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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Une persistance

September 10, 2024 John Voisine
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Le mythe tenace de la folk society en histoire du Québec. Jacques Rouillard, Septentrion, 2023, 218 pages.

Série essai historique — A tous les deux mois

Lorsqu’on regarde de plus près, même pour un simple amateur, l’histoire particulière des villes, des villages et du territoire rural du Québec met en porte-à-faux le compte-rendu conventionnel voulant que la population canadienne-française ait vécu sous l’emprise de l’Église, en mode « survivance », de la Conquête (1760) jusqu’à l’éveil de la Révolution tranquille. Mais n’étant pas historien et doté, somme toute, d’une connaissance limitée de l’histoire de la province, il était difficile de mettre le doigt sur ce qui ne tournait pas rond. En particulier, à la source de mes doutes était que chaque fois que je plongeais dans une histoire urbaine ou que j’en apprends davantage sur une localité, je constatais presque toujours une grande pluralité, sur tous les plans, et ceci peu importe l’époque. Les gens se mobilisent tant bien que mal, les commerçants, marchands et industriels canadiens-français se regroupent, des organisations de tout genre se forment, et pas uniquement de nature confessionnelle. Même si la franchise est loin d’être universelle (soit que les femmes n’ont pas le droit de vote, soit que seulement les propriétaires ont la prérogative, etc.), la vie politique sur les fronts municipaux, provincial et fédéral entrainent une mobilisation et des discussions vigoureuses sur toutes les tribunes disponibles (pamphlets, journaux et revues; à la radio à partir des années 1920-30). Les manifestations et rencontres de tout genre abondent. Je ne serais pas le premier à le faire remarquer, mais le nombre et la diversité des associations de toute nature, dans toutes les communautés et à travers celle-ci, représente la soif légitime que nous avons tous d’être en contact avec autrui. Ceci demeure vrai, peu importe ce qui était dit en chaire lors des grandes messes dominicales.

D’ailleurs, si l’emprise de l’Église était si total sur les consciences, pourquoi un gouvernement du Parti libéral à Québec (réélu avec de fortes majorités) de 1897 à 1936? Et ensuite, de 1939 à 1944? Qui se souvient de l’Action libérale nationale (ALN)? Du programme progressiste du Parti libéral adopté en 1938, à Québec? Des mesures progressistes adoptées par le gouvernement d’Adélard Godbout? Qui se souvient que l’Union nationale n’a pas gagné le vote populaire lors de sa victoire qui l’aura installé au pouvoir en 1945, jusqu’en 1960?

Sur les traces de Mythe tenace de la folk society en histoire du Québec

Ce que monsieur Jacques Rouillard vient offrir est une genèse de la façon dont s’est construit le consensus autour de plusieurs notions tenaces (des mythes) sur ce discours qui fait de la population canadienne-française une sorte de « folk society ». En faisant reposer notre compréhension de l’histoire sur une lecture purement culturelle de la société, on se retrouvait avec un corpus d’une profondeur plutôt limité. De plus, loin d’impliquer de véritables connaissances historiques, ce corpus fut essentiellement bâti à travers des sociologues associés à l’école de Chicago. Pour les intellectuels, autant d’ici que d’ailleurs, qui ont basé leurs lectures de la société canadienne-française sur ce corpus, c’est un matériel qui allait surtout permettre de réconforter plusieurs préjugés faciles.

Ainsi, on se retrouvait longtemps à renforcer la notion que les Canadiens français d’avant 1960 étaient ce peuple triste, passif et refermé sur lui-même (on dira même xénophobe, raciste et antisémite), sous le joug de la religion, l’Église catholique et son idéologie (l’ultramontanisme) qui légitime le contrôle des institutions de cette société. Dans ce moule, notre monde des gens d’affaires était sans envergure ou ambition, et surtout, sans moyens. Toujours selon cette conception, notre parlement et nos politiciens étaient sans programme, sauf celui soufflé par l’Église. Fondamentalement, notre société se caractérisait par un repli sur soi qui interdit l’assimilation de toute autre culture, surtout pas celle des États-Unis ou du reste du pays, avec l’anglais honni qui finira par dominer et entrainer la perte et l’effacement de la nation. Jacques Rouillard vient enfin faire voler en éclat cette vision « folk society ». Celle-ci était tenace parce qu’elle conforte et donne un rôle flatteur, d’avant-garde même à ces sociologues et d’intellectuels influant de la période juste avant et juste après la Révolution tranquille. La sociologie s’est implantée plus rapidement dans les universités; et c’est seulement après que les premières cohortes d’historiens, formées aux outils de cette discipline, ont finalement émergé durant les années 1970-80 que les premiers travaux sont enfin venus nuancer notre passé. Un exemple de cette nouvelle vague se trouve dans les deux tomes d’une histoire du Québec contemporain par Linteau, Durocher et Robert.

