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Wellington | Fabrique urbaine

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Verdun, Québec H4G 1R3
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L'urbanisme en pratique

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Wellington | Fabrique urbaine

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Le savoir en son lieu

October 30, 2022 John Voisine
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Lieux de savoir—Les campus universitaires et collégiaux. Maurice Lagueux, Les presses de l’université de Montréal, 2021, 392 pages. Le format téléchargeable (PDF et epub) est en accès libre. [Lu en format PDF sur l’application Book d’Apple]

Il y a presque dix ans maintenant, j’avais eu la chance de travailler pour un campus universitaire au Québec. Cela demeure une de mes meilleures expériences de travail, pour le plaisir particulier de maitriser un environnement à la fois si vaste, mais restreint; un type de «ville dans la ville», avec toute sa complexité interne (pouvoir, politique, etc.) et limitation externe (l’interface avec le milieu urbain). Mais surtout pour le plaisir d’œuvrer en faveur d’une mission qui enrichit l’immédiat tout en favorisant l’émergence d’un avenir meilleur, en raison de l’enseignement et de l’expérimentation qui s’y déroule.

Se trouve aussi le plaisir de travailler pour la préservation et l’amélioration d’un cadre bâti véhiculant une mission qui va au-delà de sa fonctionnalité primaire. Bien sûr, cet environnement bâti y est plus contrôlé et dirigé par cette mission, certains dirons même limité par elle, par rapport à un milieu urbain équivalant. Mais justement, en raison des attributs de sa fonction, dédiés de façon singulière à l’enseignement supérieur, à la recherche scientifique, à l’exploration des limites et des frontières artistiques, esthétiques et plastiques, parfois même culturelles et morales, bref à repousser toujours plus loin l’ensemble de nos connaissances, les campus universitaires peuvent se révéler des pôles dynamiques et novateurs au cœur de leurs villes d’implantation.

Les campus universitaires ont pour la plupart traversé par plusieurs vagues d’ajustements et d’accommodations, autant sur le plan de l’organisation spatiale que fonctionnelles, le but étant toujours de mieux servir la compréhension contemporaine de leur mission première. C’est l’interprétation matérielle et physique des conditions optimales pour la prestation de cette mission universitaire, à différent moment de l’histoire, principalement dans le monde occidental, qui est à la base du contenu fascinant de ce livre de Monsieur Maurice Lagueux. L’auteur nous propose une tournée à travers l’histoire de ces lieux de savoir, autant sur le plan conceptuel, paysager, architectural et esthétique. Une diversité impressionnante existe dans la façon d’organiser et de conceptualiser, selon les contraintes du moment et des lieux d’implantation, la mission que se sont donnée les universités, et ce livre permet d’en faire le tour et la synthèse.

Sur les traces de Lieux de savoir

L’auteur va même jusqu’à explorer les divers sens des mots campus, université et le très ambigu collège, avec toutes ses nuances, surtout dans la sphère anglophone. Une ville peut-elle constituer un campus? On pense immédiatement à Oxford et Cambridge (Oxbridge), mais comme le démontre bien l’auteur, ce sont là des exceptions qui se rattachent à leur développement unique et si particulier, qui ne risquent pas de se reproduire. La plupart des universités se sont plutôt développées en tant que campus, parfois explicitement comme des lieux externes, en contraste à, ou même opposé à l’univers urbain. Mais la croissance étant ce qu’elle est, rares sont ces campus ayant gardé cette distance et encore plus rares sont ceux qui le veulent maintenant.

L’auteur prend aussi la peine de faire une typologie des campus et la genèse de leurs raisons d’être, que ce soit du classique organisé autour d’un green, d’un grand axe, en croix, en plan circulaire, en arborescence, en citadelle et j’en échappe. Les plus vigilants ont su garder une forme de lisibilité de leurs campus, de cette forme qui se voulait garante d’une certaine philosophie d’enseignement, de sa relation avec et entre les lieux et l’apprentissage, parfois même entre le personnel enseignant, de soutien et les étudiants. Mais il en va souvent du développement des campus comme il en va de celui des villes; il est bien difficile, et même pas toujours souhaitable, d’en contrôler toutes les composantes selon une idée d’origine.

Le cadre bâti autour du «noyau d’origine» d’un campus en dit souvent beaucoup sur les priorités et la symbolique qui se rattache à une institution. Cela peut parfois même transparaitre, comme le démontre un des chapitres, dans l’art public, interne et externe aux bâtiments sur un campus. Dans les dernières décennies, on assiste même à l’évolution de plusieurs bâtiments afin de les rendre plus flexibles, presque des hybrides en transformation constante, créant plusieurs occasions de collaborations et d’innovation pour les utilisateurs/occupants* et parfois les architectes.

En résumé, nul besoin d’avoir travaillé ou même étudier sur un de ces campus pour apprécier le contenu assez unique et exhaustif offert par cet ouvrage de Monsieur Lagueux.

*Le lecteur intéressé par ce phénomène particulier lira avec plaisir l’ouvrage de Monsieur Steward Brand, How Buildings Learn.

Tags Lieux de savoir, Maurice Lagueux, Campus universitaires, Architecture, Enseignement supérieur

Jamais trop ensemble

October 7, 2022 John Voisine
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Maximum Canada—Toward a Country of 100 Million. Doug Saunders, Vintage Canada, 2019 (2017), 243 pages [livre électronique lu sur l’application Kindle]

One Billion Americans—The Case for Thinking Big. Matthew Yglesias, Penguin Random House, 2020, 267 pages [livre électronique lu sur l’application Kindle]

Le choc de la lecture de Maximum Canada n’est pas quelque chose qui peut facilement être dissipé. On croyait vivre dans le plus beau meilleur pays au monde et l’on se rend compte que tout ce temps, on aurait pu vivre dans un pays encore plus beau et meilleur, avec des opportunités multipliées, une économie explosive, de la recherche et de l’innovation à revendre et une culture rayonnante. Mais miner par une mentalité sous l’emprise du colonialisme (qui prendra une forme distinctive au Canada anglais et au Québec) et d’un manque de vision pour attirer et garder nos nouveaux arrivants et nos propres citoyens, nous ne sommes qu’un pâle reflet de ce que nous aurions pu devenir, si seulement le Canada avait poursuivi une vision maximaliste.

Durant le gouvernement de Wilfried Laurier (PM de 1896 à 1911), ce dernier estimait que pour prendre sa lancée dans le siècle nouveau, le Canada se devait d’avoir environ 40M d’habitants pour… 1920. Le gouvernement conservateur de Robert Borden (PM de 1911 à 1920), arrivé au pouvoir suite à une compagne qui jouait sans gêne la carte du « White Canada » —Flood Canada with White Men étant pour l’essentiel le message de Rudyard Kipling suite au Oriental Riots—mettra un terme définitif aux politiques de recrutement (autres que britanniques) lancé sous Laurier et à toute discussion de réciprocité avec les États-Unis. L’économie asphyxiée et le manque d’opportunité sont la cause première de l’exode, entre 1840 et 1920, de plus de 900 000 Canadiens français vers les États-Unis, 70 % avant 1900 (la population du Québec à cette date était d’à peine 1,6 M). Si le Québec n’avait jamais perdu cette population, il y aurait maintenant 4-5 M d’habitants de plus. Durant presque la même période (1851-1901), le Canada ne fait pas beaucoup mieux, puisque même si l’on attirait environ 735 000 personnes des îles Britanniques, plus de 1,2 M ont quitté pour les États-Unis.

