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Wellington | Fabrique urbaine

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Verdun, Québec H4G 1R3
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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

De cols mousseux à coeurs malades

June 10, 2025 John Voisine
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Les Coeurs tigrés. Yves Morin, Hamac classique (Septentrion), 2011, 446 page. Lu une copie empruntée à la bibliothèque d’arrondissement.

Série Fiction

Je dois admettre être un peu nerveux et appréhensif avant de m’engager dans un roman « historique ». Plus la gimmick qui structure le récit est élaborée, plus mon aversion envers la moindre facilité narrative ou faux-fuyant de la part de l’auteur m’aurait immédiatement fait arrêter la charade. Ici, nous avons deux histoires imbriquées et juxtaposées, comme dans une trame miroir qui se déroule dans la même ville (Québec), dans le même hôpital (l’Hôtel-Dieu de Québec), géré par le même ordre religieux (les Augustines) et qui implique la même crise médicale autour du même produit (la bière), avec au centre de l’intrigue la même cause et le tout, à 300 ans d’intervalle (1665-1965). De plus, que penser du fait que l’auteur, Yves Morin (il est décédé en juin 2024), soit aussi un ancien cardiologue au même hôpital et un ancien doyen de la faculté de médecine de l’Université Laval? Sans préjudice, mais pas exactement le chemin qui conduit à la production littéraire. Cela ne s’invente pas, mais il est aussi le « héros » de son histoire romancée, puisque c’est lui-même (et son équipe) qui, au milieu des années 1960, a fait la description canonique de cette maladie cardiaque, a fini par en trouver la cause et a mis en place le protocole de traitement. C’est surtout le genre de maladie dont il faut assurer la suppression de la cause. Même après avoir compris le comportement cyclique des cas observés à Québec, on n’avait qu’une partie très fragmentaire de la réponse. Les vecteurs d’introduction de la maladie divergeaient au point d’en faire, il y a trois cents ans, une simple occurrence naturelle et, lors de la résurgence de la maladie en 1965, un geste proche de l’acte criminel.

Assez exceptionnellement, j’étais malgré tout favorablement disposé à m’engager dans ce roman, puisqu’il nous avait été recommandé par un conférencier sur l’histoire de la production de la bière dans la province. Il avait évoqué l’histoire de la fameuse brasserie Boswell-Dow, qui, après presque 180 ans, a périclité de manière assez dramatique. Tout le monde connait, sans vraiment connaitre, les causes de cet effondrement. Nous laissant un peu sur notre faim, le conférencier nous avait toutefois promis que ce roman, écrit par le cardiologue qui avait été aux premières loges, saurait combler notre curiosité tout en passant un bon moment de lecture. Ma seule frustration maintenant est de ne pas avoir commencé sa lecture le soir même de la conférence! [1]

IL NE FAUT PAS DANSER AUTOUR DES MOTS ICI. Il s’agit bien de comportements criminels volontaires ayant entrainé la mort d’une vingtaine d’hommes, pour la plupart des débardeurs ou des hommes de métier du port de Québec, gros consommateur de bière (jusqu’à six litres par jour), il est vrai, mais autrement innocent dans cette affaire. Ce comportement provient de petits « gestionnaires de profit » d’une brasserie qui cherchait à s’accrocher à ses marges dans un environnement social et concurrentiel en pleine évolution. Que dire des organismes gouvernementaux, autant provinciaux que fédéraux, chargés de protéger le public? Une autre histoire, subtilement présentée dans ce roman, où la convergence des intérêts n’a pas joué en faveur du citoyen.

Mais le lecteur attentif se demandera maintenant comment ce qui ressemble à un adjuvant moderne a pu trouver sa pareille dans un environnement « ancien régime », du temps des héroïques sœurs augustines et de l’intendant Talon avec sa fameuse bière pour quérir les colons des maux de l’eau-de-vie.

Rendu à ce stade, il vous faudra me faire confiance quand je vous dis que l’auteur a simplement eu la plume heureuse qui lui aura permis de faire de ce roman, à la fois un thriller historique, un thriller médical, un thriller scientifique et, comme pour toutes les meilleures œuvres littéraires, bien plus que la somme de ces genres! Toutes les réponses se dévoilent au moment opportun dans ce récit rythmé par des personnages bien de leur temps. Chacun, à sa manière, en appliquant « l’intelligence de son époque », en arrive à aider leurs prochains, autant sur le plan médical que humain. L’auteur réussit parfaitement son pari [2] de faire se côtoyer deux réalités historiques parallèles, mais en communication, sans la moindre condescendance envers les consœurs et confrères d’une époque maintenant révolue. Nos réalités font que les coupables ne seront jamais châtiés, mais la recherche sincère et authentique de la vérité en son temps est sa propre rédemption.


[1] J’ai l’impression de vendre la mèche ici, mais, pour ceux qui aimeraient aller plus loin, l’exposition permanente à l’îlot du Palais à Québec à une section intitulé Ici, on brassait la bière ! qui porte justement sur cette histoire. En plus, on peut y entendre le témoignage du docteur Yves Morin ! Pas encore vue, mais j’ai bien l’intention d’y passer un agréable moment cet été.

[2] La mort emporte bien des choses. Le site Web sur lequel le docteur Yves Morin avait mis en ligne la documentation qu’il avait constituée afin d’écrire son roman devait encore être accessible jusqu’à son décès, l’an passé. Un échange de courriel avec l’éditeur s’est avéré sans issue, comme c’est souvent le cas pour les ouvrages en « back catalog » comme celui-ci. Mais grâce à la magie du WayBack Machine, on peut récupérer l’essentiel du matériel. On cherche pour lescoeurstigres.ca.

