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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Le libertaire municipal

October 23, 2025 John Voisine
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Trente ans de politique municipale—Plaidoyer pour une citoyenneté active. Marcel Sévigny, Les éditions écosociété, 2001, 283 pages.

Série Élections municipales 2025

Personne ne viendra prétendre que de faire de la politique municipale est une sinécure. De tous les paliers de gouvernement, c’est certainement celui où le représentant élu a le plus d’occasions d’interagir avec ses commettants dans la vie de tous les jours, dans la rue, à l’épicerie, à l’école même. C’est beaucoup plus difficile, comme pour un représentant provincial ou fédéral, de se cacher dans ces capitales respectives. De plus, le système de représentation municipal est Ô combien capricieux et particulier, autant durant la période couverte dans ce récit de vie en politique municipale, soit de la décennie 1970 à 2001, juste après les grandes fusions municipales. En tant que représentant au conseil municipal dans une ville aux structures archaïques comme Montréal l’était à la fin du règne du maire Jean Drapeau (1952-56/1960-1986), on dispose à la fois d’une position assez visible à l’intérieur de son district, mais ironiquement, à moins d’être un des membres sélects du conseil exécutif, assez peu de pouvoir pour vraiment régler des situations problématiques de manière systématique, si nécessaire. C’est le lot de tous les représentants municipaux, mais c’était particulièrement le cas dans les districts de Montréal durant le règne du maire Drapeau. Le parti du Rassemblement des citoyens de Montréal (RCM), en commençant dans les années 1970, a peu à peu réussi à faire une alliance assez improbable des forces progressistes, autant anglophone que francophone, ce qui était, en soi, un petit miracle. Ils ont ainsi réussi à faire élire quelques représentants au milieu des années 1970, pour finalement être presque balayé lors des élections de 1982. 1986 sera la bonne année, avec à sa tête la personnalité dynamique de Jean Doré, le RCM pouvait enfin implanter son programme progressiste, qui incluait la promesse-phare d’une décentralisation des pouvoirs décisionnels vers les quartiers-districts locaux.

Comme si le spectre de l’ancien maire Drapeau imprégnait encore l’hôtel de ville, il y aura vite un braquage autour de toutes ces anciennes promesses de dévolution, autrefois si centrale au RCM. Dans son ouvrage ici, monsieur Marcel Sévigny en fait le récit en tant que représentant élu du RCM pour le district de Pointe-Saint-Charles/Petite-Bourgogne, ayant vécu cet épisode de l’intérieur et en tant qu’un de ses acteurs principaux (avec trois de ses collègues élus). On lira cet ouvrage pour s’absorber d’une lutte du point de vue d’un « true believer » et, en ce sens, l’auteur ne déçoit jamais.

JE ME RAPPELLE VAGUEMENT, non pas du spécifique de la confrontation (je n’avais même pas l’âge adulte!), mais qu’une des amertumes récurrentes, lorsqu’on parle des huit ans de gouvernance du RCM, était cette promesse brisée de dévolution de certains pouvoirs vers des « conseils de quartiers » dans les districts locaux. Pour Marcel Sévigny, la concentration des pouvoirs fut une rupture irréconciliable. La première victoire du RCM, en 1986, fut comme une ère nouvelle, mais lors de sa défaite écrasante de 1994, autant la population que le parti étaient à bout du style de gestion « verbo-moteur » du maire Doré, et ce, malgré un travail honorable sur deux mandats. C’est aussi ça la cruauté de la politique municipale; à la fin de la période Drapeau, il fallait reprofessionnaliser l’appareil, un travail sans gloire, et qui s’effectuait au moment de forte compression budgétaire et de désinvestissements imposés par le fédéral et le provincial.

Les préoccupations de monsieur Sévigny durant cette période étaient, pour dire les choses charitablement, d’un autre ordre. Qualifiant sa vision « d’anarchiste », de « municipaliste libertaire » avec une inflexion d’écologiste sociale (1), sa principale raison pour réadhérer au RCM en 1986 (il avait quitté le parti en 1978) était essentiellement sur la base de cette promesse du RCM concernant la dévolution des pouvoirs municipaux. Bien entendu, selon l’auteur, ceci ne devait être qu’un premier pas vers une prise en charge et une autogestion populaire plus agressive du district. Dans le meilleur des mondes, les villes (si même cette unité politique devait continuer d’exister) seraient des fédérations de districts locaux autogérés, mais aussi socialement solidaires, tout en étant des centres de « contre-pouvoir » vis-à-vis de l’État (provincial et fédéral). J’espère faire une représentation juste de la position de l’auteur, mais je dois admettre avoir plusieurs fois décroché; on s’épuise vite à imaginer le travail colossal et les confrontations incessantes qui seraient nécessaires pour activer la moindre de ces instances de gouvernance locale telle qu’articulée par monsieur Sévigny. Ce sont certainement des constructions que l’auteur présente comme étant de gauche, solidaire et écologiste, mais sérieusement, ce n’est pas une gauche qu’un adhérent sincère souhaiterait voir se concrétiser. Il se qualifie aussi de « libertaire », et cela est de loin le vocable qui lui convient le mieux. Mais pourquoi avoir voulu imposer sur ses commettants, parmi les gens qui l’ont le moins facile (ceux de Pointe-Saint-Charles et de Petite-Bourgogne) une telle charge politique? Difficile de figurer.