Dernière statistique : Entre 1851 et 1941, le Canada a accueilli 6,7 M immigrants, mais en a perdu presque 6,3 M à l’émigration, essentiellement vers les États-Unis. La population du Canada à cette date était de 12 M ; celle des ÉU de 133 M.

Sur les traces de Maximum Canada et One Billion Americans

On parle souvent du Canada comme un pays d’immigration, mais dans les faits, pour la plus claire partie de notre histoire (de la colonie jusqu’après la confédération), notre pays se trouve en déficit migratoire quasi perpétuel. Pour atteindre les niveaux qui avaient cours durant la quinzaine d’années du gouvernement Laurier, des niveaux qui auront essentiellement permis au Canada d’avoir un semblant de pays peuplé, il faudrait accueillir plus de 1,75 M immigrants par années (le niveau est d’environ 300 000 maintenant). Dans la province, le seuil discuté est entre 50 et 75 milles… par an. La vision de Laurier était pour un pays de 40M en 1920 ; un siècle plus tard, il n’est pas atteint (38 M).

Alors, pourquoi un Canada de 100 M est-il nécessaire ? Simplement dit, c’est ce qu’il faut pour une société civile épanouie dans un état moderne, pour permettre à nos citoyens de vivre pleinement, sans devoir s’exiler dès qu’un projet demande un vrai capital ou du financement, un marché, une masse critique pour créer une dynamique viable, un bassin intellectuel pour excellé sur un plan artistique ou littéraire, dans un domaine de pointe, de la recherche scientifique, technique ou académique.

Lire Maximum Canada de Doug Saunders, c’est (re) découvrir qu’on a besoin des autres encore plus qu’on pouvait l’imaginer, et ça, c’est une excellente chose. Je ne peux pas passer sous silence deux ouvrages mentionnés qui me semblent essentiels : Clearing the Plains—Disease, Politics of Starvation, and the Loss of Indigenous Life et sur un tout autre thème, Making a Global City—How One Toronto School Embraced Diversity. Ils semblent pouvoir fournir plusieurs morceaux au puzzle de l’histoire canadienne.

Si le livre de Matt Yglesias embrasse essentiellement les mêmes thèmes, il ne faudrait pas s’en surprendre, puisque l’auteur rend hommage à Saunders. Mais dans son cas, nul besoin vraiment de refaire l’histoire de son pays, puisque les États-Unis ont toujours été un pays d’immigration. Alors la question devient, en ce nouveau siècle, est-il nécessaire de continuer dans ce sens, et même d’atteindre la marque du milliard ? On ne sera pas surpris d’apprendre que la réponse est affirmative et que le plaisir pour le lecteur est dans la manière plutôt sophistiqué d’y répondre. À lire ensemble pour maximiser le plaisir !

Tags Maximum Canada, One Billion Americans, Doug Saunders, Matthew Yglesias, Population

Urb en vacances | Août 2022

August 23, 2022 John Voisine
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La ville qu’on a bâtie. Trente ans au service de l’urbanisme et de l’habitation à Montréal, 1956-1986 (Préface de Bernard Lamarre). Guy R. Legault, Liber, 2002, 264 pages.

Fighting from Home. The Second World War in Verdun, Quebec. Serge Marc Durflinger, UBC Press, 2006, 279 pages.

City Unique. Montreal Days and Nights in the 1940s and ‘50s. William Weintraub, Robin Brass Studio, 2004, 332 pages.

American Urbanist. How William H. Whyte’s Unconventional Wisdom Reshaped Public Life. Richard K. Rein, Island Press, 2022, 335 pages et The Organization Man (Foreword by Joseph Nocera). William H. Whyte, University of Pennsylvania Press, (1956) 2002, 427 pages.

Sixteen Ways to Defend A Walled City. K. J. Parker, Orbit, 2019, 377 pages [e-book lu sur l’application Kindle]

Nous en somme presque à la fin de ce mois de vacances, et que nous reste-t-il sur nos tables de lecture? Dans mon cas, encore trop de choses entamées et qui, à chaque fois que je viens pour faire un choix, se réclament tous plus ardemment les uns que les autres pour une poursuite de la lecture. Au moins pour le moment, pas de dud mouillé. Il y a même 2-3 standouts, où le sacrifice est dans l’arrêt de la lecture. Mais trêve d’introduction, voici les livres qui auront égayé mes vacances cet été.

Après notre série sur l’habitation, j’étais curieux de lire ce compte rendu d’un des pionniers de l’habitation publique montréalaise. Monsieur Guy R. Legault fut de la génération qui a eu la chance de se trouver au bon endroit au bon moment (période de la Révolution tranquille et les années 1970) et qui a su, avec force, implanter les nouveaux mandats qui leur étaient confiés; dans son cas, monter un Service de l’habitation, devenu une référence dans le domaine. Sa description du rôle fondamental joué par les programmes de rénovation des logements et des bâtiments (triplex et leurs dépendances [hangar], si vétustes) est, me semble-t-il, trop souvent passée sous silence; nous n’aurions probablement plus un patrimoine de quartiers anciens et centraux mixtes (duplex, triplex, multiplex) si dynamique sans eux. Ce sont là des enseignements toujours pertinents.

Maintenant pour deux livres qui se recoupent par la période, mais qui ne pourraient être plus différents sur le plan de l’angle de couverture. Le premier, une histoire singulière de la mobilisation militaire et civile des autorités municipales et des habitants de la Ville de Verdun durant le deuxième conflit mondial. Verdun était déjà reconnu comme la ville ayant, proportionnellement à sa population, le plus contribué, sur le plan humain, à la mobilisation durant la Grande Guerre, et cette tradition se poursuivra vingt ans plus tard lors de la Deuxième Guerre. Pourquoi? Essentiellement parce que le Verdun de cette époque était majoritairement composé d’habitant issu de l’immigration britannique. Le nouveau maire élu à l’orée de la guerre, Edward Wilson (qui remplace un francophone à la sauce Camillien Houde, Hervé Ferland), jouera un rôle si unique, en créant entre autres le Mayor’s Cigarette Fund for Verdun Soldiers Overseas, qu’il sera reconduit d’élection en élection jusqu’en 1960. En tant que Montréalais ayant des racines familiales à Verdun et qui y vit depuis presque 10 ans, cet ouvrage est un incontournable. Pour une histoire personnelle et intime du Montréal mythique des années 1940-50, difficile de faire mieux qu’avec le page-turner écrit par William Weintraub. Ce Montréal est définitivement révolu, et lorsque lu en parallèle avec l’ouvrage précédent, il n’y a pas d’autre façon de le voir, les temps changent, et certainement, dans ce cas, pour le mieux! La vie urbaine en général était plus brutale, les (rares) plaisirs plus rustiques (même les plus sophistiqués!); la cohabitation entre les différents groupes (ethnique et linguistique) se voilait d’une animosité nourrie d’ignorance. Cela dit, tout ça est décrit d’une plume vive et avec la force d’un traveling cinématographique. À parcourir avec plaisir si on en trouve un exemplaire, au hasard d’une librairie d’occasion.

L’œuvre diversifiée et en quelque sorte pionnière de William H. Whyte est toujours une source de fascination et de plaisir. Alors, je ne pouvais faire autrement que de sauter sur cette toute nouvelle biographie : American Urbanist. Pour un homme qui n’a jamais eu la moindre formation en ce sens, mais qui est pourtant devenu, au fil de son travail, une des meilleures références dans le domaine, cette biographie permet de positionner l’homme par rapport à sa contribution et de mieux apprécier la force et l’originalité qui l’ont toujours caractérisé, autant dans ses méthodes que dans la présentation de ses résultats. Aussi, je viens enfin de commencer son classique, The Organization Man. Dès le deuxième chapitre, il démontre comment, déjà depuis la fin du 19e siècle, la montée des corporations et autre gros conglomérat (a but lucratif, à gouvernance et identité propre) sonnent le glas de l’éthique protestante. Pas mal pour un futur urbaniste!