Jacques Rouillard nous donne les outils pour que nous puissions une fois pour toutes nous débarrasser de ce mythe tenace et auto-infligé. Le moment est mûr pour enfin laisser tomber cette noirceur dans la lecture de notre histoire; pour ceux qui l’auront lu, c’est maintenant notre devoir de passer le mot.

Tags Le mythe tenace de la folk society en histoire du Québec, Jacques Rouillard, Québec, Histoire politique, Série essais historique

On Juneteenth

June 19, 2024 John Voisine
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On Juneteenth. Annette Gordon-Reed, W.W. Norton & Company, 2021, 152 page. [E-book lu sur plateforme Kindle]

Série essai historique — A tous les deux mois

Le 19 juin (1865) marque le moment qui mettait fin à l’esclavage dans l’ancien l’État confédéré du Texas, et plus généralement dans tous les anciens États confédérés du sud des États-Unis. Plus spécifiquement, c’est une proclamation (General Order No. 3) du général unioniste Gordon Granger, stationné dans la ville portuaire de Galveston, sur la côte est du Texas, qui vient finalement donner la capacité aux autorités militaires et civiles fédérales de mettre en vigueur la proclamation d’émancipation qui avait été émise plus de deux ans plus tôt par le président Abraham Lincoln, le 1e janvier 1863. La guerre de Sécession était elle-même finie depuis le 9 avril 1865, plus de deux mois plus tôt. Le président Lincoln sera assassiné à peine cinq jours plus tard, le 14 avril 1865.

On Juneteenth, le bref, profond et sensible ouvrage de Madame Annette Gordon-Reed [1] ne se veut pas tellement un historique de ces évènements dramatiques, mais plutôt une réflexion personnelle et familiale sur le sens de ce jour. De plus, depuis la signature, par le président Joe Biden en 2021, de la loi votée à l’unanimité par le sénat et la quasi-unanimité de la chambre, c’est aussi une fête nationale (significativement, la dernière introduction d’une fête nationale aux États-Unis remonte à 1983, avec Martin Luther King Jr. Day). L’auteure est née et a passé ses années formatrices au Texas, durant les décennies 1960 et 1970, dans une ville qui avait alors pas plus de 5000 habitants, mais qui en compte désormais plus de 85 000. Lorsqu’elle est née en 1958, les écoles dans l’État étaient encore ségréguées, malgré la décision Brown vs Board of Education de 1954. L’auteure nous fait un portrait très personnel de ce Texas sous l’emprise de l’arbitraire extrajuridique et des lois Jim Crow, où l’histoire et le quotidien des uns, la majorité blanche, ne connaissaient presque aucun parallèle avec celui des minorités à la fois noires et de la diversité hispanique native et immigrante de l’État.

Tout se joue dans la façon d’emmener la narration de cette histoire. La méthodologie déployée par l’auteure à la force nécessaire pour nous faire sentir tout la violence et l’ordinaire tragique de vies où l’exploitation est une réalité intégrée, de jure et de facto, dans le quotidien de toute une population désigné (les concitoyens noirs). Mais du même coup, l’auteure ne manque pas d’expliquer comment se fait l’appartenance profonde au territoire patrimonial et identitaire de cette même population.

