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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Rochdale Village et l'heure des grands ensembles coopératifs urbains

December 5, 2024 John Voisine
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Rochdale Village—Robert Moses, 6,000 Families, and New York City’s Great Experiment in Integrated Housing. Peter Eisenstadt, Cornell University Press, 336 pages. Lu en format e-book sur l’application Kindle.

Je veux poursuivre l’exploration de ces vastes complexes de coopératives bâtie à l’époque par l’United Housing Foundation (UHF), un peu partout à NYC. Nous avons déjà écrit sur le fameux Co-op City grâce au livre extraordinaire d’Annemarie Sammartino. Encore une fois ici, c’est un ancien de la place, Peter Eisenstadt, qui y a passé une partie de son enfance et adolescence dans les années 1960-70, qui sera notre guide dans cette histoire. Il s’avère qu’il est aussi particulièrement bien situé pour le faire, étant devenu historien lui-même et une spécialité dans l’histoire de NY. Mais avant tout, il fut un témoin direct de l’histoire qu’il réussit dans cet ouvrage à nous livrer avec sensibilité et aplomb. Puisqu’il s’agit d’une histoire tourmentée, autant à cause de l’époque que des forces vives qui devaient être jugulées pour que le projet s’accomplisse, par moment et selon son concept initial : une communauté coopérative intégrée.

Les gens de l’UHF, avec à sa tête Abraham Kazan, étaient imbus de cette éthique à la fois progressiste et anarchiste. Pour eux, l’idée de bâtir une société libérée des contraintes inégalitaires du système capitaliste était le meilleur chemin pour mettre la race humaine sur la route d’un vrai progrès. Cela passait nécessairement par cette capacité de créer des environnements urbains animés par la vision et la matérialité d’une existence partagée dans un esprit coopératif. Et c’est ainsi qu’au cours des années 1930, et ensuite au cours des années 1950 et 1960, avec la création du mégacomplexe que fut alors Rochdale Village, qui ouvrit ses portes en 1964, que cette quasi-utopie de l’existence coopérative intégrée allait se concrétiser. Le projet fut un succès au-delà de toutes les espérances; avant, bien sûr, de ne plus l’être. Mais, comme cet ouvrage de Peter Eisenstadt le documente si bien, les milliers de ménages pionniers de cette aventure avaient absolument raison de mettre leurs confiances dans le mouvement coopératif pour le logement et les services. Cela se démontre par le simple fait qu’autant Rochdale Village et Co-op City demeure à NYC deux des rares endroits où il soit possible de se loger convenablement, dans un riche environnement communautaire et autogéré, à un prix abordable pour un ménage de type « middle-income ». Que la vision ne soit pas exactement celle envisagée par Kazan et son groupe dans les années 1930 ne peut pas vraiment être tenu comme une négation de leurs idéaux.

Sur les traces de Rochdale Village

Au-delà des épreuves bien particulières à NYC et au site dans le quartier de Jamaica, Queens (un ancien terrain de course de cheveux qui fait terriblement penser aux possibilités de l’ancien terrain Blue Bonnets, ici même à Montréal), sur lequel se trouve implanté Rochdale Village, on se rend compte qu’un des aspects les moins explorés, dans nos cercles urbanistiques et dans la population en général, est certainement le très haut niveau de vie communautaire qui se développe dans ces ensembles. Loin d’être des tours anonymes, dépourvus de cohésion et d’appartenance communautaire, tel que le comprenait une Jane Jacobs, par exemple, autant Rochdale Village que Co-op City (ainsi que la vaste majorité des ensembles coopératifs bâtie par UHF et qui sont demeurés des coopératives) incarnent l’existence la plus solidaire et participative réalisable en ville. Le chapitre de l’ouvrage sur cette question, Creating Community, vaut à lui seul le détour afin de se désabuser, une fois pour toutes, de ces préjugés réducteurs qui courent depuis trop longtemps. Cela constitue en soi un petit miracle que cette communauté, qui suit son cours depuis presque soixante ans, offre encore à un coût abordable une proposition de qualité inégalée. De plus, cet investissement rend possible la pérennisation du rêve coopératif pour les générations futures.

Le mouvement coopératif, tout comme le mouvement syndical, auquel il était intimement lié, comme c’était le cas pour l’UHF, n’est plus que l’ombre de lui-même. Il est difficile de concevoir, maintenant, comment et sur quelle base le terreau fertile de la solidarité syndicale avec le mouvement coopératif immobilier résidentiel pourrait refaire surface. Il doit certainement être possible d’envisager des combinaisons productives et solidaires capables de proposer des visions coopératives en habitation.

Surtout, il me semble que nous sommes à nouveau au point où il serait opportun de construire sur la même échelle que Rochdale Village, c’est-à-dire pas des dizaines, pas des centaines, mais des milliers d’unités résidentielles coopératives pour des ménages familiaux mixtes, avec services, sur un même site. En fait, c’est seulement en ayant ces milliers de gens de tout horizon que cela devient possible. Il existe tellement de potentiel, ici même à Montréal, de terrains et de territoire à proximité d’infrastructures de transport collectif largement sous-utilisé et mûr pour un apport en population. Une collaboration étroite entre le niveau municipal, provincial et fédéral sera nécessaire. Enfin, nous devons laisser de côté nos appréhensions envers les grands ensembles et introduire les entreprises autogérées à capital limité dans le mixte des solutions en logements.