Finalement, un moment de fiction & fantaisie avec Sixteen Ways to Defend a Walled City. Quel redblooded urbaniste voudra résister à un titre pareil? Certainement pas moi, et c’est bien ainsi puisqu’à peine rendu à la moitié et j’aimerais me rendre d’un trait à la fin, tellement l’histoire agrippe. Le vibe de la capitale fortifiée et assiégée, de la stratification sociale au système impérial, a quelque chose de byzantin (Constantinople juste avant la chute), mais l’histoire et les personnages sont d’un autre monde, même si toute la physique matérielle est terrestre. Dans le même genre, plus fantaisiste, mais mieux construit sur le plan social, je recommande fortement The Goblin Emperor. Pourquoi pas les deux à la plage!

Peu importe le choix, belles vacances et bonne lecture (urbaine!).

Tags Vacances août 2022, Guy R. Legault, Fighting from Home, City Unique, American Urbanist, The Organization Man, Sixteen Ways to Defend a Walled City

Third time's a Charm

August 2, 2022 John Voisine
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Projet de politique métropolitaine d’habitation—Agir pour un Grand Montréal inclusif, attractif et résilient. Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), 2022, 60 pages.

Portrait de l’habitation dans le Grand Montréal. Cahiers Métropolitains, CMM, No 10, Mai 2022, 126 pages.

C’est en lisant ce dernier projet de politique métropolitaine d’habitation, produite par notre instance de gouvernance métropolitaine, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), que j’ai découvert qu’il y avait déjà eu le Plan d’action métropolitain sur le logement social et abordable (PAMLSA) pour la période 2015-2020, produit sous l’égide de ce qui était alors appelé la Commission du logement social (CLS), maintenant la Commission de l’habitation et de la cohésion sociale (CHCS) (sic!). La CLS avait lancé les choses en grand, six ans plus tôt, avec un premier PAMLSA pour la période 2009-2013. Durant cette période, la CLS a même produit en 2012 un Répertoire des bonnes pratiques d’environ une centaine de pages sur «le rôle des municipalités dans le développement du logement social et abordable»*. Le document est même relativement agressif et complet sur ce qui est possible selon notre cadre législatif et les programmes en vigueur à l’époque, sans toutefois couvrir franchement la possibilité pour les municipalités de, comment dire, se taxer, produire et gérer en régie interne la diversité des logements nécessaires au maintien et à l’expansion de son dynamisme et pouvoir d’attraction en tant que municipalité.

Plus près de nous maintenant, la CMM semblait avoir changé de tactique, cette fois en proposant en septembre 2020 un Guide d’élaboration d’un règlement municipal visant à améliorer l’offre de logement social, abordable ou familial auquel on adjoint même un modèle de règlement municipal, pour faire bonne mesure. C’est certainement le dernier cri en incitation à la création de logements social et abordable pour les municipalités cherchant une couverture politique et un retrait matériel sur le plan de leurs responsabilités dans le domaine. Mais pour être certaine que l’on ne se trompe pas sur ses visées, la CMM lançait, en décembre 2021, sa Déclaration métropolitaine pour l’abordabilité du logement, intitulé Un toit pour tous au sein de milieux de vie complets dans la CMM, essentiellement un appel des élu(e)s de la CMM, dans le cadre de la production du Plan d’action gouvernemental pour l’habitation et la Politique nationale de l’architecture et de l’aménagement du territoire (PNAAT) réitérant les demandes, restées sans réponse et stagnantes, des deux derniers PAMLSA.

Sur les traces du Projet

Le PAMLSA 2009-2013 a été suivi d’un bilan, ainsi que celui de 2015-2020, même si ce dernier est, incroyablement, inaccessible. Mais dans un État des besoins et du financement en logement social et abordable produit par la CMM en 2019, c’est comme si l’organe de gouvernance métropolitain admettait son impuissance. Cela ne surprend pas vraiment si l’on reconnaît que chaque PAMLSA a été concocté sous une nouvelle vague d’élu(e)s, qu’aucun de ces élu(e)s ne doit rien à la précédente équipe et constitue même une rupture idéologique et pratique assez marquée (de Monsieur Gérald Tremblay à Monsieur Denis Coderre, de Monsieur Coderre à Madame Valérie Plante), et il en va de même pour les élu(e)s sur l’ensemble du territoire de la CMM. De plus, il va sans dire qu’aucun de ces élu(e)s ne doit son poste à sa participation vigoureuse aux commissions de la CMM. Évidemment, on ne réglera pas ici le flou, probablement volontaire et entretenu, entourant la gouvernance métropolitaine, mais il explique pour beaucoup l’écart entre la qualité des documents produits et l’aura poussiéreuse qui s’attache à chacun d’eux.

C’est dans ce contexte que la CHCS propose maintenant une nouvelle approche, soit un projet de politique d’habitation, au lieu d’un plan d’action. Je ne suis pas certain du sens de ce changement; on peut simplement remarquer qu’une politique précède normalement un plan d’action, ce qui pourrait laisser entendre que la CMM va déléguer aux municipalités de son territoire le soin de préparer leurs plans d’action respectifs?

Plus spécifiquement sur le contenu, on nous sert la gamme des solutions consensuelles bien connues, délayées dans un bouillon liquide et sans saveur. Je suis sceptique par rapport à l’accent mis sur le développement autour des TOD (40 % maintenant et 60 % dans l’avenir), non parce que cela n’est pas une option avantageuse à long terme, mais parce que la réalité sur le terrain est que ces développements se révèlent plutôt être de type Car Dependent Transit, dixit Not Just Bikes. Rien pour se sortir de la dépendance automobile et augmenter l’offre de logements « pour tous au sein de milieux de vie complets dans la CMM ».

* J’ai découvert ensuite qu’il y en avait même un sur le soutien communautaire et l’aide à la personne en logement social et abordable.

Tags Communauté métropolitaine de Montréal, Politique urbaine, Politique métropolitaine, Habitation, Logements sociaux

Plus jamais

July 31, 2022 John Voisine
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Evicted—Poverty and Profit in the American City. Matthew Desmond, Broadway Books (Penguin Random House), 2016, 422 pages.

The Rent is Too Damn High—What to do About It, and Why It Matters More Than You Think. Matthew Yglesias, Simon & Schuster, 2012, 68 pages.

Evicted fait partie de cette grande famille d’ouvrages basés sur la capacité d’un auteur à se fondre et à observer, durant une certaine période et dans des circonstances données, la vie d’un groupe de gens spécifique ou hétéroclite. Dans un genre légèrement différent, mais sur les mêmes thèmes, on pourra penser à How the Other Half Lives, il y a plus d’un siècle, ou plus récemment, quelque chose comme le livre que nous avons revu la semaine dernière, Golden Gates. Pour la similarité de la démarche et des circonstances, l’auteur cite un ouvrage que je remarque de plus en plus cité dans ce que je lis, Tally’s Corner, et que j’ai bien hâte de lire moi-même. Toujours est-il, peu importe les comparaisons et les parallèles qui peuvent naturellement venir à l’esprit, Monsieur Matthew Desmond a simplement, avec Evicted, fait un travail qui demeurera longtemps unique et essentiel en lui-même.

