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Wellington | Fabrique urbaine

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Le Natatorium | L’idéal aquatique | Partie 04 |

June 26, 2025 John Voisine
Natatorium de Verdun 1940

Image 00 — Cette perspective aérienne, probablement réalisée quelque temps durant la première décennie après l’ouverture, illustre bien un élément subtil, mais fondamental, dans le génie de ce lieu : autant les bassins que les bâtiments sont alignés sur le rivage du fleuve et non sur la rue, qui passe pourtant juste devant.

Une version de ce texte parait dans la revue de la Société d’histoire et de généalogie de Verdun (SHGV), Les Argoulets (Été 2025 — Vol. 29, numéro 2).

Ce texte est le quatrième et dernier d’une série consacrés à l’histoire, aux origines et à l’avenir du Natatorium, situé au bord du fleuve, dans le parc de l’Honorable-George-O’Reilly, à l’ouest de l’arrondissement de Verdun.

Avant de commencer notre exploration du pavillon principal et des deux bassins qui constituent le noyau originel du Natatorium, récapitulons brièvement nos trois (3) premiers chapitres. Faire l’histoire d’une ville comme Verdun, même après être devenue, durant la décennie 1930, la troisième plus grande (en termes de population) de la province, n’est pas aisé. Nous avons décidé de retracer cette histoire en utilisant l’hebdomadaire anglophone distribué à l’époque à toutes les portes de Verdun, The Guardian (chapitre 1). Dans le deuxième chapitre, on suit la genèse de l’idée d’une piscine extérieure le long du fleuve, en identifiant le rôle particulier de ce rivage dans l’imaginaire verdunois et de celui du YMCA, qui, avec sa piscine intérieure, était une institution à Verdun. Finalement, au chapitre 3, nous avons abordé le rôle fondamental des programmes d’aide aux chômeurs. Dans ce contexte, Verdun fait preuve d’une maitrise d’œuvre exemplaire combinée à un contrôle bureaucratique si serrée que les sans-emplois qualifiaient le plan de « Work or starve ».

Image 01 — Élévations des façades — [19 mai 1939] — [dessin du haut] Arrière (Rear Elevation) et [dessin du bas] côté boulevard LaSalle (Front Elevation) — Le premier dessin en haut est celui de la façade arrière, celle qui donne sur les bassins. Sur le module central, on remarque l’horloge, le restaurant qui donnait sur les bassins et, d’un côté, une salle de premiers soins (First Aid) à droite et à gauche, une salle des sauveteurs (Supervisors). Ensuite, de chaque côté, cinq travées, dont la dernière avec les portes ségréguées hommes/femmes pour accéder aux bassins. On remarque, de chaque côté, les extrémités (coins) arrondies. Sur l’élévation de la façade du côté du boulevard LaSalle, en frontispice, on remarque en lettre capitale le nom de l’édifice, « NATATORIUM ». Toujours au centre, de chaque côté des trois portes d’entrée communes, les deux tours d’escaliers publics menant au toit-terrasse et, sur toute la hauteur de ceux-ci, en trois colonnes, les ouvertures remplies de briques translucides de verre (BTV). Finalement, tout en haut de chaque tour d’escalier, les lettres « CV » imbriquées, probablement pour « City of Verdun/Cité de Verdun ». Sur l’élévation côté boulevard, à droite, les cinq travées des vestiaires pour hommes/garçons et du côté gauche, ceux des femmes/filles. Dans la partie centrale de chaque travée, on remarque les fenêtres à guillotine et, surtout, les murs comblés par la BTV.

Tous les dessins d’architecture utilisés ici sont extraits du document Recherche documentaire produit par la Division du patrimoine de la Ville de Montréal.

Une visite inspirante

Rendu au moment de parler de la construction du Natatorium et de l’aménagement du site, il nous faut toutefois regarder vers d’autres sources que The Guardian, puisque ce dernier est pour l’essentiel silencieux sur ce processus. On sait, par un article paru dans le quotidien La Presse du 31 août 1938, que du personnel de la Ville de Verdun est allé en délégation observer les nombreuses (onze) piscines extérieures inaugurées à l’été 1936 dans plusieurs quartiers de New York City (NYC). L’article rapporte même que, suite à cette visite, « les autorités municipales ont modifié complètement les plans préparés pour la construction » de ce qui deviendra le Natatorium. La fin des années 1930 est une période d’effervescence en ce qui concerne les installations municipales publiques, comme les parcs, piscines, centres communautaires, bibliothèques, etc. Les autorités municipales et étatiques new-yorkaises, avec Robert Moses en tant que coordinateur et l’argent du Works Progress Administration (WPA) fédérale comme accélérant essentiel durant cette période de dépression économique, sont au cœur de ce processus de réimagination.

