• APPROCHE ET PRATIQUE
  • [ URBS + ]
  • [ VERDUN ]
  • [ OSU ]
  • CONTACT
Menu

Wellington | Fabrique urbaine

3516, rue Gertrude
Verdun, Québec H4G 1R3
514-761-1810
L'urbanisme en pratique

Your Custom Text Here

Wellington | Fabrique urbaine

  • APPROCHE ET PRATIQUE
  • [ URBS + ]
  • [ VERDUN ]
  • [ OSU ]
  • CONTACT

[ URBS + ]

URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

La machine

March 21, 2024 John Voisine
IMG_2128.jpeg IMG_2130.jpeg IMG_2131.jpeg IMG_2129.jpeg

Urban Fortunes—The Political Economy of Place—With a New Preface—20th Anniversary Edition. John R. Logan & Harvey L. Molotch, University of California Press, 2007, 383 pages.

Cette chronique est un bonus dans notre série sur la ville de Los Angeles.

On imagine aisément que dans chaque ville, village, zone rurale, province ou pays, existent des groupes d’intérêts pour qui l’essor économique et un développement sans contraintes sont des impératifs de premier plan. Les chambres de commerce, sociétés de développement et autres clubs de croissance font leur travail en essayant de mousser les atouts locaux et régionaux auprès des entrepreneurs, producteurs et investisseurs potentiels sensibles à cette offre avantageuse. Dans le même sillage, le pouvoir politique de tous les paliers de gouvernement voit de façon positive le contrôle d’une région qui est reconnue en tant qu’engin de croissance et de prospérité pour ses commettants. Il peut donc parfois se développer une symbiose, qui peut vite devenir malsaine, entre l’élite politique et les groupes que les auteurs de l’ouvrage, par exemple, appellent la « machine de croissance » (The Growth Machine), dans toutes ses incarnations. Ainsi, la machine peut par défaut s’imposer comme seul interlocuteur écouté et entendu dans une conversation sur les options de développement et d’aménagement d’un territoire. La force de cette machine, ainsi que le démontrent les auteurs, est dans son habileté à monopoliser le message afin de le guider dans le sens de ses intérêts. Elle réussira même le plus souvent à les faire passer comme universel. Avec ce type de discours, une autre des forces rhétoriques de la growth machine est sa capacité à convaincre que la croissance est nécessairement synonyme de progrès économique et social pour les personnes défavorisées. Ou comme le veut l’aphorisme bien connu de la croissance, a rising tide lifts all boats.

L’axe argumentatif de la growth machine est d’autant plus puissant qu’il s’efface derrière une thèse englobante et « naturelle » qui le présente comme un bien en lui-même, sans autre besoin de justification. L’acceptation de ses vertus est si répandue qu’en essayant de pointer certaines failles dans son discours, on se trouve vite à plutôt devoir motiver les raisons de cette contestation. Ainsi, au lieu de susciter un questionnement opportun sur les mécanismes de mise en place et les bénéfices de la croissance, on est contraint d’expliquer le fait d’interroger l’idée même que le modèle de croissance proposé soit un apport positif net à la communauté d’accueil. Est-il vraiment si déraisonnable de demander qui a quoi? comment? à quel prix?, et surtout, en fin de compte, qui paye? En d’autres termes, de s’interroger sur la répartition légitime de la nouvelle richesse créée?

Sur les trace de Urban Fortunes

La réédition du livre était pour fêter ses 20 ans de parution, en 2007; nous sommes donc maintenant en 2024, à presque 40 ans de la date de publication d’origine et pourtant, il m’appert que le propos n’a rien perdu de son actualité et de sa pertinence. En fait, je suis même un peu contrarié que des concepts de base, comme la valeur de transaction (exchange value) et la valeur d’usage (use value), sur lesquelles repose l’essentiel de l’argumentaire des auteurs, ne fassent pas plus partie de nos enseignements en urbanisme. Il est clair que plusieurs des préceptes fournis par l’ouvrage trouvent leurs places quand vient le temps de décrypter un environnement urbain. Malheureusement, faute de gens (économistes, urbanistes, et ironiquement, aussi des entrepreneurs!) qui pourraient percer l’ubiquité du discours consensuel de la « growth machine », il existe toujours un aveuglement sur les opportunités laissées en friche par rapport à la richesse et qui tiendrait compte de la participation des gens en place. Une des rares figures contemporaines en urbanisme qui argumente en ce sens est curieusement un conservateur de tempérament, Chuck Marohn de Strong Towns.