Tags Rochdale Village, Peter Eisenstadt, New York City, Coop Housing, United Housing Foundation (UHF), Abraham Kazan, Robert Moses, Série Housing in NYC

NYC Co-op Utopia

December 21, 2022 John Voisine
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Working-Class Utopias—A History of Cooperative Housing in New York City. Robert M. Fogelson, Princeton University Press, 2022, 384 pages.

Cette chronique fait partie de notre série Housing in NYC [2/5]

On a souvent l’impression que dans le domaine du logement, la forme coopérative est celle d’avenir… et là pour le rester longtemps*. En d’autres termes, même si les coopératives semblent la façon la plus juste, équitable et l’idéale pour loger une grande diversité de ménages, le mouvement coopératif en habitation n’arrive pas tout à fait à prendre son envol et à se normaliser. Elles se font rares dans nos quartiers centraux et quasi inexistantes ailleurs. Même à l’intérieur de la catégorie des logements «sociaux et communautaires», ils représentent un peu moins du quart des logements. Compte tenu du manque criant en logement et surtout en logement collectif urbain, on peut s’étonner que les exemples de logements coopératifs soient toujours aussi rares et exceptionnels.

Si le rêve est vraiment un jour de voir s’éteindre le motif du profit comme moteur de développement dans le secteur du logement, pourquoi ne pas regrouper, au sein de coopératives, les initiatives pour la production de logements destinés aux nombreux paliers au sein de la classe moyenne? Avec comme premier catalyseur certains mouvements collectifs, tels les syndicats ou des regroupements d’intérêts et en appui, les groupes de ressources techniques (GRT) et de meilleures garanties financières et réglementaires gouvernementales, cela devrait depuis longtemps être habituel et normal, non?

En fait, ce n’est pas pour rien que le mot utopias est contenu dans le titre de ce tout nouvel ouvrage de Monsieur Robert M. Fogelson, historien et professeur émérite en étude urbaine au MIT. Ainsi, même si ce récit des triomphes et des malheurs des pionniers du mouvement coopératif en habitation à NYC se déroule à une époque et dans un contexte maintenant relégué à la mémoire de très rares personnes encore en vie, le lecteur avisé y trouvera plusieurs réponses à savoir pourquoi nous ne vivons toujours pas dans cette utopie d’abondance en habitation coopérative pour les classes moyennes et «laborieuses». Il a pourtant existé un moment, un bref moment durant les décennies 1950-60-70, où l’alternative coopératif semblait viable. Cet ouvrage est plutôt le récit des forces, internes et externes, qui ont fini par faire dérailler cette ambition.

Sur les traces de Working-Class Utopias

Working-Class Utopias retrace l’histoire et va plus loin dans les archives et les témoignages des personnages clés du mouvement coopératif en habitation de l’avant Deuxième Guerre, mais surtout, durant les décennies de l’après-guerre et jusqu’à l’implosion du mouvement, à la fin des années 1970. Après avoir brièvement relaté les origines des grandes réussites d’avant 1945, comme les Amalgamated Houses et Dwellings, l’auteur nous guide à l’intérieur des espoirs sincères et des ambitions démesurées de ceux (ce sont tous des hommes) qui ont réussi à construire ces ensembles coopératifs. Au centre de la mobilisation, une coalition unique, la United Housing Foundation (UHF), avec a sa tête Abraham E. Kazan, celui-là même qui avait mener à bien les Amalgamated et qui était impatient de poursuivre sur cette lancée. L’alignement entre l’UHF et les politiques fédérales (Title I, Housing Act of 1949), de l’état (Mitchell-Lama) et de la ville (allégements de taxes) seront le moteur de la production d’autant de logements coopératifs dans NYC après 1950. Les exemples de cette période sont tous héroïques (Rochdale Village, Penn South, etc.). Mais très vite, autant sur le plan architectural (monotonie), de l’implantation urbaine (mégas ilots) et sociale (ségrégation), les réalités de ces nouvelles formes massives finiront par briser le consensus social et politique ainsi que les coalitions d’intérêts locaux qui permettaient leurs réalisations.

En fait, pour réussir à implanter ces ensembles, l’UHF devait s’associer à l’une des figures emblématiques des politiques de dégagement urbain, Robert Moses; l’éclipse de son pouvoir, au milieu des années 1960, signale aussi celui d’une partie des projets qui en dépendent, comme ceux de l’UHF. Mais comme ce livre en fait le cœur de sa démonstration, ce qui brisera définitivement l’élan coopératif, du moins dans sa capacité à fournir du logement à l’échelle d’une «ville dans la ville», est Co-op City, dans le Bronx. Ce qui devait être le projet phare de l’UHF est finalement ce qui viendra ruiner, matériellement et moralement, l’entreprise coopérative. Pour l’essentiel, le livre nous donne à vivre les hauts et les bas de cette histoire, politique et économique, humaine et tragique, comme si l’on y était.


* Paraphrase de la fameuse formule “Le Brésil est un pays d’avenir, et qui le restera longtemps”, attribué à l’homme politique français du début du 20e siècle, George Clemenceau.

Tags Working-Class Utopias, Robert M. Fogelson, NYC, Coopératives, Coop Housing, United Housing Foundation (UHF), Abraham Kazan, Série Housing in NYC

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