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Wellington | Fabrique urbaine

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L'urbanisme en pratique

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URBS+ : Abréviation d’urbanisme, mais quand même un peu plus. Une revue hebdomadaire d’ouvrages et d’œuvres avec comme point commun un intérêt pour l’univers urbain, qui est aussi l’univers ultime de l’être humain.

Au bout de la route, le Mile End

October 2, 2025 John Voisine
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Histoire du Mile End. Yves Desjardins, Septentrion, 2017, 355 pages.

Série Perspectives montréalaises

J’ai un intérêt particulier dans l’histoire de ce quartier de l’arrondissement du Plateau-Mont-Royal, puisque j’y ai vécu les dernières années de mon enfance et l’essentiel de mon adolescence. En fait, nous vivions juste au sud de ce secteur, qui finira par reprendre le nom « Mile End », une appellation que je suis assez certain de ne jamais avoir entendue en grandissant. Nous étions plutôt dans une partie que nous appelions le « quartier portugais »; plusieurs de nos voisins étaient d’origine portugaise. L’école où j’ai fait mes trois dernières années au primaire avait une abondance de camarades de ce groupe. Je me rappelle même que ces derniers, en plus de leurs cours ordinaires du primaire, suivaient des cours qu’ils appelaient « pelo », un terme sans signification pour nous, mais on comprenait que c’était à la base des cours dans leurs langues d’origine (le portugais). Je viens de faire une recherche internet et, comme de raison, je découvre que cela existait vraiment et que l’acronyme cryptique signifiait Programme d’enseignement des langues d’origine (PELO). Ce n’est certainement pas dans le Québec au climat politique rapetissé, rabougri, frileux et paranoïaque (pour ne pas dire raciste) d’aujourd’hui qu’un tel programme pourrait prospérer, encore moins voir le jour.

Durant cette période, nous vivions au rez-de-chaussée d’un immeuble à logement en rangée de la rue Sewell, entre les rues Saint-Urbain et Clark. La propriétaire était une femme juive survivante de la Shoah et qui tenait aussi un dépanneur, juste un peu plus haut sur la rue, au coin de la rue Roy Ouest. Cette personne est décédée un peu avant que j’atteigne l’âge adulte et son fils, qui vivait, je crois, dans Côte-des-Neiges, a probablement dû vendre les deux bâtiments peu après. En grandissant, notre monde, avec ma mère et ma sœur, était fait de sorties sur le boulevard Saint-Laurent, surtout entre les rues Prince-Arthur et Duluth, pour notre épicerie (le Quatre-frères, le Warshaw, maintenant une pharmacie, une boulangerie « juive » juste en face, maintenant une boutique de musique, La vieille Europe, maintenant l’ombre d’elle-même, le commerce de produit en vrac Frenco, maintenant disparu) et tous les autres besoins d’une famille avec enfants. On fréquentait aussi les commerces de la galerie marchande des édifices La Cité, où ma mère a d’ailleurs passé les 25 derniers ans de sa vie. Sans connaitre ou avoir à utiliser cette terminologie, Saint-Laurent était véritablement à cette époque à la fois une rue locale et de destination, assez unique pour justifier un déplacement.

TOUT CE MONDE A ESSENTIELLEMENT été balayé au début des années 1990. J’ai moi-même demeuré dans le secteur 4-5 ans après ma majorité, mais ce n’était déjà plus la même chose. On ne le comprenait pas vraiment à l’époque, mais ça faisait déjà un certain temps que ce qui s’était construit pour servir et faire vivre, matériellement, culturellement et intellectuellement, les différentes communautés d’avant allait s’étioler au point de ne laisser que des traces et de la poussière. En l’espace parfois de moins de deux générations, ces populations s’étaient dispersées dans les nombreuses banlieues de l’île et ses rives. Cela allait ouvrir la voie à de nouveaux acteurs, qui se lançaient alors dans la réappropriation de ces bâtiments pour les doter de fonctions et d’utilisations innovantes adaptées à notre existence. En fin de compte, le Mile End a probablement été chanceux de se voir insuffler une nouvelle raison d’être, souvent même par les enfants dont les parents avaient, il n’y a pas si longtemps, quitté ce Mile End de leurs premières années au pays.

