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Wellington | Fabrique urbaine

3516, rue Gertrude
Verdun, Québec H4G 1R3
514-761-1810
L'urbanisme en pratique

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Wellington | Fabrique urbaine

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

"Que cela aussi serve le bien"

May 28, 2024 John Voisine
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Ce qu’il reste de moi. Monique Proulx, Boréal, 2015, 430 pages.

Série fiction — À tous les deux mois

Il n’y a pas un personnage dans ce roman construit en petite fresque qui ne m’a pas donné un bon moment à être légèrement déstabilisé ou confondu, et cela est franchement un des meilleurs arguments pour en faire une des lectures presque incontournables de la littérature montréalaise contemporaine. Combien rares sont les auteurs en mesure de conduire une histoire et des personnages contemporains le moindrement complexes sans tomber dans la rigidité didactique? Avec la diversité des possibilités et des conditions envisageables dans une ville comme Montréal, il y a toujours la crainte de tomber sur un auteur qui utilise une formule de provocation convenue, des situations chocs ou esthétiquement conflictuelle afin d’épicer une histoire, une trame narrative ou des personnages autrement bancals. C’est donc avec un réel bonheur que les chapitres de ce qui est quand même une histoire à la fois inattendue, tout en s’ancrant dans ce qu’une ville peut offrir de vies banales teintées par l’exceptionnel de quêtes uniques, que les chapitres donc offrent des espaces d’exploration et de découverte des personnages, d’approfondissement de ces quêtes. Bien entendu, personne ne vit en vase clos et chacun est marqué, influencé et relancé par ce contact avec les autres, même (et même surtout) les personnages qui pensaient que par la vertu de l’absolu de cette quête, ils seraient immunisés des apports externes.

Mais ce ne sont pas seulement les personnages eux-mêmes qui défient l’expectation de l’ordinaire de manières toujours originales. Comme je le disais au début, le lecteur doit aussi souvent lui-même, d’une certaine façon, rendre les armes et baisser ses défenses face aux situations confondantes, si possible dans le meilleur sens de ce terme, dans lequel les personnages sont emmenés à évoluer, tout naturellement. Dans un monde où l’identité se veut de plus en plus une source de limitation, le plus souvent imposée par des conventions extérieures, il était rafraichissant de lire ce roman où, comme dans le monde urbain réel qui est notre quotidien, l’identité de tout un chacun ne fait qu’inconfortablement et piètrement, si on s’y attarde trop, contenir une pâle représentation de la multitude que nous sommes tous. Ce que nous offre ici Monique Proulx c’est un tour de force d’une grande beauté : ce pouvoir quasi magique de marier et faire traverser au lecteur le temps, les époques et les contextes en insufflant à chacun la majesté et la dignité propre à sa condition humaine.

Tags Ce qu'il reste de moi, Monique Proulx, Montréal, Histoire, Série fiction, Nouvelles

Tous à l'eau!

November 7, 2023 John Voisine
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Contested Waters—A Social History of Swimming Pools. Jeff Wiltse, The University North Carolina Press, 2009, 288 pages. [e-book lu sur plateforme Kindle]

Pour les vrais mordus des piscines municipales, il n’y a jamais de moments hors saison pour s’en parler, lire sur le sujet ou se gâter en regardant des photos ou des plans des plus belles piscines municipales intérieures ou extérieures. Je suis un de ces mordus et c’est pourquoi nous avons le plaisir, en ce début de novembre, de parler du livre de Jeff Wiltse, Contested Waters. On aura cependant vite déduit qu’avec un titre pareil, il ne sera pas juste question des progrès extraordinaires en termes d’architecture, de mécanique ou d’hygiène qui auront permis aux municipalités de toutes tailles, de la fin du 19e siècle jusqu’à maintenant, de ce doter de ces hauts lieux de communion civique. Ce sont même des sites qui furent, durant la période de l’entre-deux guerre et pendant une saison par année, des endroits privilégiés et convoités de villégiature, presque en eux-mêmes des complexes balnéaires urbains.

