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Wellington | Fabrique urbaine

3516, rue Gertrude
Verdun, Québec H4G 1R3
514-761-1810
L'urbanisme en pratique

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Wellington | Fabrique urbaine

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

À trente minutes de tout

May 16, 2023 John Voisine
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The 30-Minute City—Designing for Access. David M. Levinson, Network Design Lab, 2020, 114 pages. [Lu en format PDF]

Cette chronique est un bonus dans notre série Trans&Transit

On peut faire et parcourir beaucoup de distance en trente minutes. C’est un peu le propos de Monsieur David M. Levinson dans cet ouvrage, qui élargit dans la sphère opérationnelle les arguments avancés par Jonathan Levine sur l’accessibilité. Très différent toutefois de ce dernier, qui était un plaidoyer en faveur de cette notion par rapport à celle de mobilité comme la mesure de la capacité à se rendre à des destinations en tout genre, The 30-Minute City est plutôt un guide pratique dans l’amélioration «opérationnelle» des modes de déplacement. L’auteur met ainsi en évidence les gains importants en accessibilité que ceux-ci peuvent générer.

Puisqu’au-delà des débats creux autour de la pertinence d’aménager des villes de 15 minutes, il y a la réalité de nos vies qui se déroule dans des environnements où même le mieux situé des ménages, sur une rue résidentielle au cœur des quartiers centraux revitalisés ou contemporains, aura rarement l’opportunité d’accéder à quelques services pertinents que ce soit sans une dépense de temps inférieur à 20-25 minutes. Et l’on ne parle même pas ici des usages qui requièrent souvent, par leurs natures et l’échelle de leurs rayonnements, un investissement beaucoup plus important en temps ou en équipements lourds de transport, comme se rendre au travail ou l’éducation supérieure. La réalité, soulignée par l’auteur, est que d’œuvrer pour augmenter l’accessibilité dans l’espace urbain est assimilable à un travail de fond sur le plan économique et social. De cette façon, le plus grand nombre et une grande diversité de la population profitent d’une satisfaction personnelle et d’opportunités accrue de création d’une richesse collective.

Une incapacité d’atteindre une destination en 15 minutes n’est pourtant en rien un échec. C’est plutôt un constat sur la dégradation des environnements urbain, dévitaliser par manque de densité et aux prises avec la déstructuration engendrées par une accessibilité centrée sur l’automobile entre la résidence et la destination désirée. Entre ces deux points, à l’heure de pointe du matin, un automobiliste prendra 24 minutes et un utilisateur des transports en commun, environ 33 minutes. Comme on le voit, il n’en faudrait pas beaucoup pour réduire l’écart.

Sur les traces de The 30-Minute City

Au lieu de se laisser paralyser par la nécessité de reconstruire notre urbanité de fond en comble, comme les villes à 15 minutes pourraient nous le laisser envisager, ou de se dire que seuls les ménages déjà inscrits dans une trame urbaine dense et diversifiée seront en mesure de bénéficier des fruits de cette proximité, pourquoi ne pas envisager la situation autrement? Comme en améliorant la manière et les priorités dans l’offre de transport en commun et actif? C’est un peu la proposition que fait Monsieur Levinson dans cet ouvrage, allant même jusqu’à suggérer la mise en place d’une nouvelle catégorie professionnelle, celle «d’opérateur urbain». À l’inverse du «planificateur urbain» ou du généraliste qu’est l’urbaniste, l’opérateur urbain (urban operator) concentrerait sa pratique sur l’amélioration continue des services, des équipements ou des aménagements dans le but d’en extraire une plus grande efficacité et une meilleure connectivité des différents modes de transport en commun et actif. Plus généralement encore, son mandat s’étend au territoire métropolitain afin de faire fonctionner le système en un ensemble orienté vers la facilitation de l’accessibilité aux destinations stratégiques à toutes les échelles de la métropole. Concrètement, cela pourrait vouloir dire d’assurer qu’une plateforme d’embarquement soit accessible d’un bout à l’autre, que les feux de signalisation le long d’un corridor soient synchronisés en fonction des piétons, des cyclistes et du transport en commun, que les circuits d’autobus, de tramway et de trains soient intimement coordonnés sur un horaire cadencé fréquent à l’échelle locale et métropolitaine, comme l’a fait la Suisse à l’échelle locale, régionale et nationale.