En plus d’être, à moyen et long terme, un net négatif (les subventions, contributions et autres allègements fiscaux et de taxes finissent rarement par avoir un résultat positif), cette redistribution se concentre dans la poche de ceux qui possède déjà, pas ceux pour qui cette contribution viendrait changer la donnent. Il est difficile d’argumenter que cette stratégie, ces concessions sans véritable risque partagé rendu aux intérêts de la growth machine, entrainent des investissements frais dans l’économie locale.

Je pense que nos sociétés sont mûres pour une meilleure connaissance des manières de générer une expansion économique locale. Ce n’est pourtant nul autre que Jane Jacobs, dans The Economy of Cities [1], qui avait apporté la réponse la plus crédible. Cet ouvrage est trop peu lu et connu, selon moi. Mais le but des auteurs n’est pas de donner des instructions sur la construction d’une économie locale, mais plutôt de démontrer que les intérêts de la growth machine se concentrent en silo sur des valeurs purement transactionnelles, au détriment d’autres, comme l’usage. Un environnement urbain solide et pérenne est composé d’un complément équilibré des deux.

Rien de mieux que de s’ouvrir les yeux sur une situation qu’on avait un peu perdue de vue. Une lecture nécessaire qui choc juste là où il le faut, pour redémarrer le système.



[1] Jane Jacobs était d’ailleurs particulièrement fier de son travail sur cette question, comme elle en témoigne dans cette entrevue.

Tags Urban Fortunes, John R. Logan, Harvey L. Molotch, Sociologie urbaine, Politique urbaine, Série LA

Tous à l'eau!

November 7, 2023 John Voisine
IMG_1639.jpeg IMG_1640.jpeg IMG_1641.jpeg IMG_1643.jpeg IMG_1645.jpeg

Contested Waters—A Social History of Swimming Pools. Jeff Wiltse, The University North Carolina Press, 2009, 288 pages. [e-book lu sur plateforme Kindle]

Pour les vrais mordus des piscines municipales, il n’y a jamais de moments hors saison pour s’en parler, lire sur le sujet ou se gâter en regardant des photos ou des plans des plus belles piscines municipales intérieures ou extérieures. Je suis un de ces mordus et c’est pourquoi nous avons le plaisir, en ce début de novembre, de parler du livre de Jeff Wiltse, Contested Waters. On aura cependant vite déduit qu’avec un titre pareil, il ne sera pas juste question des progrès extraordinaires en termes d’architecture, de mécanique ou d’hygiène qui auront permis aux municipalités de toutes tailles, de la fin du 19e siècle jusqu’à maintenant, de ce doter de ces hauts lieux de communion civique. Ce sont même des sites qui furent, durant la période de l’entre-deux guerre et pendant une saison par année, des endroits privilégiés et convoités de villégiature, presque en eux-mêmes des complexes balnéaires urbains.

Avant d’en arriver à ces moments de gloire civique, il faut toutefois savoir que le prix de ces aménagements municipaux spectaculaires ne se fera pas qu’une affaire de coûts. L’ouvrage porte bien sûr sur la situation chez nos voisins du sud, où rien ne peut se faire sans que la question « raciale » finisse par trouver une emprise, que ce soit dans le texte ou le sous-texte. Ainsi, nous vivons confortablement sans interroger nos actions sous une grille d’analyse similaire, mais sommes-nous justifiés dans ce comportement? L’observateur un tant soit peu curieux ne pourra s’empêcher de penser, quel devait être la situation ici, par exemple lors de l’ouverture du fameux Natatorium de Verdun, en 1940? En ce sens, le fait que l’infrastructure soit située loin dans la partie ouest de Verdun, là où la population était presque exclusivement d’extraction britannique, devait conférer une texture bien spéciale à la fréquentation des lieux. Trop souvent, il me semble manquer un questionnement franc sur nos réalités sociales de nos environnements urbains dans la province.