Avant d’en arriver à ces moments de gloire civique, il faut toutefois savoir que le prix de ces aménagements municipaux spectaculaires ne se fera pas qu’une affaire de coûts. L’ouvrage porte bien sûr sur la situation chez nos voisins du sud, où rien ne peut se faire sans que la question « raciale » finisse par trouver une emprise, que ce soit dans le texte ou le sous-texte. Ainsi, nous vivons confortablement sans interroger nos actions sous une grille d’analyse similaire, mais sommes-nous justifiés dans ce comportement? L’observateur un tant soit peu curieux ne pourra s’empêcher de penser, quel devait être la situation ici, par exemple lors de l’ouverture du fameux Natatorium de Verdun, en 1940? En ce sens, le fait que l’infrastructure soit située loin dans la partie ouest de Verdun, là où la population était presque exclusivement d’extraction britannique, devait conférer une texture bien spéciale à la fréquentation des lieux. Trop souvent, il me semble manquer un questionnement franc sur nos réalités sociales de nos environnements urbains dans la province.

Qu’en était-il avec la construction, autour du nouveau siècle (1900), des bains publics dans les quartiers ouvriers de Montréal? Pour avoir un goût de ce que pouvaient représenter ces lieux à l’échelle d’un quartier, le Bain Émard est exemplaire. On constate que Montréal a contourné les questions épineuses en localisant ces lieux de manière à assurer une homogénéité de classe et des caractéristiques sociologiques de la clientèle. Pour la classe moyenne, il y avait les Y ou les clubs privés.

Sur les traces de Contested Waters

L’âge d’or des piscines publiques dans les états du Nord-est et du Sud américain est la période de l’entre-deux-guerre, avec une impulsion frénétique durant la période de la Second New Deal. Mais la tâche de l’auteur, brillamment exécuté dans ce livre, est de nous complexifier cette histoire. Si ces piscines communautaires se voulaient le point de convergence et de tous les mélanges à l’échelle d’une ville ou d’un quartier, qu’en était-il des questions de coexistence entre les sexes, les classes sociales ou entre les groupes ethniques, spécifiquement avec ceux identifiés ou qui s’identifie comme noirs? C’est principalement sur la longue et pénible histoire de cette « négociation » que l’auteur consacre son livre, et c’est une pièce essentielle dans le corpus de notre compréhension sociologique des politiques urbaines.

En sortant de l’ère progressiste de la gouvernance, un vent d’égalitarisme a soufflé sur la manière de faire de la politique municipale. Il devenait soudain possible de proposer des activités de loisir sans nécessairement les soutenir dans un encadrement rigide et moralisant. Les piscines municipales du 19e siècle et jusque dans les années 1910 avaient pour fonction le washing [of] the great unwashed. Mais une fois libérées de cet impératif (l’acceptation grandissante de la théorie des germes rendait cette conclusion inévitable), les administrations municipales ont laissé du lest au courant ludique. On allait insister pour que le simple plaisir d’être dans et autour de l’eau guide la conception et l’aménagement des piscines publiques. Rien ne pouvait plus être trop beau ou trop grand; l’affluence populaire se manifesta à travers toutes les couches sociales. Ce lieu de mélange civique réussit même à briser la barrière de la mixité des sexes, laissant libre cours à l’ambiance survoltée de ces rencontres sans filtre. Une icône de l’époque, Annette Kellerman, incarna pour plusieurs cette nouvelle façon d’être et de paraitre en public.

Où avant, il était possible de circonscrire l’utilité, la fréquence ou l’opportunité des contacts entre les sexes, ces contrôles se sont vite écroulés dans les énormes piscines destinées à divertir, amuser et libérer des soucis quotidiens ces masses urbaines de tous les horizons. Tous les horizons? Une frontière qui ne pourra être franchie était celle de la couleur de la peau. Ce livre est l’histoire de la manifestation urbaine et sociale de cette haine raciste, dans toute sa complexité et des moyens déployés pour la maintenir, l’actualiser et même la nourrir, selon les lieux et l’époque.

Tags Contested Waters, Jeff Wiltse, Piscines municipales, Sociologie urbaine, Histoire

Ce qui se perd

May 16, 2022 John Voisine
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L’habitude des ruines—Le sacre de l’oubli et de la laideur au Québec. Marie-Hélène Voyer, Lux Éditeur, 2021, 217 pages. Lu en format PDF sur app Books.