En ayant réussi à se placer à la fois comme observateur et parfois, immanquablement, comme participant dans l’existence des gens qui sont dans le champ d’études de son travail, Monsieur Desmond se trouve à dépeindre leurs vies de la façon la plus nue et dépouillée qui soient. Ce sont là autant de vies qui, d’un côté, sont broyées par la machine des évictions et de l’autre, la vie des gens qui manipulent et mettent en marche cette machine. En incorporant, sur une période d’un peu plus d’un an, le quotidien et les relations de quelques familles de locataires et de leurs propriétaires du «North Side» de Milwaukee (principalement Noires), ainsi que de quelques ménages, du gestionnaire et du propriétaire d’un trailer park de l’autre côté de la ville (essentiellement Blancs), l’auteur fait le tour des réalités de tous ceux qui n’ont qu’un strict minimum (si même ça) pour se loger et des gens qui gagnent (très confortablement) leurs vies à fournir ces accommodations (logements, appartements, maisons, maisons mobiles).

Bien entendu, depuis les changements fondamentaux survenus avec la révolution industrielle, ce type de logement hautement profitable pour les propriétaires (de vrais slumlord) existe. Mais Evicted fait aussi la lumière sur un nouveau phénomène important.

Sur les traces d’Evicted + The Rent is Too Damn High

Et ce nouveau phénomène, son ampleur surtout, est bien entendu défini par le titre de l’ouvrage. En effet, comme le démontre l’auteur, parmi toutes les autres révélations et observation qu’il est possible de tirer d’un tel travail, non seulement l’utilisation de l’éviction comme arme de pression ou de «négociation» par les propriétaires est-elle chose courante, mais aussi l’éviction réelle, avec tout ce que cela entraîne comme chaos, est-il de plus en plus utilisée sans gêne comme outil de gestion, et ceci sur une échelle qui n’avait pas de précédent jusqu’à récemment. Les propriétaires ont clairement gagné sur leurs locataires et seul un assouplissement de l’offre sera en mesure de ramener un semblant d’équilibre.

Ce retour à une certaine forme d’équilibre est justement le propos de l’opuscule de Monsieur Matthew (Matt) Yglesias dans The Rent is Too Damn High. Son court texte de 2012 est justement basé sur le parti politique du même nom, qui connut ses heures de gloire dans l’état de New York. Matt était un blogueur bien connu avant de devenir un des fondateurs de Vox et maintenant évolue de manière indépendante avec son propre Substack, très prolifique. Avec le temps, Matt est un peu devenu un des porte-étendard du mouvement YIMBY, et ce petit volume contient d’une certaine manière un des meilleurs brefs résumés du problème (les prix insensés des loyers et du logement en général) et des solutions plausibles.

Essentiellement, il met le doigt sur la manière dont les outils légitimes de gestion des nuisances urbaines, de l’occupation (zonage, réglementation environnementale), de la qualité de l’aménagement et de la construction (implantation, lotissement, codes de construction) ont, avec le temps, été détournés (weaponize) pour servir d’instruments d’exclusion et de fermeture du marché à la faveur des seuls ménages déjà en place (incumbents) ou à très haut niveau de richesse familiale. Pourquoi ce blocage est-il aussi nuisible et contre-productif à ce moment-ci? Dans notre économie de services et du savoir, les opportunités se trouvent souvent à proximité des concentrations de richesse, des institutions d’enseignements supérieurs ou dans la mixité qui résulte d’un marché de l’habitation ouvert et flexible. Cet opuscule est un bon moyen d’ouvrir le débat*.

* Pour avoir une perspective plus proche de chez nous en la matière, je recommande aussi ces deux discussion sur la TVO. Une des entrevue est d’ailleurs avec Jenny Schuetz, dont nous avons revue le livre, The Fixer-Upper, il y a quelques semaines.

Tags Evicted, Matthew Desmond, The Rent is Too Damn High, Matthew Yglesias

Barré

July 26, 2022 John Voisine
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Golden Gates—The Housing Crisis and a Reckoning for the American Dream. Conor Dougherty, Penguin Books, 2021, 304 pages [e-book lu sur l’application Kindle]

La pénurie de logements est bien établie, non seulement dans les grandes métropoles américaines des côtes est et ouest, mais aussi dans les métropoles de l’intérieur, comme en fait foi cet article récent du NYT. Au pays, les données de la SCHL indiquent que nous vivons un resserrement dans l’offre, la variété et l’abordabilité des logements. Mais avant d’examiner notre réalité locale, pourquoi ne pas regarder du côté de la ville qui est devenue le symbole en la matière, San Francisco elle-même? Pourquoi cette ville, nirvana et phare du progressisme, se trouve-t-elle à incarner la crise?

En choisissant de suivre l’évolution de quelques acteurs clés de la scène locale, Monsieur Conor Dougherty fait bien plus que de nous offrir une perspective sur les tribulations d’un écosystème assez unique et sympathique de personnages rattachés à The City by the Bay. Avec un rare talent pour situer ses personnages à l’intérieur de la trame profonde des courants idéologiques et politiques qui contribuent à façonner leurs actions, l’auteur dresse un portrait empathique et respectueux de chacun de ses acteurs dans un moment important pour eux, mais qui capture aussi du même coup une facette significative de la crise du logement. Les personnages choisis par l’auteur s’avèrent des guides engagés, parfois même malgré eux, sur les chemins sinueux et toujours embourbés de ce système dysfonctionnel.

Je prends comme exemple la personne de Sonja Trauss, qui en faisant une remarque sympathique à un projet de logements urbain lors d’une séance de commentaires à l’équivalant de son conseil municipal, se trouve, de fil en aiguille, à créer de toute pièce et à prendre le leadership d’un des premiers mouvements YIMBY (le groupe SF BARF—le double entendre est voulu! — et de Up for Growth, entre autres véhicule de changement). On apprend aussi, à travers le personnage du premier gouverneur Brown (Pat), et ensuite de son fils, Jerry, comment la Californie peut si confortablement et paradoxalement être à l’avant-garde d’une certaine croissance matérielle et économique débridée, des avancées technologiques de pointe, etc., et simultanément, être au cœur des mouvements de protection environnementaux, anti-croissance et même de décroissance.

Sur les traces de Golden Gates

Avec une population et une économie qui dépasse celle de nombreux État-nation, il ne faut pas se surprendre si la Californie s’affirme volontiers comme le foyer de plusieurs des débats en aménagement, de NYMBYism à YIMBYism. C’est la force de l’ouvrage de Monsieur Dougherty* d’illustrer comment ces deux impulsions peuvent si naturellement co-évoluer. La Californie, durant l’intervalle de 44 ans entre les quatre mandats des gouverneurs Brown (père et fils), est passée d’un État qui incarnait la croissance moderne à celui d’un État qui recherche toujours les avantages de cette croissance, sans plus vouloir toutefois négocier les difficiles accommodements indispensables qui y sont associés, comme le fait de construire plus de logements là où les gens veulent ou doivent vivre.

Cette gimmick du out of sight, out of mind a porté fruit une nanoseconde, facilitée par des politiques publiques axées autour de la logique automobile (toujours en vigueur). Mais bien vite, les effets pervers cumulatifs (empiétement environnemental, consommation effrénée des ressources [gaspillage]) finissent par prendre le dessus sur l’illusion d’une frontière infinie. En cheminant parfois sur plusieurs décennies avec les personnages clés de son récit, l’auteur illustre comment des structures mises en place pour affirmer les idéaux de mouvements de préservation légitime peuvent, avec le temps et aidées d’un système politique qui barre la route à toute évolution, en venir à paralyser le renouveau de l’espace et du tissu urbain. Le prix à payer : exclusion des nouveaux et explosion des inégalités.