(1) Pour ceux intéressés à l’épistémologie de la chose, Marcel Sévigny identifie le théoricien et historien Murray Bookchin et l’auteure Janet Biehl comme sources de sa lecture des solutions à apporter au contexte politique local. À ce niveau justement, il faisait partie de l’organisation parapluie Action-Gardien, bien connu dans Pointe-Saint-Charles.

Tags Trente ans de politique municipale, Marcel Sévigny, Politique municipale, Administration municipale, Série Élections municipales 2025

Forger la distinction

October 16, 2025 John Voisine
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Des sociétés distinctes—Gouverner les banlieues bourgeoises de Montréal, 1880-1939. Harold Bérubé, McGill-Queen’s University Press, 2014, 268 pages. Livre emprunté à la BAnQ et photocopié pour usage personnel.

Série Élections municipales 2025

Cette histoire de la naissance et de la maturation de trois banlieues de « prestige » sur l’île de Montréal est exactement du genre qui se fait trop peu dans la province. C’est aussi, il me semble, une échelle, celle des gouvernements locaux, qui est trop peu abordée, du moins autrement que sous la forme d’une chronique des évènements. Ainsi, on se demandera pourquoi se préoccuper, à part pour la rubrique des affaires courantes, de ce qui n’est, en finale, que des « créatures » de la législature provinciale. De plus, elles ont longtemps fonctionné comme des entités de type corporatif (on parlera même de « corporations » municipales), ou le suffrage n’est pas celui des citoyens dans son ensemble. Le « contrôle » démocratique était plutôt le lot d’une pseudoélite, détentrice des propriétés immobilières à l’intérieur des limites municipales. Cette histoire des villes est donc bien souvent celle d’une petite bourgeoisie locale aux ambitions myopiques, qui la plupart du temps se concluait par l’annexion à Montréal. Bien entendu, c’est aussi ce qui rend cette histoire légèrement mélancolique et tragique. Si on sait comment bien cadrer et restituer un peu de son exemplarité, elle peut parfois devenir illustrative des destinées spécifiques qui caractérisent un quartier urbain. Nous en avons eu quelques bons exemples dans les dernières semaines, avec des ouvrages sur les quartiers autour du canal de Lachine, comme Pointe-Saint-Charles, Petite-Bourgogne et Saint-Henri, ou au cœur même de l’île, avec le Mile End.

Les historiens qui se penchent sur l’échelle municipale et qui peuvent s’en servir pour porter une thèse qui illustre jusqu’à quel point une corporation municipale peut être un vecteur puissant dans la réalisation d’un idéal locale sont toujours les bienvenues. Les outils délégués à la corporation municipale par les codes et la législation provinciale, surtout lorsqu’exercé avec intentionnalité et diligence, dans une ambition commune par une élite locale déterminée, peuvent s’avérer d’une efficacité redoutable. Et, comme l’illustre dans son ouvrage l’historien et professeur bien connu de l’Université de Sherbrooke, monsieur Harold Bérubé, si cette élite restreinte est unie dans une volonté idéologique et politique spécifique de forger un milieu de vie urbain à son image, il était possible de construire un espace urbain qui se distinguait des villes et banlieues voisines. Westmount, Mont-Royal et Pointe-Claire sont encore de nos jours trois municipalités synonymes d’opulence domestique et de prestige civique. On découvre dans cet ouvrage comment cette élite bourgeoise s’est attelée à cette tâche de générer trois municipalités bien distinctes.

