La Route verte—La plus belle conquête du vélo! Jean-François Pronovost, Les Éditions La Presse, 2025, 220 pages.
Je ne sais pas si, comme le sous-titre l’indique, la Route verte est « la plus belle conquête du vélo », mais il est certain qu’elle peut, depuis au moins le début des années 2010, prendre une place confortable dans toute liste des « top five » du vélo, et ceci partout où l’on accorde à la petite reine une chance légitime d’améliorer les déplacements sur un territoire. À vrai dire, la bicyclette prend de plus en plus confortablement une place de choix comme moyen de transit, de transport et comme véhicule naturel de récréation lorsque vient le temps de choisir une façon de passer des vacances en famille ou avec des amis. Ce qui est moins visible pour le public non initié est le rôle que la Route verte a joué, un peu partout sur le territoire de la province, dans cette transition. Mais un bon moyen d’en prendre pleinement conscience est justement à travers les propos que nous offre ici monsieur Jean-François Pronovost, initiateur du projet et pendant longtemps une des têtes dirigeantes de Vélo Québec. Dès le début des années 1990 et sur la lancée du succès annuel du Le tour de l’île (conçues initialement pour inaugurer la boucle « Est » des pistes cyclables à Montréal, en 1985), l’idée de mettre en place un réseau cyclable à l’échelle de la province commençait à faire son chemin. Une certaine convergence politique, constituée d’un gouvernement du Parti Québécois qui cherchait des projets « porteurs » afin d’inspirer la population lors de l’année référendaire de 1995, allait permettre aux gens de Vélo Québec de promouvoir ce projet de véloroute, que nous connaissons tous maintenant sous son appellation courante et officielle de « Route verte ».
Ce livre, qui coïncide avec les 30 ans du démarrage de la Route Verte en 1995, nous fait cette histoire de l’intérieur, puisqu’il est écrit par celui qui a été au cœur de cette conquête. Dans cette position, il est bien placé pour nous convaincre que, loin d’être gagné d’avance, la Route verte à plusieurs fois manquées de se faire couper avant même de pouvoir prendre racine et démontrer sa valeur. Même une fois établi, ayant surmonté plusieurs moments de mort imminente ou de quasi-abandon, un important travail de fond sera nécessaire avant de convaincre les communautés en région (et même à proximité de certains centres urbains) que l’investissement n’en était pas un servant uniquement cette frange étrange, et peu rentable, de la population qui décide de s’investir dans l’accessibilité à traction humaine et les loisirs à deux roues.
COMME LE RACONTE ICI Jean-François Pronovost, le démarrage de la Route verte est rendu possible par une situation et un gouvernement qui cherche à proposer des projets « rassembleurs » dans un contexte de fébrilité « nationale », mais aussi parce que plusieurs de ces idées, dans le milieu cycliste, arrivaient à maturité et étaient finalement prêtes à être déployé. Et comme il arrive souvent dans le monde à bicyclette (oui, c’est une référence!), ce qui accommode et facilite l’usage universel et sécuritaire du vélo rend aussi toute forme de circulation plus sécuritaire pour tous les usagers de la voie publique. On pensera par exemple immédiatement aux accotements asphaltés le long des routes. Ils permettent d’assurer aux cyclistes une largeur minimale, solide et sécuritaire (en étant hors de la trajectoire des automobiles), et à tous, une infrastructure généralement mieux conçue et plus conviviale. Mais évidemment, la Route verte est bien plus que des accotements routiers; on parle aussi de centaines d’autres kilomètres d’infrastructures cyclables en site propre. Certaines de ces voies cyclables font maintenant partie de la légende, comme celle du P’tit Train du Nord, dans les Laurentides ou, un peu moins connue, mais tout aussi fondamentale pour sa région, le Petit Témis, maintenant de Rivière-du-Loup sur le bord du fleuve à Edmundston, au Nouveau-Brunswick. Ces deux dernières pistes ont d’ailleurs la caractéristique de faire partie des corridors nés dans la vague « du fer au vert », soit d’anciennes voies ferrées converties en voies récréationnelles, souvent à usage multiple et quatre-saisons.
On le devine bien, convaincre tous les élus de toutes ces régions, avec le ministère des transports du Québec responsable des routes, de coordonner leurs efforts dans l’aménagement de toutes ces voies fut en soi un léger miracle, couplé à un travail colossal et une opportunité générationnelle et contextuelle sans pareille, à travers des gouvernements provinciaux aux idéologies contrastantes, qui manquait rarement une chance de compromettre sérieusement l’héritage de l’autre (on pense ici à la saga des fusions/défusions municipales). Si on fait l’exclusion de certaines initiatives vexatoires et inconsidérées (comme une tarification sur un corridor près de Québec), le plus grand danger qui guettait et qui guette toujours la Route verte est une certaine négligence dans l’entretien et l’amélioration des corridors. L’auteur ne le cache pas, mais montre aussi que les solutions, pour assuré la pérennité et l’expansion fructueuse du réseau, sont a porté de mains et rentables. Une belle leçon particulière dans la réalisation d’une vision porteuse.