Il ne reste plus alors qu’un système de dévitalisation urbaine à l’échelle locale et métropolitaine (étalement et concentration monofonctionnel, mobilité centrée sur l’automobile et limitation des opportunités, autant économiques que sociales). En plus, le détournement par des groupes hyperlocaux d’une réglementation environnementale nécessaire encombre les mécanismes démocratiques et leur capacité à répondre plus efficacement et durablement à nos besoins futurs.

Avec une technique narrative qui met au premier plan la réalité des gens qui ont créé le système, des gens qui vivent confortablement dans le système (homevoters) et les gens qui tentent de faire évoluer le système, Golden Gates se veut un récit fascinant et essentiel pour appréhender notre crise contemporaine du logement.

* Dans le cadre du podcast Talking Headways, il y a cette entrevue avec l’auteur. Une écoute qui en vaut amplement temps. Pour découvrir le travail récent de Monsieur Dougherty, voir cette page du NYT.


Note : Ce jeudi (2022-07-28), l’avant dernier dans notre série Habitation et logement avec Evicted et The Rent is too Damn High.

Tags Golden Gates, Conor Dougherty, Modern Housing, Housing Crisis

L'essentiel oublié

July 8, 2022 John Voisine
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Missing Middle Housing—Thinking Big and Building Small to Respond to Today’s Housing Crisis. Daniel Parolek (with Arthur C. Nelson), Island Press, 2020, 299 pages.

House Divided—How The Missing Middle Can Solve Toronto’s Affordability Crisis. Edited by Alex Bozikovic […], Coach House Books, 2019, 267 pages.

Cette notion de missing middle housing est certainement un des espoirs les plus fertiles quand vient le temps d’imaginer un avenir moins toxique pour les vastes territoires de banlieue qui caractérisent nos villes. En tant que forme urbaine plurielle, fermement ancrée à une échelle compatible avec tous les types résidentiels unifamiliales, le missing middle facilite une transition à la fois naturelle et dynamique vers une zone de plus forte activité. Le missing middle occupe donc une position essentielle mais quelque peu négligée et souvent même oubliée dans nos tissus urbains. Il offre pourtant cet idéal si recherché : une intensité urbaine à échelle humaine.

Sans le besoin de déployer une posture tectonique agressive, comme un «bloc» d’appartements de 10, 20 ou même 40 étages, la forme du missing middle est depuis toujours le bâtiment par excellence pour engendrer une activation humanisée de l’environnement urbain. C’est seulement depuis l’universalisation de l’urbanisme de zonage et du tout à l’auto que cette formule gagnante, composée d’une pluralité de bâtiments d’habitations, mais aussi des locaux commerciaux, des espaces de vie-travail, pour professionnels, artistes et maintenant, franchement presque tout le monde, s’est éclipsé comme typologie régulière et innovante de nos villes. Notre incapacité a perpétué et renouveler la formule du missing middle entraîne de grandes pertes en densité humaine, donc en opportunité. Cette tendance, une fois établie, est difficile à renverser.

C’est un peu l’univers avec lequel le premier ouvrage, de Monsieur Daniel Parolek, nous donne si génialement l’occasion de nous refamiliariser. Loin de proposer de nouveaux types immobiliers, le livre permet plutôt de nous ouvrir sur ces typologies qui ont toujours été parmi nous; c’est simplement qu’avec leurs gabarits qui se fondent en douceur au contexte urbain à faible densité, ils passent souvent inaperçus. Ceci même s’ils constituent, lorsqu’ils existent encore, des formes prisées et recherchées.

En plus de permettre une urbanité intense, mais avec une «densité cachée» avantageuse, le missing middle s’intègre confortablement dans un milieu existant en phase d’évolution ou de transformation. Il est nettement le “maillon manquant”, versatile et innovant, qui manque si cruellement pour faire transitioner nos espaces urbains.

Sur les traces de Missing Middle et House Divided

On ne se le cachera pas, les opportunités de se faire tapisser par une révolution à la missing middle sont few and far between. Le deuxième ouvrage, sur le potentiel de résoudre, avec le missing middle, la crise de l’abordabilité à Toronto (et du même coup, de dynamiser le yellowbelt de la ville), nous explique pourquoi cette formule, tout en représentant une continuité dans l’échelle et le caractère urbain existant, est loin de recueillir les appuis qui seraient nécessaires pour représenter une alternative viable. Pourtant, si un milieu urbain est morphologiquement mûr pour bénéficier pleinement d’une transformation en ce sens, Toronto est bien le candidat idéal.

En réalité, Toronto est un peu dans la même position que la plupart des autres villes nord-américaines : nous savons ce qui pourrait activer et dynamiser nos environnements urbains, nous en avons même de nombreux exemples (pour ceux qui ont la chance d’avoir des cadres urbains d’avant 1940), encore riche et productif (voir le travail de Urban3), mais nos plans d’urbanisme rigides et le zonage qui en découle produisent l’opposé.

Pourquoi ne pas les changer alors? C’est un peu dans ce processus, qui serait si salutaire, que ces deux ouvrages aimeraient nous mener. Le premier ouvrage est même aussi un recueil de bonnes pratiques et de façons d’engager une conversation citoyenne convaincante en ce sens. Mais comme le démontre surtout House Divided, on fait face non seulement à une culture qui valorise avant tout la stabilité et la permanence du “caractère” d’un quartier, mais aussi qui envisage toutes nouvelles formes urbaines comme entraînant une spoliation irréparable. Même si l’évidence du contraire est souvent juste à quelques maisons de soi, même si certains nouveaux plans d’urbanisme et codes de type form-based* cherchent à introduire des formules pouvant générer cette densité heureuse caractéristique du missing middle, la résistance, autant à droite (prétextant la recherche de “stabilité” du voisinage) qu’à gauche (prétextant la “préservation” du tissu urbain) n’est pas prête à s’ouvrir à ces transformations, pourtant essentielles.

Ces deux ouvrages sont, chacun à sa manière, le meilleur moyen de se (re) familiariser avec cette riche typologique urbaine et son potentiel d’avenir à échelle humaine.

*Nous avons aussi parlé du livre de référence des codes form-based ici. À noter que l’auteur principal (Daniel Parolek) est le même, c’est pour dire la proximité souvent nécessaire afin de réussir l’introduction de la typologie missing middle.


La semaine prochaine la série Habitation et logement se poursuit avec le fameux Golden Gate, de Conor Dougherty.

Tags Missing Middle Housing, House Divided, Daniel Parolek, Housing, Urban Form

L'univers du possible

July 1, 2022 John Voisine
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The Affordable City—Strategies for Putting Housing Within Reach (and Keeping It There). Shane Phillips, Island Press, 2020, 280 pages [ebook lu sur l’application Adobe Digital Editions]

Avec ce livre, Monsieur Shane Phillips a fait, pour qui veut bien prendre la peine de lire et adapter légèrement le matériel au contexte d’intervention, le travail qui nécessiterait normalement des semaines, voire des mois de recherche et de synthèse à une petite équipe de professionnels. Et même là, je ne suis pas certain que le résultat puisse être aussi achevé du point de vue de la synthèse et de la compilation des principes et des actions. On dirait presque le produit d’une équipe pluridisciplinaire à qui l’on aurait donné comme mandat l’élaboration d’une politique nationale, provinciale et municipale d’habitation. Un mandat qui se serait résumé en une question : quels sont les principes et les politiques à même de nous sortir de cette perpétuelle incapacité du marché de répondre aux besoins contemporains en habitation, et surtout des plus vulnérables?

