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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Revisiter ses a priori

May 12, 2024 John Voisine
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Le BAEQ revisité—Un nouveau regard sur la première expérience de développement régional au Québec. Sous la direction de Bruno Jean, Presses de l’Université Laval, 2016, 215 pages.

Une série sur les municipalités et la politique municipale au Québec [3 de 5]

Je suis le premier à l’admettre, durant notre formation d’urbaniste a ce qui s’appelait à l’époque l’Institut d’urbanisme de la faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal, je ne suis pas certain d’avoir jamais entendu parler des travaux du Bureau d’aménagement de l’est du Québec (BAEQ — 1963-1966), cette organisation privée qui semble avoir été une étape fondamentale dans la maitrise de la planification à l’échelle régionale au Québec. Ou si nous en avons discuté, cela devait être pour mentionner la proposition de fermeture de dizaine de villages gaspésien et la fermeture effective d’une douzaine d’entre eux. Probablement à cause de la proximité dans le temps, on l’assimile souvent avec l’expropriation des habitants dans le cadre de la création du Parc national de Forillon, même si les deux évènements n’ont aucune parenté, ni dans la démarche ni dans la manière.

Le manque de mémoire et de connaissance par rapport au BAEQ, ses travaux pionniers pour le Québec, ainsi qu’un certain aveuglement à l’égard des outils du « développement régional » est sans doute un des grands contrastes entre nous, les urbanistes, et ce que l’on appelle les « aménagistes ». Même nos écoles sont différentes : les aménagistes émanant essentiellement de l’école supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional (ÉSAD) de l’Université Laval (UL), à Québec. « Développement régional », c’est dans leur nom! Et comme on l’apprend dans cette compilation de textes sous la direction de Bruno Jean, la proximité avec le milieu académique et intellectuel de l’UL est un facteur fondamental dans la sensibilisation à cette notion pour les aménagistes. Comme je l’ai découvert en y faisant ma formation de premier cycle en architecture et ensuite en travaillant quelques années sur le campus, Québec comme ville et le noyau de l’UL comme centre intellectuel sont vraiment la capitale de l’est de la province et même de tout l’est du pays qui se reconnait une affinité avec la spécificité francophone.

Cela conduit à cette perspective, qui n’existe que faiblement dans une métropole comme Montréal. Parfois, rien ne remplace la proximité physique dans l’analyse territoriale. Toujours est-il, paru pour souligner (en 2016) les cinquante ans de la publication des rapports d’études du BAEQ, cet ouvrage rassemble des textes d’intervenants de la première heure impliqués dans les travaux de l’organisation, des participants de l’époque et dans un deuxième temps, de chercheurs qui examinent avec le bénéfice du recul les résultats qui sont sortis de cette expérience unique de planification.

Sur les traces du BAEQ revisité…

Après la lecture de l’ouvrage, on se rend compte qu’il est quelque peu injuste que l’expérience du BAEQ soit réduite à celle de la fermeture des villages. Un long métrage de cinéma-réalité, Les smattes (1971) fait encore écho à cette expérience. Trente ans plus tard, le même réalisateur revient cette fois avec un documentaire, le Grand Dérangement de Saint-Paulin Dalidaire (merci appropriation). Les textes apportent évidemment plusieurs perspectives sur cette manœuvre aux conséquences dévastatrices pour les populations concernées. Le simple fait qu’une telle solution ne fut plus jamais proposée et encore moins appliquée en dit gros sur son impotence. Mais il n’en demeure pas moins que de comprendre la logique qui a conduit à cette proposition et son implantation est essentielle et mériterait d’être mieux transmise dans la profession.

Mais le BAEQ, c’est tellement plus que les fermetures! Dans un mandat qui s’est étalé sur à peine trois (3) ans, ce petit bureau ad hoc fait de sociologues, d’économistes, de gens en droit et dans le domaine naissant du travail social, ont complété un exercice qui ne sera reproduit (et même là sur une échelle beaucoup plus petite et de manière rigide), qu’avec les schémas d’aménagement (et plus tard encore, de développement) qu’au début des années 1980. À travers le recueil de textes et de témoignages colligés dans l’ouvrage, on peut clairement voir le travail du BAEQ avec les populations locales comme un jalon unique vers l’avancement de la province dans une prise en charge de son avenir en contexte de révolution tranquille. Le personnel clé qui se succède dans le BAEQ prendra les commandes d’une fonction publique québécoise qui se modernise et se professionnalise, faisant de la boîte une sorte d’incubateur pour celle-ci. Au-delà de l’accord fédéral-provincial de 1968 qui résulte des propositions contenues dans les rapports du BAEQ livrés en 1966, ce que tous les auteurs semblent reconnaitre est que face à des conditions adverses, un minimum de concertation permet de parcourir beaucoup de chemin. En plus d’ouvrir les canaux de communication et d’avoir en place un réseau solidaire, informé des enjeux mutuels, motivé à collaborer dans une mission commune et capable de mobiliser sa collectivité dans ce sens, ce travail est probablement la seule voie pour un développement durable en région. L’équipe du BAEQ a été pionnière dans ce domaine. Ce livre est cette histoire, qui mérite d’être mieux comprise et assimilée.