Comme mentionné en introduction, j’ai une sensibilité toute spéciale pour cette histoire, mais il ne faudrait surtout pas se priver de la lecture de l’ouvrage de monsieur Yves Desjardins sous prétexte que l’on ne se trouve pas de racine dans le quartier. En fait, j’ai triché en parlant de mon enfance dans le « Mile End », puisqu’en vérité, le quartier ne commence pas avant la rue Mont-Royal, plusieurs rues plus au nord de notre zone, dont le cœur se trouvait plutôt entre l’avenue des Pins et la rue Marie-Anne. Mais surtout, ce qui fait la force de l’ouvrage est sa capacité à rendre cette histoire urbaine de manière large, en soulignant son insertion à la fois pragmatique et complexe dans la trame montréalaise. On le découvre à différentes époques et sous différentes incarnations, de terres agricoles, de villégiature, de tanneries et de carrières, de villages, de villes, de villes scindées pour mieux servir les élites locales et ensuite, une fois tout le jus spéculatif extrait, l’annexion inévitable à Montréal. L’auteur distille ici la richesse et la diversité de cette humanité, la variété de ses entreprises urbaines, des institutions culturelles et, finalement, de la politique (municipale, provinciale, fédérale) qui caractérise si particulièrement l’histoire du Mile End, et nous conduit avec dextérité jusqu’à sa période contemporaine. Une lecture qui passionnera et un volume qui, autant par sa facture que ses références, enrichira toute bibliothèque.

Tags Yves Desjardins, Histoire du Mile End, Série perspectives montréalaise, Histoire urbaine, Histoire populaire et urbaine, Quartiers de Montréal

La Pointe Saint-Charles

August 14, 2025 John Voisine
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Pointe-Saint-Charles—L’urbanisation d’un quartier ouvrier de Montréal, 1840-1930. Gilles Lauzon, Septentrion, 2014, illustré, 246 pages. Lu une copie emprunté à la bibliothèque de Montréal.

Série Perspectives montréalaises

Dans le vocabulaire montréalais, parler de Point Saint-Charles (PSC), ou de « la Pointe » est une forme de lieu commun entendu, une autre façon de parler d’un quartier ouvrier, presque dans le sens d’un idéal, conforme à certains mythes que l’on aimerait voir plus répandus, comme la capacité de se regrouper et de lutter pour de meilleures conditions de travail, un niveau de sécurité publique de base pour tous, un droit au logement salubre et abordable et, plus globalement, une participation citoyenne qui va au-delà de la consultation nominative. Du moins, ces idées participent (sans jeu de mots) à notre vision de la Pointe. Elles font aussi partie de la part de légitimité et de crédibilité qui s’est accumulée dans le quartier au fil des générations. Pour en apprendre plus sur cette mouvance et des forces qui se sont exercées sur le quartier afin de cultiver cette conscience collective hautement développée, on se réfèrera avec bonheur à l’ouvrage de monsieur Steven High, Deindustrializing Montreal, qui était justement l’objet de notre billet, la semaine dernière. Mais avant de réussir à forger ce mythe prolétaire des temps modernes, il existait un PSC qui s’est bâti et urbanisé. Pour mieux comprendre sa diversité et sa « force assimilatrice » de quartier d’accueil, solidement ouvrier, difficile, mais toujours, du moins, durant les 70 années qui forment cette période d’étude, sur une pente ascendante eu égard aux conditions matérielles et sociales, on gagnera beaucoup en parcourant ce livre original et pionnier de monsieur Gilles Lauzon, qui se consacre à la construction (l’urbanisation) de PSC, de 1840 à 1930.

L’auteur, qui possède une formation en architecture et en histoire, a combiné ici le meilleur de ces deux sensibilités. Il a ainsi pu brosser un tableau proche des réalités sociales d’une population en évolution et de la transformation accélérée d’un espace urbain en devenir. Ce dernier est d’ailleurs passé de « paysage champêtre » à cadre bâti résolument urbain, de type résidentiel, institutionnel, commercial et surtout, souvent juste à côté, industriel. L’auteur a fait le travail d’illustrer sur des cartes, qui sont ses œuvres originales constituées à partir du recoupage d’informations dispersées sur plusieurs cartes de l’époque, de nombres aspects de l’histoire du territoire et des zones discrètes d’installation des différentes populations dans le quartier. Cela s’avère un visuel et une aide essentielle au propos et permet au lecteur de se plonger dans la spatialisation des gens et des fonctions sur le territoire de la Pointe.