On peut admettre dans un premier temps que nous ne cherchons en rien à retourner vers un idéal; celui-ci n’a jamais existé et même lorsque l’offre en logements a semblé, pour un bref moment, refléter et satisfaire une certaine demande, il est bien probable que cela était au prix de sacrifices terribles de la part de cette partie vulnérable de la population. On parle ici d’insalubrité chronique, d’arrangement sacrifiant pour plusieurs une large part d’intimité ou se plaçant en position de vulnérabilité indue, ou simplement au prix d’un appauvrissement débilitant (beaucoup plus que 30 % du revenu consacré au logement). Nous avons aussi, ironiquement au nom de l’amélioration des conditions d’habitation, perdu beaucoup de typologie de logements qui permettaient une vie marginale autonome (nécessaire ou volontaire), comme des hôtels privés ou les maisons de chambres avec ou sans services. Nous avons ainsi perdu des intérieurs, parfois glauques, oui, mais qui supportait à bon prix des vies qui autrement se passent dans des conditions extérieures encore plus brutales.

À une époque pas si lointaine, nous en étions arrivés à comprendre que le marché privé ne pouvait, à lui seul, combler tous les besoins d’une population de plus en plus urbaine, diversifiée et malheureusement dispersée. Voilà pourquoi il est toujours essentiel à l’État de palier, par la construction de logements sociaux, entre autres.

Sur les traces de The Affordable City

Mais par une suite de glissements politiques et de sacrifices sur l’autel des modes d’idéologies du moment, cette résolution de construire, d’entretenir et d’accommoder à perpétuité en logements la frange des gens qui veulent ou qui nécessite de telles accommodations s’est émoussées, pour ne plus être que l’ombre d’elle-même.

C’est face à cette réalité et dans ce monde que l’auteur a décidé de faire vivre ses principes et propositions de politique. Ce n’est pas un monde où le logement social compte pour zéro, mais bien plutôt un monde (le nôtre, en Amérique du Nord) où il ne compte pas pour beaucoup. Je précise cette situation parce que je crois que cela est au cœur de ce qui fait la force de l’ouvrage, soit sa résolution d’aborder l’univers du logement tel qu’il est ici, de manière à le faire progresser, au lieu de se construire un idéal qui n’existe pas.

À l’intérieur du monde qui existe donc, Monsieur Phillips met de l’avant quatorze (14) grands principes et recommandations et y ajoute une quarantaine de politiques (d’actions) possibles sur trois (3) fronts, soit a) l’offre en logement (pour encourager la production), b) la stabilité, ou pourquoi la protection des locataires et la préservation de l’inventaire locatif est si importante et finalement, c) les subventions au logement où pourquoi l’investissement public (gouvernemental) et les programmes d’investissement public et de taxation sont si important afin de favoriser les comportements bénéfiques (construction de «missing middle», d’habitations en coopérative, intergénérationnelles, en cohabitation, logements avec services ou au cœur de quartiers à haut niveau d’opportunité) et réprimer les actions délétères (vente spéculative, «flip», terrains et propriétés vacantes, subventions à la propriété, etc.) Les opportunités non utilisées ou sous-exploitées pour avoir un marché de l’habitation qui fonctionne de façon beaucoup plus flexible et sensible, à l’intérieur même du système existant, sont presque douloureuses à contempler à la lecture de cet ouvrage.

En ce moment même, la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) est en période de consultation à propos de sa première politique d’habitation. Ce livre de Shane Phillips est probablement le document parfait pour éprouver ce projet de politique.


La semaine prochaine, on reprend le rythme hebdomadaire, toujours dans notre série Habitations et logements, avec l’ouvrage Missing Middle Housing

Tags The Affordable City, Shane Phillips, Housing policy, Supply, Stability, Subsidy

The Fix

June 30, 2022 John Voisine
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The Fixer-Upper—How to Repair America’s Broker Housing System. Jenny Schuetz, Brookings Institute Press, 2022, 210 pages [ebook lu sur l’application Kindle]

Le titre de ce premier ouvrage de Madame Jenny Schuetz est particulièrement approprié, une métaphore qui colle à la question et qui, dans sa résolution, contient plusieurs des pistes proposées par l’auteure. En effet, il n’est pas question ici de mettre l’édifice à terre ou de recommencer à zéro, aussi tentant qui cela pourrait être. Non, l’édifice existant, avec toute son histoire, ses recoins obscurs et insensés, reflet d’un style et des goûts d’une autre époque, doit être revampés pour servir une nouvelle génération. Et il faudrait en plus agrandir, le tout sans trop empiéter sur le terrain (éviter l’étalement généralisé). Bon, fin de la métaphore!

Il est difficile de dire si ce projet, tel qu’envisagé et proposé par l’auteure, est possible ou même si les bases sont en mesure de supporter tous les changements nécessaires pour retrouver «l’équilibre de marché», si même cela existe dans le domaine de l’habitation. L’auteure présente le marché de l’habitation comme étant à l’intersection de plusieurs systèmes complexe, comme ceux du financement immobilier (investissement et assurances hypothécaires), de la réglementation (codes de construction, réglementation municipale), des programmes d’aides et d’encouragement à la propriété et du domaine de la construction (contrainte sur la disponibilité de la main-d’œuvre). Les interactions entre tous ces acteurs produisent souvent des résultats très variés selon les régions du pays et les fluctuations des cycles particuliers à chacun. Mais si tous ces partenaires produisaient un inventaire résidentiel en mesure d’équilibrer le marché, à quoi pourrions-nous nous attendre? Madame Schuetz nous rend le grand service de fournir sa réponse à cette question, en quatre critères : a) l’offre de logement (le «supply side» de l’équation) doit être raisonnablement sensible à la demande, b) à l’intérieur d’une ville ou zone métropolitaine, l’offre de logement devrait se faire dans les zones à forte demande, où les gens veulent vivre, c) le marché devrait offrir une diversité de logements, qui correspond aux budgets et aux préférences des ménages et finalement, d) peu importe le revenu, les ménages doivent pouvoir s’offrir un logement stable, de qualité et à l’intérieur de communautés dynamiques et en santé. C’est ça le domaine du possible dans un marché du logement qui fonctionne bien.

Sur les traces de Fixer-Upper

Selon ses propres observations, l’auteure reconnaît que nous sommes sur une trajectoire qui semble creuser toujours plus le fossé qui nous sépare de ces critères minimaux. Et même si les dysfonctions du système sont ressenties de façon particulièrement dramatique dans les grands centres métropolitains partout en Amérique du Nord, on en voit maintenant aussi les effets en région et jusque dans les milieux ruraux. Alors, en présumant avec Madame Schuetz qu’il n’existe pas de réponse substantielle possible apportée par l’injection d’un partenaire fédéral, provincial ou municipal actif dans la construction de logements sociaux pérennes pour tous, quelles sont les avenues fertiles aboutissant à un marché de l’habitation vraiment sensible aux besoins contemporains?

L’auteure démontre malgré tout que ces avenues existent; c’est seulement qu’ils demandent la collaboration d’acteurs aux intérêts si divergeants qu’il devient difficile de voir comment ils pourraient être amenés à converger. La première recommandation de l’auteure (construire plus de logements là où les gens veulent vivre) est justement l’illustration ultime de ces contradictions. Les territoires résidentiels urbains de nos premières, deuxièmes et troisièmes couronnes sont jalousement gardés par une réglementation municipale rendant la construction de nouvelles habitations, autres qu’unifamiliales, plutôt complexes et capricieuses. De plus, ces « gouvernements de proximités » sont fermement entre les mains de citoyens-résidents-propriétaires qui neutraliseraient vigoureusement toute manœuvre allant dans le sens d’une réglementation plus inclusive, comme l’acceptation d’une plus grande typologie résidentielle (triplex, multiplex, appartements), de missing middle ou de l’abolition des exigences de stationnement*.