Qu’en était-il avec la construction, autour du nouveau siècle (1900), des bains publics dans les quartiers ouvriers de Montréal? Pour avoir un goût de ce que pouvaient représenter ces lieux à l’échelle d’un quartier, le Bain Émard est exemplaire. On constate que Montréal a contourné les questions épineuses en localisant ces lieux de manière à assurer une homogénéité de classe et des caractéristiques sociologiques de la clientèle. Pour la classe moyenne, il y avait les Y ou les clubs privés.

Sur les traces de Contested Waters

L’âge d’or des piscines publiques dans les états du Nord-est et du Sud américain est la période de l’entre-deux-guerre, avec une impulsion frénétique durant la période de la Second New Deal. Mais la tâche de l’auteur, brillamment exécuté dans ce livre, est de nous complexifier cette histoire. Si ces piscines communautaires se voulaient le point de convergence et de tous les mélanges à l’échelle d’une ville ou d’un quartier, qu’en était-il des questions de coexistence entre les sexes, les classes sociales ou entre les groupes ethniques, spécifiquement avec ceux identifiés ou qui s’identifie comme noirs? C’est principalement sur la longue et pénible histoire de cette « négociation » que l’auteur consacre son livre, et c’est une pièce essentielle dans le corpus de notre compréhension sociologique des politiques urbaines.

En sortant de l’ère progressiste de la gouvernance, un vent d’égalitarisme a soufflé sur la manière de faire de la politique municipale. Il devenait soudain possible de proposer des activités de loisir sans nécessairement les soutenir dans un encadrement rigide et moralisant. Les piscines municipales du 19e siècle et jusque dans les années 1910 avaient pour fonction le washing [of] the great unwashed. Mais une fois libérées de cet impératif (l’acceptation grandissante de la théorie des germes rendait cette conclusion inévitable), les administrations municipales ont laissé du lest au courant ludique. On allait insister pour que le simple plaisir d’être dans et autour de l’eau guide la conception et l’aménagement des piscines publiques. Rien ne pouvait plus être trop beau ou trop grand; l’affluence populaire se manifesta à travers toutes les couches sociales. Ce lieu de mélange civique réussit même à briser la barrière de la mixité des sexes, laissant libre cours à l’ambiance survoltée de ces rencontres sans filtre. Une icône de l’époque, Annette Kellerman, incarna pour plusieurs cette nouvelle façon d’être et de paraitre en public.

Où avant, il était possible de circonscrire l’utilité, la fréquence ou l’opportunité des contacts entre les sexes, ces contrôles se sont vite écroulés dans les énormes piscines destinées à divertir, amuser et libérer des soucis quotidiens ces masses urbaines de tous les horizons. Tous les horizons? Une frontière qui ne pourra être franchie était celle de la couleur de la peau. Ce livre est l’histoire de la manifestation urbaine et sociale de cette haine raciste, dans toute sa complexité et des moyens déployés pour la maintenir, l’actualiser et même la nourrir, selon les lieux et l’époque.

Tags Contested Waters, Jeff Wiltse, Piscines municipales, Sociologie urbaine, Histoire

La vague

October 31, 2023 John Voisine
IMG_1611.jpeg IMG_1612.jpeg IMG_1613.jpeg IMG_1614.jpeg

Heat Wave—A Social Autopsy of Disaster in Chicago (Second Edition). Eric Klinenberg, University of Chicago Press, 2015, 320 pages [e-book lu sur plateforme Kindle]

Pourquoi les vagues de chaleur sont-elles anonyme ? Pourtant, on nomme bien les ouragans. Les plus marquants (destructeurs) restent dans l’histoire communautaire de ceux qui les ont vécus et dans la mémoire collective de nos sociétés. Il faut dire, les ouragans ont la fâcheuse tendance à laisser des traces physiques importantes. Pour les régions qui les subissent, elles entrainent des coûts matériels qui se chiffre facilement dans les milliards, sans mentionner les coûts en termes de rupture de l’activité économique, et encore plus terrible, en perte de vies humaines. Du commerçant aux manufacturiers aux entreprises de logistique aux fonctions tertiaires aux gens les plus invisibles dans nos sociétés, personne n’en sort indemne. De manière perverse, avant la vague de feux qui vient de caractériser l’été 2023 ici au Canada et en général en Amérique, la puissance et la fréquence inhabituelle des ouragans étaient un des signes les plus tangibles, pour qui en aurait toujours besoin, des dérèglements climatiques engendrés par les changements climatiques. Nos générations présentes et futures ne pourront y échapper.