Tags Le BAEQ revisité, Bruno Jean, Aménagement, Sociologie, Histoire du Québec, Série municipalité

Beyond the Veil

February 27, 2024 John Voisine
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The Souls of Black Folk. Introduction by Davis Levering Lewis. W. E. B. Du Bois, Modern Library, Centennial Edition, 2003 [1903], 320 pages [lu en format ebook]

Série essais historique — A tous les deux mois

The Souls of the Black Folk est un de ces livres qui marque un « avant » et un « après » dans la vie de celui qui veut bien s’en laisser imprégner. Pour utiliser une expression propre à l’ouvrage, c’est un des rares moments que nous avons de contempler l’existence « beyond the Veil », ce voile invisible qui fait qu’il nous est possible de passer nos vies tout en ignorant, ou dans le pire des cas, en perpétuant ce semblant d’ignorance qui est la porte ouverte à toutes les dégradations. Pour nous porter à l’intérieur de l’univers des ignominies qui se déroule juste de l’autre côté, il y a l’écriture, la voix d’un autre siècle (le livre est sorti en 1903) qui par la résonance juste, équitable et honnête de son propos, retient l’attention du lecteur durant ses quatorze brefs chapitres. Des chapitres qui sont autant de toiles dans la vie de l’auteur, qui raconte cette adversité quotidienne, emprunt de mesquineries, de tricheries, cette brutalité sans répit, qui s’est souvent révélée mortelle. En parcourant ces chapitres, on lit l’urgence dans le propos, qui devait entrainer le lecteur d’alors tout autant que le lecteur contemporain à questionner la nature et l’existence même de son humanité.

Paru presque quarante ans après la fin de la guerre de sécession américaine, c’est comme si l’auteur, William Edward Burghardt (W.E.B.) Du Bois nous rend la chronique d’un pays qui s’est enfoncé de manière encore plus inextricable dans ce que l’homme a de plus destructeur et ravageur à faire subir à son prochain, si ce dernier à la moindre nuance de noir sur sa peau. W.E.B. Du Bois est né après cette guerre (1868), dans le Nord. Il n’a donc pas eu à grandir au cœur du Black Belt, qui coïncide aussi avec le cœur des anciens états esclavagistes du Sud et la région qui sera le sujet de ce « car-window sociologist », comme il se qualifie drôlement lui-même. Ce moment dans l’histoire américaine est parfaitement illustré par cette carte, qui permet à W.E.B. Du Bois d’écrire, dans le premier paragraphe du livre : « for the problem of the Twentieth Century is the problem of the color line. »

La zone de la Black Belt au États-Unis selon le recensement de 1900, dix avant avec le début de la Great Migration qui changera tout à partir de 1910; Image Wikipedia.

La définition de ce « color line » est probablement moins évidente et surtout, le voile est devenu à la fois plus opaque et translucide (ce qui permet même à certains d’affirmer qu’il n’existe plus), mais la volonté implacable d’asservissement, d’humiliation et de ségrégation entre les gens et groupes de différentes cultures, de culture polymorphe ou cosmopolite, et de différentes nuances capillaires est encore bien vigoureuse dans nos sociétés modernes. Voilà pourquoi The Souls of the Black Folk nous chante toujours aujourd’hui, cent vingt et un ans après sa parution.

Sur les traces of The Souls of Black Folk

W.E.B. Du Bois finira par obtenir des diplômes de l’université Fisk (un HBCU), à Berlin et de Harvard (son PhD). Un des combats de son existence, qui le conduira même à un vif désaccord avec l’une des plus grandes figures de son époque, Booker T. Washington, portera sur l’importance de faciliter à ceux qui le peuvent (dans les communautés noires) la possibilité de poursuivre des études supérieures dans les arts, les lettres, la philosophe, l’histoire, bref, les arts libéraux. Mais selon Washington, si on était pour offrir la moindre éducation aux jeunes noirs du Sud, elle devait se limiter aux apprentissages pratiques et techniques, puisque l’autonomie et la viabilité économique devaient primer avant tout. Le fait que cinq des quatorze chapitres soient consacrés à discuter plusieurs nuances de cette question en dit beaucoup sur sa centralité pour Du Bois. Ce qu’il cherche à faire entendre au lecteur, c’est qu’en étant noir aux États-Unis, tout sujet de discussion doit être abordé avec « this double consciousness, this sense of always looking at one’s self through the eyes of others, of measuring one’s soul by the tape of a world that looks on in amused contempt and pity. One ever feels his two-ness—an America, a Negro; two souls, two thoughts, two unreconciled strivings; two warring ideals in one dark body, […]. »

Si ces paroles ne sont pas assez pour comprendre l’irréductibilité de la situation pour la population noire des États-Unis, voici ce que le sénateur Benjamin Tillman de Caroline du Sud a dit en apprenant que le président américain avait reçu Booker T. Washington pour un souper à la Maison-Blanche : « The action of President Roosevelt in entertaining that nigger will necessitate our killing a thousand niggers in the South before they will learn their place again. » Ce sénateur parlait ainsi du principal avocat pour une approche « lente » de l’intégration de l’homme noir au sein de la société du Sud, principalement pour éviter un « harsh, white backlash. » Ce « deadening and disastrous effect of a color-prejudice » permet également à Du Boise de mentionner, sans autre explication, les noms de Phillis Wheatley et Sam Hose; deux extrêmes de l’horreur « beyond the Veil ». L’avant-dernier chapitre de l’ouvrage, XIII Of the Coming of John, raconte en quelque sorte cette réconciliation impossible. On lira aussi pour le « discours » du juge à sa table de cuisine. Cela se termine par un lynchage.

En 1935, W.E.B. Du Bois fait paraitre Black Reconstruction, une reconsidération de la douzaine d’années après la fin de la guerre civile américaine. Il faudra attendre les décennies 1980-90, avec Eric Foner en tête, pour que les arguments de l’ouvrage commencent à être pris au sérieux par les historiens et mènent à une relecture de cette période. Nous allons nous intéresser à ce livre lors de la prochaine chronique de non-fiction, le dernier mardi, dans deux mois.

Tags The Souls of Black Folk, W.E.B. Du Bois, Histoire américaine, Sociologie, Civil Rights, Série essais historique

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