Les autres mesures recommandés par l’auteure, comme le fait d’arrêter de construire aux mauvaises places (étalement), donner de l’argent aux ménages en état de faible ressource, cesser de faire de la propriété l’actif principal de la richesse des ménages, construire des infrastructures pour tous (transport en commun), surmonter et déjouer (par des lois/règlements et des incitatifs monétaires) les obstacles posés par les localités trop jalouses (localism) et finalement, bâtir des coalitions politiques autour des meilleures politiques en habitation, sont tous très sensés et nécessaires, mais comment dire? Dans le contexte politique actuel, aux États-Unis, au pays et dans la province, toutes ces avenues semblent infiniment bien loin à l’horizon.

* Ceci est essentiel pour une transformation des milieux urbains vers des aménagements permettant une vie sans voiture ; même électrique, cette dernière ne sera jamais une vraie mesure de « transition ». Voir à ce sujet Ville contre automobile, que nous avons revu ici-même.

(2022-07-21) Une excellente entrevue avec l’auteure vient de paraître sur The Ezra Klein Show. Les questions vont droit au but et Madame Schuetz y répond sans détour. Presque mieux que son livre !


Demain, l’on poursuit notre série Habitation et logement avec l’ouvrage The Affordable City

Tags The Fixer-Upper, Jenny Schuetz, Housing policy, Homeownership, Municipal politics

La gentrification, comme si elle était vraie

June 22, 2022 John Voisine
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Gentriville—Comment des quartiers deviennent inabordables. Marie Sterlin et Antoine Trussart, VLB éditeur, 2022, 245 pages

Chaque page de ce livre se lit avec plaisir et facilité, chaque note en bas de page est une ressource que l’on désire immédiatement se mettre sous la main et parcourir. Juste ce dernier weekend, nous avons regardé, avec un couple d’amis, bouches grandes ouvertes et fascinées par toutes les interventions, le documentaire Main basse sur la ville, que j’ai découvert en lisant le livre. Les auteurs citent, bien à propos, le livre de Louis Gaudreau, Le promoteur, la banque et le rentier, que j’avais moi-même revue avec plaisir. Un ouvrage de Lance Freeman, There Goes the ‘Hood, est maintenant sur ma liste de lecture grâce à ce livre. J’ai fais la connaissance des travaux de Damaris Rose dans cet ouvrage et du sociologue Jacques T. Godbout. Déjà dans les années 1970, ce dernier faisait une critique des processus de consultation/participation citoyenne sur la base que ceux-ci donnaient un pouvoir disproportionné à des non-élus, qui peuvent ainsi se cacher derrière ces démarches ou s’en laver les mains. Une fois le rapport de consultation déposé, quoi de plus simple que de le faire oublier sur une tablette ?

C’est aussi un vrai plaisir de lire un livre qui vise, je crois, un large public, tout en abordant franchement un sujet aussi complexe que la gentrification. Spécifiquement, ses manifestations historiques dans les quartiers centraux de Pointe-Saint-Charles à Ahuntsic, de Notre-Dame-de-Grâce à Rosemont, en n’oubliant pas Verdun ! Pour cerner les enjeux de la gentrification dans ces milieux, les auteurs, dont l’une est conseillère d’arrondissement (district Mile-End), ont recours à un montage équilibré de sources documentaires, complémentées d’entrevues avec des gens de plusieurs horizons. Autant des spécialistes académiques que des gens qui s’affichent et se qualifient fièrement « d’agents de gentrification ». D’autres gens qui disent participer, bien malgré eux, à la gentrification de leurs quartiers ; des gens qui ont vu leurs expressions d’amour pour un quartier ou arrondissement, diffusée sur les médias sociaux (le cas #verdunluv est pris en exemple) et exploitée par des promoteurs en quête d’une nouvelle « authenticité » monnayable. Finalement, des gens qui n’ont d’autre option que d’encaisser les pires manifestations de cette gentrification.

Sur les trace de Gentriville

Peu importe les thèmes ou l’angle abordés par les auteurs, ils se donnent la peine d’entrevoir, et d’offrir au lecteur la possibilité d’envisager d’autres conclusions aux phénomènes décrits. La discussion sur les transformations des habitations de type shoebox est un bon exemple, où la parole est aussi donnée à un interlocuteur qui s’interroge sur leur caractère patrimonial. Deux autres chapitres, sur les causes économiques et la responsabilité des institutions dans la gentrification, sont particulièrement bien montés.

Mais je ne peux pas laisser sous silence le fait que je suis de ceux qui ne lisent pas les phénomènes décrits, aussi réels soient-ils et qui, sous la plume de ces auteurs, bénéficies du meilleur traitement possible, comme étant de la « gentrification ». Que quoi s’agit-il alors ? Difficile à dire, mais il faut se rappeler qu’à l’échelle urbaine, nous évoluons dans le cadre de systèmes (capitalisme—instruments financiers—lois, codes et règlements) et que pour changer nos actions sur une base collective et leurs répercussions sur une base individuelle, il faudrait avoir le courage de changer ces systèmes. Ceci demande de mettre de la pression en ce sens là où ça compte, sur nos élus, par exemple.

Évidemment, lorsque les administrations d’arrondissements parlent de revitalisation, il y a de quoi être sceptique. Les phénomènes de transformation d’un quartier (d’une ville, d’un arrondissement) sont réels et surtout naturels ; c’est lorsque rien ne bouge qu’il faut s’inquiéter. Notre travail doit se faire dans le sens de canaliser cette nouvelle richesse afin qu’elles puissent bénéficier au plus grand nombre (nouveaux habitants et résidents de longue date).

Nous l’avons vu, il faut renouer avec une offre pérenne de logements sociaux, pour tous, partout et dans tous les arrondissements. Concernant le locatif privé, rendre la densité moyenne (3-4-6 étages) possible partout, de plein droit; abolir les minimaux de stationnement (en faire des maximums); ce serait là de grandes victoires afin de rendre les quartiers abordables. Les locations à court terme pourraient être contraintes par la taxation. L’offre commerciale est plus difficile à maîtriser, mais des quartiers véritablement mixtes, sur le plan économique, auraient moins d’extrêmes de ce type.

Gentriville doit se trouver sur toutes les listes de lecture pour l’été 2022, dans l’espoir que dans une génération, les transformations urbaines (nécessaires !) puissent se faire sans « gentrification » (inutile !).


Jeudi prochain (30 juin), on poursuit notre série Habitation et logement avec le récent volume Fixer-Upper, de Jenny Schuetz.

Tags Gentriville, Marie Sterlin, Antoine Trussart, Gentrification, Revitalisation urbaine

Vivement les traditions en habitation!

