voile est devenu à la fois plus opaque et translucide (ce qui permet même à certains d’affirmer qu’il n’existe plus), mais la volonté implacable d’asservissement, d’humiliation et de ségrégation entre les gens et groupes de différentes cultures, de culture polymorphe ou cosmopolite, et de différentes nuances capillaires est encore bien vigoureuse dans nos sociétés modernes. Voilà pourquoi The Souls of the Black Folk nous chante toujours aujourd’hui, cent vingt et un ans après sa parution.

Sur les traces of The Souls of Black Folk

W.E.B. Du Bois finira par obtenir des diplômes de l’université Fisk (un HBCU), à Berlin et de Harvard (son PhD). Un des combats de son existence, qui le conduira même à un vif désaccord avec l’une des plus grandes figures de son époque, Booker T. Washington, portera sur l’importance de faciliter à ceux qui le peuvent (dans les communautés noires) la possibilité de poursuivre des études supérieures dans les arts, les lettres, la philosophe, l’histoire, bref, les arts libéraux. Mais selon Washington, si on était pour offrir la moindre éducation aux jeunes noirs du Sud, elle devait se limiter aux apprentissages pratiques et techniques, puisque l’autonomie et la viabilité économique devaient primer avant tout. Le fait que cinq des quatorze chapitres soient consacrés à discuter plusieurs nuances de cette question en dit beaucoup sur sa centralité pour Du Bois. Ce qu’il cherche à faire entendre au lecteur, c’est qu’en étant noir aux États-Unis, tout sujet de discussion doit être abordé avec « this double consciousness, this sense of always looking at one’s self through the eyes of others, of measuring one’s soul by the tape of a world that looks on in amused contempt and pity. One ever feels his two-ness—an America, a Negro; two souls, two thoughts, two unreconciled strivings; two warring ideals in one dark body, […]. »

Si ces paroles ne sont pas assez pour comprendre l’irréductibilité de la situation pour la population noire des États-Unis, voici ce que le sénateur Benjamin Tillman de Caroline du Sud a dit en apprenant que le président américain avait reçu Booker T. Washington pour un souper à la Maison-Blanche : « The action of President Roosevelt in entertaining that nigger will necessitate our killing a thousand niggers in the South before they will learn their place again. » Ce sénateur parlait ainsi du principal avocat pour une approche « lente » de l’intégration de l’homme noir au sein de la société du Sud, principalement pour éviter un « harsh, white backlash. » Ce « deadening and disastrous effect of a color-prejudice » permet également à Du Boise de mentionner, sans autre explication, les noms de Phillis Wheatley et Sam Hose; deux extrêmes de l’horreur « beyond the Veil ». L’avant-dernier chapitre de l’ouvrage, XIII Of the Coming of John, raconte en quelque sorte cette réconciliation impossible. On lira aussi pour le « discours » du juge à sa table de cuisine. Cela se termine par un lynchage.

En 1935, W.E.B. Du Bois fait paraitre Black Reconstruction, une reconsidération de la douzaine d’années après la fin de la guerre civile américaine. Il faudra attendre les décennies 1980-90, avec Eric Foner en tête, pour que les arguments de l’ouvrage commencent à être pris au sérieux par les historiens et mènent à une relecture de cette période. Nous allons nous intéresser à ce livre lors de la prochaine chronique de non-fiction, le dernier mardi, dans deux mois.

Tags The Souls of Black Folk, W.E.B. Du Bois, Histoire américaine, Sociologie, Civil Rights, Série essais historique

Autant que faire se peut

February 16, 2023 John Voisine
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Driving the Green Book—A Road Trip Through the Living History of Black Resistance. Alvin Hall, Harper Collins Canada, 2023, 273 pages [e-book lu sur plateforme Kindle].

[Hors série]

Nous allons faire un léger détour cette semaine dans notre série Trans&Transit pour souligner le mois de l’histoire des noirs avec ce tout nouveau livre de Monsieur Alvin Hall. Je l’ai découvert grâce à cette entrevue donnée par l’auteur et comme plusieurs, j’ai pris conscience de l’existence du Green Book avec le film du même nom qui raconte l’aventure de la tournée dans le Sud des États-Unis, en 1962, du pianiste Don Shirley et de son chauffeur/garde du corps, Frank Vallelonga. Il y a environ deux ans, dans une autre chronique, c’est avec le livre Driving While Black que j’ai pour la première fois abordé l’histoire autour de ce répertoire. Sa fonction était bien simple à l’époque, mais difficile maintenant à conjurer pour un public contemporain ; au bas mot, pouvoir voyager tout en espérant obtenir un minimum de services et à l’autre extrême, souhaiter retourner chez soi en vie.