Sur les traces de On Juneteenth…

C’est en quelque sorte cette tension unique à porter qui se manifeste à tout moment de l’existence des citoyens noirs de l’État du Texas et que Madame Gordon-Reed nous permet de mieux saisir. Elle est de plus particulièrement bien placée pour être porteuse de ce message délicat, ayant été l’auteure d’une nouvelle biographie de Thomas Jefferson qui est venu une fois pour toutes établir sa paternité des enfants d’une femme de son entourage rendu en esclavage, Sally Hemings. Cette relation de parenté, elle ne l’a pas faite en utilisant une méthodologie à base de tests d’ADN (même si ses travaux ont été par la suite confirmés par de tels tests), mais plutôt simplement en utilisant une méthodologie de recherche historique et juridique traditionnelle. Surtout, en donnant une voix pleine et entière à la documentation historique et aux témoignages (des personnes rendues en esclavage) du vivant de Jefferson. Les historiens/biographes ainsi que les descendants de l’auteur de la Déclaration d’indépendance avaient simplement choisi d’ignorer, lorsque possible ou de discrédité, lorsque la réalité ne pouvait être ignorée, tout les témoignages et documents qui pointaient vers cette paternité. Cette faculté d’ignorance volontaire et cette façon de discréditées agressivement les témoignages contemporains étaient rendu des plus facile du fait que ceux-ci émanaient de personnes ayant directement vécue les conséquences du système esclavagiste basé sur les nuances de couleurs de la peau (noir) qui caractérisait l’esclavagisme américain (d’autres systèmes existent).

Selon la règle juridique qui voulait que « [African Americans] had no rights which the White Man was bound to respect », la personne noire n’avait ni parole ou récit à fournir à l’histoire qui devait ou pouvait, de manière crédible, être intégrée dans l’histoire « officielle ». Il est certain que cette histoire, lorsqu’on y intègre les versions minoritaires, montre le système de gouvernance, le système légal, les comportements et les agissements de la majorité blanche sous un jour des plus haineux, ce qui n’aide en rien son intégration dans la narration officielle. Ce n’est pas un hasard si au Texas, on dit toujours « Remember Goliad » ou « Remember the Alamo », mais dès qu’il est question d’expliquer pourquoi l’État demandait d’être indépendant ou faire la lumière sur le rôle de l’esclavage et de la résistance violente à toute expression universaliste des droits civique et politique, la majorité blanche répond « don’t dwell on the past ».

En ce 19 juin 2024, Juneteenth, on prendra un moment pour embrasser, apprendre, diffuser et accepter toute notre histoire et pourquoi pas, lire ce livre essentiel.


[1] On trouve sur ce site une entrevue avec l’auteure qui en vaut le détour.

Tags On Juneteenth, Annette Gordon-Reed, Texas, Galveston, Esclavage, Série essais historique

Beyond the Veil

February 27, 2024 John Voisine
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The Souls of Black Folk. Introduction by Davis Levering Lewis. W. E. B. Du Bois, Modern Library, Centennial Edition, 2003 [1903], 320 pages [lu en format ebook]

Série essais historique — A tous les deux mois

The Souls of the Black Folk est un de ces livres qui marque un « avant » et un « après » dans la vie de celui qui veut bien s’en laisser imprégner. Pour utiliser une expression propre à l’ouvrage, c’est un des rares moments que nous avons de contempler l’existence « beyond the Veil », ce voile invisible qui fait qu’il nous est possible de passer nos vies tout en ignorant, ou dans le pire des cas, en perpétuant ce semblant d’ignorance qui est la porte ouverte à toutes les dégradations. Pour nous porter à l’intérieur de l’univers des ignominies qui se déroule juste de l’autre côté, il y a l’écriture, la voix d’un autre siècle (le livre est sorti en 1903) qui par la résonance juste, équitable et honnête de son propos, retient l’attention du lecteur durant ses quatorze brefs chapitres. Des chapitres qui sont autant de toiles dans la vie de l’auteur, qui raconte cette adversité quotidienne, emprunt de mesquineries, de tricheries, cette brutalité sans répit, qui s’est souvent révélée mortelle. En parcourant ces chapitres, on lit l’urgence dans le propos, qui devait entrainer le lecteur d’alors tout autant que le lecteur contemporain à questionner la nature et l’existence même de son humanité.