Certains livres nous travaillent beaucoup plus que l’on aimerait se l’admettre. Que ce soit par la forme ou le fond, ces ouvrages viennent nous chercher dans ces angles morts qu’on préférerait renier jusqu’à l’existence, que ce soit pour des raisons positives ou négatives. Le charme d’une prose bien tourné ou le mordant d’un humour sagace pourrait nous faire pencher en direction d’un argumentaire compromettant; facile et séduisant dans l’évocation de sa forme, mais que l’on devine avoir des conséquences réelles des plus funestes. Dans un sens, si l’on est honnête avec soi, ces moments démontrent la fragilité des arguments les mieux appuyés. En d’autres circonstances ou sous d’autres cieux, avec quelque levier bien placé, il aurait été tellement facile de se retrouver ailleurs sur le spectre. There but for the grace of God go I.

De façon encore plus dangereuse, il est parfois satisfaisant de lire un défoulement vigoureux, un déversement de feu sur une position, une cause ou même une personne, surtout si celle-ci incarne, selon nous, des comportements lâches ou malhonnêtes sur le plan humain ou intellectuel. Mais la satisfaction que procure un tel défoulement vient presque toujours obscurcir une insécurité que l’on devrait trouver le courage d’interroger.

Finalement, et à l’inverse, quoi de plus exaspérant qu’un auteur qui, dans son zèle pour une cause qui nous tient à cœur, dans une prose sclérosée, lourdement appuyée, grave sans être sérieux et sans humour, en oublie la base de toute coalition d’utilité publique : il est plus important de trouver les moyens de mettre le plus de gens derrière soi (en faveur d’un objectif) que contre soi. La plupart du temps, cela implique au minimum de faire l’effort de ne pas traiter la vaste majorité de la population comme s’ils étaient des idiots incapables de comprendre leurs intérêts ou ce qu’ils veulent, ou comme de simples pions dans un jeu capitaliste qui les dépasse. Cela fait piètre forme, ferme les cœurs et les esprits (du moins, en ouvrent très peu à la cause), nous ostracise d’un large bassin potentiellement réceptif et ne fait qu’inviter les pires partisans : conservateurs, refermés, frileux et paranoïaque.

En poursuivant au livre

On l’aura bien compris, le livre de Madame Voyez se situe catastrophiquement dans cette dernière catégorie. Non seulement est-il de lecture pénible par sa forme, mais en plus, par la manière dont se construit son argument en faveur de la conservation et de la valorisation du patrimoine bâti, il serait douteux si une seule personne, en dehors du cercle restreint aggloméré à la cause autrement que de façon dilettante, pouvait se voir recrutée.

En fait, il n’y a rien de fondamentalement compromettant à cette façon de faire les choses. Comme je le mentionnais, il est parfois satisfaisant, sur le plan personnel, d’utiliser un moment de notre parcours intellectuel pour écorcher l’ordinaire et les épouvantails faciles à moquer, comme le façadisme, le pastiche, les gros «Domaine» de banlieue et les «fontaine-buste à l’effigie d’Elvis» que l’on y «soupçonne dans chaque cour arrière» (ma grand-mère maternelle [God rest her soul] était une grande fan du King); bref, une vaste majorité de la population voit ici son mode de vie, et la nécessité d’en faire ce que l’on peut, passer au pilori d’une personne qui cherche manifestement, chez les gens avec le moins de choix, plus de coupables que de solution.

Pour les partisans du patrimoine, de la conservation du bâti et de ceux qui aimeraient voir renaître une vraie architecture urbaine, dense et diversifiée, ce livre est un repoussoir de plus de la part d’une personne qui prétend plaider la cause. À l’heure actuelle, partout en Amérique du Nord, la sauvegarde et la conservation du patrimoine sont menacées, non par une culture qui dénigre cet héritage, mais par une réglementation municipale hostile à sa propre nature. New York City ne peut pas se reconstruire. Mon triplex construit en 1920 à Verdun, héritage de ma grand-mère maternelle, rénové et restauré par moi-même à l’original : je ne pourrais le reconstruire en 2022, cette typologie étant bannie pour cause d’exigences de stationnement et autres réglementations de construction, de lotissement et de densité (c.-à-d. de non-densité).