L’auteur et son équipe ont choisi de suivre la piste de l’histoire orale (le livre est aussi un podcast), de rencontrer autant des gens qui ont eu une connaissance de première main du guide (plus un répertoire d’établissements ouverts à servir une clientèle afro-américaine) et qui ont quelque chose à raconter sur l’époque et les circonstances où l’utilisation du Green Book était souvent nécessaire (selon les localités traversées). Le contexte historique est celui des Black Codes et des lois Jim Crow dans le Sud et plus tard des Sundown Towns dans le Nord. La Great Migration (1910-70) entraine ensuite la relocalisation de millions d’Afro-Américains vers les villes du Nord (New York, Chicago, Detroit, etc.). Cette migration crée une classe moyenne relativement prospère qui désire retourner périodiquement voir la famille demeurée dans le Sud (ou en vacances dans une colonie accueillante, comme Sag Harbor ou Idlewild). C’est l’époque du développement des voyages en automobile, mais juste avant la mise en place du système autoroutier.

Une famille afro-américaine qui voyageait dans une voiture (style Oldsmobile 88) et qui traversait les états du Sud devenait vite une cible pour les pires aggravations de tout genre. Le Green Book visait l’atténuation de ces aggravations.

Sur les traces de Driving the Green Book

Un des chapitres qui retiendra l’attention de gens comme nous, avec un intérêt pour les espaces urbains et leurs vitalités, est celui où l’on va à la rencontre de tous ces «Little Harlems» que l’on retrouvait dans plusieurs des villes du Sud. Le livre mentionne Paradise Valley à Détroit, Walnut Street à Louisville (Ky), Farish Street, «The Black Mecca of Mississippi» et certains autres. C’était dans plusieurs cas des artères commerciales et même parfois des quartiers entiers qui avaient été construits, de longue haleine, par l’élite commerciale et culturelle afro-américaine locale autour et en fonction des besoins spécifiques à ces communautés. En plus de représenter une véritable richesse locale, elles représentaient aussi souvent une forme de sécurité (sociale, personnelle et matérielle) pour les résidents afro-américains qui y avaient élu domicile et qui y exerçait leurs professions, métiers ou ouvrages. Cela n’empêchera pas la destruction complète de ces quartiers lors d’épisodes de terrorisme inouï perpétré par la majorité blanche. On commence à documenter et à intégrer, de peine et de misère, ces épisodes à notre histoire (Wilmington Insurrection, Red Summer, Tulsa Race Massacre). Mais ce n’est vraiment pas de ce type de destruction spectaculaire dont je parle ici. Lors de leurs voyages à la rencontre des gens et des établissements mentionnés dans le Green Book, l’auteur et son équipe notent que la plupart de ces lieux n’existent plus. On doit plutôt cela aux opérations de rénovation urbaine (Urban Renewal) des années 1950-60, que l’on pourrait plus exactement qualifier, comme le disait même à l’époque James Baldwin, d’opérations de «Negro Removal». Cette dévastation, parfois sous le couvert de mettre en place des aménagements modernisés, mais qui dans les faits servaient à marquer l’espace urbain d’une idéologie ségrégationniste d’aménagement ou parfois, pour faire passer la nouvelle idéologie du tout à l’auto par la voie des nouvelles autoroutes urbaines, ont entrainé des saccages si massif et irréparable que plus de 60 ans après, nos villes en sont encore diminuées.

Ce livre donne au lecteur une telle abondance de matière qu’il est difficile d’en absorber l’ampleur en une seule séance. Une lecture essentielle pour qui veut vivre les yeux ouverts.


Note 1 : Deux documentaires sur le Green Book sont enfin disponibles au Canada (sur la plateforme Apple TV). Le premier, basé sur le livre de Madame Gretchen Sorin mentionné dans notre chronique, Driving While Black. Le second est une version de l’exposition itinérante du Smithsonian, The Green Book : Guide to Freedom.

Note 2 : Du côté de la culture populaire, je recommande deux séries simplement incontournables afin de s’absorber de cette histoire : les inoubliables, fantastiques et presque traumatisants (dans le bon sens du terme) Watchmen et Lovecraft Country. Difficile de passer de meilleures heures devant un téléviseur. (Disponible au Canada sur la plateforme Crave).

Tags Driving the Green Book, Alvin Hall, Green Book, Civil Rights, Black History

"Vacation Without Aggravation"

March 22, 2021 John Voisine
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Driving While Black—African American Travel and the Road to Civil Rights. Gretchen Sorin, W.W. Norton & Company, 2020, 332 pages.