D’AUTRE OUVRAGES ONT CAPTURÉ l’histoire des promoteurs immobiliers dans le développement de l’espace urbain. Ici, l’auteur montre comment une certaine conception de l’idéal suburbain a réussi à se traduire dans l’armature réglementaire. C’est en étant porté par sa bourgeoisie locale (mais qui avait, dans la plupart des cas, des réseaux d’affaires presque pancanadienne, dans le cas de Westmount), avec le loisir, l’inclinaison et le prestige nécessaire pour prendre le contrôlent des organes de gouvernance de la corporation municipale. C’est aussi cette capacité des élites politiques municipales d’avancer de façon claire, concertée et continue dans le temps une vision distincte de ce qu’elles voulaient être et représentée, autant pour elles-mêmes que pour les autres, qui a rendu possible cette réglementation si bien adaptée à leurs aspirations. Pour Westmount, Mont-Royal et Pointe-Claire, c’est certainement cet outil standard de gouvernance municipal, utilisé de façon judicieuse et sophistiqué par cette élite, qui a permis d’orienter le développement urbain.

Ainsi, il va de soi que les enjeux se présentaient de manières bien différentes dans chacune des trois municipalités. Toutefois, dans l’ensemble, on idéalisait la vie suburbaine, avec en plus une idéalisation du contact privilégié qui devait se manifester avec la nature, le tout rendu possible par un éloignement et une séclusion relative par rapport à la ville. Dans le cas de Westmount, cette nature était celle du mont Royal. Dans le cas de Mont-Royal, celle d’une cité-jardin en devenir et à Pointe-Claire, dans l’ouest de l’île, un côté bord de l’eau et un côté de territoires agricoles. Un équilibre constant devait être maintenu entre un imaginaire suburbain « idyllique » et la nécessité de se doter d’un environnement urbain sophistiqué. Chaque ville a ainsi déployé ses énergies réglementaires à créer, maintenir et isoler sa communauté afin de réaliser l’illusion de cet idéal suburbain, en déployant avec agilité les pouvoirs qui leur étaient dévolus. Des pouvoirs de régie du milieu bâti avec des critères d’implantation, de design et de construction stricte ainsi qu’avec le zonage. Mais ces villes ne se contentaient pas de régir la pierre. Elles allaient jusqu’à adopter et à faire appliquer une réglementation sur les activités permises, les nuisances, des normes de comportement public, qui s’appliquaient aux résidents, oui, mais à tous les autres, surtout. Cela permettait même de ségréguer et d’exclure des gens qui ne pouvaient pas s’identifier comme faisant manifestement partie de la communauté.

Cette histoire magistrale des soixante premières années de trois des banlieues les plus prestigieuses de Montréal nous rappelle que le prix d’un idéal s’avère rarement neutre.

Tags Des sociétés distinctes, Harold Bérubé, Série Élections municipales 2025, Règlementation, Histoire urbaine, Banlieues, Administration municipale

La référence urbaine pour le Québec

June 6, 2024 John Voisine
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Dictionnaire politique de la scène municipale québécoise. Sous la direction de Sandra Breux et Anne Mévellec, Presses de l’Université Laval (PUL), 2024, 501 pages.

Une série sur les municipalités et la politique municipale au Québec [5 de 5]

Je vais commencer immédiatement par exprimer le premier (ce n’est pas comme s’il y en a des dizaines!) d’entre mes regrets concernant cet ouvrage essentiel de Mesdames Sandra Breux et Anne Mévellec : à ma connaissance, il n’y a pas de version anglaise. Évidemment, je suis facétieux en disant cela. Mais dans un autre sens, je crois vraiment que pour que l’ouvrage puisse atteindre une forme plus achevée, il aurait fallu qu’il soit bilingue. Qui sait, cela aurait-il même inspiré une forme d’émulation chez nos collègues hors province? J’étais surpris après la lecture de chaque vedette d’être talonné par la volonté de lire, dans un format comparable, un article similaire sur les réalités municipales dans une autre province canadienne ou dans un état américain.

La gestion du palier municipal et régional dans cette province est juste assez différente, juste assez dans l’univers du « uncanny valley » pour rendre les parallèles avec les autres provinces, pour ne rien dire des états américains, bizarrement complexe et rempli de contingences, toujours dans les tournants où l’on s’y attend le moins. Bien entendu, la réalité sur le terrain est tel que, comme l’exprime un des auteurs des préfaces, on aimerait au minimum avoir un ouvrage comparable pour l’Ontario, puisque les deux provinces ont des environnements urbains, des secteurs économiques et de développement qui peuvent aisément s’assimiler l’un à l’autre. De plus, il fait peu de doute que le milieu municipal au Québec gagnerait à pouvoir évaluer plus facilement nos deux systèmes de gouvernance et de gestion locale. Mais évidemment, si un ouvrage similaire existait pour la scène municipale ontarienne, il serait en anglais, une langue plus maitrisée chez les locuteurs francophones du Québec que l’inverse, tristement.