Image 02 — Plan du rez-de-chaussée — [5 novembre 1939] — Ground—Floor Plan — En étudiant ce plan, on remarque l’extrême efficacité des locaux, où tout est arrangé pour faire passer le futur baigneur le plus vite passible du vestiaire, aux toilettes, aux douches et ensuite vers les portes doubles qui donnent sur les bassins (en haut à droite pour les hommes/garçons et en haut à gauche pour les femmes/filles); mais juste avant, hygiène de l’époque oblige, il fallait se passer les pieds dans un « foot bath » (ce sont les deux rectangles devant ces portes). Au centre on remarque qu’il est possible de prendre directement, de chaque côté des trois portes d’entrée, un des deux escaliers vers le toit-terrasse, sans jamais passer dans les vestiaires. Pour sauver de l’espace, les cassiers (basket room) étaient concentrés dans le centre et desservis par le personnel municipal. On remarque du côté droit les toilettes publiques pour hommes, accessibles de l’extérieur par la porte au centre de ce mur latéral et du côté gauche, ceux pour femmes. Au coin supérieur droit, on remarque l’escalier menant aux locaux techniques en sous-sol.

Une des piscines visitées par la délégation verdunoise fut certainement la fameuse Astoria Pool. Elle se trouve au bord d’un plan d’eau naturel (la East River), offrant des vues spectaculaires sur Manhattan, les ponts de la Triborough (maintenant Robert F. Kennedy) et le lien ferroviaire de la Hell Gate Bridge. Mais c’est en s’attardant sur les caractéristiques du pavillon des baigneurs et des bassins qu’on peut, pour sûr, faire un lien direct entre ce qui a été construit à NYC et ici. Pour résumer de façon directe, le Natatorium se présente comme une synthèse des idées et de la pensée constructives des complexes aquatiques municipaux à NYC, mais appliquée à une échelle et sur un modèle réduit. Cela se mesure aussi en comparant les budgets : en moyenne 1,2 $ million US (de 1936) pour chaque installation construite à NYC ; le Natatorium disposait d’environ 200,000 $ canadiens (de 1939-40)—un autre montant souvent mentionné dans la presse de l’époque est 175,000 $, encore plus famélique.

Image 03 — Plan de fondation et des locaux techniques en sous-sol —[Date sur le plan : 19 mai 1939] — Filter Room & Foundation Plan — Les locaux techniques se trouvent pour l’essentiel sous l’aile du vestiaire/toilettes/douches des hommes (ici a droite sur le plan). En plus de l’escalier qui conduit à ce sous-sol, en haut à droite, on remarque au centre la grande pièce qui est le Filter Room, en bas à gauche la petite Transformer Room et le long du mur extérieur droit, avec ce qui ressemble à la cheminée, le Boiler Room. Tout le long du mur en haut, le local en longueur qui longe ce mur est le Pipe Tunnel. La majeure partie du centre et de l’aile droite est simplement Unexcavated. Le matériau représenté ici en plan, autant pour les murs de fondations, les piliers centraux et les murs intérieurs, est le béton armé.

Le génie aquatique du lieu

On remarque qu’autant le pavillon principal que les bassins de nage sont alignés sur la rive du fleuve et non sur le boulevard LaSalle (voir image 00). De la part des concepteurs, cela est une façon d’ancrer le lieu et de le faire participer à la logique riveraine, en contraste à une participation à la trame urbaine. Ainsi, en accédant au site du Natatorium, avant le remblai des berges durant les années 1970, on s’inscrivait, l’espace de quelques heures, dans un rythme aquatique, détaché et libéré de la logique oppressante et macadamisée des chaleurs d’été en milieu urbain.