L’auteur donne plusieurs autres exemples d’amélioration dans le rodage, en se concentrant sur la façon d’opérer les services collectifs. On bonifie l’efficacité de ceux-ci de l’ordre de quelques minutes, on facilite les transferts et l’on augmente la fréquence; c’est ainsi que toute l’accessibilité du territoire métropolitain, régional et local desservie par le transport collectif et actif peut commencer à jouer son rôle structurant. La ville de 30 minutes offre des choix modaux et une liberté inégalée à ses citoyens parce qu’elle priorise stratégiquement, partout sur son territoire, l’accessibilité en modes collectif et actif.

Tags The 30-Minute City, David M. Levinson, Urban Transit, Accessibility, Urban Operations

Comment survivre au tunnel sous le fleuve à Quebec City

April 25, 2023 John Voisine
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Comment survivre aux controverses sur le transport à Québec? Jean Dubé, Jean Mercier et Emiliano Scanu, Septentrion, 2021, 220 pages. [Lu sur l’application Books d’Apple]

Cette chronique fait partie de notre série Trans&Transit [8/9]

Il est vrai que le débat (les controverses) sur le transport (en commun, actif ou autrement) dans l’enceinte de la ville de Québec a quelque chose d’à la fois très particulier et universel. Ce qui donne au débat son ton acrimonieux est sans nul doute la présence si unique de ce que l’on appelle communément les « radios poubelles », même si je ne crois pas qu’ils puissent être la cause première des controverses dont il est question ici. En plus d’être de nature assez banale, il est parfaitement légitime de « controverser » autour d’une question comme le transport urbain (des marchandises et humains). Mais regardons un peu pourquoi ces questions semblent se poser de façon aussi toxique à Québec.

La ville de Québec, en tant que capitale provinciale, a toujours été à la fois béni et maudite d’être le centre des priorités de l’appareil d’état québécois. Cela est particulièrement transparent avec le réseau routier supérieur. Une fois que la classe politique des décennies 1960-70 avait pris la mesure du « retard » de la province dans le domaine (et bien d’autres), rien ne fut ménager pour doter Québec d’une couverture exhaustive en autoroutes. On assistera donc, jusque dans les années 1990, à la mise en place, au frais du trésor public, d’un réseau autoroutier dédié exclusivement à l’accessibilité en véhicules privés dans la capitale et surtout en appui au développement des villes de banlieue (fusionnées à Québec en 2002). Ces chantiers ont entraîné, entre autres, la destruction de vaste pan de la haute et de la basse ville de Québec, mais les choses auraient été bien pires si l’on avait intégré la vision du rapport Vandry-Jobin (1968). Cette illustration (avec un troisième lien à l’est!) donne une image du cauchemar urbain et routier que cela aurait représenté.

Il en fallu de peu pour que cette perspective se réalise

Avec ces perpétuels chantiers autoroutiers, qui se poursuivent avec l’ajout de voies ou de tronçons et jusque récemment, avec le projet de troisième lien, comment ne pas imaginer que cette logique autoroutière ne serait pas toujours la structure fondamentale du transport dans la capitale? C’est de penser qu’il pourrait en être autrement qui relève presque de la folie.

Sur les traces de Comment survivre aux controverses…

Ce livre de Jean Dubé, Jean Mercier et Emiliano Scanu fait un retour salutaire sur les quatorze dernières années de controverses autour des questions de transport à Québec. En plus de la mise en contexte historique, politique* et économique/sociologique sur les vertus (ou plutôt les absurdités) d’un troisième lien entre Lévis et Québec, les auteurs font un travail essentiel à retracer la genèse de cette idée de lien autoroutier supplémentaire. Pour comprendre la perspective des gens de la capitale, mais surtout ceux de sa Rive-Sud (Lévis et la vaste région de Chaudière-Appalaches), il faut savoir que d’un point de vue géographique et de la logique économique, Québec est le cœur et l’aboutissement de l’Est québécois et même des Maritimes (et probablement d’une certaine partie du Nord-est américain). De ce point de vue, une facilitation des liens de transport avec le territoire de la ville de Québec, sur la Rive-Nord du fleuve, n’est pas en soi insensée, surtout pour la modique somme de cinq cents millions $ qui étaient estimés par la Chambre de commerce de Lévis lors de la première présentation du projet en 2014.