Toujours est-il, je ne voudrais pas prendre plus de place pour pleurer ce que nous n’avons pas, au lieu de célébrer, comme nous devrions le faire justement, le travail colossal et quasi héroïque qui nous permet de profiter avec enthousiasme de ce dictionnaire. En ayant eu la clairvoyance d’envisager que le système municipal dans la province se prête bien à une recension basée sur des mots-clés, on peut aisément faire en quelques entrées le tour qu’une question. Et surtout, en ayant la capacité de rassembler en un seul ouvrage la contribution de plusieurs dizaines d’auteurs spécialistes, le lecteur se retrouve avec une collection alphabétisée d’articles riches, concis et standardisés sur des concepts contemporains de la scène municipale au Québec.

Sur les trace du Dictionnaire politique…

Le format « dictionnaire » de l’ouvrage permet une entrée en matière instantanée et concise, agréable d’utilisation pour le praticien, le chercheur ou l’étudiant. Comme dans un dictionnaire, chaque vedette bénéficie, il va sans dire, d’une définition de quelques paragraphes pour ensuite aborder les enjeux, un historique ou une illustration de l’évolution de la notion discutée, c’est selon. En portant ainsi le texte au-delà de la définition attendu de tout dictionnaire, on donne la chance aux différents spécialistes de creuser un aspect qui va plus loin que la définition stricte. Chaque entrée est toutefois rigoureusement formatée de manière à être concise et d’aller à l’essentiel. Cela ne veut toutefois pas dire que le lecteur est laissé sur sa faim. Les auteurs ont bien au contraire été rigoureux dans les références à même le texte et la bibliographie de l’ensemble de l’ouvrage est des plus exhaustive. De plus, chaque vedette se termine par une section bibliographie spécifique, « Pour aller plus loin » et une dernière partie des plus utile intitulée « Liens avec d’autres articles ». C’est en fait à partir de ces sections que j’ai souvent parcouru un ensemble de vedettes. On en finit une et immédiatement, cette section de liens plus ou moins longue nous conduit à nous intéresser à d’autres notions adjacentes. C’est ainsi qu’on peut faire le tour d’une question. Je dirais même que la grande force du volume, au-delà de l’excellence même des entrées prise individuellement, est cette capacité intégrée à chacune d’elles de porter le lecteur curieux et soucieux de faire le tour d’une question vers toutes les notions connexes pouvant lui être utile.

Je me suis souvent plaint dans ces pages que les ouvrages récents, même ceux de presses universitaires comme PUL, manquent d’un index ou lorsqu’il y en a un, que sa construction soit quelconque. On ne peut pas tout avoir; comme avec un triangle d’optimisation, en choisir deux c’est nécessairement en exclure un. Dans ce cas, on a un index habilement structuré, à partir de notions complémentaires aux entrées-vedettes (comme Arvida, qui se trouve dans la vedette Villes de compagnie), mais pas de pagination. Sur un autre plan, les auteurs sont identifiés par leurs affiliations, mais impossible de savoir à quelles vedettes ils sont contributeur, à moins de les passer systématiquement en revue. Maintenant, cela dit, c’est un ouvrage qu’on voudra toujours garder à portée de mains et on espère de futures éditions, selon l’évolution de la matière.

Tags Dictionnaire politique de la scène municipale québécoise, Sandra Breux, Anne Mévellec, Études urbaines, Administration municipale, Série municipalité

Abolir l'ère des créatures

April 4, 2024 John Voisine
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Libérer les villes—Pour une réforme du monde municipal. Maxime Pedneaud-Jobin, Les Éditions XYZ, Collection Réparation, 2023, 137 pages. Lu sur plateforme iBooks.

Une série sur les municipalités et la politique municipale au Québec [1 de 5]

On penserait qu’il serait plutôt facile de convaincre des gens comme nous, adjacents au monde municipal, que dans ce pays et cette province, il est temps d’enfin libérer les villes. Ces pauvres « créatures » de la province ne méritent-elle pas qu’on les dote d’un statut concomitant à leurs véritables fonctions de gouvernement, même du palier de gouvernement le plus proche du citoyen? Nos malheureuses cités et villes sont les « oubliés » de la constitution canadienne, laissée aux soins des provinces de les créer, si elles le veulent bien, et des garnir des pouvoirs qu’elles jugent appropriés. Le corollaire est, bien entendu, que les provinces peuvent aussi bien, du jour au lendemain, les dépouiller de ces mêmes pouvoirs. Elles peuvent de plus les dissoudre et effacer jusqu’à leurs existences toponymiques, comme plusieurs ont dû le vivre durant les fusions municipales du début du siècle.