Image 04 — Plan des aménagements électriques des bassins — [20 novembre 1940] — Electrical Layout for Pools — Même si ce plan à principalement pour fonction de nous informer du “layout” des lumières des deux bassins, on en apprend beaucoup sur la volonté de faire de l’expérience de la baignade de soir une partie centrale de l’attrait du Natatorium. Seulement dans le grand bassin, à droite, on constate que les deux fontaines centrales étaient équipées de deux lumières sous-marines de 1500W chacune. On avait en plus équipé chacun des longs murs de ce bassin avec 25 projecteurs sous-marins de 400W chacun (pour un total de 50). Sur la surface entourant le grand bassin toujours, on voit 12 lumières de 50W chacune. Le petit bassin de plongée, pour sa part, est équipé de 11 projecteurs sous-marins de 400W le long de ses propres murs longs (pour un total de 22). Tout autour des bassins, il y a une promenade de béton, elle-même éclairée par un total de 19 luminaires de 500W chacune. Avec tout cet équipement d’éclairage, il n’y a pas de doute, la baignade de soir au Natatorium devait être un phénomène social et culturel inégalable sur l’île de Montréal. La date du 20 novembre 1940 indique qu’il s’agit d’un plan de l’existant (post-construction).

Le pavillon principal

Typiquement, le pavillon principal est fait d’une longue structure symétrique avec un hall d’accueil et de services central. De chaque côté, de vastes salles d’habillages, des douches (avec eau chaude) et des toilettes. Dans le cas du Natatorium, cette entrée principale est de plus encadrée par deux tours contenant les escaliers menant de plain-pied sur le toit-terrasse, avec vue 360 sur le paysage (un aménagement aussi courant à NYC). En plus des toilettes pour les vestiaires, on trouvait des toilettes publiques à chaque extrémité. La terrasse et les toilettes publiques étaient accessibles sans jamais payer pour la piscine. Sur la terrasse, toujours dans l’axe central, mais du côté des bassins, il y avait un kiosque-restaurant, tout comme au rez-de-chaussée. Dans l’axe central, côté bassins, il y avait une horloge sur le mur extérieur. Les pavillons new-yorkais avaient habituellement une structure de béton habillé de briques et prenaient des formes empruntées à un langage architectural classique modernisé, aux lignes pure et solide, « simple materials simply disposed ». Le Natatorium choisit aussi la symétrie solide d’une forme classique avec structure de béton, mais étant d’échelle plus restreinte, on a choisi de simplement le recouvrir d’un crépi blanc. Les concepteurs ont judicieusement profité de la plasticité du béton et de la possibilité de faire de large ouverture qu’offre ce matériau pour incorporer dans chaque travée et dans les espaces de circulation verticale (les escaliers) de la brique translucide de verre (BTV). Les angles du pavillon sont aussi arrondis et l’espace mural adoucit par l’emploi de BTV qui épouse la courbe.

Image 05 — Plan partiel du toit-terrasse — [23 novembre 1940] — Probablement un plan de la mécanique post construction — Nous avons ici une vue partielle du toit-terrasse du Natatorium, essentiellement sa partie centrale desservie pour les deux escaliers, qui conduisent directement à sa surface à partir du hall d’entrée au RDC. En haut sur le plan, le fameux comptoir restaurant qui desservait le public des baigneurs ainsi que tout le public qui voulait profiter de la brise et des vues rafraichissantes sur la foule des baigneurs et le fleuve.

Les intérieurs

Les intérieurs sont habituellement recouverts de matériaux simples, utile et durable, « designed for maximum use, minimum maintenance expense, and simple operation ». La plupart des matériaux utilisés dans le Natatorium bénéficiaient de ces caractéristiques, comme les planchers aux entrées et dans les escaliers faits de terrazzo, dans les vestiaires en tuiles antidérapantes. Les portes qui donnaient accès aux bassins, dans les vestiaires de chaque côté, obligeaient les baigneurs à passer leurs pieds nus dans des foot-baths. Accessible par un escalier, à droite du bâtiment, du côté des hommes, se trouvait en sous-sol les locaux techniques. Toujours en sous-sol, le long de la façade du côté bassins, se trouve un tunnel à tuyauterie (vers les bassins). Le reste de la surface sous le pavillon des baigneurs était non excavé (voir le plan de l’image 03).