L’AUTEUR A AUSSI EU L’IDÉE DE nous faire cette histoire urbaine en suivant l’implication de trois familles représentatives du montage démographique de PSC. On suivra ainsi les Mullins (catholique irlandais), les Galarneau (canadiens-français qui représentent les familles issues de l’exode des campagnes et qui retiennent des liens avec celles-ci) et finalement les Turnbull, qui, comme leur nom l’indique, sont des anglo-protestants immigrés des îles Britanniques. Tous les aspects de leur existence seront rendus à travers leurs circonstances particulières dans le quartier, que ce soit sur le plan des liens familiaux, du travail, leurs lieux et conditions d’habitation, l’évolution des services dont ils peuvent s’attendre de la municipalité, le niveau variable de scolarisation (ou non) de leurs enfants, leurs circonstances matérielles, le rôle de leurs communautés d’attache linguistique, culturelle et confessionnelle; dans le temps et spatialement, sur le territoire. On lira sur les différents types de logements et sur le génie constructif déployé par rapport à des lots urbains compacts devant malgré tout être rentabilisé. Cela se fait même parfois en plaçant l’entrée au troisième étage de certains logements en cour arrière; ces entrées se sont même rendues jusqu’à nous! Il sera aussi question des modes d’occupations des logements, puisque l’auteur nous fait ici une reconstruction, assez uniques dans la littérature, des possibilités d’occupations offertes aux ménages. Surtout, l’auteur nous entraine dans le sens d’une compréhension tout en nuance d’une occupation parfois fragile et difficile, il est vrai, mais aussi bien souvent, fait d’options qui impliquaient, de la part de ces familles, des choix et non, comme une certaine littérature à longtemps chercher à le représenter, une déchéance assurée dans la misère.

C’est aussi sur le plan spécifique de la mortalité enfantine (particulièrement élevée chez les francophones) que le récit de monsieur Lauzon permet de faire la part des choses. On écarte et disculpe des notions vagues comme « l’insalubrité » des logements, trop souvent servie comme prétexte de tous les problèmes. Pour conclure, un autre des bons coups de l’auteur est de résoudre de manière convaincante l’ambigüité sur la question de l’approvisionnement en eau des immeubles multilogements. On avait longtemps cru que le fait que ceux-ci soient alimentés que par une seule source avait été à l’origine de nombreuses contagions et d’insalubrité chronique. Cela découlait d’une mauvaise lecture des sources. Mais pour savoir comment et en découvrir bien davantage, il faudra se saisir de ce livre, qui se présente comme une aventure aux origines du quartier ouvrier prototypique montréalais, Pointe-Saint-Charles.

Tags Pointe Saint-Charles, Gilles Lauzon, Le Sud-Ouest, Histoire urbaine, Série perspectives montréalaise

Stripmining Montreal

August 7, 2025 John Voisine
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De-Industrializing Montreal—Entangled Histories of Race, Residence, and Class. Steven High, McGill-Queen’s University Press, 2022, 419 pages. Je tiens à remercier M. B. pour l’opportunité d’avoir eu accès à ce livre.

Série Perspectives montréalaise — Les quartiers

Ce n’est pas tous les jours qu’on a la chance et le bonheur de tomber sur un ouvrage aussi stimulant que celui que nous offre ici Steven High, professeur d’histoire à l’université Concordia et un des principaux responsables et initiateur du Centre d’histoire orale et de récits numérisés (CHORN). La facture de l’ouvrage est celle d’un livre d’art qui se dépose sans gêne sur une petite table de salon afin de se laisser dévorer par des convives curieux. Si les photos, les images et les représentations graphiques semblent nous entrainer sur les chemins d’une visite de quartier bohème et digestive, c’était probablement parce qu’on avait échappé ou oublié de prendre au sérieux le sous-titre : Entangled Histories of Race, Residence, and Class. Ainsi, cet ouvrage a beau être en mesure de se placer sans honte juste à côté du plus sophistiqué des beaux-livres, son texte ne nous laisse jamais oublier que nous sommes en train de parcourir un travail académique qui ne trouvera pas d’égales avant longtemps. Non pas que la matière soit rébarbative ou obtuse ; bien au contraire, grâce à un travail rigoureux qui combine la recherche sur le terrain, la collecte méthodique dans les archives d’organismes locaux, la réalisation de nombreuses entrevues auprès de témoins et de participants de toutes conditions, et l’apport académique, fait pour fournir un cadre théorique rendant lisible les grands enjeux de chaque époque étudiée, nous sommes ici devant une œuvre totale, qui est beaucoup plus que la somme de ses éléments.