Au lieu de chercher des alliés à la cause, Madame Voyez a trouvé plus facile et satisfaisant de s’en prendre aux «promoteurs qui ne pensent qu’à engloutir l’espace et le bien commun pour leur propre profit.» Triste.


Ce jeudi 19 mai on entame notre série sur le logement et l’habitation avec le fameux livre de Catherine Bauer, Modern Housing. On trouve une liste des livres qui seront passés en revue sur la première page de ce site.

(2022-05-19) : Je dois remettre la publication de cette revue à lundi prochain, le 23 mai. En attendant, la revue de l’Ordre des urbanistes du Québec (OUQ) vient de sortir un numéro avec un dossier spécial sur l’habitation intitulé « Repenser l’habitation ». Il est possible de le télécharger sans frais ici. Je n’ai aucune association avec la revue.

Tags L'habitude des ruines, Marie-Hélène Voyer, Patrimoine, Souvenirs, Histoire

Aménagement et urbanisme professionnalisé

November 8, 2021 John Voisine
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Aménagement et urbanisme au Québec. Témoignages de pionniers et pionnières de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme depuis la Révolution tranquille. André Boisvert, Les Éditions GID, 2014, 723 pages.

The Reflective Practitioner—How Professionals Think in Action. Donald A. Schon, Basic Books, 1983, 374 pages.

Je fais cette semaine un premier, mais certainement pas un dernier, «deux dans un». Le premier est un véritable tome, avec ses 700+ pages d’entrevues, de récits, d’anecdotes, de réminiscence et de réflexion sur les pionniers/praticiens/professionnels de l’urbanisme dans la province. Le second, découvert en lisant le premier, nous offrira un moment d’introspection sur les limites de nos méthodes, outils et démarches professionnelles à appréhender la complexification des sociétés modernes.

On aimerait mettre le livre de Monsieur André Boisvert entre les mains de tous les étudiants universitaires en urbanisme au Québec; toutefois, le mieux serait dans le contexte d’un cours bien encadré. Cela n’est nullement attribuable à un défaut d’auteur ou dans la présentation du matériel lui-même. Publier en un volume le travail de plus d’une décennie d’entrevues avec les pionniers de la profession ne pouvait autrement faire que d’occuper des centaines de pages. Au contraire, on salut Monsieur Boisvert d’avoir laissé place aux propos des Benoît Bégin (2018), Jean-Claude La Haye (1998), Rolf Latté (2005), Blanche Lemco Van Ginkel, Marcel Junius (2018), Claude Langlois (2002), Ilona Kaszanitzky (2001), Jean Cimon (2016), Jean Décarie (2020) et Michel Barcelo (2013), pour ne nommer que ceux-là. On lit avec fascination les témoignages vifs de ces praticiens des premières décennies de l’après-Deuxième Guerre, parfois sans pouvoir immédiatement faire sens de tout ce qui est dit. En plus d’avoir souvent dû être recrutés à l’étranger (l’Angleterre et la Belgique ont été de gros bassin), même les gens d’ici ont tous dû recevoir l’essentiel de leurs formations dans des universités hors du pays, qui commençaient elles-mêmes juste à reconnaître la validité et l’autonomie de cette profession.

Pour se faire une idée de cette pratique pionnière et des défis qu’elle aura à transcender afin d’avoir le droit de citer, les témoignages recueillis sont tous aussi unique qu’essentiel en leurs genres. Une bonne capacité à rassembler mentalement des morceaux de récit, à suivre une trame à travers plusieurs regards (Rashomon style), sera d’un grand secours. Résultante de la franchise et de l’ouverture de la démarche, cela ne constitue en rien une lacune de l’ouvrage. Il faudra toutefois en être conscient : ce livre n’est pas une histoire de l’urbanisme au Québec. Mais pour qui en a l’inclination, il est quand même assez formidable de lire ces bâtisseurs de la profession exposer, dans leurs mots, ce que fut ce travail de pionnier.