Image 06 — Plan, coupes et détail des tours d’escaliers menant au toit-terrasse— [22 novembre 1939] — Le premier dessin en haut à droite est identifié comme étant une Section Thro Main Entrance, soit une coupe allant de RDC au toit à travers les portes de l’entrée; en arrière-plan on remarquera surtout l’ouverture pleine hauteur comblée par de la brique translucide de verre (BTV) d’une des tours d’escalier qui encadre l’entrée. En haut à gauche maintenant, on peut lire une coupe type à travers une des tours d’escalier (Section Thro Stair Tower). En plus de se trouver en façade, on constate que la BTV était utilisée pour les ouvertures une fois en terrasse. Il est de plus indiqué que la hauteur libre entre le plancher fini du RDC et le plafond n’était que de 10’-6”, ce qui témoigne encore une fois de l’exiguïté des espaces intérieurs du Natatorium. En bas à droite, on a une Section Thro Typical Glass Block Panel, qui nous permet d’apprendre que la BTV était des modules de 3 3/4 x 7 3/4 Glass Blocks. Finalement, en bas à gauche, un plan type d’un Stair Tower. La stratégie visant à faire « voir » l’animation des lieux et d’assurer en même temps un éclairage naturel optimal est particulièrement bien visible sur ce plan type d’une tour d’escalier ainsi que sur la coupe de mur précédente.

Les espaces vestiaires bénéficient de larges ouvertures comblées par de la BTV avec au centre des fenêtres à guillotine avec châssis et vantaux de type industriel en acier, qui devaient offrir à ces espaces une luminosité sans pareille. À New York, étant donné l’échelle des installations (ce sont des espaces qui pouvaient accommoder jusqu’à environ 6,200 personnes), les vestiaires pouvaient, dans la plupart des cas, être utilisés hors saison comme gymnase. La capacité maximale du Natatorium semble avoir été d’environ 1,000 personnes. Nous ne pouvons que spéculer sur les intentions des concepteurs, mais il faut noter que, sur le plan d’aménagement/construction encore disponible (voir image 02), il est écrit que les sièges (côté hommes) et les cubicules (côté femmes) dans les vestiaires doivent être conçus pour être amovibles. Se pourrait-il qu’on envisageât d’en faire une installation utile quatre saisons, avec gymnase?

Image 07 — Dessins des Basket Rack — [13 février 1941] — Pour assurer une utilisation optimale de l’espace et une efficacité moderne des services offerts aux baigneurs du Natatorium, les usagers devaient remettre au personnel, localisé au centre du pavillon, leurs vêtements et tout autre accessoire. Ceux-ci étaient alors placés dans des paniers et ces derniers dans des cases, comme ceux illustrés sur ce dessin. Il était probablement fait sur mesure, selon les spécifications données sur ces vues. Cela permettait dans un premier temps de faire l’économie de l’espace et des coûts que représente le fait d’avoir des casiers dans chaque vestiaire et ainsi, dans un deuxième temps, probablement d’augmenter la capacité d’accueil de l’installation de baignade.

Image 08 — Dessins d’un des tremplins —[6 mai 1939, révisé le 28 mai 1940] — Design for 3 Meter Diving Stand — Trois de ces tremplins en béton seront intégrés au petit bassin de plongé.

Les bassins

Les deux bassins en béton armé, un de plongée (75 x 50 pieds et 11 pieds de profondeur) avec cinq tremplins (deux de hauteurs réglementaires de 3 pieds) et un de baignade/pataugeoire (200 x 75 pieds et 4 pieds-4 pouces de profondeur) étaient caractéristiques de l’époque. Contrairement aux bassins des piscines de NYC, l’eau n’était pas chauffée. Les surfaces sous l’eau sont peintes de couleur sea-green enamel et les gouttières en pourtour sont vert olive. La rage du temps était aussi de pouvoir nager tard dans la soirée, souvent jusqu’à minuit, alors les bassins sont équipés de nombreux projecteurs sous-marins (voir le plan de l’image 4). Une autre caractéristique de l’époque, le grand bassin de nage est entrecoupé de deux island fountains en béton, autant pour fournir de la lumière au centre de cette large étendu d’eau que pour offrir un point de repos et de rencontre pour les baigneurs. Les bassins étaient aussi entourés d’une surface non glissante bétonnée, plus large du côté opposé au pavillon, afin de créer un effet de plage. Immédiatement au-delà de l’enceinte des bassins, il y avait le nouveau boardwalk prolongé et, finalement, l’étendu mouvant du fleuve.