Paru presque quarante ans après la fin de la guerre de sécession américaine, c’est comme si l’auteur, William Edward Burghardt (W.E.B.) Du Bois nous rend la chronique d’un pays qui s’est enfoncé de manière encore plus inextricable dans ce que l’homme a de plus destructeur et ravageur à faire subir à son prochain, si ce dernier à la moindre nuance de noir sur sa peau. W.E.B. Du Bois est né après cette guerre (1868), dans le Nord. Il n’a donc pas eu à grandir au cœur du Black Belt, qui coïncide aussi avec le cœur des anciens états esclavagistes du Sud et la région qui sera le sujet de ce « car-window sociologist », comme il se qualifie drôlement lui-même. Ce moment dans l’histoire américaine est parfaitement illustré par cette carte, qui permet à W.E.B. Du Bois d’écrire, dans le premier paragraphe du livre : « for the problem of the Twentieth Century is the problem of the color line. »

La zone de la Black Belt au États-Unis selon le recensement de 1900, dix avant avec le début de la Great Migration qui changera tout à partir de 1910; Image Wikipedia.

La définition de ce « color line » est probablement moins évidente et surtout, le voile est devenu à la fois plus opaque et translucide (ce qui permet même à certains d’affirmer qu’il n’existe plus), mais la volonté implacable d’asservissement, d’humiliation et de ségrégation entre les gens et groupes de différentes cultures, de culture polymorphe ou cosmopolite, et de différentes nuances capillaires est encore bien vigoureuse dans nos sociétés modernes. Voilà pourquoi The Souls of the Black Folk nous chante toujours aujourd’hui, cent vingt et un ans après sa parution.

Sur les traces of The Souls of Black Folk

W.E.B. Du Bois finira par obtenir des diplômes de l’université Fisk (un HBCU), à Berlin et de Harvard (son PhD). Un des combats de son existence, qui le conduira même à un vif désaccord avec l’une des plus grandes figures de son époque, Booker T. Washington, portera sur l’importance de faciliter à ceux qui le peuvent (dans les communautés noires) la possibilité de poursuivre des études supérieures dans les arts, les lettres, la philosophe, l’histoire, bref, les arts libéraux. Mais selon Washington, si on était pour offrir la moindre éducation aux jeunes noirs du Sud, elle devait se limiter aux apprentissages pratiques et techniques, puisque l’autonomie et la viabilité économique devaient primer avant tout. Le fait que cinq des quatorze chapitres soient consacrés à discuter plusieurs nuances de cette question en dit beaucoup sur sa centralité pour Du Bois. Ce qu’il cherche à faire entendre au lecteur, c’est qu’en étant noir aux États-Unis, tout sujet de discussion doit être abordé avec « this double consciousness, this sense of always looking at one’s self through the eyes of others, of measuring one’s soul by the tape of a world that looks on in amused contempt and pity. One ever feels his two-ness—an America, a Negro; two souls, two thoughts, two unreconciled strivings; two warring ideals in one dark body, […]. »

Si ces paroles ne sont pas assez pour comprendre l’irréductibilité de la situation pour la population noire des États-Unis, voici ce que le sénateur Benjamin Tillman de Caroline du Sud a dit en apprenant que le président américain avait reçu Booker T. Washington pour un souper à la Maison-Blanche : « The action of President Roosevelt in entertaining that nigger will necessitate our killing a thousand niggers in the South before they will learn their place again. » Ce sénateur parlait ainsi du principal avocat pour une approche « lente » de l’intégration de l’homme noir au sein de la société du Sud, principalement pour éviter un « harsh, white backlash. » Ce « deadening and disastrous effect of a color-prejudice » permet également à Du Boise de mentionner, sans autre explication, les noms de Phillis Wheatley et Sam Hose; deux extrêmes de l’horreur « beyond the Veil ». L’avant-dernier chapitre de l’ouvrage, XIII Of the Coming of John, raconte en quelque sorte cette réconciliation impossible. On lira aussi pour le « discours » du juge à sa table de cuisine. Cela se termine par un lynchage.

En 1935, W.E.B. Du Bois fait paraitre Black Reconstruction, une reconsidération de la douzaine d’années après la fin de la guerre civile américaine. Il faudra attendre les décennies 1980-90, avec Eric Foner en tête, pour que les arguments de l’ouvrage commencent à être pris au sérieux par les historiens et mènent à une relecture de cette période. Nous allons nous intéresser à ce livre lors de la prochaine chronique de non-fiction, le dernier mardi, dans deux mois.

Tags The Souls of Black Folk, W.E.B. Du Bois, Histoire américaine, Sociologie, Civil Rights, Série essais historique

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