Une pratique professionnelle hybride

Pour qui voulait exercer professionnellement ce qui ne sera reconnu que bien plus tard comme de l’urbanisme, il faudra auparavant avoir reçu une formation de premier cycle en ingénierie, en architecture, en architecture du paysage, en géographie ou même en sociologie. Ces professionnels de la première heure sont par la suite parvenus à appliquer leurs connaissances («transversale» avant l’heure) à une échelle invisible pour l’époque (le Québec pré-Révolution tranquille) : celle de l’urbain existant (accommoder l’automobile, faire tabula rasa du reste) et de l’urbain des nouvelles banlieues, alors en explosion. La notion même d’exercer une pratique professionnelle indépendante (sans la béquille de l’ingénierie ou de l’architecture) prendra finalement jusqu’aux années 1960 pour s’implanter. Je ne sais pas si c’est l’héritage de la formation hybride, mais même après le montage de curriculum universitaire local, une forte résistance à l’admission dans la profession des étudiants issus des programmes de baccalauréat en urbanisme a longtemps persisté. Aujourd’hui, demeure la question du titre réservé (urbaniste), mais sans l’association avec des actes réservés (contrairement aux professionnels adjacents, qui ont souvent les deux). Ces deux situations seraient-elles liées? Je suis de l’école qu’il en est mieux ainsi pour la viabilité et le potentiel à long terme de la profession.

Pour nous faire réfléchir sur le sens de l’exercice et de la pratique professionnelle, mais aussi sur les limites de nos méthodes et processus, l’ouvrage de Donald A. Schon est particulièrement pertinent. La crise de crédibilité des professionnels et de l’expertise en général est maintenant difficile à ignorer (voir l’ouvrage de Tom Nichols, The Death of Expertise). 

Malgré tout, plusieurs possibilités d’exercer à partir d’un terrain solide de recherches et d’actualisation contextuelle existent encore. À moyen terme, une profession d’urbaniste plus ouverte sur ses limites, plus rigoureuse dans l’identification explicite des biais qui encadre ses conclusions et toujours plus tournée vers des résolutions de design inclusives gagnerait dans l’affirmation de notre discipline plurielle.

Publié une première fois le 20 janvier 2022.

Tags Aménagement et urbanisme au Québec, André Boisvert, Histoire, Aménagements urbain, Québec

This Land is Car Land

April 5, 2021 John Voisine
Car Country Car Country Car Country Car Country

Car Country—An Environmental History. Christopher W. Wells, (foreword by William Cronon), University of Washington Press, 2012, 427 pages.

Si le premier geste que l’on pose avant de sortir de chez soi est de tendre la main pour saisir les clés de la voiture, si de plus l’on trouve que ce geste est normal, alors pas de doute possible, cet ouvrage de Christopher W. Wells est l’antidote qu’il fallait pour anéantir ce jovialisme de mauvais aloi. Mais avant toute chose, rassurons-nous : à moins de vivre dans une centralité urbaine avec accès facile à une station de métro ou un quartier de périphérie bien desservie en transport en commun si fréquent et polyvalent qu’on en oublie l’horaire (cela existe ?!?), notre quotidien ne peut fonctionner sans l’accès à une automobile. Dans cette situation, nous ne sommes pas non plus les victimes d’un complot ou d’une conspiration des manufacturiers automobiles ou du lobby des « big roads ». Plus banalement, nous évoluons simplement dans le « car country » qui s’est installé par l’accumulation d’une infrastructure légale, fiscale et des politiques favorisant un urbanisme résidentiel, commercial et même industriel d’étalement.

L’histoire environnementale dont il est question en sous-titre est simplement celle de la mise en place de nos réalités urbaines, qui formes et informes notre cadre bâti. Rien n’échappe à la réalité du « car country ». D’ailleurs, comment cela serait-il possible ? La voiture en elle-même possède ce pouvoir de rendre toute matière, qu’elle soit inerte ou à base de carbone, soluble dans sa logique envahissante, qui est celle d’apparaître naturelle et inévitable. L’automobile, par sa fonctionnalité et son utilisation intégrée à toute construction (free parking!), s’invite dans tous nos usages urbains. Cette intégration obligée de l’automobile dans nos espaces urbains, qui cause son lot de destruction matérielle, environnementale et humaine (même aujourd’hui), est si bien assumée que nous l’acceptons comme la condition « naturelle » du marché. En réalité, il aura fallu plus de 60 ans d’efforts concertés pour consolider cet état de fait, maintenant si difficilement réversible.