Évidement, nous sommes bien loin de cette innocence de la décennie 2010 et évidement, pour toutes les raisons bien exposées dans l’ouvrage, il n’y a jamais eu un temps où ce projet pouvait être autre chose qu’un gaspillage et un instrument de dévitalisation de la région de la capitale provinciale. La nouvelle mouture du troisième lien, annoncée la semaine dernière, entièrement consacrée au transport en commun, n’est pas plus bénéfique et sensée. Cette fois, c’est surtout pour des raisons de logique urbaine (pas assez de densité ou d’activités, aux terminaisons du tunnel, ni de plan pour l’intensifier). Lévis et Québec sont déjà reliés et traversés par un réseau autoroutier d’une ampleur disproportionnée par rapport aux activités économiques de la région. Dans le futur, les solutions ne manqueront pas pour s’adapter aux exigences d’accessibilité et de transport des marchandises sans troisième lien. Mais pour cela, il va falloir que le politique suive, malgré les controverses sur le transport à Québec et l’amertume persistante après cet épisode.



*Ce livre nous rappel aussi les faux-fuyants et les tergiversations du maire de Québec de l’époque, Monsieur Régis Labeaume, sur les questions de transport en commun, et surtout des hésitations en ce qui concerne une ligne « structurante » (tramway/SRB) avec Lévis, grâce à un réaménagement des ponts existants. Cette partie du livre fait vraiment mal; toutes ces occasions manquées!

Tags Comment survivre, Urban Transit, Urban Planning, Média, Troisième lien, Quebec City

La nouveauté confrontée à la réalité

April 19, 2023 John Voisine
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New Mobilities—Smart Planning for Emerging Transportation Technologies. Todd Litman, Island Press, 2021, 208 pages. [Lu sur plateforme Adobe Digital Edition]

Cette chronique fait partie de notre série Trans&Transit [7/9]

La solution en transport urbain, comme nous l’avons évoqué au cours de cette série, est toujours à une ou deux technologies près. Même, si l’on en croit les propagandistes commerciaux et leurs belles images d’horizons radieux et de routes dégagées, dans les prochains modèles d’automobiles aux capacités toujours plus extraordinaires. Mais dans ce prochain livre de Monsieur Todd Litman, fondateur de la bien connue et respectée Victoria Transport Policy Institute (VTPI), on prend la peine de soumettre ces nouvelles mobilités (micromobilités, microtransit, ridesharing, MaaS, aéronef personnel, véhicule électrique et autonome, etc.) au tamis d’une évaluation structurée, comme celles que produit sur une base régulière cette institution de recherche unique de l’Ouest canadien. Je ne gâche rien ici en révélant que la plupart de ces « New Mobilities » analysés ne s’en sortent pas glorieusement.

Mais avant d’en arriver à cette étape, ce qui importe est que l’auteur prend la peine de faire un portrait des avancées fulgurantes, en termes d’accessibilité et de vitesse, apportée par ces nouvelles technologies. Le comportement des ménages en fut transformé et nos sociétés en sont changés sur tous les plans. On est passé de sociétés où la définition de l’accessibilité se calculait par ce que pouvait franchir un être humain sur ses deux jambes (ou pour les plus fortunés, en carriole) à des corridors desservis par tramway, pour finalement intégrer au quotidien les distances et la capacité de transport décuplé par la mécanique automobile. La période de transition, où nos rues ont accommodé plusieurs modes de transport, fait foi de la polyvalence inhérente à l’espace urbain, comme le montre ces films : à San Francisco (1906) et ici, à Barcelone (1908).

Mais pour vraiment profiter d’une nouvelle technologie, dans ce cas l’automobile et ses dérivés à moteur, il y a un coût à payer. Malheureusement, une fois implantée, cette domination du tout à l’auto subordonne tous les autres. Il devient alors difficile, sauf dans les quartiers qui trouvent leurs logiques dans l’avant Deuxième-Guerre, de retrouver une pluralité dans les modes et les schémas d’accessibilité à l’échelle urbaine.