Tous ces éléments sont d’ailleurs mis au service d’une histoire socio-économique, mais aussi individuelle et populaire des quartiers du grand sud-ouest (Pointe-Saint-Charles, Saint-Henri, Petite-Bourgogne, Griffintown) de Montréal. Avec le canal de Lachine et les industries installés sur ses rives servent de fil conducteur, mais surtout comme vecteur des modifications profondes sur les espaces urbains qu’il traverse, l’auteur nous présente les histoires urbaines, sociales et économiques qui illustre les impacts, dans un premier temps de l’industrialisation sur le tissu urbain et les collectivités, mais surtout, de cette longue période aux expressions plurielles et souvent décalé qu’a été la désindustrialisation. Très naturellement, l’angle choisi pour faire cette narration en illumine la brutalité ordinaire et anonyme et, ce faisant, en écarte toute tentative d’une expression romantique ou de verser dans une nostalgie facile. Ce n’est pas pour dire que celle-ci ne pouvait pas exister, mais plutôt que, comme le démontre l’auteur, il ne manquera jamais de sources qui préfèrent la version aseptisée de l’histoire. Cette version est même souvent implantée (sous forme de panneaux « d’interprétation ») au cœur de ces quartiers.

MAIS LE CANAL DE LACHINE ET SA MÉTAMORPHOSE était juste un de ces vecteurs de l’industrialisation et, plus tard, de la désindustrialisation. On oublie trop souvent le réseau de transport qui l’accompagnait partout : le chemin de fer. À une certaine époque, ce dernier occupait beaucoup plus d’espace dans les tissus urbains qu’à présent, allant jusqu’au cœur des îlots et se déplaçant parfois jusque dans les rues. Le train représentait de nombreuses possibilités d’emploi, comme dans les ateliers du Canadien National de Pointe-Saint-Charles. Mais un des angles moins moins connu, et aussi un des points forts de l’ouvrage, est de restituer la longue histoire du rail dans le quartier que nous connaissons maintenant sous le nom de Petite-Bourgogne. Synonyme de ce que Montréal avait de quartier à la population majoritairement noir et anglophone, le secteur urbain entre la rue Notre-Dame au sud, Saint-Antoine au nord et la rue Guy à l’est et l’avenue Atwater à l’ouest s’était constitué afin de répondre à la demande en travailleurs pour les wagons des trains de passagers. En effet, durant une période d’environ 50-60 ans, le train constituait l’essentiel des moyens de déplacement longue distance au pays. En même temps, et durant la période parallèle de prospérité dans les usines et les divers ateliers mécaniques des secteurs adjacents, les emplois en usine étaient fermés à cette population noire. Un aspect qui fait l’objet d’une attention très éclairante dans l’ouvrage. Sur le plan urbain, le secteur est connu pour avoir été éventré par l’autoroute Ville-Marie, qui vint mettre un terme à la vie nocturne dans les clubs qui se trouvaient pour l’essentiel sur le flanc nord de la rue Saint-Antoine. Toute personne qui, de nos jours, marche le long de cet axe, entre la rue Guy et l’avenue Atwater, peut facilement constater la déchéance engendrée par le passage de l’autoroute. Le quartier fut aussi utilisé comme un des lieux initiaux d’expérimentation (avec les Habitations Jeanne-Mance et la tour de Radio-Canada) du urban renewal à Montréal (on se rappelle : urban renewal means negro removal; ce fut véritablement le cas dans ce quartier). Le chapitre sur Petite-Bourgogne (The Black City Below the Hill) et qui aborde toutes ces questions vaut à lui seul le détour.

Il y a quelques mois nous avons partagé notre lecture de l’ouvrage The Invention of Brownstone Brooklyn. D’une certaine manière, il serait profitable de lire ces deux ouvrages en parallèle. En effet, celui de monsieur Steven High vient ici en quelque sorte confirmer l’application en contexte montréalais de plusieurs des modalités de transformation et de gentrification exposées à l’épicentre du phénomène. Mais nul besoin de partager toutes les conclusions de l’auteur pour apprécier la façon unique et originale de rendre compte des particularités qui ont marqué l’évolution de ces quartiers du Sud-ouest de Montréal.

Tags Steven High, Deindustrializing Montreal, Histoire populaire et urbaine, Sud-Ouest, Série perspectives montréalaise

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