Les multiples paliers de l’histoire imbriquée de ce qui est maintenant notre « car country » sont richement synthétisés dans cet ouvrage. Matière à ruminer en essayant d’écrire notre prochain chapitre, avec comme objectif de ne plus avoir besoin des clés de la voiture, [on] this land […] made for you and me.

Sur les traces de Car Country

C’est un peu embarrassant de l’admettre, mais Car Country est un de ces livres que j’avais acheté lors de sa sortie et qui est resté dans ma bibliothèque jusqu’à maintenant. Je ne me rappelle pas où j’en avais entendu parler, mais ce podcast de Street MN est probablement une bonne supposition. En complément, l’ouvrage bénéficie d’une page Web encore active.

Les notes de fin de volume sont copieuses, les références et sources sont mises en contexte et commentées, comme on les aime. On y trouve aussi une bibliographie sélectionnée qui présente bien le matériel de façon autonome. Les titres que je vais mentionner ici ne sont que quelques-uns de ceux que j’espère avoir le temps d’explorer plus à fond, si l’avenir peut m’être propice.

L’aube du motordom est caractérisée par la profusion des modèles et types, de la petite sportive à la voiture de luxe à l’habitacle fermé (mais aussi trop fragile pour autre chose que les meilleures voies pavées). Toutefois, c’est seulement à partir de 1908, avec l’introduction du Model T (la « voiture universelle », selon Henry Ford), que l’automobile devient accessible pour le plus grand nombre. Ce véhicule restera en production (avec plusieurs modifications) jusqu’à la mise en marché de la Model A, en 1927. Cette histoire est raconté dans: The Model T—A Centennial History.

Impossible de parler voitures sans examiner les impacts sur la ville, et une des sources les plus citées dans l’ouvrage est : Down the Alphalt Path—The Automobile and the American City. Un des personnages à l’influence des plus sinistre dans l’aménagement de nos environnements suburbain (et qui se fait encore sentir) est certainement Jesse Clyde Nichols. Un livre, J. C. Nichols and the Shaping of Kansas City—Innovation in Planned Residential Communities, apparaît permettre d’approfondir la question.

Un ouvrage sur la ville qui pourrait presque être un synonyme du mot automobile : Los Angeles and the Automobile—The Making of the Modern City. Un volume qui nous enthousiasme quasiment juste pour son titre: Autophobia—Love and Hate in the Automotive Age. Un dernier livre, au titre délicieux, sur une émergence et un ressac salutaire lié à l’automobile : Driven Wild—How the Fight against Automobiles Launched the Modern Wilderness Movement.

Tags Car Country, Christopher W. Wells, Automobile, Histoire, Forme urbaine, Paysage

Une histoire de la mère des réseaux supérieurs

March 29, 2021 John Voisine
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The Big Roads—The Untold Story of the Engineers, Vionaries, and Trailblazers who Created the American Superhighways. Earl Swift, Houghton Mifflin Harcourt, 2011, 400 pages. [lu en version ebook sur Kindle]

Avant que le public soit épris de leurs voitures, il était épris de ses vélos, alors il ne faudrait pas être trop choqué d’apprendre que les premiers initiateurs du mouvement pour l’amélioration des routes ont été les propriétaires et marchands de vélos. Mais comme on peut l’imaginer, ils ont bien vite été rattrapés, en nombre et en ferveur, par les aventuriers des premières automobiles. On parle ici du temps, au début du siècle dernier, où les rues des villes n’étaient pas toutes pavées, ou celles qui l’étaient se voyaient envahies par la multitude, et où du moment que l’on voulait s’aventurer à l’extérieur de ladite ville, le chemin de terre (à peine) battue se présentait comme seule voie. Si cette situation était pour changer, qui allait planifier, coordonner et surtout, payer pour la construction de ce nouveau réseau public à l’échelle nationale ?