Sur les traces de New Mobilities

L’évaluation des nouvelles mobilités proposées dans l’ouvrage se base sur une grille d’analyse qui intègre une compréhension holistique des avantages et des désavantages de ceux-ci. L’auteur tient compte, par exemple, des externalités (de la fabrication à l’utilisation à la fin de vie), des impacts sur la santé, des risques de contagion (le livre ayant été écrit en pleine pandémie), des implications sur l’équité sociale, sur la sécurité (des passagers et des gens hors véhicules) et finalement, de la capacité d’un mode de transport à répondre (en lui-même ou en cocktail) à des objectifs de planification stratégique à l’échelle urbaine, comme la réduction des GES ou tout autre objectif qui augmentent l’équité générale de la population. On comprendra alors que, dans les circonstances, plusieurs nouvelles formes de mobilités de type gee-whiz n’arrivent pas à coter très haut dans cette échelle. Au début de l’ère motorisé, la vitesse était la mesure des performances en transport. L’expérience, le temps et une compréhension plus nuancée des enjeux ayant fait leurs œuvres, une vision plus affirmée de ce que peut être l’accessibilité en milieu urbain permet enfin de mieux balancer la place de chaque mode, au-delà de l’émerveillement technologique.

La méthodologie d’évaluation des nouvelles mobilités offerte dans cet ouvrage et les conclusions qui en découle est, comme la plupart des travaux de la VTPI, d’une utilité extrême. Mais un des rappels contenus dans le livre est celui de l’importance d’une planification métropolitaine (et urbaine) qui prend le parti d’un aménagement anti-étalement et pro-diversité des milieux de vie urbains. Sans ce préjudice favorable pour des environnements pluriels, polyvalents et multi-usages, il devient particulièrement difficile de gérer autrement qu’autour de schémas qui place l’accessibilité automobile au centre des déplacements.

Puisque nous sommes très loin d’une logique où l’accessibilité urbaine se tient sans l’automobile, une des propositions phares (mais souvent négligées) de l’ouvrage passe justement par une meilleure gestion de la demande (Transportation Demand Management—TDM). Une application sérieuse de ces méthodes permettrait un déploiement plus équilibré et durable des mobilités existantes (et à venir). Le transport et l’accessibilité urbaine peuvent certainement en bénéficier.

Tags New Mobilities, Todd Litman, Technology, TDM, Urban Transit

Pour un meilleur mariage

February 2, 2023 John Voisine
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Better Buses, Better Cities—How to Plan, Run, and Win the Right for Effective Transit. Steven Higashide, Island Press, 2019, 184 pages [e-book lu sur plateforme Adobe Digital Editions]

Cette chronique fait partie de notre série Trans&Transit [3/9]

Il est difficile de trouver des gens qui vont inconditionnellement parler avec enthousiasme et effusion des autobus du système de transport en commun de leurs villes. Et cela se reflète souvent dans les investissements et l’attention accordée aux aménagements autour des lignes d’autobus; c’est-à-dire qu’ils sont quasi inexistants, faméliques ou à peine suffisants par assurer un service minimum. Juste récemment, la Société de transport de Montréal (STM) mettait fin à ses circuits «10 minutes max». On sait pourtant que ce type de service fréquent, en vigueur toute la journée, peut servir d’assise à une vraie liberté citoyenne dans l’accès aux destinations et dans la construction d’un espace urbain de proximité, utile et connecté dans la vie des gens. Je ne veux pas donner la dignité d’une réponse à l’argumentaire (la pandémie a le dos large) de la STM pour justifier d’avoir cessé ce service, mais il suffit de montrer que ceci n’est qu’un des autres nombreux exemples de négligence et de sabotage de ce qui pourrait être la clé d’une ville mieux connecté et accessible, c’est-à-dire l’humble autobus.

Ce que ce livre de Monsieur Steven Higashide nous permet de mieux comprendre est la richesse de cet instrument de transport en commun qui se trouve dans presque toutes nos villes nord-américaines : l’autobus. Tristement, pour des raisons qui se résument souvent à un manque d’amour et d’imagination, de priorité molle et de négligence bénigne, l’autobus n’arrive que rarement à remplir son plein potentiel. Ceci n’est pas causé par une ignorance dans la manière de mieux optimiser les circuits ou dans la mise en place d’un réseau à la fois équitable et rentable, même si parfois, et plus souvent que nous les professionnels aimerions l’admettre, ceci peut s’avérer être le cas (surtout à cause de la «dérive politique» de nombreux circuits, tels que décrits dans cet ouvrage).