Cette existence par procuration est pourtant une réalité assez universelle dans l’histoire des villes, autant ici, en Amérique du Nord, que dans le reste du monde. Si l’on fait exception de certaines cités-États, de quelques cités franches et de quelques principautés Européenne, toutes les entités urbaine, tous les territoires urbanisés ou « rurbain » doivent leurs existence à un état souverain qui lui est nécessairement, hiérarchiquement ou politiquement, supérieur. Selon les états, ce modèle fonctionne plus ou moins bien. Mais certainement, il donne toujours la possibilité à l’État d’avoir le dernier mot. Bien entendu, aucun État qui souhaite bénéficier d’une prospérité économique, appuyé par une vitalité intellectuelle et culturelle significative, ne va commencer à mettre des bâtons dans les rouages qui font tourner ses principales cités et villes. Il n’est toutefois pas rare de voir des États, qui sont la plupart du temps « provinciaux » dans tout ce que ce mot a de rétrograde, instituer des lois qui contraignent sérieusement les volontés plus progressistes de ses entités municipales. Près de chez nous, Montréal est l’exemple clé, avec un gouvernement provincial qui n’a de cesse de vouloir se faire du capital politique sur son dos, entre autres avec sur la question linguistique ou avec des mesures vexatoires adoptées sous le couvert fourbe de la laïcité (Loi 21). On ne mentionnera même pas la question du transport en commun, c’est trop douloureux. Dans la province voisine, Toronto est aussi la cible d’un gouvernement provincial hostile. Mais pour être honnête, même si ces deux métropoles étaient « libéré », il est difficile de concevoir comment ces dynamiques seraient évacuées.

Sur les traces de Libérez les villes…

Malgré un certain scepticisme qui ne nous quittera jamais vraiment tout au long de la lecture, accordons simplement les honneurs à Monsieur Maxime Pedneaud-Jobin, ancien maire de Gatineau. Il réussi dans cet opuscule à monter un argumentaire des plus convaincant pour cette cause louable de la « libération » des villes.

Il faut toutefois admettre plusieurs obstacles à faire ce type d’argument. L’auteur, en élidant ceux-ci, en essayant de les étouffer dans un silence sans écho, finit par dévaloriser les situations (nombreuses!) où une « libéralisation » serait de bon aloi. Montréal, Québec et même Laval auraient la capacité d’État-nation. Mais l’on ne doit pas oublier qu’il y a à peine 12 ans, Laval était depuis presque 25 ans sous l’emprise d’un maire qui plaidera coupable à des accusations de corruption, complot, fraude et gangstérisme. Montréal a aussi longtemps connu le règne d’un seul homme (sans la corruption, mais avec beaucoup de sclérose!). Combien d’autres administrations fonctionnent sous l’influence de « growth machines » locale ou régionale? En d’autres termes, il semble encore trop facile de faire une « capture » des instances municipales ou de les « détourner » de l’intérêt public. Dans les prochaines années, avec les situations difficiles qui vont surgir dû aux changements climatiques, cela ne va devenir que plus évident.

Cela dit, il est vrai que les villes doivent être libérées, pas vraiment de leurs conditions de « créatures », mais plutôt du cafouillis des lois et règlements qui les gouvernent. Comme le propose l’auteur, l’idée de mettre en place une « charte » des villes n’est pas vilaine et permettrait de constituer une base stable et pérenne. Une partie du travail a été fait par l’UMQ dans un livre blanc. L’auteur mentionne d’ailleurs qu’une des grandes difficultés des administrations municipales est de comprendre la gamme et l’étendue de leurs pouvoirs. Je suis de ceux qui analysent qu’elles en ont beaucoup, mais il n’est pas faux qu’avec la législation actuelle, il n’est pas facile de les cadrer. L’auteur aborde aussi la question des revenues, et sur ce point, je pense que le problème en est un de légitimité. Les municipalités ont de nombreuses sources de revenus potentielles (écofiscalité, loi 39, ententes, etc.), mais il est difficile de légitimer de nouvelles ponctions fiscales quand moins de 40 % des électeurs choisissent de voter aux élections municipales.

Pour le plaisir de la discussion et pour faire une propagande vigoureuse de la cause des villes, un livre à mettre dans toutes les mains.

Tags Libérez les villes, Maxime Pedneaud-Jobin, Administration municipale, Politique urbaine, Participation des citoyens, Série municipalité

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