C’est dans ce livre que nous allons découvrir l’histoire de ce groupe hétéroclite, qui sur une période de plus de 60 ans, va planifier, concevoir et systématiser ce qui était alors l’infrastructure principale des échanges commerciaux et déplacements privés. Lors de la mise en place des « highways », il y eut partout des choix déchirants dans les tracés : les villes qui n’étaient pas incluses allaient péricliter. Lorsque ce réseau devint désuet et surchargé, manifeste avant même le début de la Deuxième Guerre, c’est le président Roosevelt, en 1938, qui donne l’impulsion pour concevoir le système des « interstates ». Mais c’est seulement en 1956 qu’un autre président, Eisenhower, signe la législation pour financer leurs constructions.

Le vrai « blind spot » de ce réseau fut évidemment l’interface avec les villes et agglomérations existantes ; la dévastation causée par ces intrusions est un lègue universel des « interstates » et autres autoroutes. Le tiers de l’ouvrage, dans un chapitre intitulé « The Human Obstacle », est consacré à contextualiser les villes, les personnages et les luttes (parfois victorieuses, mais le plus souvent de type Pyrrhus) des citoyens pour leurs quartiers urbains. En ce sens, l’auteur nous présente ici une histoire de ce réseau supérieur vraiment méconnue et bien équilibrée afin de mieux alimenter et mûrir la réflexion sur notre situation présente et future.

Sur les traces de The Big Roads

Je ne peux malheureusement pas me souvenir de ma source pour l’ouvrage, mais j’ai retrouvé cette entrevue très informative avec l’auteur. J’ai aussi constaté qu’il avait depuis écrit un autre livre, qui reste dans les mêmes teintes, mais à une échelle plutôt, si l’on compare à l’autre, atomique: Auto Biography—A Classic Car, an Outlaw Motorhead, and 57 Years of the American Dream. On peut en apprendre plus grâce à cette entrevue.

Le livre ne comporte aucune bibliographie, mais des notes assez copieuses, et dans l’édition électronique que j’ai lu, elles sont sans véritable lien dans le texte. Mais voici donc quelques généralités que je me réserve le droit d’étoffer lors d’un prochain passage.

C’est en lisant ce livre que j’ai découvert à quel point Lewis Mumford avait été prophétique et éloquent dans ses essais, parus dans les magazines de l’époque, sur le sujet des interfaces autoroutes/villes. C’était aussi le cas de ses textes sur le phénomène automobile et les accommodations sans contraintes qui leur sont assurées en milieux urbains. Je le paraphrase en disant que le droit de l’automobile d’aller partout en ville équivaut au droit de détruire la ville. Je vais certainement tenter de retrouver et lire ses textes de cette période.

Quand on parle d’autoroutes et de leurs effets sur la ville, je me sens presque contractuellement obligé de mentionner Robert Moses et la biographie que lui a consacré Robert A. Caro : The Power Broker—Robert Moses and the Fall of New York. Il y a un chapitre, 37. One mile, particulièrement dévastateur pour comprendre la brutalité de ces incursions et toute l’urbanité irrémédiablement disparue à la suite de ces opérations. Robert Moses, durant ses 40 ans de pouvoir, est responsable pour 627 de ces miles, dans la ville et ses environs.

En dernier lieu, j’ai fait la découverte d’un livre d’E. B. White (oui, lui) dont je ne connaissais absolument pas l’existence : Farewell to Model T/From Sea to Shining Sea. Deux essais écrits dans les années 1930 pour le New Yorker et évoquant les routes des années 1920, à bord d’un Model T. Probablement une lecture pour de prochaines escapades sur les « highways ».

Tags The Big Roads, Earl Swift, Interstates, Autoroutes, Histoire

"Vacation Without Aggravation"

March 22, 2021 John Voisine
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Driving While Black—African American Travel and the Road to Civil Rights. Gretchen Sorin, W.W. Norton & Company, 2020, 332 pages.