L’univers des possibilités sinistres pour les occupants d’un véhicule que contient le titre « Driving While Black » est seulement la pointe de l’histoire racontée par ce livre magistral de Madame Gretchen Sorin. Bien entendu, l’automobile a représenté pour les Afro-Américains la même chose que pour la plupart des Américains intégrés dans la majorité « blanche » : un instrument de mobilité, de liberté et d’affranchissement en plus d’être un vecteur de transport au rayonnement continental. C’était un outil essentiel afin de profiter pleinement des largesses matérielles caractérisant les décennies d’après-Deuxième Guerre. De plus, les politiques et les pratiques contractuelles de cette période avaient résulté en la quasi-impossibilité pour les ménages afro-américains de se loger dans les nouvelles banlieues. Ironiquement, cette situation donnera à la plupart de ces ménages plus de revenus à consacrer à l’achat d’une automobile. Souvent, cet argent sera même investi dans l’achat de voitures plus puissantes et avec plus de volumes (comme les premières générations du fameux « Rocket » 88, d’Oldsmobile).

Les manufacturiers automobiles étaient heureux de prendre l’argent de ces ménages afro-américains, mais les complications sérieuses commençaient aussitôt qu’ils se mettaient derrière le volant. Dans le Sud et l’Ouest des États-Unis, l’époque triomphante des lois Jim Crow battait son plein, et dans le Nord, c’était souvent des barrières de facto à peine plus subtiles. Les stratégies développées, les réseaux créés et l’apparition de commerces et de lieux d’hospitalité qui ont émergés pour desservir cette nouvelle clientèle afro-américaine sont un peu l’histoire racontée dans ce livre. Les motifs et le comment des guides spécialisés comme The Negro Motorist Green Book et ses émules est en soit une aventure essentielle à assimiler.

Ce n’est finalement qu’après l’adoption du Civil Rights Act de 1964 que les Afro-Américains ont réussi à prendre le volant en pouvant espérer être traités « without [too much] aggravation ». Ce livre brosse un portrait de ce que fut ces « aggravations » et des moyens mis en place pour les contourner et y survivre. Mais le fait que l’expression « Driving while black » connaisse aujourd’hui une telle renaissance en dit long sur le chemin pratique et systémique qu’il nous reste à parcourir afin de rendre cette route « aggravation free ».

Sur les traces de Driving While Black

J’ai fait la connaissance de cet ouvrage lors de l’écoute d’une entrevue avec l’auteure sur le podcast qui est notre ami à tous, The War On Cars . En faisant une recherche, j’ai trouvé cette entrevue (sur WHYY). Le livre est maintenant aussi un documentaire (diffusé sur PBS l’an passé), mais ne semble pas disponible pour location au Canada en ce moment. Et finalement lorsqu’il sera possible de reprendre les voyages, le Smithsonian offre jusqu’en 2024 une exposition itinérante sur le Green Book.

L’auteure a inclus des notes copieuses dans son ouvrage, mais malheureusement pas de bibliographie autonome. Il y a par contre un index. Mais voici les éléments mentionnés dans ses notes et qui ont attiré mon attention. Pour avoir une meilleure idée des débuts de ce qui a formé l’armature idéologique et fonctionnelle du Ku Klux Klan, et même un peu la police elle-même, cet article sur les Slave Patrols est instructif. Durant la dépression aux États-Unis, le gouvernement fédéral a mis en place un système administratif (WPA) afin de fournir de l’emploi à plusieurs catégories de travailleurs, dont des écrivains. Un des projets les plus intéressants de sortir de ce programme est certainement Born in Slavery : Slave Narratives From the Federal Writers’ Project, 1936 to 1938.

Sur la période dévastatrice des lois Jim Crow (1877-1965) dans le sud des États-Unis (et autour), après la neutralisation de la Reconstruction (1865-1877), American Nightmare—The History of Jim Crow. Toujours cette réalité, mais en changeant le focus sur la mémoire des gens qui le vivait, Jim Crow Wisdom—Memory and Identity in Black America since 1940. En dernier lieu, puisque l’auteure le mentionne comme source intéressante de visuels macabres, le Jim Crow Museum of Racist Memorabilia.

Une dernière mention, que cette lecture m’a donné le goût d’explorer, est Are We There Yet?—The Golden Age of Family Vacation. Semble comme une excursion historique fascinante, surtout durant des vacances sur la route en version actualisées dans une Van Life, qui sait ?

Tags Driving While Black, Gretchen Sorin, Automobile, Civil Rights, Histoire

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