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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

An Island on the Land

June 5, 2025 John Voisine
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Southern California—An Island on the Land. Carey McWilliams, Inlandia Books, 1946 (1973), 387 pages. Lu en format PDF dans Apple Books.

Bien entendu, en s’engageant dans un ouvrage comme celui d’un auteur sans frontière comme Carey McWilliams, on est certain d’avoir une bonne dose d’histoire et de récits sur cette terre aguichante et rêvée que représente pour la plupart d’entre nous la Californie du Sud. C’est sur ce territoire qu’on trouve Los Angeles, Berkeley, Hollywood, San Jose, les montagnes, le meilleur de la côte pacifique, le désert et des terroirs si fertiles qu’avec une source d’eau, tout peut pousser. L’histoire que nous offre McWilliams de sa terre adoptive (il est né au Colorado) n’en est pas une, pour autant, qui repose uniquement sur les forces naturelles et irréductibles de l’environnement de la Californie du Sud. On ne se le cachera pas, avant que cette partie du monde soit connue pour autres choses, c’est surtout grâce à ses ressources « naturelles », comme l’agriculture de masse (oranges, citrons, Sunkist) et à son climat, que cette « île sur la terre » a fait sa réputation. Son environnement et ce climat unique, qui se traduit par une météo sans faille propices à l’émergence d’un tourisme du bien-être et à la création d’une « riviera » du sud-ouest américain. Sur une note moins festive, ce climat est aussi à la racine de l’apparition de plusieurs groupes sectaires millénaristes et de la mouvance mauve du nouvel âge. McWilliams était un observateur attentif lors de cette émergence, en terme de chronologie et de localisation et nous en fait une chronique parfaite.

Déjà qu’avec le titre, la notion que ce territoire possède les caractéristiques d’un lieu isolé tout en étant on the land, connecté au reste du continent, nous est parfaitement communiqué. McWilliams, chapitre après chapitre (c’est quand même 380 pages d’une typographie compacte) met la table pour nous préparer à être confortable dans cette position de témoin des comportements les plus vils, de ceux que l’isolement et l’impunité engendre, et aussi de ceux que seul un public à la fois captif (dans l’insularité) et préalablement sélectionné (par le boosterism sud-californien) peut produire. À différent degré, tout est une question de promotion sur ce territoire, et qui dit promotion dit à la fois exagération (de bonne guerre) et mensonges (pour cacher le prix de cette guerre). Chaque chapitre lève le voile et nous permet de voir et comprendre ce prix, qui tomba de manière impitoyable sur les populations locales indigènes et de manière différente, mais tout aussi écrasante, sur la population immigrante asiatique. Dans les circonstances, le génie du boosterism sud-californien a été de laisser croire qu’on avait tous une chance face à l’adversité d’un territoire où tout était à faire.

EN COMMENÇANT PAR LES AUTOCHTONES, si bien « assimilés » par les missions franciscaines qu’au moment de faire les bilans, ils purent facilement être reformatés dans de belles petites cases folkloriques pour ensuite efficacement les exhiber à des fins touristiques. Même les personnes qui avaient consacré leur existence à changer les choses, comme Helen Hunt Jackson, agirent (comment pouvait-il en être autrement?) de manière très « 19e siècle », c’est-à-dire sans réciprocité de la part des communautés visées par l’aide. En finale, on se retrouve avec une opération qui s’avère une source d’enrichissement personnelle et de propagande jovialiste pour touristes et migrants. Avec le temps, dans le Sud californien, ce sont souvent les mêmes. D’ailleurs, le taux de migration interne, des États du centre et de l’Ouest américain est si important qu’on dira que « NYC is the melting pot for the people of Europe, and LA, the melting pot for the people of the United States ».