On avait l’habitude de parler de réchauffement climatique, jusqu’à ce que le consensus se tourne vers l’expression plus juste de changements climatiques. Mais il reste encore en nous cette impression que la « chaleur » demeure la condition dominante de la nouvelle climatologie issue de l’émission massive des gaz à effet de serre depuis l’ère industrielle. Le côté « statique » de cette nouvelle normalité (la chaleur n’entraine pas de destruction matérielle) peut facilement confiner à l’indifférence. Mais comme le démontre Heat Wave du sociologue Eric Klinenberg, cette indolence vis-à-vis la menace silencieuse, implacable et presque invisible que représente la chaleur n’explique pas entièrement la lenteur de la réponse des autorités.

En 1995, entre le mercredi 12 et le lundi 17 juillet, Chicago connaitra la plus importante vague de chaleur de son histoire, caractérisé par un dôme de chaleur humide sur la ville et sa région. Les autorités municipales et l’administration du maire Richard M. Daley (fils du légendaire Richard J. Daley) avait prévu cette possibilité, et un plan d’urgence, que les experts de l’époque qualifiaient d’exemplaire, avait été préparé. Mais durant cette crise, il ne fut jamais activé. Plus de 700 personnes y ont laissé leurs vie. L’autopsie sociale et urbaine que l’auteur nous offre permet de caractériser cette population, mais surtout son environnement urbain, qui explique essentiellement les lendemains terribles de cette vague de chaleur.

Sur les traces (et dans la vague…) de Heat Wave

Il est notable qu’à peine deux (2) semaines après la première vague, Chicago fût à nouveau enveloppé et cette fois, le plan d’urgence municipal fut enclenché; les décès furent de l’ordre d’une centaine. Trop, encore, mais pas la même échelle. En effet, durant cette première vague de chaleur, l’administration Daley pratiquait le « deny, deflect and defend ». Une certaine partie des médias, et surtout le message des autorités publiques municipales, n’y voyait que l’ordinaire estival. Dans la réalité, le piège silencieux et mortel de la chaleur se refermait d’heure en heure. Et pour des raisons bien expliquées dans l’ouvrage, confinait encore plus mortellement certains quartiers, comme North Lawndale, que d’autres, même adjacents, comme South Lawndale.

À d’autres époques, les gens allaient dormir dans les parcs, sur les toits ou sur les rives du lac Michigan, mais ces options urbaines et naturelles pour affronter les extrêmes de chaleurs étaient impensables en 1995 à cause de la criminalité et de l’insécurité qui engendrait une isolation généralisée. Pour ces raisons, et d’autres d’ordre structurel, économique et démographie, les plus vulnérables sortent rarement, seulement par nécessité et jamais hors de leurs quartiers. Cela coïncidait avec la période où les administrations publiques cherchaient à se modeler sur la gestion d’affaires et la recherche de l’efficacité à tout prix, mais surtout au prix de la mission première de l’État : le service aux personnes les plus fragilisées. Face à ce nouveau paradigme, le citoyen était maintenant un « client » qui devait faire des choix et aller au-devant de ses besoins où encore mieux, les combler auprès d’organismes « faith-based » ou « non-profit » privés. Pour se sortir une fois pour toutes de cette spirale de l’indifférence, l’auteur dégage de ses observations quatre (4) grands diagnostics (urbain) qui me semblent toujours d’actualité. Ainsi, pour assurer une protection des personnes vulnérables (âgés, isolés) et exclues, il faut (1) construire des alternatives aux organisations paramilitaires de services, (2) aller au-devant des besoins de cette population et (3) réduire la friction pour l’accès public (aux services). En dernier (4), faire une reddition de compte transparente des résultats de ces démarches. Tout ceci se résume en disant qu’il nous faut solidifier et professionnaliser « l’infrastructure sociale » de nos espaces urbains.

La jonction de ces tendances lourdes des années 1990 et surtout la manière catastrophique qu’elles sont arrivées à maturité durant l’été 1995 à Chicago est présentée avec finesse et sympathie dans ce premier ouvrage de Monsieur Klinerberg.

Tags Heat Wave, Eric Klinenberg, Chaleur, Sociologie urbaine, Demographie

514-761-1810

© 2017-2025 | Wellington | Fabrique urbaine | Urban Workshop inc.