Et comme on le voyait il y a environ deux semaines dans le livre de Monsieur Jarrett Walker, le fait que plusieurs des «planificateurs» soient avant tout des automobilistes n’aide pas dans la conception d’un réseau d’accessibilité des destinations, avec les transports en commun en première ligne.

Sur les traces de Better Buses, Better Cities

Tout revient à une question de priorité et d’aménagement physique urbain afin d’affirmer cette priorité. On fait le choix d’envisager le réseau de transport comme un «véhicule» d’accessibilité des citoyens ou des automobiles. On fait le choix de la «mobilité durable», qui finira toujours par donner la priorité aux automobiles, ou on fait le choix d’avoir un réseau qui assure l’accessibilité des citoyens vers des destinations désirées et de leur donner la liberté de le faire dans le mode (marche, vélo, Bixi, autobus, métro, autopartage, automobile) de leur choix. Et comme nous l’avons déjà noté, le mode automobile est si imprégné dans tous les aménagements urbains contemporains que l’on en oublie qu’il s’agit là d’un choix. Il y aurait moyen de renverser cette réalité, mais encore faut-il en faire notre priorité.

L’autobus, en ce sens, est bien l’instrument de cette nouvelle révolution de l’accessibilité à l’échelle urbaine et même métropolitaine, mais encore faudrait-il l’aménager pour en faire un vecteur de mobilité de classe «A» dans le réseau. Fini l’époque des tristes entassements d’autobus, transportant des centaines de citoyens, mais paralysés par quelques automobiles, avec abord au plus 5-6 personnes. Les autobus n’ont pas le pouvoir magique de se faufiler à travers une circulation d’automobiles; nous devons faire le choix d’un aménagement qui va dans ce sens. Cela signifie autant un travail sur la pertinence contemporaine des circuits, la relation de synchronisation entre eux afin d’assurer des transferts coordonnés, la localisation des arrêts le long d’un corridor et finalement, assurer la priorité et la fluidité de l’autobus tout le long de ce circuit. Ainsi, si notre priorité est un réseau d’autobus qui assure l’accessibilité des citoyens dans l’espace urbain, la solution devrait assez rapidement nous conduire à regarder du côté des autobus. De meilleurs autobus, pour paraphraser le titre de ce livre, ne peuvent exister sans un meilleur aménagement urbain, et il y a peu de doute que ceci débouchera sur de meilleures villes pour tous.

Le contexte d’écriture de cet ouvrage est très américain, mais l’assemblage des solutions et des propositions fonctionne aussi en contexte canadien. Vivement pour une réappréciation.

Tags Better Buses Better Cities, Steven Higashide, Urban Transit, Buses, Urban Planning

Accessibility Over Mobility

January 27, 2023 John Voisine
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From Mobility to Accessibility—Transforming Urban Transportation and Land-Use Planning. Jonathan Levine & al., Cornell University, 2019, 240 pages.

Cette chronique fait partie de notre série Trans&Transit [2/9]

J’avais souvent eu un certain malaise par rapport au paradigme dominant de la «mobilité» dans les domaines de la planification ou des études d’impacts en transport, d’autant plus que cette notion semble mettre l’emphase sur le déplacement comme mesure principale de l’efficacité d’un système routier ou des transports collectifs. Comme si ces déplacements devenaient l’objectif premier d’une politique en transport. Ainsi, n’est-ce pas plutôt les bénéfices de l’accessibilité à des destinations (pour les opportunités d’emplois, de services ou de divertissements) qui devraient centrer les intentions d’une politique qui mérite nos investissements publics ou privés? En plus d’englober des notions de forme urbaine comme la connectivité et la proximité, l’accessibilité est aussi une façon d’assurer une distribution équitable des équipements publics et des activités économiques.

Pourtant, quand on regarde les plans et politiques qui se font au niveau provincial (comme la Politique de mobilité durable — 2030 du ministère des Transports et de la Mobilité durable), municipal (le Plan d’urbanisme et de mobilité 2050 de la Ville de Montréal), au niveau métropolitain (l’ARTM a adopté son Plan stratégique de développement du transport collectif 2021-2035*, dont le premier titre en préambule est «[L] a mobilité durable, pour soutenir la transition écologique et la vitalité économique de notre région»), des sociétés de transport (le sous-titre du Plan stratégique organisationnel — 2025 de la STM est : L’excellence en mobilité) et même des arrondissements (le document de Verdun s’intitule : Plan local de déplacements, où déplacements est simplement un autre mot pour mobilité), on croirait vivre dans un monde où la bougeotte (la mobilité) est un bien en soi et digne de nos fonds publics. Aurions-nous ainsi découvert un nouveau générateur de dynamisme et de prospérité économique?