Le tourisme est justement au cœur de la croissance économique et démographique de cette partie sud de la Californie. Tous les promoteurs, durant cette période (1890-1930) semblent s’être donné rendez-vous et avoir convergé sur cette partie du monde pour en faire la promotion comme l’ultime paradis terrestre, et ceci autant sur le plan matériel que spirituel. L’auteur fait un excellent travail en démontrant comment cette island on the land qu’est le Sud californien a su exploiter tous les leviers de son exceptionnalisme et convaincre tout un chacun que son rêve, peu importe sa teneur, allait trouver sa réalisation sur terre (et au-delà), si on voulait juste acheter un morceau de la banlieue de Los Angeles. Le fait qu’au plus fort de la vague d’immigration et de tourisme, LA vivait aussi l’âge d’or de son réseau de Little Red Cars, coordonnés qu’ils étaient avec ces nouvelles banlieues, est un des facteurs qui a contribué, le temps d’une génération, cette image d’abondance harmonieuse pour tous. McWilliams était au cœur de cette convergence exceptionnelle, puisqu’il est arrivé à LA en 1922. Par inclinaison personnelle et professionnelle, il a commencé immédiatement à parcourir autant l’avant que l’arrière-scène de sa nouvelle existence californienne et en a extrait des chroniques remplies de cette perspective incisive, sans jamais se dérobé de la vérité. Cet ouvrage est la compilation de presque trente ans de ce travail d’un observateur empathique pour cette réalité émergente, à la fois irrésistible et glauque, qui est maintenant aussi la nôtre.

Tags Southern California, Carey McWilliams, Série LA, Histoire urbaine, Los Angeles

L.A. et l'écologie des temps modernes

April 24, 2025 John Voisine
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Ecology of Fear—Los Angeles and the Imagination of Disaster. Mike Davis, Verso—New Left Books, 1998-2022, 541 pages. [E-book lu sur plateforme Apple Books]

Une chose est garantie en entreprenant la lecture d’un livre de Mike Davis : on va en avoir beaucoup plus que le client en réclamait ou que le titre pouvait laisser entendre. Dans Ecology of Fear, on n’échappe pas à ce constat, puisqu’on nous conduit dans un écosystème riche et diversifié, tant sur le plan naturel qu’humain. On pourrait même ici faire un rapprochement entre l’abondance de ce qu’il est possible de voir émerger dans cet écosystème fabuleux de la Californie du Sud, où il faut presque se demander parfois ce qui ne pourra pas y croitre et se multiplier et les extrêmes de ce milieu, qui rend toute cette abondance possible. Ce climat, qui, en apparence, est d’une stabilité telle qu’il invite, chez les gens qui le vivent, des rêves fous d’éternité, contient, comme nous le révèle magistralement et de long en large l’auteur, une part d’ombre apocalyptique. Celle-ci est presque, en parallèle et malgré la contradiction inhérente, un mécanisme d’autodestruction qui lui sert à la fois de purgation et de régénération. Et si cette stabilité climatique des dernières générations n’avait été qu’illusion, tel un songe d’une nuit d’été sur une plage de Malibu? Plusieurs signes laissent croire que la viabilité de maintenir une population aussi urbaine et étendue dans une cuve encerclée de montagnes, d’un océan et d’un désert juste au-delà ne pourra se faire qu’à un coût exorbitant. Davis écrivait cet ouvrage 25 ans avant notre époque des extrêmes, comme les feux poussés par des vents furieux, les Santa Anas [1], que Los Angeles a expérimenté cet automne et cet hiver. Mais ce qu’on doit savoir ici est que ce vent, tout comme la plupart des autres phénomènes naturels bien connus par les gens de LA, est récurrent. Il se produit chaque année et fait partie du cycle naturel qui permet l’existence climatique du bassin de Los Angeles, tel que les gens qui le vivent l’apprécient. Cet ensemble aux bénédictions mitigées se trouve aussi à être, ironiquement, un moteur de créativité pour ceux qui le recherchent. Mais c’est justement cette attractivité, son importance dans la balance des considérations pour la viabilité à long terme de l’économie de la ville et de la région, qui fait que les signes de détresse, sur le plan climatique et même géologique (sismique), ont pu si longtemps être ignorés ou étouffés.