June 21, 2022 John Voisine
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Montreal: A Rich Tradition in Medium Density housing. David B. Hanna et François Dufaux, CMHC/SCHL External Research Program, 2002, 187 pages

Toute personne ayant parcourue les rues des quartiers centraux de Montréal en se demandant comment sur terre autant de bâtiments résidentiels et commerciaux (sur les coins de rue, principalement), de densité moyenne (duplex, triplex et autres multiplex de trois étages et moins) ont réussit à être bâtie, à produire une si grande diversité de forme et de facture, tout en se conformant à un modèle typologique si lisible et distinctif, se doit immédiatement d’aller cliquer sur le lien du titre de l’ouvrage, de se télécharger le volume de recherche (c’est gratuit!) et de se donner du temps pour aller à la plage de Verdun et lire, les deux pieds dans le sable artificiel, cette étude si unique et nécessaire du professeur (maintenant à la retraite) David B. Hanna.

En effet, comment est-il possible qu’en l’espace d’une pognée de décennies, au tournant du dernier siècle (19e - 20e), la quasi-totalité des quartiers de Montréal et des villes limitrophes soit cadrée par cette typologie résidentielle si distinctive? C’est une histoire qui commence par des unifamiliales attachées, dans les quartiers anciens (rasé par le feu en 1852), pour ensuite passer au duplex (l’essentiel de la période couverte par l’étude), pour ensuite suivre une évolution vers le triplex (qui peuvent aussi prendre la forme de cinqplex ou sixplex) et ainsi permettre, jusqu’à aujourd’hui, cette densité urbaine à échelle humaine qui semble si idéale, même encore pour notre époque.

Même si son étude prend bien soin de pointer vers toutes les avenues qui nécessiteraient des recherches plus poussées, Monsieur Hanna nous fait le montage des éléments qui permettent de comprendre comment et pourquoi le duplex montréalais devient la forme canonique (mais pluriel!) dans le paysage urbain montréalais, entre 1866 et 1880. En suivant la trame historique et la logique économique qui s’y rattache, en suivant la logique constructive propre au contexte montréalais (confluence des traditions française et britannique), l’auteur nous ouvre un chemin qui conduira éventuellement vers le triplex. Même si les paramètres de l’étude ne couvrent pas les années (1900-1935) de gloire du triplex montréalais, nous avons ici tous les morceaux pour nous en construire une idée.

Sur les traces de Montreal: A Rich Tradition

Même si Montréal n’est pas vraiment unique dans sa construction de typologie habitable superposée de deux/trois étages et jusqu’à six logements (voir par exemple les triple decker), il ne fait aucun doute que la manière de faire le plex est assez spécifique à Montréal.

Une variété de courants historiques et économiques ont contribué à cette situation. En premier lieu, la presque symbiose entre des modes de tenure hérités du Régime français (même si le régime seigneurial est aboli en 1854) et une certaine approche de l’investissement immobilier. Ainsi, avec l’afflux d’immigrants internes (des campagnes) et externes (d’Angleterre et d’Irlande) cherchant à gagner leurs vies, le plus souvent de façon précaire, dans une ville qui connaît alors sa première vraie poussée industrielle, il était commode de pouvoir se loger à bon compte, sans devoir en plus assumer des engagements immobiliers à long terme. En même temps, plusieurs propriétaires y voyaient une façon stable et sécuritaire de se faire un supplément de revenu garanti simplement en prévoyant des espaces locatifs à leurs bâtiments. D’autant plus que pour les groupes ethniques majoritaires déjà présents, comme les Canadiens français et les Écossais, ils ne manquaient pas d’inspiration tectonique en provenance des «vieux pays» (Bretagne et d’Écosse, respectivement). Les escaliers et les accès autonomes sur l’extérieur sont sans doute une des caractéristiques qui en font une forme appréciée de leurs habitants, et ceci jusqu’à ce jour.

En terme clair, la typologie du plex a trouvé un terrain fertile en contexte montréalais puisqu’il s’est avéré une bonne affaire pour tous les gens impliqués dans la fourniture de logements. Pour les bâtisseurs, l’échelle moyenne de la construction était bien calibrée sur leurs capacités de prestation de service. Pour les petits propriétaires, ils se retrouvaient avec un investissement stable et sûr, un logis familial et un revenu adéquat. Le locataire y découvrait aussi son parti, en bénéficiant d’un domicile simple et économique, dans un environnement urbain en pleine évolution et avec un mode de tenure qui accommodait son existence parfois précaire.

Cette étude de Monsieur Hanna est la meilleure source pour absorber cette histoire fascinante, aux sources du plex montréalais.


Note : J’ai eu l’occasion de croiser à quelques reprises Monsieur Hanna lors de diverses conférences. Monsieur François Dufaux enseigne toujours à l’école d’architecture de l’Université Laval. Je suis heureux et réconforté de savoir qu’il continue de donner sans compter à ses étudiants, comme il l’avait fait avec moi (un bon dernier). Il est le meilleur des pédagogues et all round, a real mensch.

Demain (mercredi 22 juin), notre série Habitation et logement se poursuit avec Gentriville—Comment des quartiers deviennent inabordables

Tags Montreal: A Rich Tradition, David B. Hanna, François Dufaux, Histoire urbaine, Duplex

Et autant de façon d'habiter

June 20, 2022 John Voisine
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6,000 Years of Housing—Revised and Expanded Edition. Norbert Schoenauer, W.W. Norton & Company, 2000, 502 pages

C’est à la fois la grande qualité et l’éternelle malédiction des volumes qui se veulent la somme d’un domaine particulier : autant de formes traitées, pourtant tellement de choses qui doivent être écartées. En d’autres termes, il est de moins en moins possible, peu importe la sphère de connaissance, d’en faire une synthèse raisonnée. Ce 6,000 Years sur l’habitation sous toutes ses formes, à travers toutes les cultures et les époques du professeur bien connu de l’université McGill, feu Norbert Schoenauer, n’y échappe pas. Mais vingt ans après sa dernière publication, il demeure une des tentatives les plus achevées, dans le domaine de l’histoire du logement jusqu’à l’orée du 21e siècle, afin de parvenir à cette compilation globale.

Dès le début de son enseignement dans les années 1960, Schoenauer se consacre à cette histoire, qui était pourtant à l’époque un peu dans l’angle mort de la recherche historique en architecture. L’histoire de l’architecture n’avait alors pas vraiment de place pour celle de l’habitation humaine, même si elle est essentielle dans ce qu’elle exprime de primaire, de fondamentale sur nos vies individuelle, familiale et collective, à la fois urbaine, rurale, passée et contemporaine. Pourtant, si l’habitation n’était pas monumentale ou se rapportant à un type (château, domaine, palais), autant dire qu’elle n’existait pas. Serait-ce parce que bien souvent, elle est, nécessairement, une architecture sans architectes? En ce sens, Schoenauer est l’un des pionniers (avec Gérard Morisset et Ramsay Traquair) sur la route de cette (re) découverte de l’architecture dans son expression culturelle locale (vernaculaire ou d’inspiration), comme d’un domaine digne de recherches, d’études et d’enseignement. Cela implique d’accepter que bien peu des meilleurs concepts de confort domestique et d’adaptation climatique, d’habitation urbaine ou rurale, ont relevé d’une élite professionnelle; la vaste majorité est le produit, jusqu’à tout récemment, d’une pensée constructive fruit de l’innovation collective de la communauté où elle s’exprime.

Il est en vogue de parler de simplicité, d’élégance dépouillée et de composition architecturale quasi rustique. Mais avant ce discours facile, une variété de formes et d’espaces habitable riche en solutions constructives ont été déployées pour s’abriter. Cette somme est un bon point de départ pour en découvrir l’essentiel.


On poursuit notre série Habitation et logement dès demain (mardi 21 juin) avec Montreal: A Rich Tradition in Medium Density Housing

Tags 6000 Years of Housing, Norbert Schoenauer, Histoire urbaine, Modes d'habiter, Habitation et logement
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