L’univers des possibilités sinistres pour les occupants d’un véhicule que contient le titre « Driving While Black » est seulement la pointe de l’histoire racontée par ce livre magistral de Madame Gretchen Sorin. Bien entendu, l’automobile a représenté pour les Afro-Américains la même chose que pour la plupart des Américains intégrés dans la majorité « blanche » : un instrument de mobilité, de liberté et d’affranchissement en plus d’être un vecteur de transport au rayonnement continental. C’était un outil essentiel afin de profiter pleinement des largesses matérielles caractérisant les décennies d’après-Deuxième Guerre. De plus, les politiques et les pratiques contractuelles de cette période avaient résulté en la quasi-impossibilité pour les ménages afro-américains de se loger dans les nouvelles banlieues. Ironiquement, cette situation donnera à la plupart de ces ménages plus de revenus à consacrer à l’achat d’une automobile. Souvent, cet argent sera même investi dans l’achat de voitures plus puissantes et avec plus de volumes (comme les premières générations du fameux « Rocket » 88, d’Oldsmobile).

Les manufacturiers automobiles étaient heureux de prendre l’argent de ces ménages afro-américains, mais les complications sérieuses commençaient aussitôt qu’ils se mettaient derrière le volant. Dans le Sud et l’Ouest des États-Unis, l’époque triomphante des lois Jim Crow battait son plein, et dans le Nord, c’était souvent des barrières de facto à peine plus subtiles. Les stratégies développées, les réseaux créés et l’apparition de commerces et de lieux d’hospitalité qui ont émergés pour desservir cette nouvelle clientèle afro-américaine sont un peu l’histoire racontée dans ce livre. Les motifs et le comment des guides spécialisés comme The Negro Motorist Green Book et ses émules est en soit une aventure essentielle à assimiler.

Ce n’est finalement qu’après l’adoption du Civil Rights Act de 1964 que les Afro-Américains ont réussi à prendre le volant en pouvant espérer être traités « without [too much] aggravation ». Ce livre brosse un portrait de ce que fut ces « aggravations » et des moyens mis en place pour les contourner et y survivre. Mais le fait que l’expression « Driving while black » connaisse aujourd’hui une telle renaissance en dit long sur le chemin pratique et systémique qu’il nous reste à parcourir afin de rendre cette route « aggravation free ».

Sur les traces de Driving While Black

J’ai fait la connaissance de cet ouvrage lors de l’écoute d’une entrevue avec l’auteure sur le podcast qui est notre ami à tous, The War On Cars . En faisant une recherche, j’ai trouvé cette entrevue (sur WHYY). Le livre est maintenant aussi un documentaire (diffusé sur PBS l’an passé), mais ne semble pas disponible pour location au Canada en ce moment. Et finalement lorsqu’il sera possible de reprendre les voyages, le Smithsonian offre jusqu’en 2024 une exposition itinérante sur le Green Book.

L’auteure a inclus des notes copieuses dans son ouvrage, mais malheureusement pas de bibliographie autonome. Il y a par contre un index. Mais voici les éléments mentionnés dans ses notes et qui ont attiré mon attention. Pour avoir une meilleure idée des débuts de ce qui a formé l’armature idéologique et fonctionnelle du Ku Klux Klan, et même un peu la police elle-même, cet article sur les Slave Patrols est instructif. Durant la dépression aux États-Unis, le gouvernement fédéral a mis en place un système administratif (WPA) afin de fournir de l’emploi à plusieurs catégories de travailleurs, dont des écrivains. Un des projets les plus intéressants de sortir de ce programme est certainement Born in Slavery : Slave Narratives From the Federal Writers’ Project, 1936 to 1938.

Sur la période dévastatrice des lois Jim Crow (1877-1965) dans le sud des États-Unis (et autour), après la neutralisation de la Reconstruction (1865-1877), American Nightmare—The History of Jim Crow. Toujours cette réalité, mais en changeant le focus sur la mémoire des gens qui le vivait, Jim Crow Wisdom—Memory and Identity in Black America since 1940. En dernier lieu, puisque l’auteure le mentionne comme source intéressante de visuels macabres, le Jim Crow Museum of Racist Memorabilia.

Une dernière mention, que cette lecture m’a donné le goût d’explorer, est Are We There Yet?—The Golden Age of Family Vacation. Semble comme une excursion historique fascinante, surtout durant des vacances sur la route en version actualisées dans une Van Life, qui sait ?

Tags Driving While Black, Gretchen Sorin, Automobile, Civil Rights, Histoire

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