SOYONS RASSURÉS, il ne s’agit pas d’une conspiration. Mais, comme l’argumente l’auteur, les élites locales et régionales impliquées dans la promotion (le boosterism) des activités économique et culturelle de la région ont eu beau jeu de baigner de soleil et d’envelopper d’une température idéale toute histoire qui pouvait contredire cette image idéalisée. On trouvait toujours moyen, jusqu’à récemment, de repousser plus loin le rêve, de vite-vite tourner le regarder vers un nouvel horizon à développer sous un ciel radieux. C’est de cette manière que les cycles naturels cataclysmiques pouvaient être balayés sous le tapis de la prospérité, généralisé, mais curieusement stratifié, selon le pedigree familial ou ethnique. Un corollaire de cette stratification se manifeste dans la façon d’occuper l’espace urbain. Plus spécifiquement, comment la règlementation sur l’occupation des bâtiments et les incendies est manipulée (ou simplement négligée) pour perpétuer un cycle de vétusté dans les zones abandonnées. En contrepartie, dans les zones envisagées comme potentiellement utiles au développement, comment cette même règlementation devient l’instrument pour faire table rase et repartir le développement dans le sens voulu par ces élites.

Personnellement, le chapitre que je ne pouvais lâcher portait plutôt sur les univers fictifs, pour la plupart dystopiques et futuristes, ayant comme point focal LA ou la Californie du Sud. Dans le chapitre The Literary Destruction of Los Angeles, Davis nous parle des plus de 138 romans et films qui, tous à leurs manières, voit Los Angeles comme une mégalopole mure pour un moment de righteous wrath. La capacité extraordinaire de Los Angeles d’attirée a elle ce mélange de gens de tous les horizons et de toutes les couches socioéconomique de la société, qui travail tous à leurs manières à la réalisation de leurs rêves, en fait un lieu de contraste. Ironiquement, cela semble inspirer les fantasmes les plus immondes, surtout chez qui le succès ne peut que se mesurer autrement que par l’aplanissement des différences. Mike Davis nous fait l’histoire de cette littérature et cinéma, à la fois dystopique, raciste, apocalyptique, écocatastrophique, néo-fasciste/nazi et survivaliste. Une anthologie, un witches brew de toxicités créatrices des fantasmes de l’homme blanc frustré devant un monde qu’il ne contrôle plus.

Le climat et les forces naturelles demeurent ce qu’elles sont en Californie du Sud. La lecture de cet ouvrage de Mike Davis nous donne abondamment de quoi réfléchir sur notre capacité à manipuler à notre avantage, mais pour encore combien de temps, cet environnement urbain et naturel.



[1] Comme je l’avais indiqué aussi il y a quelques semaines (Approche et pratique — 2025-01-10), il y a ce court texte de Joan Didion sur les Santa Anas (1969), qui parle justement de leurs côtés irrépressibles.

Tags Ecology of Fear, Mike Davis, Changements climatiques, Los Angeles, Southern California, Urban sociology, Série LA

Quarkz & Quirks L.A.

January 25, 2024 John Voisine
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City of Quartz—Excavating the Future in Los Angeles. Mike Davis, Verso Books, 1990 (2018), 512 pages.

Cette chronique est la quatrième d’une série de quatre (4) sur la ville de Los Angeles [4/4]

Il est bon d’enfin lire quelque chose sur Los Angeles écrit par ce qu’il y a de plus proche d’un native. De plus, loin d’être un simple observateur/flâneur, Mike Davis a durant toute sa vie adulte participer étroitement dans « l’éveil » des populations les plus vulnérables de la ville. En plus de cette implication étroite, on le connaît parce qu’il avait cette plume capable d’aller cherche le lecteur, même celui qui se réfugie dans le confort de l’indifférence. Je suppose qu’il y a toujours le danger d’amplifier une situation au point de nous faire détourner le regard, mais la grande force de City of Quartz se trouve dans la capacité de Davis (1), à travers les histoires politiques, personnelles, intellectuelles et urbaines qu’il présente au lecteur, de nous mettre en contacte juste assez avec la réalité locale pour nous faire questionner les paramètres complaisants de nos acquis.