Image 9 — Esquisse d’un des îlots-fontaines dans le grand bassin— [31 août 1938] — Suggestion for Fountain Design-Swimming Pool Verdun — La date de ce croquis suggère qu’il s’agit d’une inspiration arrivée très tôt dans le processus, probablement avant même d’avoir une idée des volumes du pavillon des baigneurs.

Image 10 — Croquis de l’entrée du Natatorium— [Date inconnue] — On distingue sur la partie haute des tours d’escalier les lettres « CV » imbriquées, probablement pour « City of Verdun/Cité de Verdun ».

Plaidoyer pour un Natatorium aujourd’hui

Le génie des concepteurs est certainement d’avoir approprié le meilleur de leurs époques en termes d’idées et de pensées constructives, de les avoir assemblées dans un volume à la fois simple et inspiré et finalement d’avoir situé le tout sur le site de manière à célébrer les liens de Verdun avec son rivage fluvial. Pour plusieurs décennies, ce fut un lieu unique d’enchantement aquatique sur l’île de Montréal.

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Images 11-12-13-14 : Cliquez sur chaque image et laissez la souris sur celle-ci pour voir le texte d’accompagnement. Concernant les détails des accessoires d’éclairage intégrés, on remarquera que, lors d’une visite récente au Natatorium (printemps 2025), tous les intérieurs avaient été enlevés (démolis ?), les aménagements avaient disparu et tous les espaces étaient dégarnis jusqu’à la structure.

Malheureusement, la réalité de l’existant contemporain, combiné a une lecture des documents rendue disponible par la Ville de Montréal, nous force à constater que ce bâtiment en est arrivé à la fin de sa vie utile. Les ressources extrêmement limitées qui ont présidé à sa construction ont produit un pavillon qui s’est considérablement détérioré sous les rigueurs de nos changements de saison. Au fil des années, plusieurs interventions, bien intentionnées, ont singulièrement appauvri les intérieurs (comme le recouvrement de la BTV). On peut aussi parler de la résistance des matériaux, qui, saison après saison, ont été portés à la limite de leurs endurances naturelles. Soumis à ces conditions de façon récurrente et cyclique, plusieurs points de rupture ont dû être franchis, autant sur le plan des matériaux, des systèmes d’enveloppes et de la mécanique, sans parler de l’aménagement intérieur, révolu à tout égard. Même une rénovation en profondeur ne permettra pas de retrouver la viabilité des systèmes et de les faire fonctionner ensemble. De manière pratique, le minimum qu’on s’attend des systèmes de bâtiments et des aménagements intérieurs dans notre monde contemporain va bien au-delà de ce qu’il est possible d’accommoder avec l’existant sans le dénaturer de manière grotesque et inappropriée.

Image 15 — [21 mai 1940] — Pool Promenade Lamp STD—Luminaire extérieur, sur le pourtour des bassins.

Il est temps de laisser la possibilité à une nouvelle équipe de conception, sélectionnée à la suite d’un concours, la chance matérialiser un Natatorium fait des meilleures idées constructives adapté à nos temps nouveaux.

Image 16 — The Guardian, 14 juin 1940 — Natatorium, City of Verdun’s Latest Achievement — Un mois avant l’inauguration du Natatorium, l’hebdomadaire de Verdun publiait pour la première fois un rendu architectural du pavillon principal, dans ce cas-ci, la façade que l’on aperçoit à partir du boulevard LaSalle. Dans chaque travée, on note les fenêtres au centre et, de chaque côté, la représentation de la brique translucide de verre (BTV). On imagine facilement la qualité de la lumière qui devait habiter les espaces intérieurs. Dans l’axe central, les BTV sont repris autour des portes et dans les deux tours d’escaliers. Dans l’axe de ceux-ci, on remarque les lettres CV imbriqués, sans doute pour City of Verdun/Cité de Verdun; un détail intéressant qui semble cependant ne jamais avoir été réalisé. Finalement, en lisant le texte, on apprend que c’est le maire Wilson et son conseil qui inaugurera le complexe, juste avant le début du Dominion Swimming Championship, le 12 juillet. On commence aussi à s’habituer à cette appellation de Natatorium pour ce complexe aquatique nouveau genre à Verdun (et même sur l’île de Montréal).