Tags Les coeurs tigrés, Yves Morin, Québec, Histoire populaire et urbaine, Série fiction, Histoire du Québec, Brasserie Dow

Revisiter ses a priori

May 12, 2024 John Voisine
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Le BAEQ revisité—Un nouveau regard sur la première expérience de développement régional au Québec. Sous la direction de Bruno Jean, Presses de l’Université Laval, 2016, 215 pages.

Une série sur les municipalités et la politique municipale au Québec [3 de 5]

Je suis le premier à l’admettre, durant notre formation d’urbaniste a ce qui s’appelait à l’époque l’Institut d’urbanisme de la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, je ne suis pas certain d’avoir jamais entendu parler des travaux du Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ — 1963-1966), cette organisation privée qui semble avoir été une étape fondamentale dans la maitrise de la planification à l’échelle régionale au Québec. Ou si nous en avons discuté, cela devait être pour mentionner la proposition de fermeture de dizaine de villages gaspésien et la fermeture effective d’une douzaine d’entre eux. Probablement à cause de la proximité dans le temps, on l’assimile souvent avec l’expropriation des habitants dans le cadre de la création du Parc national de Forillon, même si les deux évènements n’ont aucune parenté, ni dans la démarche ni dans la manière.

Le manque de mémoire et de connaissance par rapport au BAEQ, ses travaux pionniers pour le Québec, ainsi qu’un certain aveuglement à l’égard des outils du « développement régional » est sans doute un des grands contrastes entre nous, les urbanistes, et ce que l’on appelle les « aménagistes ». Même nos écoles sont différentes : les aménagistes émanant essentiellement de l’école supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ÉSAD) de l’Université Laval (UL), à Québec. « Développement régional », c’est dans leur nom! Et comme on l’apprend dans cette compilation de textes sous la direction de Bruno Jean, la proximité avec le milieu académique et intellectuel de l’UL est un facteur fondamental dans la sensibilisation à cette notion pour les aménagistes. Comme je l’ai découvert en y faisant ma formation de premier cycle en architecture et ensuite en travaillant quelques années sur le campus, Québec comme ville et le noyau de l’UL comme centre intellectuel sont vraiment la capitale de l’est de la province et même de tout l’est du pays qui se reconnait une affinité avec la spécificité francophone.

Cela conduit à cette perspective, qui n’existe que faiblement dans une métropole comme Montréal. Parfois, rien ne remplace la proximité physique dans l’analyse territoriale. Toujours est-il, paru pour souligner (en 2016) les cinquante ans de la publication des rapports d’études du BAEQ, cet ouvrage rassemble des textes d’intervenants de la première heure impliqués dans les travaux de l’organisation, des participants de l’époque et dans un deuxième temps, de chercheurs qui examinent avec le bénéfice du recul les résultats qui sont sortis de cette expérience unique de planification.

Sur les traces du BAEQ revisité…

Après la lecture de l’ouvrage, on se rend compte qu’il est quelque peu injuste que l’expérience du BAEQ soit réduite à celle de la fermeture des villages. Un long métrage de cinéma-réalité, Les smattes (1971) fait encore écho à cette expérience. Trente ans plus tard, le même réalisateur revient cette fois avec un documentaire, le Grand Dérangement de Saint-Paulin Dalidaire (merci appropriation). Les textes apportent évidemment plusieurs perspectives sur cette manœuvre aux conséquences dévastatrices pour les populations concernées. Le simple fait qu’une telle solution ne fut plus jamais proposée et encore moins appliquée en dit gros sur son impotence. Mais il n’en demeure pas moins que de comprendre la logique qui a conduit à cette proposition et son implantation est essentielle et mériterait d’être mieux transmise dans la profession.

Mais le BAEQ, c’est tellement plus que les fermetures! Dans un mandat qui s’est étalé sur à peine trois (3) ans, ce petit bureau ad hoc fait de sociologues, d’économistes, de gens en droit et dans le domaine naissant du travail social, ont complété un exercice qui ne sera reproduit (et même là sur une échelle beaucoup plus petite et de manière rigide), qu’avec les schémas d’aménagement (et plus tard encore, de développement) qu’au début des années 1980. À travers le recueil de textes et de témoignages colligés dans l’ouvrage, on peut clairement voir le travail du BAEQ avec les populations locales comme un jalon unique vers l’avancement de la province dans une prise en charge de son avenir en contexte de révolution tranquille. Le personnel clé qui se succède dans le BAEQ prendra les commandes d’une fonction publique québécoise qui se modernise et se professionnalise, faisant de la boîte une sorte d’incubateur pour celle-ci. Au-delà de l’accord fédéral-provincial de 1968 qui résulte des propositions contenues dans les rapports du BAEQ livrés en 1966, ce que tous les auteurs semblent reconnaitre est que face à des conditions adverses, un minimum de concertation permet de parcourir beaucoup de chemin. En plus d’ouvrir les canaux de communication et d’avoir en place un réseau solidaire, informé des enjeux mutuels, motivé à collaborer dans une mission commune et capable de mobiliser sa collectivité dans ce sens, ce travail est probablement la seule voie pour un développement durable en région. L’équipe du BAEQ a été pionnière dans ce domaine. Ce livre est cette histoire, qui mérite d’être mieux comprise et assimilée.

Tags Le BAEQ revisité, Bruno Jean, Aménagement, Sociologie, Histoire du Québec, Série municipalité

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