Évidemment, ceci est un non-sens. Mais on devine aisément pourquoi tous ces plans de mobilité (on ajoute souvent l’adjectif durable, pour mieux faire oublier l’absurde) sont nos documents de référence. Il est tellement plus facile de trouver des mesures de la mobilité, et avec ces résultats, on arrive à des conclusions et on propose des solutions qui ne mettent jamais en cause nos modes de développement basé sur l’automobile et son corollaire, l’étalement.

Sur les traces de From Mobility to Accessibility

C’est donc bien un des objectifs du livre du professeur Jonathan Levine, nous sortir un peu du cadre simpliste et biaisé de la mobilité comme instrument de mesure et outil de prise de décision en transport public et actif, évidemment, mais surtout en ce qui concerne l’utilisation du sol et le zonage. En se servant toujours et encore des indicateurs de mobilité, on passe à côté des véritables bénéfices d’un réseau de transport, c’est-à-dire la capacité d’atteindre aisément une destination dans l’espace métropolitain. C’est la notion d’accessibilité qui englobe la mobilité, la proximité et la connectivité dans l’espace urbain, et ceci de manière agnostique par rapport au mode de transport utilisé. Les instruments de mesure de l’accessibilité des destinations urbaines vont utiliser comme intrant des éléments de calcul de la mobilité selon plusieurs modes (véhicule automobile, autobus, métro, marche, vélo, etc.), mais puisque la notion d’accessibilité inclut toujours aussi des mesures de proximité et de connectivité, on se retrouve avec une perspective plus complète et beaucoup moins biaisée en faveur d’un mode (l’automobile) et les formes de développement urbain qu’une telle logique finie toujours par privilégier, c’est-à-dire l’étalement.

Bien entendu, on essayera de dissimuler ou de pallier à cette conclusion immanquable engendrée par la recherche de mobilité en y ajoutant le mot durable, pour mieux former l’expression pince-sans-rire de mobilité durable, mais vraiment, comment imaginer qu’il est possible de produire une urbanité durable avec la même logique qui sert à justifier l’accroissement de la capacité routière, à garantir la fluidité de la circulation (automobile) et qui est un des piliers de l’opposition NIMBY face au développement de nouveaux logements (surtout abordables)? Le transfert de nos pratiques d’analyses de type mobilité vers des analyses d’accessibilité permettrait d’ouvrir le débat sur ce qui compte vraiment, soit la possibilité de vivre dans un environnement urbain riche en destinations utiles et désirées, d’avoir des discussions franches sur les moyens de mise en œuvre et de s’assurer d’en coordonner les bénéfices avec plus grand nombre. Ce livre permet de nous outiller en ce sens et constitue la première assise dans ce travail.



* (2023-01-31) Je viens d’apprendre que la Communauté métropolitaine de Québec (CMQ) à adopter le 19 janvier dernier sa Vision métropolitaine de la mobilité durable à l’horizon 2041. Toutes les bonnes formulations y sont (on y parle bien de « libre déplacement des citoyens » et « d’une planification intégrée du territoire et des transports »), mais encore une fois, comment imaginer qu’une « vision » encapsuler dans un vocabulaire de « mobilité » pourra aboutir à autre chose que plus d’autoroutes et une forme urbaine toujours plus dispersée, surtout dans la région de Québec ? Doit-on vraiment rappeler que le troisième lien est encore en développement actif ?

Tags From Mobility to Accessibility, Jonathan Levine, Accessibility, Urban Transit, Urban Form

Quand la géométrie reprend ses droits

January 12, 2023 John Voisine
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Human Transit—How Clearer Thinking About Public Transit Can Enrich Our Communities and Our Lives. Jarrett Walker, Island Press, 2011, 256 pages.