L’inauguration

Le Natatorium de Verdun est inauguré sur le coup de 8h, la soirée du vendredi 12 juillet 1940. Nous avons toutefois de la difficulté à savoir comment la cérémonie s’est déroulée et quels types de festivités ont été déployées. Sur ce point, nous pouvons seulement supposer, car le numéro 29 du volume 12 de l’hebdomadaire The Guardian, est absent de nos archives. Il ne s’agit pas ici d’un cas de vol ou de vandalisme, mais plutôt d’une absence probablement attribuable à l’envergure qu’avait prise dans l’imaginaire verdunoise ce moment de l’histoire locale; tous les citoyens ont voulu garder un souvenir de l’évènement et aucun exemplaire du journal ne nous est parvenu.

Image 17 — The Guardian, 28 juin 1940 — Premier to Open Swimming Pool — Chose exceptionnelle, on sort l’encre rouge en haut de la première page pour annoncer la venue du premier ministre du Québec, Adélard Godbout, lors de l’inauguration du Natatorium. Selon une lettre envoyée en réponse à une invitation du maire, et citée dans un article sur cette première page, le premier ministre confirme sa présence, « if at all possible ».

Dans cette situation, lorsqu’on tente de substituer la presse montréalaise, on se heurte à des entrefilets. Le plus grand quotidien anglophone de l’île, The Gazette, y consacre à peine trois paragraphes en page 9, simplement pour mentionner que trois mermaids ont plongé au moment du discours inaugural du maire Edward Wilson, devant « more than 5,000 spectators ». Deux des trois quotidiens francophones, Le Devoir et Le Canada, ne couvrent l’occasion que sous l’angle sportif, pour donner les résultats du championnat amateur canadien de nage. Nulle mention qu’il s’agit aussi de l’inauguration d’une nouvelle piscine extérieure unique en son genre au Canada. Nous reviendrons sur la couverture qu’en fait le plus grand quotidien francophone d’Amérique, La Presse. Mais avant, retournons un mois en arrière et regardons comment le Leading Newspaper in Verdun, Quebec’s Third Largest City, fait mousser l’occasion.

Image 18 — The Guardian, 5 juillet 1940 — New Natatorium Ready for Opening—Hon. Adelard Godbout and Quebec Ministers to Officiate at Opening — C’est maintenant confirmé, tout le gratin politique du Québec sera présent pour l’inauguration du Natatorium de Verdun.

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Images 19-20-21 : Cliquez sur chaque image et laissez la souris sur celle-ci pour voir le texte d’accompagnement.

Dans son édition du 14 juin 1940, la manchette d’une colonne en première page proclame que les Best Swimmers Will Compete at Natatorium—Contestants Expected From All Parts of the Country July 12. On y apprend pour la première fois que l’inauguration aura lieu le 12 juillet, que les compétitions de la Dominion Association s’y tiendront pour deux jours et que plusieurs catégories seront exclusivement réservées aux résidents de Verdun. Les gens sont invités à aller s’entrainer à la piscine intérieure du YMCA. Dans le même numéro, en page 8, on peut voir, pour la première fois, un rendu architectural de la façade (voir image 16).

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Images 22-23 : Cliquez sur chaque image et laissez la souris sur celle-ci pour voir le texte d’accompagnement.

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En première page de l’édition suivante, le 21 juin 1940, la nouvelle est que la ville s’attend à devoir composer avec une foule de plus de 2,000 personnes lors de l’inauguration. Henry Hadley, ingénieur en chef de la ville est chairman du comité responsable de l’organisation de l’évènement. Mais c’est dans le prochain numéro, celui du 28 juin 1940, que les contours de ce qui s’annonce comme un évènement de prestige prennent forme. Tout en haut de la une, à l’encre rouge et gros caractère, on lit : PREMIER TO OPEN SWIMMING POOL (voir image 17). Dans un échange de lettres avec le maire, le premier ministre du Québec, Adélard Godbout, répond à son invitation : « [I]f at all possible we will make it a date to be present on this occasion ». Pour la première fois dans l’histoire de Verdun, un premier ministre provincial sera présent lors d’un évènement public. Sur une note plus amère, dans un entrefilet, mais quand même présenté au-dessus du pli, on apprend que, sur décision de la ville, le contrat pour la gestion des deux locaux du casse-croute du Natatorium a été retiré à M. Minicucci pour être donné à W. Gunhouse. L’article ne donne aucune motivation pour cette décision, mais certainement que 1940 n’était pas une bonne année pour avoir un nom à consonance italienne, même (ou surtout?) à Verdun.