Mais avant d’en arriver dans ces chapitres où l’histoire des gens de la ville est recalibrée à partir de cette perspective ancrée dans les impacts réels, l’auteur commence par un chapitre qui a la grande force de nous faire une histoire intellectuelle, artistique, littéraire et cinématographique de Los Angeles. Lorsqu’on comprend le rôle et l’influence sans pareil de la construction imaginaire de cette ville, presque sans commune mesure avec toutes les autres, on ne peut faire autrement que d’être absorbé par ce premier chapitre. J’aurais presque aimé le lire en lui-même comme opuscule indépendant avant de lire tout le reste, et la densité du matériel fait qu’on ne peut faire autrement que d’y retourner. Ainsi, on découvre que c’est le croisement, souvent involontaire et parallèle, de tous ces niveaux de compréhension (mais surtout de non-compréhension et même d’indifférence), qui a fini par produire l’image vague, confuse et embrumée que l’on identifie maintenant comme le L.A. Noir (2). C’est une image qui traverse autant le cinéma que la littérature et qui a bénéficié de plusieurs géniteurs (tous des hommes, c’était l’époque d’avant et juste après la Deuxième Guerre), que l’auteur expose ici avec tous les nuances et détours que cette histoire intellectuelle méritait.

Los Angeles a aussi le pouvoir de suscité des syncrétismes qui se sont révélés particulièrement fertiles dans notre monde contemporain. Avec cette combinaison d’industries aérospatiales et d’aviation, d’industriels fortement capitalisés (la défense) et de science de pointe (Caltech), L.A. s’est retrouvée être la plaque tournante de plusieurs courants nourrie d’ambition qui allait parfois au-delà de la réalité matérielle. Mike Davis fait la synthèse de ces courants de manière assez divertissante.

Sur les traces de City of Quartz

Mais pour revenir à la matérialité, cet ouvrage est un bon moyen d’assister aux origines des groupes d’intérêts comme le NIMBYsm et d’autres formes de résistances hyperlocalisés, aux motivations trompeuses. La Californie, en général et Los Angeles, en particulier, sont le foyer de nombreux courants qui ont comme objectif une limitation sur la capacité de récolter et d’utiliser des fonds publics, surtout les taxes foncières (source de revenus principale des gouvernements locaux). Grâce aux réformes progressistes du début du dernier siècle, la Californie bénéficie de mesures d’initiatives populaires (référendums) qui permettent de contourner le processus législatif (les élus). Ainsi, après être tombées dans l’oubli durant plusieurs décennies, les années 1970 les ont vues ressuscitées, principalement par des mouvements de la droite populiste. Avec cette résurrection, plusieurs mesures restreignant la capacité de taxation des entités locales ont eu gain de cause dans l’urne, comme le fameux Prop 13. Ainsi, une partie de l’ouvrage de Mike Davis nous illustre ce qui arrive quand une métropole comme L.A. continue son développement tout en se refusant les moyens de payer, d’encadrer et de se doter des services essentiels pour que ce développement engendre une croissance profitable à tous, en limitant les externalités. Car l’histoire récente nous l’a si bien montrée, on serait naïf de penser que les leçons ne se généraliseront pas.

La convergence des limitations et contraintes mesquines et populistes dans la capacité de se doter des ressources nécessaires à une croissance résiliente à quelque chose de particulièrement cruel, surtout dans nos environnements urbains. Même si glorieusement d’une gauche radicale, l’auteur est le guide qu’il nous fallait sur ce terrain.

Cependant, un des outils dont il ne disposait pas au moment d’écrire son ouvrage, à la fin de la décennie 1980 (il y a plus de 30 ans!) se découvre grâce au travail rendu sur le site Segregated by Design. Maintenant avec une page spécifique sur le cas de Los Angeles. La spécialité du site est la reconstruction (avec à l’appui des photos aériennes animées par un montage vidéo sophistiqué) de la destruction laissée par le passage des autoroutes urbaines. Cette vidéo illustre matériellement les ravages infligés par le Harbor Freeway dans ce qui était le cœur vif de L.A.

Après ce visionnement, comment utiliser encore des mots creux comme « cicatrice » ou « aménagement » urbain en rapport avec ces autoroutes? Excavating the Future in Los Angeles. Vraiment? Un avenir qu’on ne souhaite à personne.


(1) Pour avoir une idée de qui était Mike Davis, il y a ce podcast vidéo réalisé deux années avant son décès en 2022;

(2) C’est aussi le nom d’un jeu vidéo assez connu ; jamais joué, mais j’aimerais bien, ne serait-ce que pour parcourir la ville en 1947 !;

Tags City of Quartz, Mike Davis, Los Angeles, Urban sociology, Southern California, Série LA

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