Cette chronique fait partie de notre série Trans&Transit [1/9]

Human Transit est un de ces rares ouvrages qui traite un sujet «expert» de façon à offrir une perspective fraiche et dynamique aux professionnels tout en étant en mesure d’être, pour le citoyen bien informé, désireux d’arrondir sa maîtrise du domaine, une véritable plateforme accessible et solide d’entrée en matière. Les bonnes questions, présentées de la façon dont tout usager des transports collectifs pourrait les poser, sont à la fois simplement disséquées et analysées pour par la suite être répondues, avec des arguments qui s’appuient sur des notions claires de géométrie, de configuration et de forme urbaine lisiblement expliquée et illustrée.

Une des premières habitudes que l’auteur, Monsieur Jarrett Walker, lui-même un consultant qui se spécialise dans la conception de réseau de transport en commun fidèle aux volontés de la communauté qui l’embauche, essayera de nous faire perdre est celle de toujours voir le réseau routier à travers le pare-brise d’une automobile. En effet, la vaste majorité du public qui participe aux consultations sur les réseaux de transport en commun ainsi que les planificateurs eux-mêmes sont souvent, avant tout, des automobilistes. Et plusieurs notions, comme la vitesse et la flexibilité du parcourt, évidentes derrière le volant d’une voiture, deviennent complètement caduc et même contreproductive quand vient le temps d’imaginer un réseau de transport collectif et actif. Mais il est difficile d’abandonner ces notions centrées sur une conduite individuelle pour se mettre dans une perspective de service collectif, c’est-à-dire d’une infrastructure ou d’un réseau utile à tous.

Un autre bourbier dans lequel finissent souvent par s’enliser les discussions sur le transport collectif est celui de l’équipement. Bus ou tram? Tram ou train léger? Train léger, train ou métro? Aérien ou sous terre? Essence, biénergie ou 100 % électrique? L’auteur prend le temps de démontrer que plusieurs systèmes peuvent adéquatement remplir plusieurs missions, mais que, peu importe le choix de l’équipement, si l’on n’adapte pas le corridor (la configuration et la signalisation sur rue), on se retrouve souvent aux prises avec des véhicules de transport collectif aussi paralysés que les véhicules automobiles. Une discussion franche sur les bénéfices à extraire du réseau s’impose.

Sur les traces de Human Transit

Comme le souligne souvent l’auteur, il n’y a pas vraiment de moyen magique de s’en sortir : dans la mise en place du réseau, il faudra toujours respecter les réalités de la géométrie urbaine existante et permettre au système de fonctionner selon sa forme optimisée, si c’est ce qui est désiré. Un des nombreux exemples donnés est celui d’un autobus qui s’arrête à toutes les intersections. Évidemment, toutes ces intersections se trouveront alors desservies par ce bus, mais quelle qualité de service en résultera? Et dans cette configuration, qui sert-il vraiment? La vraie réponse est probablement que personne ne sera servi efficacement. Mais si l’objectif est de desservir le plus grand nombre de gens, sans égard à la qualité du service (ponctualité, fréquence), c’est souvent la stratégie qui est arrêtée, puisque c’est aussi souvent celle qui cause le moins de remous.

Ce que cet ouvrage cherche à démontrer est qu’il vaut la peine de forcer les vraies conversations autour du transport en commun, et que celles-ci tournent rarement autour de l’équipement ou du type de véhicule, même si celles-ci seront aussi importantes, éventuellement. En plus de nous mettre devant cette réalité, c’est aussi un de ces ouvrages qui nous donne les moyens (technique, géométrique) de comprendre les implications des choix (sur le réseau) et le vocabulaire pour mieux exprimer les qualités d’un réseau désirable.

Pour bien faire assimiler cette notion que le transport en commun est plus que de l’équipement, l’auteur prend la peine de distiller, en sept grandes demandes souvent entendues lors d’audiences, ce qui est l’essentiel d’un réseau répondant aux besoins du public. Ce dernier demande un réseau qui puisse l’emmener où et quand il le veut, qui fait une bonne utilisation de son temps et de son argent, qui le respecte (sécurité, confort et offre de l’agrément approprié), c’est finalement un réseau auquel il peut faire confiance et qui lui donne la liberté de changer ses plans. Comment choisit-on d’aménager et de répondre à la réalité de la géométrie urbaine afin d’optimiser ces besoins nous donnera une assez bonne idée des valeurs collectives communiquées par ce réseau.

Tags Human Transit, Jarrett Walker, Urban Transit, Urban Form, Urban Geometry

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