Image 27 — The Guardian, 12 juillet 1940 — National Swim Meet Opens Tonight—Aquatic Stars Arrive to Compete in Events, Defend Their Titles. Première page qui coïncide avec le jour de l’inauguration du Natatorium, certainement un des jours les plus important dans l’histoire de Verdun à date. Malgré tout, on constate que le monde est autrement préoccupé durant cet été 1940.

C’est vraiment dans les éditions du 5 et 12 juillet 1940 que la frénésie autour de l’inauguration atteint son comble. L’hebdomadaire confirme non seulement la présence du premier ministre et de plusieurs ministres de son gouvernement, mais aussi celle du fameux ministre des Travaux publics, T. D. Bouchard. De plus, il contient dans chaque édition deux pleines pages de publicités et d’information pour inciter un large public à participer lors de la soirée inaugurale.

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Images 28-29-30 : Cliquez sur chaque image et laissez la souris sur celle-ci pour voir le texte d’accompagnement.

En finale, c’est le court texte en dessous des deux clichés du quotidien La Presse qui nous rapproche le plus du déroulement de cette soirée. Une grande foule (mais visiblement moins que 5,000 personnes) et des discours d’ouverture lus par un échevin de la ville, Omer Bombardier, le député provincial de Verdun, Leo J. Comeau, et bien entendu le maire Wilson. Pas de premier ministre ni même de ministre. Selon l’article dans The Gazette, les discours seront surtout consacrés à remercier les chômeurs ayant travaillé dans le cadre des programmes d’assistances. Le maire, en mentionnant les contributions du gouvernement fédéral et provincial, dira : « Without their aid, this natatorium could not have been built ».

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Images 31-32-33 : Cliquez sur chaque image et laissez la souris sur celle-ci pour voir le texte d’accompagnement.

Mais tout cela ne réduira en rien l’enthousiasme des Verdunois envers leur Natatorium, puisque, selon un article du Guardian du 26 juillet 1940, la première semaine attira 7,075 baigneurs payants et plus de 5,500 enfants admis gratuitement. Avant la fin de la deuxième semaine, c’est plus de 18,000 baigneurs qui auront utilisé la piscine. Les enfants sont admis gratuitement avant midi et, selon un arrangement conclu par le maire avec l’armée, les soldats peuvent utiliser en exclusivité les installations les mardis et vendredis, de 11 h à midi.

Image 34 — La Presse, 13 juillet — À l’inauguration de la piscine de Verdun, page 19 — Ce sont les deux seules images de ce moment qui nous sont parvenues. La photo du bas montre que la cérémonie se déroulait autour du bassin de plongée. Il est toujours délicat d’estimer une foule, mais on peut affirmer avec confiance qu’il n’y avait pas là 5 000 personnes. Il semble aussi évident que, si le premier ministre ou de ses ministres avait été du nombre, ils auraient été dans la photo. Ceux que nous voyons ici sont, dans l’ordre habituel, l’échevin Omer Bombardier, le député provincial de Verdun et membre du parti du premier ministre, Léo J. Comeau (au micro) et monsieur le maire avec sa femme. L’histoire ne nous apprend malheureusement pas pourquoi, mais leurs langages corporels ne transpirent pas, comme le dit la chanson des vieux pays, a jolly good time.

Sources et références

Hebdomadaire The Guardian, volumes de 1931 à 1940, consultés à la Salle Canadiana de la Société d’histoire et de généalogie de Verdun (SHGV);

Les services de la Ville de Montréal ont produit deux excellentes études sur le Natatorium. Un bref énoncé de sept pages de l’intérêt patrimonial, en 2019. Il se trouve facilement en ligne. Produit la même année, mais qui se voulait beaucoup plus exhaustive, une « Recherche documentaire », produit par la division du patrimoine de la Ville. Les plans de construction présentés ici sont extraits de ce document. Il est disponible sur demande à la Ville et nous en avons une copie à la salle Canadiana de la SHGV.

Les informations et les citations en anglais sur la conception des complexes aquatiques à NYC durant les années 1930 sont extraites du chapitre « Catalog of Build Work and Projects in New York City, 1934–1968—Pools », pp. 135-157, de l’ouvrage édité par Hilary Ballon et Kenneth T. Jackson, Robert Moses and the Modern City—The Transformation of New York, publié chez W. W. Norton (2007).

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